Le 15 septembre 20XX
Cher journal,
Je suis profondément FATIGUÉE. Je n'ai effectivement pas écrit depuis lundi, mais pour être honnête, je n'avais pas grand-chose à raconter. Les cours d'étude d'un auteur ou d'une autrice majeur.e et de Poésie et théâtre modernes sont plutôt intéressants (et surtout bien moins lourds à suivre que la littérature britannique depuis 1945), mais je n'y vois pas vraiment d'intérêt, du moins pour l'instant, de m'attarder dessus. Il en va de même pour la civilisation Chinoise et le cours d'oral : ça reste une nouveauté pour moi, car on étudie le comportement humain de façon générale, et pas chaque civilisation lors de nos études — seuls les spécialistes de la culture, qui viennent de la catégorie Bronze, peuvent étudier la culture et la civilisation —mais c'est vraiment cool !
Il s'est passé seulement un truc : Mme Thomas, la prof de théorie de la littérature féministe, qui a grogné pendant une heure sur le crétin de Dickens, scandalisée de voir qu'il faisait n'importe quoi durant ses tutorials. Au lieu de nous faire cours normalement, elle a préféré parler de la gynocritique car elle avait en horreur l'idée de nous laisser sans explications. Je pense que je ferai une petite fiche sur ce sujet. Aussi, Dickens avait l'air moins fier de lui étrangement lors du tutorial. Sans surprise, il a gueulé sur tout le monde car la dissertation était globalement ratée. A-t-il proposé une correction ? Certainement pas, que dalle, nada, rien. Il a donc décrété qu'on referait la même dissertation jusqu'à ce que ce soit parfait. En repensant au visage rouge de colère de Mme Thomas, je me dis que ses méthodes ne vont pas faire long feu. Loin de moi le désir de glander bien comme il faut, mais tant qu'il n'arrêtera pas ses conneries, je ne ferai pas sa foutue dissertation. Je préfère largement travailler sur le cours magistral et approfondir mes recherches. Si si, je vous assure, ce n'est pas du tout une excuse pour tenter à nouveau de cuisiner des recettes humaines par exemple.
Mais ce n'est pas toute cette semaine qui m'a épuisée. Bien au contraire, j'ai même passé de bons moments à l'association, puisque les filles ont commencé à faire une campagne de prévention sur le consentement concernant la soirée d'intégration à venir. J'ai d'ailleurs aperçu Lisa et son secrétaire Tristan et train d'admirer les tableaux en liège, prêts à les recouvrir pour faire de la prévention routière. Suite au message d'Agatha pour la visite médicale, j'ai pris rendez-vous dès le lendemain, pour 14h ce vendredi. Agatha avait rendez-vous avant moi, à 10h. Comme la semaine d'avant, le cours de littérature coloniale et post-coloniale en anglais était génial, et le tutorial aussi. Nous avons commencé à étudier un auteur phare de la littérature post-coloniale, Edward Saïd, en lisant des extraits de son roman "L'Orientalisme.", puisque ce roman pose les bases concernant les effets de la colonisation de l'Orient par l'Occident. J'en ferai pour sûr une petite fiche.
Le midi, j'ai mangé avec Jenny et Samira, mais j'étais surprise de ne pas voir Agatha avec nous. Ntina, qui était arrivée à 13h, était même étonnée de ne pas la voir à l'association.
— Trop bizarre, normalement elle ne rate pas un repas ici, et en plus avec le commencement de la campagne pour la soirée d'inté... Elle avait rendez-vous ce matin ? J'ai entendu dire que le médecin est un remplaçant...
Pour une raison que j'ignorais à ce moment-là, Jenny semblait avoir tiqué sur la dernière remarque de Ntina. Elle avait d'ailleurs envoyé un message à quelqu'un, mais je ne sais toujours pas à qui.
Je me suis présentée à 14h devant le pôle de santé de la fac, mon carnet de santé à la main. Assise sur un siège dans une espèce de salle d'attente, j'ai poireauté pendant 45 minutes. Moi qui voulais rentrer tôt à la maison, c'était raté. Quand enfin le remplaçant a daigné me me prendre en charge, je me suis rendue compte qu son retard état dû à une pause cigarette interminable. A Moonstone, la cigarette est formellement interdite, car trop addictive et dangereuse pour la santé. Certains sorciers s'y sont essayés, mais le résultat a été tragique, pareil pour les drogues douces et dures. Seul l'alcool, en quantité très réduite, n'a encore tué personne. Ben là, le type puait la clope. Je vis déjà assez mal la pollution de l'air - ça j'en parlerai à un autre moment - mais là c'était pire, si ça ne tenait qu'à moi je l'aurais plongé dans du parfum. Les humains sont super doués pour le parfum, et ils produisent un truc qui pue autant ? Nan, c'est trop pour moi, trop contradictoire, les humains perdent des points dans mon estime.
Bref. Je rentre, et comme l'avait prédit le protocole, j'ai fait les différents tests. Tout allait bien (sauf le fait qu'il était froid comme une porte de morgue), jusqu'à ce qu'il consulte mon carnet de santé.
— Vos rappels ne sont pas à jour.
— Hein ?
— Vos rappels de vaccins obligatoires. Ils ne sont pas à jour. Vous avez trois rappels de vaccins en attente.
Dequoiquecequisepassequoi ? Il m'a tendu mon carnet à la page des vaccins. D'après les calculs, j'avais déjà plus d'un an de retard dans mes "vaccins". Les cons, ils se sont trompés dans les dates en fabriquant mon carnet. Dans mon fort intérieur, je me suis promise d'être un peu calme au téléphone en contactant l'administration de Mara. Finalement, il n'y avait pas que l'administration humaine qui provoquait des catastrophes.
— Et euh donc, que dois-je faire ?
— Ben, faut vous faire vacciner. Faites-le dans le mois, sinon je ne peux pas valider votre dossier médical.
Oh oui, au téléphone, je risque de tant hurler que même feu ma grand-mère pourra m'entendre, depuis son joli cercueil, à l'autre bout du royaume. C'est bien ce que j'ai fait d'ailleurs, puisque l'odeur nauséabonde de la cigarette m'avait mise sur les nerfs. Je me suis donc planquée dans un coin discret, et j'ai composé le numéro réservé à l'administration de la faculté Mara.
— Service administratif que puis-je-
— VOUS AVEZ RÉUSSI À RATER MON CARNET DE SANTÉ !
Oui bon, j'aurais pu être plus calme et civilisée. Mais j'ai vu la sale tronche de Dickens hier, et aujourd'hui le remplaçant du médecin aussi est une plaie.
— Ah, Mlle Starlight, nous nous attendions à un retour de votre part. Nous avons effectivement commis une erreur dans votre carnet de santé, et nous allions vous contacter mais nous en sommes rendus compte trop tard.
— Urgh, vous savez à quel point une année expérimentale est compliquée, là l'idiot qui sert de remplaçant vient de me dire que je devais me faire vacciner sous un mois sinon mon dossier médical ne sera pas validé, déjà que j'ai mal supporté le rendez-vous car il pue la clope, et je dois en plus le revoir ! J'espère bien que vous allez arranger ça vite...
— Vous saviez justement que ça allait être difficile, après tout vous avez fait le choix de vivre un an sur... Terre...
Soyons honnêtes, elle n'avait pas tort sur ce coup. Mais quand même. Et puis son air condescendant en parlant de la Terre... je ne suis pas étonnée, peu sont ceux réellement ouverts à une mise en contact entre sorciers et humains, même si on dirait que ça avance peu à peu.
— ...Mais dans tous les cas, comme je vous l'ai dit, c'est trop tard, nous ne pouvons pas modifier votre carnet en aussi peu de temps. Vous devrez, comme l'indique le manuel, vous plier aux exigences des professionnels de santé humains. Bon courage pour vos piqûres !
Et là, elle a eu l'audace de raccrocher. En fait, elle a bien fait, car après un coup pareil, j'aurais littéralement maudit tout son arbre généalogique. Moi ? Me faire VACCINER ? Genre l'aiguille plantée dans le bras aussi sauvagement ? Ils sont censés nous aider, faciliter notre séjour, pas nous lâcher comme ça !
J'ai donc quitté le coin tranquille en maugréant en Moonstonien. Amanita allait m'entendre hurler aussi, ce dimanche. Et que faire ? Hors de question d'approcher une aiguille, j'en sais suffisamment pour refuser catégoriquement qu'un truc pareil rentre dans ma peau, peu importe les circonstances. Falsifier mes papiers ? Je ne suis absolument pas spécialisée là-dedans... Là, l'administration m'avait vraiment mise mal. Tout le soulagement ressenti lors de ma conversation avec Amanita avait disparu. Jamais auparavant je n'avais autant été contrariée, surtout en aussi peu de temps. Rien ne va selon mes plans. Je veux dire, je sais que je ne peux pas tout prévoir, mais que ça vienne de mon propre camp ? L'horreur. Étrangement, j'avais envie de parler à Amanita, mais pas seulement à elle. J'avais une furieuse envie de me plaindre auprès des membres de l'association. Du moins, j'en avais envie jusqu'à ce que je tombe sur Agatha qui pleurait toute seule sur un banc.
Il m'a fallu quelques secondes pour vraiment la reconnaître. En deux semaines de vie à la fac, je ne l'avais vue qu'avec un sourire radieux et un visage illuminé par la joie, alors quand j'ai vu ses beaux yeux embués de larmes et son visage terni par la tristesse, ça m'a choquée.
— Agatha... est-ce que ça va ?
— Oh ! Opale, désolée je ne t'avais pas vue...
Visiblement surprise, elle a rapidement séché ses larmes avec un mouchoir en tissu.
— Désolée, euh... poussière dans l'oeil. Avec un petit rhume.
Bon, vous vous en doutez, je n'ai pas gobé son mensonge.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé, on ne t'a pas vue ce midi, on ne t'a pas vue non plus après ton rendez-vous vu que tu as séché le tutorial... tu veux en parler ?
Mr Mbongo n'avait rien dit à ce sujet, mais j'avais bien remarqué qu'il avait lancé un regard interrogateur à Kate. Il a dû comprendre qu'elles étaient amies.
— Je... le rendez-vous ne s'est pas très bien passé.
— Avec le remplaçant ?
— Oui. C'est la première fois que je vois ce type, d'habitude le médecin est gentil et à l'écoute. Mais lui...
Elle a eu un petit tremblement.
— Il a dit que j'étais trop grosse. Que j'étais en mauvaise santé parce que j'étais, d'après ses mots, "obèse". Que ça se voyait que j'étais une feignasse, et que mon problème d'asthme c'était à cause du gras et que je devais faire du sport. Il n'a même pas jeté un oeil à mon dossier, pas une seule question sur la raison pour laquelle j'ai pris rendez-vous. Il a juste regardé ma morphologie et a décrété que tout était à cause de mon poids, qu'il fallait que je maigrisse !
Les larmes ont coulé en silence sur ses joues. Je ne savais pas qu'elle avait des problèmes d'asthme, et je ne savais pas non plus pourquoi elle avait pris rendez-vous. Mais là, tout ce que je voyais, c'est qu'elle en était ressortie humiliée et rabaissée. Mon problème de vaccins n'était d'un seul coup plus ma priorité.
— Est-ce que... tu en as parlé à quelqu'un d'autre ?
— Juste à Jenny. J'ai honte, je me sens dégoûtante maintenant, je n'ai même pas osé manger ce midi. Je n'ai pas non plus eu le courage de me défendre. Je... j'ai pas envie que les autres sachent ce qu'il s'est passé.
Ca expliquait la réaction de Jenny et son absence au repas du midi à l'assos'. Je lui ai pris la main par réflexe. Je ne sais pas si c'était la bonne réaction à avoir, mais j'avais envie de lui montrer du soutien.
— Je ne leur dirai rien sans ton consentement. Qu'en a pensé Jenny ?
— Merci... elle n'a rien dit, mais j'ai bien entendu qu'elle respirait fort au téléphone. Elle va être énervée à cause de moi, je n'aurais pas dû lui en parler, c'est mon problème et pas le sien, elle ne peut pas s'occuper de tout... elle a déjà tant de travail avec son statut de présidente et ses propres études...
Jenny était décidément très douée pour cacher ses émotions, car mis à part son léger froncement de sourcils, je ne me doutais pas qu'elle était limite prête à se battre.
— Et est-ce que tu voudrais qu'on t'aide ? Maintenant que je suis au courant, je peux t'aider moi aussi !
Traduction : pitié Agatha, laisse-moi coller un pain dans la tronche de cet individu malfaisant. Quoi ? C'est mieux que d'utiliser la magie non ? Et puis, se battre fait très certainement partie de mon apprentissage. Il paraît que les humains adorent se battre pour un oui ou pour un non, autant le faire pour une bonne cause !
— C'est gentil, mais pour l'instant non. Je vais aller parler à Jenny et lui dire que c'était une erreur et que je vais m'occuper de ça toute seule. J'ai juste... besoin d'évacuer le choc.
Son estomac a décidé de grogner à ce moment-là.
— Mince, il fait du bruit lui... Je n'ai pas mangé depuis 7h ce matin, tu m'étonnes qu'il réagisse mal...
La veille, j'avais cuisiné un marbré au chocolat pour me faire un bon goûter. J'en avais ramené une part pour la manger après mon rendez-vous. Finalement, ce ne sera pas pour moi. J'ai alors sorti ma boîte tupperware (oui, les humains l'ont inventée peu après nous, mais je reconnais que leurs boîtes sont super et plus résistantes que les nôtres) et je lui ai tendue ma part de gâteau.
— Tiens, c'est fait maison ! Et promis il est bon, je l'ai goûté hier soir en regardant un film !
Agatha a beaucoup hésité en regardant le gâteau. Le médecin remplaçant avait vraiment été ignoble avec elle pour qu'elle en arrive là.
— Je ne sais pas trop... peut-être qu'il a raison au fond.
— Uh-uh. Le remplaçant c'est un crétin comme Dickens. Mis à part ton asthme, t'es en bonne santé ?
— Oui... mon cardio est bon...
— Tu pratiques une activité physique ?
— Oui, du krav-maga, et euh cet été je me suis mise à courir un peu...
— Tu manges des légumes de temps en temps ?
— Oui, je fais au mieux pour mon alimentation...
— Tu bois 1,5 litres d'eau par jour ?
— Euh ouais, environ...
— Alors tout va bien. C'est pas parce que tu n'es pas mince que t'es pas en bonne santé. Et il faut que tu manges, parce que sinon tu vas faire un malaise et ça c'est pas bon du tout.
Agatha a souri, et a commencé à manger mon gâteau.
— C'est vrai qu'il est bon... tu cuisines depuis longtemps ?
De façon humaine ? Deux semaines. De façon Moonstonienne ? Depuis que j'ai 6 ans.
— J'expérimente un peu. Promis, quand je cuisine je fais toujours ça avec de bons ingrédients. Ma mère est médecin, c'est elle qui m'a inculquée le fait qu'une bonne alimentation équilibrée était essentielle pour favoriser une bonne santé. Ça et un peu d'activité physique, comme la marche par exemple. Ça ne soigne pas tout, mais ça nous rend plus résistants. Mais ça, tu le sais sûrement !
Pensez-vous que "casser le nez de médecins incompétents" est une activité physique ? Parce qu'il ne manquait plus que ça pour qu'Agatha retrouve son sourire d'ange. Vraiment, cette fille a un sourire magnifique, les soigneurs spécialisés dans la dentition pourraient passer des heures à admirer ses dents blanches et bien alignées. Bref, je m'égare.
— Merci pour ton soutien, murmura Agatha. Je fais de mon mieux pour aimer mon corps, et ça fonctionne vachement bien grâce au soutien de l'association, et de Jenny et Samira depuis le collège. Mais ça reste difficile quand les gens te crachent à la gueule qu'ils ne peuvent pas supporter ton existence.
Chez nous, tout ce qui importe, c'est que la personne soit en bonne santé. La morphologie n'est pas un critère pour définir l'état physique de quelqu'un. J'ai vu des personnes que les humains vont considérer comme la norme dans un état désastreux physiquement, qui galéraient à monter les escaliers, et des personnes grosses être en parfaite santé. On perd ou prend du poids en fonction de notre santé, et pas pour autre chose. D'après ma morphologie actuelle, je rentre dans les standards de beauté humains. C'est quelque chose qui a été évoqué durant la réunion précédant notre départ :
" Les humains ont tendance à catégoriser leurs pairs sous des critères incontrôlables et bien généralement ridicules, comme le fait d'être une femme, de ne pas être blanc ou blanche, d'être gros ou mince, etc... ces critères peuvent affecter votre expérience, pouvant parfois même mener à de la violence sur de nombreux domaines.", nous avait-on dit ce jour-là. On a passé en revue les types de violences, et j'y ai retrouvé celle que venait de subir Agatha. Ca m'a tristement rappelé que oui, les humains sont bel et bien cruels entre eux, que ce n'était pas une invention des dirigeants. Même le mot "gros" ou "grosse" est une insulte pour certains, c'est pourquoi j'ai préféré éviter de l'employer aujourd'hui. J'ai repris la conversation en rebondissant sur Samira et Jenny.
— Tu les connais depuis le collège ?
— Yup. Nous étions ensemble dans le même collège ! Quand je pense à comment j'étais à l'époque... heureusement qu'elles sont arrivées dans ma vie ! Mais bon, ça c'est une autre histoire. Vraiment, ton marbré est réussi, il n'est pas sec du tout... bien moelleux...
Le visage d'Agatha avait repris quelques couleurs, et elle semblait vraiment apprécier mon gâteau. Je le ferai goûter à Amanita, je suis sûre qu'elle sera impressionnée.
— Tu sais quoi, finalement je vais parler à Jenny pour agir avec elle. J'ai pas envie qu'elle fasse ça toute seule, moi aussi je dois agir.
— Alors on va lui coller une beigne au remplaçant ?
— OUI ! Euh attends NON ! Pas que je n'en ai pas envie, mais je voudrais tenter la diplomatie avant ça. Enfin, la diplomatie version Jenny...
— C'est quoi, la diplomatie version Jenny ? J'entends tout le temps qu'elle est une excellente négociatrice, mais personne ne parle de ses méthodes, la seule chose que je sais c'est qu'elle a trainé au sol des militants anti-avortements un jour.
— Oh oui, ça c'était beau... j'en ai même mis un à terre qui voulait faire le malin ! C'était ma petite contribution... j'étais si fière d'avoir pu appliquer mes cours de krav-maga... mais euh, la diplomatie version Jenny, c'est violent psychologiquement parlant. La meilleure façon de comprendre, c'est de l'observer.
Agatha m'a rendue mon tupperware vide tout en secouant sa chemise pour se débarrasser des miettes.
— Viens, on rentre à l'association ! Je me sens beaucoup mieux grâce à toi. Et à ton gâteau. S'il te plaît, deviens pâtissière.
— Je vais considérer ce métier, ai-je répondu en rigolant.
Nous avons fait un bout de chemin en silence avant d'arriver à l'association. Agatha semblait être en train d'envoyer un long message à quelqu'un pendant qu'on marchait. Arrivées à destination, elle a ouvert la porte, et a découvert Jenny qui l'attendait seule. Elles ont fini par se jeter dans les bras l'une de l'autre.
— Un mot de toi et je vais lui crever ses pneus, maugréa Jenny.
Son amie a fini par exploser de rire.
— Toi et Opale vous feriez une sacrée équipe, elle elle a envie de lui faire un bel oeil au beurre noir ! Mais on va plutôt tester ta diplomatie légendaire avant d'envisager des solutions radicales.
Jenny m'a regardée en souriant, avant de se concentrer à nouveau sur Agatha.
— Je vais m'en occuper. Je considère que son cas devient une priorité étant donné qu'il est professionnel de santé et donc plus dangereux en ayant accès à des informations sensibles sur ses patients. On va faire venir Jameela, car même si je suis dans le domaine médical, elle saura me donner les éléments clés pour faire pression sur lui de manière légale. Tu pourras venir toi aussi, nous avons toutes à apprendre de cette situation, et de Jameela, continua Jenny en s'adressant cette fois-ci à moi.
J'avais donc enfin une occasion de rencontrer la fameuse Jameela. D'après les filles, c'était une légende vivante, et Jenny aurait tout appris d'elle. J'ai acquiescé en silence, et ait commencé à réunir mes affaires : Jenny et Agatha semblaient prêtes à rentrer chez elle.
— Je vais vous laisser les filles, j'ai un repas à finir, et je tiens être en forme pour aller courir un peu ce soir avec mon groupe !
Quand elle est partie, Jenny s'est tournée vers moi et a mis sa main sur mon épaule.
— Merci d'être restée pour elle. Tu aurais pu faire comme la plupart des gens et l'ignorer, mais tu as fait le bon choix et tu l'as soutenue alors que tu la connais à peine. Tu as vraiment ta place ici.
— Comment... ?
— Agatha m'a envoyé un sms avant que vous n'arriviez.
— Oh, je vois. C'est normal. Et euh, c'est gentil...
Je me suis sentie rougir face à sa remarque. En l'observant, j'ai vu qu'elle avait un sourire bienveillant envers moi. La froideur qu'elle inspirait naturellement venait de disparaître en un instant. Je viens de rentrer chez moi, et pourtant je n'arrive pas à oublier la sensation de... d'avoir fait le bien, et que ça ait eu un impact. J'ai vu à quel point Jenny était en colère pour Agatha lorsqu'elle a parlé pour la première fois. Le soulagement qu'elle a ressenti quand elle m'a dit merci. Ca fait tout drôle. C'est ça, la chaleur humaine ?