A la fin de sa peine, il était 7h du matin, j’avais pris le train à 5h45 pour être sûre d’être là pour sa sortie comme une vraie groupie ! Il avait cette odeur qu’à la prison, cette odeur indescriptible mais qu’elle joie de pouvoir le prendre dans mes bras en dehors d’un parloir avec des promesses plein la tête ! Plus rien n’existait autour de nous, le bonheur total !
Le voilà sorti, après un week-end de retrouvailles aussi intenses que merveilleuses, il prend la décision de rester vivre chez son père à 45 min de chez moi pour éviter de retomber dans ses vieux démons. Le but étant qu’il se trouve un travail et que je prenne le train chaque week-end pour que l’on se voit.
J’ai à présent 17 ans, lui 26, j’ai passé mon bac de Français, j’ai fait le strict minimum et je suis tombée sur le seul livre que je ne comprenais pas ! Quelle chance ! Les promesses de Pierre sont rapidement tombées à l’eau, un alcoolique trouve toujours un ami ou un endroit pour boire …et retomber dans ses travers.
C’est comme ça, que nous sommes à nouveau dans le même schéma amoureux, je porte à bout de bras un couple, il me donne toujours de bonnes excuses pour ses absences, ses insultes, sa façon de me traiter, je reste et je l’aime malgré tout et contre tout ! Je le vois se détruire un peu plus chaque jour entre l’alcool et la drogue, je suis intimement persuadée que dans le fond il a un gros mal-être et j'aimerai tellement le sauver de lui-même.
Je me souviens d'un week-end en particulier, c’était l’anniversaire de son père, beaucoup d’alcool, une fille qui l’a dragué toute la soirée sous mon nez sans que je ne bouge le petit doigt ! Et lui non plus d’ailleurs !
La soirée s’est finie en bagarre générale pour une tout autre raison, je me rappelle l’inquiétude et la peur que j’avais je tentais de le calmer, le soigner et lui finalement s’en est pris à moi, insultes, rejets, critiques physiques et malgré tout je l’ai attendu des heures aux urgences cette nuit-là. Comme je le disais plus haut, jamais il n’y a eu une seule journée de routine avec Pierre.
Pourquoi rester ? Pourquoi s’infliger cela ? Par amour, parce que j’avais toujours des excuses, des promesses et des plaintes sur son passé ce qui pour lui justifiait ses actes.
Les mois passent, nos moments ensemble n’existent que parce que je le veux, je suis un plus dans sa vie, un petit plus dont il peut sans problème se passer. Mais tout cela je ne veux pas le voir.
Je suis en terminale, ma vie de lycéenne est super, je suis tellement amoureuse, et il m’a tellement fait perdre confiance en moi que je ne risque pas de croire mériter mieux que le peu qu’il a à m’offre.
Après un week-end sans aucunes nouvelles, l’angoisse me prend j’appelle ses amis, sa famille, les hôpitaux, les gendarmeries mais aucunes nouvelles ! Personne ne l’a vu. A cette époque, sur le site de l’opérateur on pouvait voir les numéros contactés par SMS ou appels, je les ai donc contactés un par un, je ne l’avais toujours pas retrouvé mais j’ai découvert une très gentille Sibylle qui sortait également avec lui sans savoir que j’existais …
Je ne peux même pas expliquer aujourd’hui la douleur que j’ai ressenti, c’était un mélange de peur qu’il lui soit arrivé quelque chose avec le fait qu’il m’ait à nouveau trahis. Je crois que Pierre a toujours voulu plus, toujours plus, je pense que malgré tout il m’a aimé pendant ces années au moins à certains moments, mais il n’a jamais su aimer de la bonne façon.
J’ai fini par recevoir un appel d’une nouvelle juge d’application des peines pour me dire qu’il était de nouveau incarcéré. Retour à la case départ, c’est l’année de mon bac et mon grand amour aussi malsain soit il est de nouveau enfermé. Je devrais le quitter, je devrais le laisser seul face à ses conneries à ses mensonges et ses trahisons mais non ! Bien sûr que non au lieu de tout ça je m’accroche et tente de le sauver à nouveau pendant que lui m’éteint à petit feu.
Une multitude de sentiments m’ont envahi en apprenant enfin où était Pierre, qu’il était toujours en vie mais de nouveau en prison. Avec une fille de plus dans notre vie….
J’ai besoin d’explication, en vérité j’ai besoin qu’il me mente pour que je ne m’effondre pas de douleur. Mais pour le moment je dois l’aider, la JAP a besoin que je réunisse des papiers, un avocat alors je mets ma douleur de côté et je fais le nécessaire, je fais une demande de parloir qui m’a été accordé sans problème sachant que j’ai fêté mes 18 ans entre temps. Je jongle entre la préparation de mon Bac, de mon permis, de ses documents pour le tribunal et mes parloirs.
Chaque samedi matin je prends le train, fais une demi-heure de marche pour me rendre à cette prison…. Encore !
Et pourtant j’ai tout cru absolument tout alors qu’avec du recul je pense sincèrement que je le savais. Je savais qu’il me mentait, mais j’avais besoin de le croire, besoin de croire que je n’avais pas fait tout ça pour rien et surtout je voulais que quelqu’un m’aime. Je voulais être aimé aussi fort que je pouvais l’aimer !
J’ai reçu de nouveaux et de nombreux courriers, de promesses, d’excuses , des « je ne recommencerais plus « , « je ne sortirais plus, « je ne boirais plus « « j’ai failli te perdre je ne veux plus que ça arrive …. » tout ce que j’avais besoin de lire, il me manipulait à la perfection, j’ai gardé toutes ses lettres pendant des années, pour moi c’était des « preuves » de son amour, et je les relisais dès qu’un doute s’emparait de moi, jusqu’à qu’un soir de violence extrême des années plus tard pendant ma grossesse, il y mit le feu mais ça c’est encore une autre histoire.
Il devait rester 6 mois en prison, j’ai passé mon bac sans vraiment de révision, mon seul but était de partir comme il le souhaitait à Carcassonne, partir loin de tout son passé, j’avais obtenu mon permis et je voulais croire en ses paroles ! Alors une fois mon bac passé et bien sûr raté j’ai travaillé un mois d’été à faire les ménages dans les écoles pour nous payer des vacances et un cadeau pour sa sortie début août… des vacances et un cadeau, une montre parce qu’il adorait ça ; une Lotus. Quand j’y repense aujourd’hui, je me trouve simplement honteuse ! Il n’y a pas d’autres mots. La pauvre fille qui offre des vacances et une montre de luxe a son petit ami toxique au possible sans jamais vouloir ouvrir les yeux. Parce que je ne voulais pas les ouvrir. C’est souvent plus simple de rester dans le déni !
Le jour de sa sortie, je l’attendais avec mes affaires, ma paie, son cadeau pour l’accueillir. Je le retrouve de nouveau avec cette fameuse odeur.
Je suis heureuse pleine d’espoir et nous voilà parti pour des vacances d’une semaine à la mer d’où nous ne repartirions plus.
Après deux incarcérations, un bac ES raté et un permis en poche c'est l'heure des vacances !
On se retrouve, on est tous les deux et plus amoureux que jamais ! On se balade, on se découvre à nouveau, ma famille nous rejoins pour ces vacances, nous vivons tous sur le même terrain de camping pendant 2 mois. Chacun fini par se trouver un logement pour rester vivre à la mer.
On ne peut pas dire que Pierre soit très actif pour la recherche d'un travail ou d'un logement... J'atterris chez mc do en tant qu'agent polyvalent, je nous trouve une maison, nous avons tout pour commencer une nouvelle vie heureuse. Mais il faut être 2 dans un couple à vouloir que ça fonctionne.
Et pourtant, après des mois d'insistance pour qu'il se mette en recherche d'emploi, rien ne convient. Il se trouve de nouveaux "amis" avec qui il passe ses journées lorsque je travaille. On se choisit la vie que l’on souhaite, et l’on choisit les amis que l’on désire.
Je me souviens d'un soir, j'étais de close je finissais à minuit, j'arrive et je le vois dans un état catastrophique comme jamais, il se met à hurler que je rentre trop tard, que je devrais rentrer plus tôt etc… grosse crise de jalousie il n'était clairement pas dans son état normal. J'essaie de le calmer parce que s'il s'énerve encore plus je sais comment va continuer la soirée mais je ne sais pas dans quel état je vais finir.
Pour celles qui ont déjà vécu ce genre de situation, on les connait, on connait leur tête quand il est encore possible de les calmer et quand c’est déjà trop tard, et que la soirée va être douloureuse.
Malgré la peur et l'angoisse qui monte j'essaie de l'apaiser mais rien n'y fait, j'ai appris plus tard que c'était de la coke ce jour-là. Commence alors les insultes, les objets qu'il me jette dessus, il me frappe et fini par m'étrangler, je me débats mais tout en essayant de l'apaiser, la situation est totalement paradoxale, au lieu de tenter de fuir j'essaie de lui faire prendre conscience de son acte. Je l’apaise, le réconforte j’essaie de lui dire que je le comprends, que l’on va arranger les choses, que non je ne vais pas le quitter, enfin une soirée assez banale dans le fond.
Il finit par réaliser son geste, il me lâche, pleure et part s'enfermer dans la salle de bain. Je me vois encore essayer de le réconforter derrière la porte, quand je l'entends éclater ma bouteille de dissolvant en verre par terre pour "se trancher les veines". Comme la plupart des pervers narcissique, il m'a insulté, tapé, menacé de se tuer pour s'excuser et je finis par le consoler. C’est un enchainement de comportement aussi hallucinant que révoltant mais je reste toujours pour la même raison, l’amour ! L’amour et le fait qu’il « m’éteigne » chaque jour un peu plus.
Notre nuit a été plus qu'agitée, cette scène s'est terminée très tôt le matin. Le souci étant que je ne parlais jamais de toutes ces violences, mais au travail, la tenue est très stricte, le maquillage ne masquait pas la trace de ses doigts sur ma gorge. J'ai réussi à inventer un début d'angine et à porter un foulard pendant une semaine. Une seule et unique personne que je considère comme ma sœur s’en est rendu compte et a été un vrai soutien.
J'avais eu la peur de ma vie cette nuit-là. Même pas vraiment pour moi, le pire c'était pour lui je craignais tellement qu'il s'ouvre les veines. Le contrôle sur moi était total. Nous avions ce logement pour 6mois et je pense que ça a été la pire crise que l'on ait connu dans cette maison. Mais avec Pierre, il y a toujours plus de surprise, le pire était à venir.
Après cette grosse crise, la vie suit son cours, Pierre a toujours été très proche de sa grand-mère, la période de Noël arrive, nous décidons d’aller faire les 300kms qui nous séparent d’elle pour l’héberger pendant les fêtes.
C’était une femme d’une gentillesse extrême envers son petit-fils mais envers moi… avec tout le respect que je lui dois c'était la pire des pestes !
J’étais la seule à subvenir aux besoins du foyer, on avait un revenu très serré mais il lui fallait toujours des aliments spécifiques, je me pliais en 4 mais je ne faisais pas assez bien le ménage, pas assez bien la nourriture, j’étais un peu trop ronde… un vrai bonheur ! Elle couvait son petit-fils, lui était aux anges et moi j’étais un doux mélange entre la joie d’avoir une vie non violente pendant ces quelques jours et une petite vieille qui savait me dénigrer mais toujours avec le sourire !
Les fêtes se passent, les mois avancent et arrivent le moment où l’on doit déménager, avec un seul revenu c’est toujours aussi compliqué mais j’ai réussi à trouver une maison toute neuve, 2 chambres, encore tout pour réussir à être heureux ! Mon travail me déplaît de plus en plus, je travaille tous les week-ends pour une paie misérable, je finis par donner mon préavis. Je veux mieux ! J’avais énormément de rêve étant petite, et je trouve que jusqu’à présent je n’ai pas fait le quart de ce que j’aurai pu. Je réfléchis à des formations, de nouveaux emplois etc…une nouvelle maison et naïvement un nouveau départ, seul Pierre ne visait pas plus haut. Il ne voulait pas mieux pour nous, il était beaucoup trop auto centré pour voir le mal qu’il pouvait causer autour de lui. Le bonheur lui faisait trop peur.