Le 30 septembre 20XX,
Cher journal,
J'ai réorganisé ma façon de rendre compte de ma vie en tant qu'humaine. Pour les cours, je pense que j'évoquerai rapidement quelques auteurs importants et leurs œuvres dans mon carnet, et je ferai des fiches en détail plus tard. Si un événement majeur a lieu, je le raconterai ici pour sûr. Mis à part le prix exorbitant des livres pour les différents cours et certaines méthodes d'enseignement que je juge peu efficaces, la vie à la faculté me plaît réellement.
Dans ma promotion, une franche camaraderie semble exister. Je m'entends bien évidemment mieux avec les filles de l'association, mais il y a quelque chose au fond de moi qui ne me permet pas, du moins pas encore, d'appeler ça de l'amitié. Ce n'est pas de leur faute, comme je l'ai dit, ça vient de moi. Quand bien même ce mois de vie fut très enrichissant, il a des choses dont je doute. Pourtant, au vu des derniers événements, il est clair que les humains sont capables de créer des liens d'amitié, j'ai cessé complètement d'en douter quand j'ai vu la façon dont Jenny et Agatha se soutenaient, mais aussi au travers de la relation entre Tom et Jenny. J'ai vu la joie de chaque membre de l'association, et ma propre joie de les retrouver pour manger ensemble le midi. J'ai ressenti mon bonheur de passer du temps avec ces gens, de rire avec eux, d'apprendre à les connaître. Et pourtant, j'ai l'impression qu'il y a encore un mur. Peut-être une forme de déni ? Malgré tous les efforts d'Amanita et de ses mères, je n'ai pas été épargnée par les cours qui m'ont tant appris des humains, et surtout le pire. Quand on voit l'hypocrisie, les trahisons, les manipulations qu'ils ont exercées, il est difficile de ne pas croire qu'ils peuvent être bienveillants et amicaux sans rien attendre en retour. Le problème est que je suis confuse : les membres de l'association ne semblent rien attendre de moi, si ce n'est que soutenir les autres membres et les assister lors de l'organisation d'évènements. Jenny veille à la bonne entente entre les membres, mais il est évident que ce n'est pas juste pour nous garder à l'association. En fait, j'étais confuse parce que c'était différent de la notion d'amitié que je connais avec Amanita, au sein de l'association il y a quelque chose en plus. Il m'a fallu du temps pour poser le doigt sur ce que je ressentais. Ou du moins, j'ai mis du temps à trouver le bon mot. J'ai ressenti les effets de la sororité.
Ce mot, je l'ai entendu pendant le cours de théorie littéraire féministe. Je ne l'avais jamais entendu de ma vie, pas même à Moonstone. J'ai cherché sa définition, et voilà ce que j'ai trouvé :
"Attitude, lien de solidarité féminine, basé sur le principe de fraternité masculine".
Quand j'ai vu la définition, j'ai rapidement compris que c'était quelque chose qui ne pouvait être que propre aux humains : chez nous, les femmes et les hommes (si on conserve la vision assez binaire des humains) n'ont jamais été l'un en face de l'autre. Tout le sexisme, la misogynie, les oppressions subies par les femmes humaines n'ont jamais eu lieu du côté des sorcières, car nous avions à cœur d'être au plus proche de la perfection, et nous ne sommes parfaits que lorsque tout est parfait : il était alors hors de question de mettre en danger une catégorie importante de la population sur des critères incontrôlables, c'était une injustice totale. Les femmes de Moonstone n'ont donc jamais eu à se serrer les coudes face à un ennemi commun pour leur survie, mais ce n'est pas le cas des humaines.
Cette sororité, je l'ai vue de mes yeux la veille de la soirée d'intégration. Le vendredi après-midi, Jenny a réuni les membres actifs de l'association pour faire le point.
— Bon, comme vous le savez, notre campagne sur le consentement a su être largement diffusée au sein du campus, mais aussi sur le groupe Facebook de la fac et son compte Twitter. Mais... ça ne garantit pas le risque zéro. Je vous ai réunis aujourd'hui pour qu'on fasse le point sur le comportement à adopter durant cette soirée.
Ntina et Agatha ont soupiré. Elles semblaient vraiment blasées.
— J'en ai marre de devoir toujours faire attention... on devrait faire des soirées où on bannit les hommes, là on serait carrément tranquilles ! s'exclama Kate, qui exprimait son mécontentement de façon plus radicale.
— Je comprends totalement votre colère, et moi-même j'ai horreur de devoir vous donner une ligne de conduite, alors que ça devrait être aux hommes cis de cesser d'être des prédateurs. Mais votre sécurité est ce qui m'importe le plus, répondit Jenny, qui pour une fois affichait un regard attristé.
Jenny a ensuite projeté sur le mur un powerpoint. Plusieurs règles s'y affichaient :
— Surveillez votre verre
— Buvez de l'alcool avec modération
— Evitez les stupéfiants
— Ne restez pas seul.e.s et n'hésitez pas à demander de l'aide aux autres
— Gardez un œil vigilant non seulement pour vous-même, mais aussi pour les autres
— Si besoin, faites un signe au vigile afin qu'il puisse intervenir et empêcher une éventuelle agression
— Après la soirée, ne rentrez pas seul.e.s : des groupes seront organisés afin d'éviter qu'une personne potentiellement vulnérable ne se retrouve en danger.
Tom, qui s'était installé dans le fond, avait dégluti bruyamment en voyant les recommandations de Jenny.
— Ce truc m'angoisse. Pas parce que ça rend parano, mais parce que c'est la réalité.
— Si tu ne te sens pas en sécurité, tu n'as aucune obligation de venir. Personne ne t'en voudra pour cette décision, et de même pour vous les filles. Je sais que depuis Jameela la soirée d'intégration se passe généralement bien, mais si vous ne le sentez pas, ce n'est pas grave. De toute façon, notre contre-soirée la semaine prochaine sera géniale !
Jenny voulait ainsi s'assurer que tout le monde pourrait se sentir en sécurité et entendu. En ordonnant aussi aux membres de l'association de protéger les autres femmes durant la soirée, elle me montrait sans le savoir ce que signifiait vraiment la sororité : on se protège les unes les autres.
Pour être honnête, les consignes de Jenny m'ont un peu fait peur. L'administration de Mara m'avait prévenue qu'en tant que femme, je m'exposais à des risques inouïs, notamment les violences sexuelles. Je savais qu'il fallait être vigilante, mais je ne pensais pas que c'était à ce point. On ne peut pas relâcher son attention une seule seconde, parce que tout peut arriver très vite, et on doit se préparer mentalement au pire. C'est horrible d'être une femme sur Terre. Nous, à Moonstone, on ne pense pas à ça. On pense à la musique sympa, la bonne ambiance, les jeux et la nourriture quand on nous parle de soirée. On ne pense à rien d'autre puisqu'il n'y a strictement aucun risque. Nous ne vivons pas dans la peur, mais les femmes humaines oui. J'ai la chance de pouvoir utiliser la magie pour me défendre en cas de besoin, mais elles ? Elles n'ont rien.
J'ai eu peur de cette soirée, mais je me suis dit que la sororité passait avant tout : je devais protéger mes sœurs humaines et les laisser s'amuser, même si je devais mettre mes pouvoirs à leur service.
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Nous avons séparé les membres actifs en deux groupes : Tom, qui a accepté de venir, a été placé avec Ntina et Kate, tandis que mon groupe se composait de Jenny et Agatha. Le premier groupe allait dormir chez Tom, qui vit non loin de chez moi, et mon groupe squattait chez Agatha, qui avait un appartement plus grand et avec plus de couchages. Jenny et moi sommes alors allées chez Agatha pour nous préparer. J'avoue que je ne sais pas comment s'habillent les humains pour leurs fêtes, mais chez nous, on se met sur notre 31 : robes de soirée, costume cravate... il faut que ce soit le plus classe possible même si on passe seulement un soir entre amis. Je l'avoue, j'adore sortir avec des robes de princesse. Pour cette fête, j'avais prévu une super robe longue rose pale en mousseline avec des épaulettes qui retombent et un joli décolleté. Franchement, auto-compliment, j'avais l'air d'une déesse.
L'appartement d'Agatha était effectivement très spacieux, et surtout lumineux. Ses meubles étaient à la fois minimalistes et colorés, des photos partout sur ses murs et des décorations rendant son lieu de vie aussi joyeux et chaleureux qu'elle. Regroupées dans sa salle de bains, nous nous sommes habillées et maquillées toutes les trois. C'était très intéressant de voir Jenny et Agatha se préparer, car l'une coiffait l'autre, elles se faisaient les ongles... et elles m'ont même conseillé de mettre un eye-liner doré. Chez nous, le maquillage n'est pas vraiment fantaisiste, c'est vraiment fait pour s'apprêter de façon "classe". On ne se maquille d'ailleurs que pour de grandes occasions. Mais quand je vois les rouges à lèvres variés que porte Ntina, je me dis que moi aussi, j'aimerais bien me maquiller un peu plus souvent. Bah d'ailleurs, qu'est-ce qui m'empêche de le faire ? Lundi, je débarque avec mon plus beau rouge à lèvres. Bref. Agatha portait une superbe robe rouge qui avait un effet de velours, tandis que Jenny était partie sur un smoking noir de jais. Toutes les deux apprêtées, elles avaient l'air de stars de cinéma, comme j'ai pu en voir dans les films humains. Décidément, le premier qui dit qu'ils ne sont pas capables d'être stylés, il va affronter mon rire condescendant.
Nous nous sommes rendues toutes les trois à la salle des fêtes qui avait été louée pour l'occasion. J'y voyais tout un tas de premières années, et j'ai vu quelques camarades qui effectuaient eux aussi un échange universitaire. Nous avons rejoint Tom, Kate et Ntina qui discutaient avec Lisa, Tristan, et un garçon que je ne connaissais pas.
— Bon, le maître mot ce soir c'est la vigilance. On a interdit le bizutage, c'est pas pour que ça se fasse dans notre dos. J'ai parlé avec Esther et Fanta, elles et les membres de leurs assos' respectives gardent aussi l'œil ouvert, disait Lisa.
— Je suis ravie d'entendre ça, même si ça ne m'étonne absolument pas d'elles, répondit Jenny quand nous sommes arrivées.
Kate, qui s'est d'abord empressée de complimenter ma tenue, m'a ensuite expliqué qu'Esther était la présidente de l'association LGBTI de la fac, et Fanta la présidente de l'association de lutte contre le racisme. Ces dernières sont d'ailleurs venues se présenter.
— Salut ! Moi c'est Esther, j'suis la présidente de l'assos' LGBTI « Here and Queer » ! Ça fait sept ans qu'on existe, et on travaille avec d'autres associations pour nos campagnes. Ravie de te rencontrer, Tom et Samira m'ont beaucoup parlé de toi !
— De même de mon côté avec Ntina. Je m'appelle Fanta, je suis la présidente de notre association anti-raciste "People of Power", qui existe depuis dix ans environ. On fait régulièrement des collaborations avec d'autres associations, si tu as des suggestions, n'hésite pas à nous les soumettre.
Elles portaient toutes les deux des robes de soirée, pour Esther une robe verte qui faisait ressortir ses cheveux roux, et pour Fanta une robe longue bleu nuit, qui était en accord avec ses tresses dégradant du bleu foncé au violet. Nous avons discuté toutes les trois pendant une vingtaine de minutes, discutant principalement des études et de nos hobbies. On a beaucoup parlé lecture et représentation des différentes minorités dans la littérature et la culture en général. Elles étaient ravies de voir que je m'y intéressais grandement.
— Sérieusement, comment se sentir normal sans voir des personnages qui nous ressemblent ? maugréa Esther.
— Et surtout quand ils sont volontairement modifiés alors qu'ils étaient comme nous à l'origine... soupira Fanta.
Je ne le savais pas avant d'arriver sur Terre et de m'inscrire sur les réseaux sociaux, mais j'ai rapidement découvert que les classes dominantes prenaient un malin plaisir à effacer les minorités existantes de la culture. Des femmes célèbres ne sont pas mentionnées dans l'Histoire ou dans la culture, de même que des personnes de couleur ou lgbti sont soit totalement effacées, soit carrément modifiées : j'ai découvert par exemple que dans le monde du cinéma, beaucoup d'acteurs blancs ou non lgbti jouaient les rôles de personnes de couleur ou lgbti. Du coup, beaucoup de personnes ont grandi sans avoir de modèle célèbre, que ce soit des personnages fictifs ou réels, et ça a eu un impact fort sur leur vie car, d'après ce que j'ai compris, ces personnes ne se sentaient donc pas dans la norme, et ça provoquait de nombreux complexes chez ces humains.
— Je suppose que j'ai eu de la chance, car ma famille est très ouverte et m'a éduquée sur beaucoup de points et m'a fait découvrir de nombreuses figures, alors ce n'était pas un problème pour moi quand j'ai compris que j'étais... comment vous dites déjà ? Ah oui, bisexuelle !
Il n'y a pas vraiment de mots pour définir les orientations sexuelles à Moonstone. J'ai dû apprendre ce vocabulaire avant de venir ici. Pour une raison que j'ignore, j'ai cru voir un éclair de malice dans le regard d'Esther quand j'ai annoncé ça. En voyant la tête qu'elle tirait, elle m'a légèrement fait penser à Amanita. Elles se seraient bien entendues toutes les deux.
— Je suis contente pour toi si tu as pu grandir avec de bons modèles, j'espère pouvoir un jour entendre ça de la bouche de toutes les personnes que je croise, me répondit Fanta en souriant, avec un air bienveillant.
Nous avons continué tranquillement de faire connaissance tandis que nous commandions une boisson. J'avais pris la décision de ne pas boire d'alcool ce soir-là, et plutôt attendre la soirée en petit comité de notre association pour me sentir vraiment en sécurité. Tom et les filles des Feministas sont venus boire un peu avec nous et surtout manger après une bonne heure de démarchage auprès des petits nouveaux et petites nouvelles afin de susciter leur intérêt pour différentes associations et activités qui vont avec. Il y avait principalement des toasts et des petits fours à manger, mais c'était amplement suffisant. J'ai aussi parlé avec le garçon que je ne connaissais pas. Maintenant, je sais qu'il s'appelle Keith, et il fait partie de l'association des Handicapables.
Des jeux sympas avaient été organisés pour animer la soirée, mais personnellement, j'attendais avec impatience le concours du jeu de danse. Je m'étais vraiment entraînée à fond : j'avais très envie de briller par mes compétences physiques. Ce fut d'ailleurs Jenny, visiblement satisfaite que la soirée se déroule sans accrocs, qui annonça le début des inscriptions une heure avant le démarrage du concours. Le lot était, je cite "une petite coupe, et une chance de montrer qu'[on] avait une sacré dose de style". Il y a eu en tout une trentaine de participants, séparés en trois groupes pour faciliter le déroulement du concours. Ntina, Kate, Agatha, moi et Jenny avons participé aussi. Lisa aussi avait décidé de se prendre au jeu :
— Avant d'être paraplégique, je savais super bien danser ! Et vous savez quoi, j'suis tellement douée que je n'ai même pas besoin de mes jambes pour vous éclater.
Tristan et elle ont fait un high five. Jenny, qui était dans les parages, s'est jointe à la conversation.
— Tu sembles oublier que j'ai fait de la danse classique. Ce concours, je l'ai organisé, et je compte bien le gagner également, dit-elle, en faisant un pas en avant.
— Oh ? Tu t'approches ?
— Il faut bien que je m'approche de toi pour mieux voir ton regard quand je vais te voler la victoire !
Promis, on ne dirait pas comme ça, mais il n'y avait aucune animosité entre elles. Au contraire, toutes deux semblaient ravies de pouvoir s'affronter.
— La perdante devra à l'autre dix cafés à la machine de la fac.
— Marché conclu.
Vous vous souvenez de la tension digne de deux parrains de mafia quand elles ont décidé de s'allier contre Dickens ? Je vous jure que cette tension était revenue. Mais étrangement, ce n'était pas du tout malsain ? Les humains me rendent confuse. Ils ont vraiment beaucoup d'émotions et ça change radicalement l'atmosphère pour quelque chose d'encore plus complexe. C'est sûrement pour ça que les comprendre est un art.
Jenny et Lisa se sont serré la main, et se sont mises en piste. J'ai fait de même, espérant secrètement être la grande gagnante. Je me suis d'ailleurs vraiment amusée ! Les chansons et les chorégraphies étaient super, et c'était plutôt drôle de voir d'autres personnes galérer et en rire. Malheureusement pour moi, je fus éliminée en demi-finale. Mais le plus incroyable, c'est que Jenny et Lisa avaient bel et bien fait un massacre auprès de leurs adversaires, et sont parvenues en finale. Lisa, accompagnée de Tristan, lui lança ses dernières instructions.
— Tristan mon chéri, normalement mon fauteuil est bien calé, mais par sécurité, reste derrière moi. Ce serait con que je doive des cafés à Jenny juste parce que je me suis cassé la figure à cause de mon fauteuil !
— Mais Lisa, je risque de me prendre ta manette dans la tronche !
— La moitié des cafés seront pour toi.
— Ma chérie, je suis prêt à prendre tous les risques pour toi.
Tristan lui avait répondu sans hésitation. Les humains sont donc corruptibles aussi facilement ? Enfin, j'avoue que je critique, mais je ferais moins la difficile sur certaines demandes si on me promettait une barquette de frites derrière. J'ai goûté les frites humaines, c'est une tuerie ce truc. Profondément gras et salé, mais délicieux. Finalement, je ne vais pas ramener que des données excellente pour étudier les humains en rentrant à Moonstone, mais peut-être bien aussi du cholestérol et du diabète. Mais il faut avouer que leur nourriture a vraiment du goût. Bref. La bataille finale était sur le point de commencer, et j'aurais juré que toutes les personnes présentes à la soirée étaient en train d'observer notre concours.
— On se fait ça en mode extrême, lança Lisa.
— Il faut au moins ça pour que ce soit amusant, répondit Jenny.
La musique s'est lancée. Et là, j'ai vu la lumière. Enfin, par la lumière, je veux dire que j'ai enfin pu voir clairement Jenny et Lisa en action. Elles suivaient le rythme à la perfection avec une grâce que j'aurais été incapable de reproduire. Derrière Lisa, je voyais Tristan se contorsionner pour éviter de justesse les grands gestes de sa petite amie. Vu comme elle était concentrée, elle aurait pu le faire tomber dans les pommes sans même s'en rendre compte. La tension était d'ailleurs à son comble tandis que les deux enchaînaient les "perfect" sur le jeu. Mais enfin, la chanson a pris fin, et le score s'est affiché.
Jenny : 3751
Lisa : 3752
— À un point, j'ai gagné à un point... oh la vache, j'ai jamais eu aussi chaud de toute ma vie...
— Un point... j'ai loupé dix cafés gratuits à un point...
Juste après ça, Jenny s'est allongée sur le sol pour respirer, et Lisa s'est effondrée sur son fauteuil.
— Plus jamais... plus jamais le mode extrême...
— Tu as mérité tes cafés... et tu as raison... plus jamais le mode extrême...
La foule avait laissé quelques minutes de répit aux deux jeunes femmes avant d'applaudir et de faire du bruit. Tous félicitaient Jenny et Lisa, mais aussi Tristan, qui était tout pâle.
— Plus jamais le mode extrême avec Lisa... j'ai failli être défiguré pour cinq cafés...
Je n'ai pas pu m'empêcher d'exploser de rire avec les autres. J'appréhendais beaucoup cette soirée, mais quand j'ai vu que tout le monde veillait sur tout le monde, je me suis détendue et j'ai commencé à vraiment apprécier mon temps ici. Le travail des Feministas et des autres associations avait clairement porté ses fruits. Il y avait eu quelques idiots qui harcelaient des filles au loin, mais ils ont très vite été dégagés par les autres élèves, et il n'y avait pas eu de bizutage pouvant mettre en danger les nouveaux. La soirée s'est terminée vers 2h du matin, avec une Lisa et une Ntina pompettes à cause de l'alcool (c'est rigolo ce mot "pompette", j'ai appris ça de Kate) :
— Toi, t'as du style.
— Non, TOI t'as du style !
— Non, c'est toi, toi t'as la coupe du style.
— Ah oui, c'est vrai... j'ai trop la classe ! s'exclama Lisa en brandissant sa coupe. Tristan, qui avait vu le coup venir, a pu éviter de justesse un sacré cocard.
Tout le monde s'est réuni avec son groupe, et nous sommes rentrés chez nous sans encombre. Tandis qu'Agatha se lavait les dents, je voyais Jenny enfiler son pyjama avec un grand sourire.
— Je suis contente. La soirée s'est très bien passée grâce à notre vigilance. Moi-même, je me suis beaucoup amusée, l'idée de ce concours était super. Je vais avoir de grosses courbatures demain matin, mais ça en valait la peine.
— Ntina va encore avoir mal aux cheveux demain matin ahah ! J'espère que Tom a du doliprane chez lui ! disait en riant Agatha, qui appliquait désormais une crème de nuit sur son visage.
— Mal aux cheveux ?
— C'est une expression pour dire qu'elle va avoir mal à la tête à cause de l'alcool. Je pense que ce sera pareil pour Lisa... je plains Tristan, il va galérer à la gérer ce soir...
J'ai fini de me préparer pour la nuit, et je me suis glissée dans mon sac de couchage avec grand plaisir. C'était ma première soirée avec d'autres personnes que mes ami.e.s de Moonstone. Je sais que je ressens encore ce mur qui m'empêche de pouvoir appeler ces filles mes amies, mais... pourtant, si je devais décrire cette soirée... je dirais que c'était une bonne soirée entre copains et copines. Je suppose que je suis sur la bonne voie. Ça me rassure.
PS : Il s'avère qu'Agatha a été mauvaise langue : Ntina allait très bien ce matin, elle a même préparé le petit déjeuner pour son groupe. Elle nous a envoyé des photos sur le groupe chat !