Buenos Aires, le 16 janvier :
“Messieurs dames, votre avion vient d’atterrir à Ezeiza, l’aéroport de Buenos Aires. Nous vous souhaitons un agréable voyage en Argentine.”
Les lumières s’allument, réveillant doucement Emma de ce vol interminable.
Elle avait décidé de partir en Argentine certes précipitamment, dans l’espoir de se trouver, de donner un peu de sa personne et de casser le rythme infernal auquel son travail la soumettait. Elle avait vu l’annonce d’une association humanitaire, YouthCare, qui cherchait des personnes pour aider à la reconstruction d’une école dans le nord de l’Argentine. Alors Emma avait cliqué sur l’annonce, pris ses billets, et était partie en compagnie des autres bénévoles. L’occasion parfaite pour changer son train-train quotidien.
Dans un brouhaha, les voyageurs prenent leurs bagages et attendent -ce qui semble être une éternité- que les portes de l’avion s’ouvrent puis, ils se bousculent pour découvrir cette terre inconnue qu’est l’Argentine..
L’euphorie est à son comble, Emma n’arrive pas à croire qu’elle ait pris cette folle décision. Lucie lui en voudra certainement, elle regrette de ne pas l’accompagner pour ce voyage qu’elles avaient si longtemps planifié. Mais que voulez-vous, Emma aime vivre dans la spontanéité. Et selon elle, elle n’a jamais pris une aussi bonne décision que celle de partir à l’autre bout du monde.
Les bénévoles rient, sourient, trépignent de joie. Ils sont impatients, joyeux mais si anxieux à la fois à l’idée de sortir de cet avion et de voir la vie qui les attend à l’extérieur.
Lorsqu’Emma descend de l’avion, elle commence à appréhender cette nouvelle expérience, ce nouveau pays. Elle sait que cette nouvelle expérience sera stimulante, édifiante. Ce sera une expérience difficile, mais aussi pleine d’émotions à l’idée d’être loin de tout ceux qu’elle aime tant, mais ce sera une année si belle, joyeuse et nouvelle à la fois! Elle en est convaincue.
Au fur et à mesure qu’ils avancent, les bénévoles aperçoivent quelques personnes vêtues de T-shirt rouges agiter leurs bras dans leur direction : ce sont les responsables de YouthCare en Argentine. Ils sont venus expressément les accueillir à l’aéroport. Les personnes reliées à l’association et au monde du bénévolat, cultures sont très ouvertes d’esprit et très chaleureuses, ce qui n’est pas le cas de tous! Emma espère secrètement que c’est une facette qui évoluera en elle au fil de cette expérience, le fait d’être plus enthousiaste, plus mature, plus joyeux, profiter de chaque instant de la vie, être ouvert, chaleureux…
Le trajet de l’aéroport à l’auberge paru assez long étant donné qu’ils voulaient à tout prix arriver! L’organisation YouthCare avait organisé une sorte de séminaire d’arrivée à tous les nouveaux bénévoles dans une auberge dans la campagne de la province de Buenos Aires, avant que chacun d’entre eux aille en direction de sa destination et de sa mission en Argentine. Après avoir traversé la ville de Buenos Aires, on pouvait remarquer la triste pauvreté que cache cette grande ville de rêve.
Après une heure de trajet, les bénévoles arrivèrent à l’auberge. Un endroit plein de mystère : grand et éloigné de tout. Il y avait une large pelouse devant l’édifice, elle était sous le soleil argentin, devant de grandes allées d’arbres. L’édifice paraissait quelque peu vieux dans son ensemble, les chambres étaient bien trop petites pour être à trois dans une seule. Emma partageait sa chambre avec deux autres bénévoles : l’une belge, Nicole, l’autre allemande, Angela. Nicole était plus jeune que les deux autres. Après ses études, elle avait décidé de poursuivre une thèse sur les semi-conducteurs et le conflit géopolitique qui prend place autour d’eux. Une fois sa thèse terminée, et ne sachant que faire comme métier, elle décida de partir dans le sud de l’Argentine, à Ushuaïa dans le but d’aider à la reconstruction d’une école publique qui manquait cruellement de moyens financiers. Quant à Angela, elle avait quitté son copain, en avait plus qu’assez de vivre chez ses parents, et avait finalement tout plaqué pour participer à cette aventure hors-normes. Angela partait à Resistencia, pour la reconstruction d’une école publique. Elle ne serait donc pas très loin d’Emma. Emma se sentait alors moins perdue à son arrivée ici, elle connaissait maintenant deux personnes. L’aventure commençait réellement.
Une fois arrivés à l’auberge, les premiers moments avec les autres bénévoles du monde entier se déroulaient plutôt bien, un peu embarrassants au début car personne ne se connaissait certes. Ils venaient tous des quatre coins du monde : d’Europe principalement, d’Allemagne, de Belgique, de France, d’Estonie, de Hollande, de Suède, de Suisse mais aussi de Thaïlande, des États-Unis etc.
Les premiers jours ici se passèrent donc plutôt bien, Emma se faisait très facilement des amis, tout le monde finissait par adopter sa douceur et sa délicatesse. Les responsables de YouthCare sont très chaleureux, accueillants, ils ont la joie de vivre. La plupart d’entre eux reviennent de missions des quatre coins du monde. A table, durant les repas, certains applaudissent d’un coup sans vraiment savoir pourquoi, ou se mettent à chanter, créant un mouvement de foule, leur bonne humeur est contagieuse.
De jours en jours les nouvelles recrues découvrent la culture argentine à travers les spécialités culinaires, la danse (et plus particulièrement le tango, deux professionnels leur ont fait une démonstration, c’était si beau, si intense).
Deux ou trois fois par jours les bénévoles se rassemblent par groupe (ceux allant dans le nord de l’Argentine ensemble et ceux allant en terre de feu ensemble…), chaque groupe a son “Daddy Bear”. Lucas (le daddy bear d’Emma, d’Angela et d’autres) leur donne des conseils pour que leur mission se passe au mieux. Ensemble, ils parlent de leurs attentes, de leurs craintes, de ce qu’ils ressentent actuellement...
Les responsables de YouthCare ont organisé une petite soirée le samedi soir, tout le monde bougeait, dansait corps et âmes sur la musique, le rythme dans la peau. Tout le monde se regroupait pour danser, encerclant une personne en particulier qui était au centre et qui faisait son show. L’un des responsables, un argentin, un cordobes, prenait sans cesse la main d’Emma, il la faisait tourbillonner, voltiger dans les airs, c’était un adepte de la danse comme elle n’en avait jamais vu en France.
Lorsque le lundi vint, Emma et Angela durent se lever à 3H00 du matin -bien qu’elles eussent aimé dormir encore au moins 10h- afin de prendre l’avion à Ezeiza en direction de Corrientes pour l’une et de Resistencia pour l’autre.
Je stresse. Je n’arrive pas à me rendre compte que ma mission va réellement débuter, et que je pars pour cette terre qui m’est totalement inconnue. J’ai peur de me retrouver seule, de ne pas me faire d’amis, j'ai peur de ne pas être à la hauteur de cette mission… Je me pose toute sorte de questions, pourquoi est-ce que je suis ici? Il faut être vraiment fou pour partir seul à 11 000 km de tout ce qu’on a toujours connu. Je n’arrive plus à me rappeler les raisons pour lesquelles j’ai pris cette décision, tout est confus dans ma tête.
Finalement, les deux jeunes filles se préparèrent, fermèrent leur valise en faisant le moins de bruit possible afin de ne pas réveiller Nicole qui, elle, se lèvera quelques heures plus tard pour prendre son vol.
Elles sont enfin prêtes. Elles prennent leur valise, leur sac, et quittent leur chambre pour rejoindre ceux avec qui elles voyageront jusqu’à l’aéroport. Elles prennent une pomme, une barre de céréales et partent en direction du bus où elles dormiront tout le long du trajet.
Les deux filles embarquent enfin pour Corrientes, où Angela prendra un taxi pour rejoindre Resistencia.
Nous sommes toutes les deux si angoissées à l’idée d’enfin commencer notre mission, de rencontrer ceux avec qui nous passerons les prochaines semaines…
Mais dans tous les cas, peu importe nos craintes et nos doutes, il n’y a plus de retour en arrière. Nous décollons et quittons Buenos Aires par cette nuit du 20 janvier.