La Sculpture

Ça y est, tu te lances dans un nouveau projet et cette fois-ci tu en as pour deux ans.

De nouveau tu traverses la France pour t’installer dans une nouvelle ville, mais jusqu’au jour de la rentrée, tu n’es pas sûre d’être prise, car tu es sur liste d’attente. Tu attends dans l’appartement d’une amie qui a été prise, elle. Tu patientes, stressée de plus en plus, voyant ton dernier espoir s’envoler au fur et à mesure que les minutes s’égrènent.

Les larmes montent petit à petit, puis ton téléphone sonne et tu te jettes dessus ! C’est le lycée ! Le seul de France qui propose cette formule de formation. Une place c’est libéré, enfin. On t’invite à rejoindre l’établissement dès que possible, tu informes ton interlocuteur que tu es déjà sur place et tu lui demande où tu dois te rendre.

Tu rejoins toute guillerette ta journée d’information, retrouvant ton amie et c’est le début de tes deux ans d’études où tu vas apprendre les bases du métier de sculpteur sur bois, marqueteur et tourneur sur bois. Trois CAP en deux ans, une opportunité intéressante, qui va te permettre d’être polyvalente dans ton futur métier.

1 an pour la sculpture et la marqueterie et un an pour le tournage et la marqueterie, le seul CAP que tu passeras en deux ans.

 

Tu as tout un tas de nouvelles choses à découvrir et à apprendre, c’est génial !

Tu débutes cette nouvelle année par la sculpture.

Cette discipline t’ouvre de nouveaux horizons. Tu apprends le maniement des gouges, cet outil sensible, fragile, qui va devenir l’extension de tes doigts. Il faut apprendre à la pousser avec la paume de ta main, la force de tes doigts, ou à l’aide de ta mailloche (sorte de petit marteau, cylindrique, avec une tête en laiton), mais aussi la retenir, pour ne pas retirer trop de matière, ou casser une arrête par exemple.

Tu découvres une toute autre méthodologie, qui t’obliges à voir les volumes dans ta tête, avant de les former sous tes doigts.

 

Ta découverte commence par un plâtre. Il représente une feuille d’acanthe (ornementation très répandue). Tu l’observes, ignorant tout de la manière dont il faut s’y prendre pour faire la même chose dans le bois. De toute façon, ça n’est pas pour tout de suite, il faut d’abord commencer par le dessin. Tu couches sur papier les lignes, les courbes et contre-courbes, les petits éléments de mouluration (bout de moulure) et de décor. Puis viens la phase de l’ombrage, très importante, qui permet de rendre les volumes et de mieux comprendre le travail qui sera à effectuer. Tu dois le faire de façon académique, donc ton éclairage se trouve toujours en haut à gauche.

 

Une fois cette étape effectuée, tu te retrouves face à ton établi de sculpteur, qui n’a rien à voir avec celui d’un ébéniste. Ce dernier doit t’arriver au niveau des hanches, alors que celui de sculpteur arrive un peu en dessous des coudes. En ébénisterie l’établi fait plus d’1 mètre 50 de long, en sculpture il fait à peu près un mètre, il ne comporte qu’une presse allemande (pour presser la pièce de bois entre deux griffes, sur les côtés) et un espace dessous composé de planche de bois, pour stocker ton matériel.

On te confie une trousse très précieuse, qui contient toutes les gouges qui te sont prêtés pour cette année. Tu la déroule et fais la connaissance de tous ces outils, tous plus ou moins utiles, en fonction de ta façon de travailler. On te donne leur nom et leur utilité, avant de partir pour un cours d’affûtage, l’étape la plus importante.

Il va te falloir te montrer méthodique, régulière et légère, car si tu appuies trop sur l’outil, tu vas faire bleuir le métal et là c’est foutu, tu devras tout retirer à la meule et tout reprendre depuis le début, donc tu fais très attention à ne pas faire chauffer ta gouge.

Tu ne dois passer à la meule que les gouges dont l’arrête tranchante n’est plus parfaitement droite, donc toutes celles possédant des creux dans leur arrête, à force de marteler le bois.

Les autres se contenteront d’un réaffûtage plus léger, donc moins abrasifs, qui suffira largement pour que l’arrête retrouve son tranchant d’origine.

Pour celles les plus abîmées, il va leur falloir un passage à la meule, pour retirer les creux et retrouver une arrête régulière et parfaitement droite, tout en conservant le cintre de la gouge.

Une fois cette étape, plus ou moins longue effectuée, tu te munies d’une pierre à affûter, pour retirer ce que l’on appelle le more fil, c’est une petite pellicule de métal qu’il faut retirer délicatement à l’aide d’une pierre humidifiée, pour que le tranchant de l’outil soit impeccable.

Pour parfaire le tout, tu peux passer au polissage, étape non obligatoire, mais qui a le mérite de prolonger un peu plus encore le tranchant de la gouge dans le temps.

C’est un apprentissage long et ardu, mais plus que nécessaire, c’est indispensable d’être totalement autonome dans l’entretien de ses outils, car sans ça, un sculpteur ne peut pas faire du bon travail et se fatiguera beaucoup plus vite, puisque son outil ne tranchant plus, il devra appuyer beaucoup plus fort pour retirer de la matière.

Maintenant que cela est fait, la prochaine étape consiste à coller la pièce de bois qui sera sculptée, sur un support quelconque et entre les deux est placé une feuille de journal, pour aider lors du décollage, quand la sculpture sera finie.

 

Ensuite, sur les côtés de la pièce est tracé une droite, qui marque la hauteur du relief souhaité, la même que celle relevée sur le plâtre.

Tu presses le support de ta pièce à ton établi, tu disposes sur la pièce de bois une feuille de papier carbone et par-dessus tu mets le tracer de la sculpture à effectuer. Avec délicatesse tu repasse sur le crayon à papier, pour que le papier carbone le retranscrive sur le bois. Seulement là, tu peux commencer à sculpter.

Tu commences avec la gouge à dégrossir, la gouge la plus importante par ces dimensions, qui lui permettent de retirer beaucoup de matière en peu de temps. Avec celle-ci tu abaisses le fond et ainsi, par la même occasion, tu montes le relief de ta sculpture.

C’est après cette étape, que la magie fait son apparition. Ce que tu imagines dans ta tête, apparaît sous tes doigts. Chaque coup de gouge découvre un peu plus la sculpture que tu souhaites mettre à jour.

Ce moment est le plus compliqué aussi car, pour pouvoir faire apparaître les volumes souhaités, il faut faire disparaitre le tracé de la sculpture et le redessiner au fur et à mesure. Ainsi c’est un jeu de cache-cache, avec les courbes et les lignes, qu’il faut sans cesse redéfinir, tout en respectant au mieux, le tracé d’origine.

Il faut respecter un ordre de travail, on ne peut pas commencer par n’importe quoi. Après avoir utilisé la gouge à dégrossir, il te faut utiliser une plane, afin de rendre le fond le plus lisse possible pour qu’il puisse ensuite te servir de repère pour la hauteur des volumes. Viens le tour des contours, que tu marques à l’aide de différentes gouges et burins, puis tu descends la matière là où il convient de le faire.

Après avoir longtemps travaillé les volumes, pour retranscrire au mieux la sculpture en plâtre, tu t’attaques aux finitions, en effectuant les petits détails qui font toute la différence et qui demande plus de précision et de délicatesse encore, que les étapes précédentes.

 

La sculpture c’est une méthode particulière, qui mets du temps à être acquise et plus encore à être maîtrisé, c’est une façon d’imaginer les volumes, pour pouvoir les montrer de son mieux. C’est un jeu d’angles, de courbes et contre-courbes, de coups de gouges subtils et délicats. C’est des moments magiques, où la réalité prend la place de l’imagination, ou le bois dur et sec, se montre tendre et chaud.

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