L'arrivée de l'espion impérial

    Le lendemain se déroula tranquillement entre la préparation de l’arrivée de leur frère et les soins que Rina devait appliquer sur ses différentes blessures. Mino restait tranquillement dans sa chambre pour finir sa journée d’école qui se déroulait à la maison. Étant donné que l’hiver s’était imposé sur le royaume, la nuit avait déjà pris possession du domaine et la neige ne cessait de tournoyer dans le ciel étoilé de la fin de journée. La jeune fille était paisiblement dehors sur la balancelle couverte, vêtue de son châle pour lui tenir chaud et d’un livre pour se détendre pour éviter de se demander quand allait venir Kizune. Elle s’amusa à regarder la neige tomber mais son sourire s’effaça quand elle entendit une porte claquer violemment.
— Mino ?
— Rina ?! C’est quoi ça ?!
    Le silence de la nuit fut transpercé par la lourde voix pleine d’orage de Tin. Il venait de se métamorphoser devant elle, comme par magie.
— Je pensais que tu devais venir plus tard.
    La voix de Rina tentait tant bien que mal de rester stoïque face au visage déformé de colère de son frère, elle n’avait pas l’habitude de le voir autant énervé, elle en était impressionnée et presque effrayée. Elle avait sincèrement espéré qu’il n’aurait pas pu se libérer plus tôt.
— Sache pour ta gouverne que je voulais vous faire la surprise, mon anniversaire étant dans six jours j’avais pris quinze jours exceptionnels pour être avec vous et bizarrement en cours de route je reçois quoi ? Dis-moi Rina ?
— Ma lettre.
    Ce fut Mino qui répondit d’une petite voix emplie d’orage, et de défi. Il avait accouru quand il avait entendu les éclats de voix en descendant dans le salon, il n’avait même pas pris le temps de se couvrir d’un blouson pour se protéger du froid. Rina avait la gorge nouée par la colère de son frère et elle n’arrivait donc pas à lui répondre.
— S’il te plaît Tin, elle a d’autres choses à gérer que tes leçons pour le moment.
    Sa voix s’était adoucie, doucement, en s’approchant de sa grande sœur qui avait toujours le regard bas dans l’espoir de parler à Mino sans que Tin entende.
— Qu’as-tu marqué dedans Mino ?
    Tin essayait de contrôler cet orage qui le torturait, Rina le sentait et elle faisait alors en sorte de ne pas l’envenimer mais s’était peine perdue. Elle avait murmuré mais l’ouïe de Tin intercepta ses paroles, il roula des yeux et lui tendit la lettre brusquement.
— Vu que je ne peux rien dire dans cette maison, vas-y lis.
    Elle l’a pris, délicatement dans ses mains tremblantes, puis posa ses yeux dessus et se mit à lire la fine écriture de son petit frère.

Tin, je me permets d’envoyer Puño car nous avons eu un problème, et c’est ce pourquoi nous avons cet oiseau. Deux intrus se sont introduits dans le domaine et s’en sont pris à Rina. Je n’étais pas là, pardonne-moi, elle ne m’a pas appelé pour ne pas me mettre en danger. Apparemment ils étaient coriaces. Elle a été touchée, elle les a vaincus. Zluna les a vaincus. Je voulais t’informer par un moyen plus rapide mais Rina a refusé, elle ne voulait pas t’inquiéter. Bien entendu je l’ai guérie, ne t'en fait pas, elle va mieux. On t’attend pour ton anniversaire, prends soin de toi.

Mino.


    Elle baissa davantage les yeux, n'osant rien dire, sentant le regard puissant de son frère sur elle.
Cependant, elle fut surprise quand ce-dernier s’abaissa à son niveau pour pénétrer son regard, pour la forcer à le regarder, sa voix était beaucoup plus douce à présent qu’il semblait enfin calmé.
— Rina, écoute, j’étais inquiet. Recevoir ça ce n’est pas simple surtout quand je ne suis pas là, comprends-le. Tu sais très bien que j’ai peur quand je pars en mission.
— Toi aussi tu penses comme eux ?
    La voix de Rina était fêlée de tristesse en posant sa question.
— Comme qui ?
— Comme les villageois.
— Tu penses vraiment que je pourrais être capable ? Je ne sais même pas ce qui pourrait te faire croire ça sérieusement.
    Le jeune homme paraissait blessé par les paroles de sa cadette, il avait même effectué un pas de recul en l’entendant comme s’il avait reçu un coup à la poitrine.
— Bien sûr que oui, vous ne savez plus comment me gérer ! Imagine que ça se retourne contre vous ? Tu es revenu en catastrophe à cause de moi.
    Il lui parlait sans hausser le ton contrairement à elle. Elle ne craquait pas souvent mais aujourd’hui elle avait des meurtres à son compte. Ce n’était pas la première fois que Zluna tuait, mais c’était la première fois qu’elle tuait quelqu’un quand un membre de sa famille était si près.
— On ne sait pas comment contrôler Zluna, pas toi.
— Mais elle est moi Tin ! Elle prend de l’ampleur petit à petit chaque jour ! Elle devient de plus en plus méchante, elle a tué deux personnes quand même !     Tu imagines si je ne mettais pas calmé avant de voir Mino ?
Petit à petit, sa voix se teintait de colère quand elle plaquait ses mains contre son cœur pour appuyer ses propos. Rina replaçait son châle qui ne cessait de vouloir glisser à mesure que son ton montait en intensité, elle se sentait en colère contre le monde entier alors que quatre-vingt-dix pour cent de celui-ci n’avait rien fait.
— Comme s’ils méritaient encore de vivre ! Qui te dit que ça ne vient pas de lui Rina ? Ton mariage avec lui va être ruiné juste parce qu’il ne sait pas t’épauler !
    Tin commençait sérieusement à perdre patience, il avait apprécié cet homme mais depuis peu il ne voulait plus en entendre parler.
— C’est beaucoup à supporter d’avoir une belle-famille sorcière et qui possède une démone ! Pourquoi me parles-tu de lui enfin ?
— Ce n’est pas une raison pour vouloir te tuer, bon sang, résonne-toi enfin ! Tu ne vois donc pas qu’il n’est pas bon pour toi ?
— Mais enfin il est venu me voir hier et il semblait inquiet quand je lui ai expliqué, dis-lui Mino !
    Le cadet n’osait pas parler, s’immiscer dans la dispute fraternelle le rebutait mais il hocha la tête pour confirmer les propos de sa sœur. 
— Ça n’empêche rien !
    Il recula d’un bond, pensif et furieux. Elle avait son regard toujours posé à terre, ne réfléchissait plus, elle avait juste l’image de l’arme qui fondait sur elle comme dans son cauchemar de la nuit dernière. Mino, lui, était à l'écart, ne sachant quoi dire à ses aînés.
— Tu sais, je commence à comprendre pourquoi tu… elle fait de tels ravages.
— C’est-à-dire ?
    Rina posa sa question fébrilement, elle était partagée entre vouloir savoir et ne pas comprendre pour continuer dans sa torpeur. 
— Je pense qu’elle fonctionne comme des griffes.
    Il commença sa réflexion en faisant les cent pas pour accentuer son récit.
— Si tu réfléchis bien, c’est à chaque fois que tu es en danger, notamment de mort, qu’elle arrive non ?
    Rina hocha la tête doucement, il n’avait pas tort, elle se développait chaque fois que les villageois venaient l’attaquer de près ou de loin.
— Oui, souvent, mais ça ne m’explique pas pourquoi.
— Elle doit fonctionner comme des griffes quand le danger rôde, pour te défendre.
— Mais et eux alors ?
    Son murmure à peine audible était plaintif par peur de la réponse de son frère.
— Tu étais en danger ! Zluna t’a défendu, que tu le veuilles ou non.
— C’est plausible non ?
    La douce voix de Mino transperçait la nuit par saccade, toujours en écoutant attentivement et intervenant à point nommé.
    Elle ne voulait pas voir la réalité en face, il fallait avouer que son amour était une personne avec une âme aussi noire que Zluna. Les bras tombant le long de son corps, Rina était songeuse et une question taraudait dans son esprit.
— Oui… c’est vrai mais pourquoi une démone voudrait me défendre alors ? Surtout que je lui gâche la vie en étant son enveloppe corporelle.
    Tin qui continuait ses pas s’arrêta en la regardant bizarrement comme si c’était d’une évidence même.
— Mais c’est très simple. Quand elle avait son corps, physiquement je veux dire, elle voulait de la puissance, destructrice certes, mais quand elle a été « implantée » en toi et elle a dû conserver ce désir de puissance et donc...
— Elle va chercher à me faire évoluer jusqu’à ce que je me venge de ceux qui me font du mal et elle par la même occasion.
    Rina avait coupé Tin dans son élan, comme si son affirmation était un déclic.
— Oui voilà, et de toute façon si toi tu succombes à des blessures, elle aussi. De toute évidence, Zluna a besoin de toi pour survivre, c’est étrange je sais mais c’est comme ça.
    Pensive, Rina se releva et fit glisser un objet dans sa poche et en sortit un objet circulaire. C’était petit et plat. C’est ce qui servait pour protéger le domaine, le sortilège devait être fait une fois par semaine pour empêcher les intrus d’entrer sans l’autorisation des occupants du manoir. Se concentrer sur ces sortilèges semblaient être la seule manière pour elle de se vider l’esprit.  
— Enfin, tu daignes t’en servir !
    Elle ne l’écouta pas et prononça ses incantations de protection, l’estomac noué, ses mains étaient levées vers le ciel. Son action créait des étincelles d’un rouge pâle, son esprit n’était pas assez combatif pour les faire devenir éclatantes comme elle en avait l’habitude.
— Maman et papa arrivent quand Tin ?
    La voix de Mino traversa la cour du domaine. Dans son dos, Rina senti son frère qui s’était approché d’elle avant de s’arrêter, ses pas cessèrent de craquer dans la neige fraîche pour se retourner et répondre à son petit frère.
— J’ai reçu un télégramme hier soir, ils arrivent demain après-midi si tout va…
— J’ai hâte qu’ils reviennent.
    Des pas se firent entendre mais ils s’éloignaient d’eux.
— Où vas-tu ?
— Cuisiner, comment voulez-vous que nous mangions convenablement si c’est vous qui vous mettez aux fourneaux ?
    Tin aimait voir que son frère restait toujours le même malgré ses absences et apparemment il était toujours difficile pour lui de laisser l’accès aux fourneaux à sa sœur.
    La jeune femme entendit un léger rire et entendit de nouveau la neige craqueler. Elle aimait ce temps, c’était doux, la neige, réellement et joyeux d’ordinaire. Elle sentit de grandes mains envelopper ses épaules qui tremblaient légèrement, d’anxiété et de froid. Elle était seulement vêtue d’un léger châle sur ses épaules menues. Ses mouvements se stoppèrent dans les airs sous la surprise. Elle ne put s’exprimer sans le ton dur qui passa ses lèvres, elle luttait pour ne pas montrer sa voix tremblante.
— Tin, laisse-moi tranquille s’il te plaît, je dois me concentrer.
    Elle voulait être seule pour ressasser tout ça et sans doute faire un deuil qui n’avait pas lieu d’être.
    Au début, en disant cela, pendant quelques secondes, elle pensait qu’il allait partir car le poids sur ses épaules se fit plus léger mais il n’en était rien. Elle pivota, ou plutôt il l’a fit pivoter de façon à ce qu’elle puisse le regarder droit dans les yeux. Par chance elle venait tout juste de terminer son sortilège, elle rangea donc l’objet dans sa poche, en essayant de ne pas ciller elle fixa son frère et elle le vit baisser les épaules, pour la première fois il ne gardait pas le dos droit, fière de lui et des siens. Non pas ce soir. Ce soir, il montrait une autre facette de lui à sa sœur, sa petite-sœur.
— Écoute Rina…
    Tin était un garçon qui se cachait ou plutôt se protégeait derrière une carapace durement bâtie. Il ne parlait jamais réellement, pour se protéger et protéger son entourage, et c’était une mauvaise habitude qu’il conservait depuis qu’il était entré dans l’armée. C’était un homme de presque un mètre quatre-vingt-dix qui avait les cheveux d’un blond platine qu’il tenait de son père contrairement à Mino qui les tenait de sa mère, les yeux de Tin étaient d’un vert émeraude comme sa mère. Il n’avait pas de tache de rousseurs sur le nez comme le reste de sa famille en dehors des saisons de fortes chaleurs, qui étaient rares dans leur royaume, mais il avait une allure beaucoup plus sportive. La façon dont il observait Rina était douce mais angoissante, elle craignait le pire, elle déglutit et attendit qu’il lâche le morceau et quand il songea à desserrer les dents, Rina voyait dans ses yeux qu’il se débattait avec ses pensées sans doute envahissantes.
— Écoute, je ne l’ai pas dit tout à l’heure parce que je ne voulais pas affoler Mino mais j’ai peut-être un moyen de te débarrasser de Zluna mais... mais…
    Il laissa sa phrase en suspens par peur d’affronter lui-même la solution qu’il avait découverte récemment. Rina voulait l’entendre, mais elle était abasourdie par ce qu’il venait de dire. Il existait un moyen de se débarrasser de Zluna ? Quel était-il ? Elle voulait savoir !
— Que... quoi ? Mais comment ? Tu as découvert ça quand ?
    Il ne pouvait parler, son regard devenait sombre de secondes en secondes, elle comprit bien rapidement que cette devinette était d’une noirceur sans nom rien qu’en le regardant.
— Le problème dans ma « solution » c’est que tu…
    Il l’avait regardé furtivement en lui disant le mot solution, comme si cela impliquait quelque chose d’énorme et réellement dangereux.
— Pour l’amour des Dieux Tin, dis-moi !
    Elle perdait patience, son frère lui faisait presque de la peine ainsi mais la faire poireauter comme ça c’était insupportable pour elle.
— Tu dois tuer, mais pas avec Zluna, de toi-même.
    Il avait lâché cela comme ça, d’une traite, avec une rapidité déconcertante. Elle l’observa, bouche bée. Elle ne s’attendait pas à ça, pas du tout, elle était à mille lieues d’imaginer le déroulement de sa soi-disant solution. Tuer ? Sans Zluna ? Ses yeux s’étaient agrandis d’un seul coup, sous le choc. 
    La veille, elle avait fait sa première victime réelle, réelle à ses yeux car ses ennemis la connaissait trop bien. Rina regarda son frère incrédule, celui-ci avait le regard triste et fuyant, à présent il ne la regardait plus, honteux d’avoir osé lui répondre ça. Rina posa son regard sur le vieux chêne et prit doucement la parole.
— Pourquoi le fait de… tuer de moi-même arrangerait la chose ? 
    Son ton était doux et sans reproches même si elle venait de déglutir pour faire passer la chose. Tin remonta son regard et la regarda d’un air interrogatif.
— Je... ne...
— Répond moi Tin, si tu m’as dit cela c’est qu’il y a une réelle raison, sinon tu ne serais pas dans un tel état.
    Elle l’avait coupé dans ses paroles en voulant s’exprimer et souhaitant des réponses à ses questions, pour une fois. Même si ce n’était pas un sujet dit tabou dans sa famille, elle évitait d’en parler pour ne faire paniquer personne mais là son ton s’était fait pressant, elle détestait voir son frère dans une telle détresse surtout après ce qui s’était passé. Elle éleva sa main et prit doucement son menton entre ses petits doigts et le souleva doucement jusqu’à ce que son regard vert émeraude croise ses propres yeux bleus Cyanite. Rina ne devinait rien qu’à son regard qu’il essayait de ne pas ciller, ce qui semblait d’une grande complexité, elle lui lança de nouveau un regard interrogateur pour l’aider à se lancer, il ouvrit la bouche et la referma à plusieurs reprises, mais aucun son n’en sortait, et finalement il cracha ce qu’il retenait.
— J’ai appris cela dans une des vallées du royaume pendant une mission auprès d’une personne qui fut frappé par un maléfice similaire, même si le tien est très élaboré. C’était un homme, mais un Jiklo. Il m’a expliqué comment procéder et que si tu faisais cela, le sceau se détruirait automatiquement, mais le détail, et pas des moindres, c’est que ce ne peut pas être une personne aléatoire, sinon ça serait bien trop simple.
— Qui alors ?
    Il se releva, reprit sa posture des plus sérieuses comme s’il n’avait jamais été accablé de tristesse. Il partit rejoindre la balancelle où avait été assise Rina quelque temps auparavant.
— Ils ne sont pas idiots ceux qui t’ont fait cela parce que pour congédier ce sort, il faut que ce soit quelqu’un que tu aimes plus que tout au monde, quelqu’un pour qui tu donnerais ta vie et ton âme.
— Par... Pardon ?
    Elle ouvrit de grands yeux comme si ce détail était pire que les autres, elle s’avança doucement et s’arrêta devant lui. Son regard glissa sur lui pour retrouver ses yeux rassurants, elle se tenait droite, prête à recevoir l’information.
— C’est faux Tin, pas vrai ?
— Crois-tu que je te l’aurais dit si c’était le cas ?
    Elle se mit à réfléchir, qui aimait-elle le plus au monde ? Bien sûr, elle pensa à sa famille qui était dans son cœur ou à Kizune mais elle pensa surtout à...
— Je t'interdis de penser à elle !
    Elle reprit ses esprits et le regarda d’un air interrogateur, il croisa ses bras sur sa poitrine.
— Je t'interdis de penser à Tessa, pas à elle.
— Je... ne…
— Je sais que tu y pensais. Penses à n’importe qui mais pas elle.
    Rina soupira, Tessa était sa meilleure amie. Elles se connaissaient depuis maintenant huit ans et à part sa famille, elle était la seule à l’accepter telle qu’elle était. À présent, elle habitait loin, pour ses études. Elle était retournée dans son royaume d’origine, le Pingnal qui à vrai dire est complètement différent de la Fintland, il y faisait beaucoup plus chaud. Tessa avait les cheveux bruns avec de jolis yeux marrons et elle était un petit peu plus petite que Rina. Ce qu’elle aimait le plus chez elle c’était sa gentillesse incroyable. 
    La jeune fille sortie de sa rêverie et hocha négativement la tête, elle ne devait pas penser à elle, elle n’avait pas le droit, elle devait trouver quelqu’un d’autre.
— Qui d’autre alors ? Mis à part vous, c’est celle qui compte le plus pour moi, si on enlève Kizune.
    Il continuait d’avoir cette posture hautement sérieuse puis quand il la regarda de nouveau, il s’exprima d’une voix sans appel.
— Tu l’as connue il y a des années et nous aussi, on s’est attaché à elle et on sait que tu l'aimes plus que tout mais ne fait pas cette erreur, attends quelque temps, soit tu trouveras quelqu’un d'autre, soit tu changeras d’avis sur la question.
— Pourquoi ? Si c’est le seul moyen ?
— Parce que tu es obsédé par cela, regarde-toi Rina…
    Il laissa sa phrase et le bras qu’il avait tendu pour la désigner, en suspens, quand il entendit un bruit de cuivre toucher le sol, Mino et sa légendaire maladresse.
— Regarde-toi, tu es tellement obsédée de te débarrasser de Zluna que tu ne penses même pas à l’après coup.
    En disant cela, il avança sa main droite encore plus vers l’avant et la replaça à son endroit initial comme pour montrer l’avant et l’après de la situation.
— Mais je suis sûr que...
— Elle sera d’accord oui je sais, mais penses à la suite par les Dieux ! Tu feras quoi ensuite quand elle ne sera plus là ? Ce n’est pas un jeu Rina elle ne reviendra pas quand toi tu seras guérie.
— Je vois.
    Elle fit divaguer son regard autre part que sur son frère, sur le chêne, la serre, les roses et elle se sentit égoïste même si pour le moment elle n’avait rien fait, de tout façon elle n’allait sûrement pas donner sa meilleure amie en offrande.
— Et toi Tin ?
— Hm ?
    Il avait suivi son regard sur les roses d’hiver, qu'elles étaient belles mais elles étaient surtout éternelles, Rina les avait conçues pour qu’elles ne périssent jamais, la beauté mérite l’éternité, avait-elle dit.
— Qui aimes-tu le plus au monde ?
    Elle l’entendit déglutir comme si la réponse lui coûtait même si elle savait déjà de qui il s’agissait.
— Hormis vous ? Mia sans hésiter.
    Son regard s’était perdu dans le vague mais il avait un magnifique sourire sur le visage quand il parlait d’elle. Chez les Grintofk tout le monde connaissaient ses fiançailles avec la jeune Mia Gound, une jeune fille resplendissante qui elle avait les cheveux bruns assortis à ses beaux yeux marrons comme Tessa et ils avaient tous deux le même âge, vingt-et-un ans. Elle était beaucoup plus petite que Tin, mais ils allaient si bien ensemble que personne ne remarquait ce détail qui les faisait beaucoup rire. Rina savait que son frère l’aimait éperdument et que c’était réciproque, mais naturellement jamais Tin ne l’avouait hors de chez lui. Même si ça faisait cinq ans qu’ils étaient ensemble et deux ans qu’ils étaient fiancés ils ne pouvaient pas en parler pour que les villageois ne se mettent pas à douter de celle qui avait un commerce familiale dans le village. 
    Mia était la fille aînée des forgerons qui avaient aussi un garçon, Edward, de l’âge de Mino. Leur avis sur cette famille n’était pas comme la pensée collective même si c'étaient des Jiklo qui pouvaient être effrayés. Leur fille était donc fiancée à un Sokl, frère d’une démone mais ils avaient confiances en eux, ils venaient régulièrement dîner chez les Grintofk, mais tout ce qui se passait dans le domaine y restait pour préserver la paix entre les Gound et le village, ce qui par ailleurs ça faisait perdurer l’amitié entre les deux familles. Si Rina s'en souvient bien, ils devaient venir à l’anniversaire de Tin mais elle n’en était pas sûre.
— Je trouvais ça évident effectivement, tu vas la voir pendant ton séjour ici ?
    Rina afficha un petit sourire en coin, Tin avait décroché ses bras de sa poitrine et passait nerveusement sa main droite dans ses cheveux blonds, il avait les joues qui rosissaient et ça le rendait plus angélique encore.
— Normalement oui à mon anniversaire, maman l’a invité avec ses parents mais ça devait être une surprise. Mia a vendu la mèche dans sa dernière lettre sans faire exprès.
    Tin exprima un petit rire à moitié amusé, à moitié gêné.
— Pourquoi est-ce que ça ne m’étonne pas d’elle ? Allez viens on rentre, d’ailleurs où sont passées tes affaires ? Je n’ai pas fait attention.
    En riant, Rina arriva doucement vers son frère, lui attrapa le bras et l’entraîna vers l’intérieur. L’ambiance était beaucoup plus détendue que tout à l’heure et le fait d’être passé par tant d’émotion en même temps, ç'avait donné un joli mal de tête à la jeune femme.
— Oui, je ne veux pas que Mino détruise tout le manoir. Mes affaires dis-tu ? Je les ai matérialisés dans ma chambre quelques instants avant mon irruption dans le jardin.
    En souriant, ils entrèrent dans le manoir en dirigeant leurs pas au son des bruits qui venaient de la grande cuisine.
— Tu sais, normalement il devait venir ce soir, il voulait essayer de ne pas te croiser.
— Est-il venu ?
— Non, je ne sais pas où il se trouve, il a dû être retardé ou il t'a entendu ?
— Sans doute qui sait ? Ou il a peut-être malencontreusement fini enfermé dans sa chambre en bonne compagnie, disons... pour s'envoyer en l'air ?
— Tin je t’en prie ! Tu pourrais te montrer plus sympathi…
    En arrivant, Tin et Rina n’en croyaient pas leurs yeux tellement qu’ils en furent bouche bée. Des colonnes d’aliments étaient déjà placées partout dans la pièce et au milieu de tout cela on trouvait... Mino qui s’affairait de plus en plus.
Rina le regarda avec surprise avant de regarder la grande horloge familiale qui se situait non loin, vers le salon et vit qu’il était bientôt minuit, elle s’étonna elle-même en pensant que ça faisait donc plusieurs heures qu’ils étaient dehors à parler tandis que Mino, cuisinait sans s’arrêter. Ses pouvoirs aidant, il faisait voleter des aliments d’un bout à l’autre de la cuisine sans remarquer ses aînés qui le regardait avec amusement. Elle lança un regard malicieux à son frère et leva la main vers un paquet de confiseries qui trônait sur le comptoir de la cuisine, celui-ci se mit à voleter et s’arrêta juste à côté du visage du Mino qui lui lança un regard interrogateur, il ne les avaient toujours pas vus et ils allaient bientôt exploser de rire s’il ne les voyaient pas rapidement. 
— Je pense que tu vas avoir besoin de cela, mon cher.
    Dans un sursaut de surprise, il en fit tomber l’œuf qu’il avait dans sa main droite.
— Nan mais vous n’êtes pas bien de me faire peur comme ça ?!
— Tu es d’une maladresse déconcertante aujourd’hui Mino.
    Sans se soucier des réflexions de son jeune frère, Tin s'était permis de lui faire la remarque en s’avançant vers la zone de froid de la cuisine pour récupérer de quoi se rafraîchir tandis que Mino leva la main pour récupérer le sachet qui flottait toujours à côté de sa tête.
— Non, c’est faux.
    Mino détestait qu’on le sonde ainsi, pourtant comme un automatisme, Rina répondit en abaissant sa main pour annuler l’attraction qu’elle exerçait sur le sachet.
— Oh que si, dehors, on a entendu la cocotte de cuivre tomber, tu sais, celle de grand-mère Marianne.
    La jeune fille essayait de cacher son rire, elle savait que sa mère était très attachée à la cocotte de sa belle-mère mais embêter son frère était vraiment trop jouissif.
— J’espère qu’elle n’a rien sinon…
    Tin quant à lui essayait de se montrer faussement menaçant, il ne voulait pas que leurs parents rentrent et voient des objets de familles abîmés.
— Je sais maman va m’achever si elle a quelque chose mais non elle n’a rien, j’ai vérifié.
    Mino montrait un ton exaspéré et roula des yeux comme s’il était lassé de parler de cela, pourtant il continua sur sa lancée.
— C’est tout ça là… Entre le domaine, Zluna, l’école et l’absence des parents, c'est compliqué pour moi.
    Il décrivait de petits mouvements en direction de différents points de la cuisine. La jeune femme regarda son plus grand-frère et s’avança vers le plus petit pour le prendre dans ses bras, même si elle avait une grande part de responsabilité dans son mal-être, elle voulait être présente un maximum pour lui.
— Tout va changer quand ils rentreront, crois-moi.
    Depuis qu’ils étaient dans le manoir, Rina n’avait cessé de réfléchir à une solution. Mino ne répliqua rien mais il soupira et Tin la regardait d’un air interrogateur en lui mimant des mots du bout des lèvres.
— Pourquoi ?
— Je t’expliquerai.
    Toujours du bout des lèvres, elle exprima sa réponse, elle semblait sûre d’elle et afficha un sourire franc à son frère avant d’enfouir sa tête dans les cheveux de Mino pendant que Tin bus et s’approcha doucement de sa fratrie pour les enlacer quelques instants avant de se séparer.
— Allons dormir, papa et maman arrivent bientôt, il faut que tout soit prêt à leur arrivée.
    Mino se détacha de sa sœur en hochant négativement la tête.
— Attend Tin, regarde tout ce que j’ai à ranger, je monterai quand tout seras propre, je ne tarderai pas.
    Rina secoua sa main dans les cheveux de son frère pour les ébouriffer un bon coup.
— Je vais ranger ne t’en fais pas, je dois finir quelque chose avant de dormir donc je dois veiller encore un peu. Toi, file, tu as eu une rude journée.
    Mino lui adressa un air interrogateur et ouvrit la bouche pour protester mais il fut coupé par Tin.
— Aller, va dormir.
— D'accord, bonne nuit tous les deux.
    Il passa aux côtés de ses aînés pour les embrasser tout en glissant un remerciement dans l’oreille de Rina.
Quand il fut monté dans sa chambre à l'étage, elle se mit à ranger, la fatigue se faisant ressentir, les étincelles que produisaient ses doigts n’était toujours pas aussi étincelantes que d’habitude. Tin fit de même mais de ses mains apparaissait des étincelles noires. 
    Les Sokl avaient une couleur différente qui apparaissait quand ils effectuaient leur magie et la teinte était unique pour chacun. Malgré ça, un jour, la mère de Rina lui avait conté une légende vieille comme le monde, selon elle il était possible que deux personnes puissent avoir exactement la même teinte de magie, c’étaient les âmes-sœurs. Elle ne savait si c’était vrai pour beaucoup de cas mais elle savait que c’est parents avaient tous les deux la même couleur, rouille. Elle avait ancré cette pensée tout au fond de son cœur tant elle l’apaisait. Même si son fiancé ne pouvait pas faire de magie, elle voulait savoir si c’était une réalité. Kizune faisait, jusqu’à preuve du contraire, partie de la communauté des Jiklo, incapable de créer une once de magie. En ce qui concernait la fratrie, Rina c’était le rouge, Tin le noir et Mino le bleu turquoise.
    Des plats sales voletaient à présent jusqu’au lavabo et se nettoyaient tous seuls, des sachets d’ingrédients entraient dans les placards par leurs propres moyens comme si c’étaient des petites choses animées, c’était comme un conte pour enfant.
    Tout à leur concentration, Tin démarra la conversation d’un ton monocorde.
— Alors dis-moi ? Pourquoi tout va changer quand les parents rentreront ?
    Elle se mit à avoir un petit sourire, tout en continuant de ranger la pièce en désordre, elle regarda son aîné pendant quelques secondes encore avant de lui répondre.
— Tout simplement parce que j’ai réfléchi à ce que tu m’as dit tout à l’heure. Je n’utiliserais en aucun cas Tessa et c’était complètement stupide d’y avoir même légèrement pensé, je l’avoue. J’attendrais quelques années et je verrais avec le temps, peut-être qu’un jour je rencontrerais quelqu’un qui sera apte pour ce sortilège ou peut-être que je ne voudrais plus m’en débarrasser qui sait ? Je sais que c’est une idée folle mais elle deviendra probablement une amie ? Ne me regarde pas comme ça ! On ne sait jamais et je suis sûr que tu as déjà caressé cette hypothèse. Nous nous haïssons mais selon les circonstances, on pourrait collaborer au moins pour survivre.
    Elle afficha un air satisfait qui fit sourire grandement Tin qui avait une once de moquerie sur son visage.
— Tu es sûre de toi ? Tu m’avais l’air plutôt déterminé tout à l’heure. J’espère que tu ne me feras pas de faux espoirs et que d’un coup tu vas faire ça derrière mon dos.
— Plus que sûr à vrai dire. Pourquoi ne pas essayer après tout ? Je ne vais pas me défiler comme ça et dans tous les cas j’aurais besoin de toi et de tes connaissances en la matière. Je ne suis pas assez doué en maléfices.
— Je suis heureux que tu aies pris cette décision. J’ai eu peur que tu fasses une énième folie.
— Moi aussi je suis contente de ne pas avoir fait quelque chose que j’aurais pu amèrement regretter.
    Elle continuait à manipuler les objets autour d’elle, à distance, pour pouvoir tout ranger rapidement. Dans son esprit tout fusait, elle était joyeuse que son frère l’ai résonné et qu’elle n’ait pas fait n’importe quoi. Les étincelles rouges et noires donnaient à la grande cuisine des airs de fête estivale.

    Une demi-heure plus tard, quand tout fut rangé à sa place, Rina attacha ses longs cheveux châtains dans une queue de cheval haute et observa la cuisine d’un air satisfait en s’asseyant sur une chaise du salon attenant.
— C’est bon, nous avons tout fini, on aurait pu croire que Quitana était passée par ici !
— Tu m'étonnes, il a mis un bazar impressionnant.
    Ils se mirent à rire, Quitana était la déesse des tempêtes dans les mœurs de leur royaume, et souvent quand elle passait ça provoquait de nombreux dégâts souvent dévastateurs. Elle pouvait tout autant provoquer des tempêtes minimes que de grandes tornades.
— Tu te souviens quand elle est passée pas loin de Kjilofk ?
    Tin demanda cela à sa sœur tout en séchant ses mains dans un tissu de la cuisine pendant qu’elle hocha la tête positivement.
— Oui, il ne restait plus rien du tout. Ce n’était pas dans un village de Sokl ?
— Si, et j’ai toujours pensé personnellement que les Ziny avaient fait des offrandes à la déesse pour qu’elle attaque ce village, mais quand j’y suis retourné la dernière fois pendant une mission, ils avaient réussi à reconstruire quelque peu.
    Tin eu un regard grave sur le visage, les Ziny c’était toutes les personnes qui voulait se débarrasser de toute cette population spéciale, parfois c’était des Sokl qui détestaient leurs propres origines ou des Jiklo qui ne les aimaient pas. Généralement, ils essayaient de leur nuire par tous les moyens comme implanter un monstre dans une enfant par exemple. Ils avaient fait au cours des siècles énormément de dégâts, notamment au moment où les Sokl n’avaient pas encore de moyens solides pour se défendre. Rina observa ses mains qui faisaient exploser de petites étincelles rouges qui tiraient sur le blanc cassé.
— Je suis sûr qu’un jour les Ziny nous accepterons
— Ne te fais pas d’illusion Rina, tu le sais encore mieux que moi comment réagissent les gens quand ils se sentent attaqués par une force supérieure, ou du moins, différente de la leur.
— Oui, mais il y a des exceptions ! Regarde Mia, Tessa, et...
— Stop, tais-toi ! J’ai compris, je ne veux rien entendre de plus.
— Je...
— Va te coucher Rina, je t’en prie, c’est rangé, tu n’as plus rien à faire ici.
    La main du jeune homme avait fendu le vide pour la couper dans ses paroles, son ton était devenu plus dur et son visage plus pâle. Elle avait touché un point trop sensible qu’elle pensait refermer depuis bien longtemps.
    Elle se leva doucement, remit la chaise en place, passa devant lui en n’osant pas dire quelque chose par peur de refaire une erreur. En arrivant au pied d’un grand escalier en chêne qui se situait vers une extrémité du salon et jeta un regard en arrière. Il avait les poings serrés et ses yeux fixaient un point invisible, pendant encore quelques secondes elle l’observa puis abaissa la tête.
— Bonsoir Tin.
    Elle prit un livre qu’elle avait laissé sur la console près de là puis souleva faiblement son jupon pour ne pas se prendre les pieds dedans. Elle monta lentement le grand escalier pour rejoindre l’étage du manoir, là où toutes les chambres étaient desservies.

    Dans sa chambre elle se dirigea directement vers la grande fenêtre en face d’elle, elle ouvrit les deux battants en grands pour s’accouder sur le garde-fou et regarder la nuit tombée. Elle avait peur, peur du noir, mais elle s’efforçait de rester en place pour se changer les idées. Il était tard et elle ne pouvait donc pas se mettre à lire, elle devait se reposer mais ce n’était décidément pas son objectif, surtout avec la tête aussi embrouillée. Elle respira un bon coup et referma la fenêtre ainsi que les volets et se dirigea vers sa penderie pour se vêtir d’un pyjama pour la nuit, elle prit celui sur le plus haut de la pile, c’était un pyjama simple bleu ciel et bleu marine avec un chat orangé sur la poitrine. Elle enleva sa robe qui glissa le long de ses bras, de sa poitrine et le long de ses jambes pour arriver sur le sol, elle ramassa le vêtement et la posa sur la chaise de son bureau. Ensuite, elle prit le haut de son pyjama et l’enfila ainsi que son pantalon, ses gestes étaient lents, elle avait hâte de s’endormir. Décidément, elle adorait les pantalons. Elle se débarrassa de ses chaussures quand elle arriva au pied de son lit, ouvrit les couvertures et se glissa à l’intérieur en soupirant de bonheur.
— Enfin.
    Elle avait l’impression que cette journée fut brutalement la plus longue de toute sa vie et qu’elle avait été remplie d’émotion mais c’est en repensant à tout cela que Moonia, la déesse du sommeil, vint rapidement la chercher pour l’emporter dans le royaume des songes pour une nuit réparatrice au possible.

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EtoileLit
Posté le 31/01/2023
J’aime bien Tin aussi !! Je veux voir Tessa aussi elle a l’air top la petite dame. Et Mino toujours mon chouchou 🥰 J'espère que Rina va réussir a dégager zluna !
UneXtoile
Posté le 01/02/2023
Espérons quand même voyons !
Merci pour ton commentaire <3
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