Maintenant que tu sais où tu veux aller, les choses vont aller d’elles-mêmes. Mais il t’en aura fallu du temps pour trouver. Partir 9 mois en Angleterre, comme jeune fille au pair, t’aura permis de faire le point sur ta vie et prendre le temps de réfléchir à quoi tu voudrais qu’elle ressemble, quel métier te conviendrait. Une rencontre te fis entrevoir le métier et ça t’aura suffi pour te lancer.
Tu apprendras dès ton CAP d’Ébénisterie qu’il n’y a pas de débouchés dans ce domaine et que donc, tu auras beaucoup de difficultés à trouver un emploi. Tu ne le prends pas vraiment en compte, car tu n’y es pas encore.
Pour le moment, tu veux acquérir les connaissances nécessaires pour avoir les bases du métier.
Alors tu découvres la douleur des débuts, en restant toute la journée debout, ou presque, tu apprends que chaque millimètre compte et qu’à force de fermer les yeux sur ces petites différences de demi-millimètre, tu te retrouves vite avec un écart de 5, beaucoup trop visible.
Tu te rends aussi compte que tu te reposes beaucoup trop sur les autres pour t’aider et ils te le reprochent à force.
Les reproches sont important, se sont eux qui te permettent de prendre conscience de tes erreurs plus facilement, plus rapidement, mais ils sont souvent abrupts et inattendus. Alors tu te rappelles qu’ici aussi tu dois te blinder et encaisser les remarques, pour t’améliorer, toujours et encore.
Ce n’est pas parce que tu as enfin trouvé ta voie et que ta vie est étrangement rose depuis, qu’il ne va plus se trouver de difficultés sur ton chemin.
En attendant, tu découvres le doux son de ton rabot bien affûté qui siffle lorsque tu l’utilise sur une pièce en bois de fil. C’est un son aigue, mais qui n’irrite pas l’oreille. L’exigence du ciseau, qui doit suivre le trait de crayon, tout en n’en retirant que la moitié, si tu souhaites être le plus précis.
Le but n’est pas d’aller vite, ni même d’être efficace, mais de ressentir au plus près le geste. Comprendre comment se placer soi-même et l’outil, pour obtenir le résultat escompté. Ressentir le mouvement par chaque contraction de muscle, découvrir et reconnaître une coupe parfaite de chaque fibre du bois.
Tu es loin de la perfection et c’est normal, tu débutes, mais à l’époque tu vis mal tes essais, que tu vois comme des échecs, alors qu’ils n’en sont pas, ce ne sont que des reflets de ton apprentissage, qui te permettent de t‘améliorer encore et encore.
Heureusement, tu apprends vite à te remettre au boulot, après un nouvel essai dont le résultat ne te convient toujours pas.
Tu te rends bien compte que tu es à la traîne comparée aux autres, mais ton objectif ne change pas pour autant. Tu apprends à te servir des machines, dont tu te méfie et qui, en un sens, donne un autre aspect à ton travail, que tu n’es pas sûre d’apprécier, mais soyons réaliste, ça fait gagner un temps fou.
Le maniement des ciseaux à bois, de la scie, du rabot, du maillet te devienne de plus en plus familier, tes pieds ne te font plus souffrir et retrouver ton établi c’est un peu comme rentrer chez soi.
Tu t’échines à retenir les connaissances théoriques, mais tu vois bien que le plus simple à retenir pour toi c’est la pratique manuelle et l’histoire des styles du mobilier.
Tu admires le travail des bâtisseurs de l’époque gothique, qui risquaient jusqu’à leur vie pour construire un édifice magnifique, qui traverse les époques sans sciller.
Tu retiens sans aucune difficulté le nom des différentes ornementations de ces monuments. Pinacles, arc brisé, nef, chœur, comme si ce dernier était vivant après toutes la sueur et le sang qui a coulé pour le voir naître.
Ces monuments historiques ont une âme, pour toi qui t’intéresse aux personnes qui les ont construits de leurs mains.
Une machine ne pourra jamais donner une âme à un objet qu’elle aura construit. Que ce dernier soit parfait n’y change rien, bien au contraire. Seul un humain peut y parvenir, en y mettant tout son savoir-faire, sa passion, un peu de patience et une bonne dose d’huile de coude.
Tu passes ton CAP, stressée, mais tu l’obtiens, sans pour autant te sentir artisane. Tu as acquis des connaissances, des compétences, mais pour le moment, tout reste théorique, car tu n’intègres pas tout de suite le monde du travail. Ta prochaine étape… encore des études.