La sorcière

Il était une fois, une jeune fille qui connaissait les arts anciens. Parce qu’elle pouvait créer des charmes et soigner les gens, on l’acceptait. Mais les habitants du village n’avaient aucune confiance en elle. Ils la craignaient. Si jamais le malheur venait à s’abattre sur eux, nul doute qu’elle serait jugée responsable.

Un jour, malgré tous ses bons soins, elle ne parvint pas à guérir le fils du chef. L’enfant fut décimé, après dépéris plusieurs semaines. La fièvre ne baissait pas. L’empreinte de la morte s’était déjà inscrite sur lui. Personne ne pouvait lutter contre la destinée.

Comme il fallait un coupable, la jeune fille brune fut désignée. Toute la population se leva contre elle. Les gens l’appelaient la sorcière, désireux de la voir trépassée. Ils décidèrent qu’elle serait offerte en tribut au géant de la montagne.

Puisqu’elle allait périr, ses accompagnants choisirent de profiter de son corps. Malgré ses cris et ses supplications, ils restèrent sourds. La peur les prit tout de même, lorsque des pas puissants résonnèrent derrière eux. Terrifiés par cette vision, les hommes s’enfuirent à toutes jambes. Seulement une main démesurée se saisit d’eux, ignorant les hurlements qui s’échappaient d’entre leurs lèvres.

Le géant les souleva dans les airs pour les porter à sa bouche. Sans pitié, il les engloutit tout rond. Quand ils eurent tous disparu dans son estomac, le nouveau venu se tourna vers elle. Croyant sa dernière heure arrivée, la sorcière ferma les yeux. Alors, sans qu’elle s’y attende les doigts la saisir avec délicatesse. La jeune fille termina dans les bras de la créature titanesque. Celle-ci l’emmena dans son château.

Là-bas, le géant discuta avec la jeune fille. Il prit soin d’elle, lui offrant gîte et couvert. Au fil du temps, ils apprirent à se connaître. Face à cet homme qui était passé d’effrayant à attentif, la sorcière tomba amoureuse de lui. Malheureusement, leur romance était impossible. Ils étaient trop différents.

Pour survivre, le maître du château devait dévorer des humains. Tous ceux vivants sur le territoire avaient fui par peur de finir dans l’estomac de leur cruel seigneur. Même en sachant cela, la sorcière l’aimait.

Alors pour lui prouver combien elle tenait à lui, la jeune femme créa un charme puissant. Dans du bois, elle tailla un instrument de musique. Quand vint la nuit, elle se jeta dans le vide de la plus haute tour du château. Sur son inquiétante monture, elle fendit les airs pour voler jusqu’au village. Le vent traversait l’étrange instrument produisant des sons hypnotiques pour tous ceux qui l’entendaient.

Ceux qui y furent les plus sensibles furent les enfants. Dès que la lancinante mélodie toucha leurs oreilles, ils la suivirent. Les yeux dans le vague, les mouvements incertains, ils progressaient tels des pantins. Lorsqu’ils furent réunis autour d’elle, la sorcière les mena au château.

Ainsi se vengea-t-elle des villageois. En plus, elle fit le bonheur du géant. Aujourd’hui encore, on raconte que pendant les nuits sans lune, la jeune fille passe enlever des pauvres malheureux pour les amener à son époux de cœur. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas traîner sur la lande, quand vient le noir.