L'Absent

Par Nqadiri
Notes de l’auteur : Réécriture d'un poème déjà publié ailleurs :)

Il n'est jamais venu, le Talent. Pas même un frôlement, une ombre sur le seuil de ma vie. Juste un grand vide, béant et moqueur, là où aurait dû flamboyer son aura.

 

Combien de nuits blanches passées à guetter sa venue ! À espérer la brûlure délicieuse de son baiser, la morsure céruléenne qui marquerait mon front du sceau des élus...

Mais rien. Rien que le silence, dense et compact comme un linceul. Et moi prostré comme un Pierrot, un lamentable pantin désarticulé, noyé de lune et de solitude.

Genoux à terre, mains tendues, j'implore : « Viens ! Pose ton doigt de feu sur mes lèvres, dénoue ma langue de plomb, insuffle-moi le souffle sacré ! Fais de moi ta chose, ton instrument de chair et de verbe, mais parle, parle à travers moi ! »

Ma supplique ricoche aux murs. Mes mots tombent comme des pierres dans un puits sans fond. Cendrés, calcinés avant même de naître.

 

« Dieu de mots et de maux, où étais-Tu quand je T'implorais ? Quand je dressais Ton autel de mes mains tremblantes, parant Ta couche de mes plus belles images ?

Oh, j’en suis certain, Tu riais, tapi dans quelque recoin obscur. T'amusant de ma foi ridicule, de mes élans mystiques vers un firmament vide.

Ou sinon n'as-Tu jamais existé. Cruelle idole façonnée par mes fantasmes, brume insaisissable née des limbes de mon désir... »

 

Sa sublime absence aura hanté ma vie. Mes rêves de grandeur se sont fracassés sur Son indifférence, ont pourri lentement, tels des fruits pourris au soleil de la frustration.

L'encre a séché dans mes veines à L'attendre, mes idées se sont racornies comme de vieux parchemins. La feuille est restée vierge, inviolée, narguant mes velléités d'y graver Sa marque.

Je Lui en veux à mort, et Il le sait. Pour cette vocation ratée, ces fulgurances nées mortes. Pour mes nuits hantées de chefs-d'œuvre fantômes et ces matins en gueule de bois, rongé d'impuissance.

Assassin de mes rêves, voleur de ma grandeur ! À cause de Lui, j'aurais été cet éternel nourrisson tétant le sein creux de la médiocrité.

 

« Puisse mon cri T'atteindre, où que Tu sois ! Sache ma douleur, mon deuil infini de moi-même. Mes mots épars comme autant de crachats à la face de Ton ciel trop haut, trop blanc. 

Je ne guérirai jamais de Toi, Tu sais. Même Ton absence m'aura été une muse. Ma plaie ouverte, mon stigmate glorieux. »

 

Aimer le Talent, fût-ce en pure perte, en dépit du vide et du silence. Telle aura été ma pauvre victoire d'homme, mon secret superbe et solitaire.

Alors oui, dans ce vide, j'écris. J'écris avec mon sang, ma sueur et mes larmes. J'écris pour arracher ne serait-ce qu'une étincelle à la nuit.

Et si l'œuvre est à la hauteur de la souffrance, alors ce combat n'aura pas été vain. 

 

Vienne le silence, vienne l'oubli ! J'aurais été, le temps d'un cri, le temps d'un poème...

Malgré tout, envers et contre Lui, poète...

 

 

 

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