Par cette douce fin d’après-midi d'hiver, une brise berçait mollement une jeune fille positionnée, prostrée, contre le vieux chêne du domaine. Comme dans un roman, un éclair traversa brutalement le ciel chargé de flocons de neige, elle était terrorisée. Elle possédait des cheveux châtains qui contrastaient complètement avec ses yeux d’un bleu océan et sa peau perlée de tâches de sons. Celle qui était là était une magnifique jeune fille qui n’avait pas lieu d’être ici. On pouvait remarquer que, sur son bras droit et du poignet jusqu'à l'épaule, un grand tatouage recouvrait sa peau relativement blanche. Ce dernier représentait plusieurs choses qui tenaient vraiment au cœur de la jeune fille qui semblait pourtant actuellement sous l’entière emprise de la peur. Son prénom ? Rina. Son visage était déformé par la terreur, l’orage la rendait nerveuse en plus de l’effrayer. Elle avait mal, terriblement mal sur le côté de son corps mais devant elle deux assaillants la surplombait de toute leur hauteur. Il y avait un grand homme brun, arrogant, qui avait attaqué en premier, il l’avait frappé à plusieurs reprises pendant qu’elle l’avait esquivé avec agilité et il avait rapidement fini avec ce même poignard qu’il avait utilisé pour l’attaquer, dans sa propre cage thoracique. À ses côtés, une femme, plus âgé, la trentaine, d’une rousseur magnifique. Elle avait essayé de frapper juste après son compagnon mais bien sûr rien n’avait fonctionné, une simple pensée de la jeune fille et celle-ci ressenti une douleur atroce avant de tomber à genoux sur le sol glacé. Tant bien que mal, elle essayait de se relever tout en lançant un regard plus que méprisant à sa proie. Rina était subjuguée de voir que son assaillante connaissait tous ses points faibles sans la connaître, comment ? Celle à terre était à nouveau debout, vaillante, fière d’avoir enfin touché le démon qu’elle avait devant elle.
— Plus jamais tu essaieras de nous éliminer, espèce de monstre !
Elle leva son poing haut, très haut, elle avait une arme en bois à la main, brutalement solide et risquée. L’enfant leva l’avant-bras, dans une position de défense qu'on lui avait apprise, au moment où l’arme fondit sur elle. Quand le coup la toucha elle voulut hurler de douleur tellement la puissance lui tétanisait le bras qui fut totalement meurtrie. Malgré la douleur, Rina réussit à se relever fébrilement, elle avait intercepté le poignet de la femme de sa main droite et essayait de la faire souffrir mais elle avait du mal, ses forces lui manquaient. Elle avait essayé à plusieurs reprises de créer des sortilèges mais l’épuisement rendait la chose impossible.
— Qui es-tu par tous les dieux ?
Malgré sa grimace de douleur, elle eut un rictus semblable à un sourire moqueur. La femme l’observa avec un regard qui frôlait la folie, un regard si noir et si froid qu’il glaçait le cœur de Rina.
— Ta sorcellerie est mauvaise, tu ne devrais même pas exister dans ce monde.
Elle accusa le coup, douloureusement, mais elle essaya de ne pas faire vriller son regard.
— Et tu vas faire quoi ? Me tuer ?! Je ne te connais même pas !
— Je te connais bien assez, tu peux me croire et bien sûr que oui je vais te tuer !
Sur l’impulsion de son cri en fin de phrase, elle avait repris son coup à la charge et l'avait assaillie de nouveau en direction de ses côtes pour les meurtrir encore davantage, mais son coup fut vain. La proie avait ressenti cette force, peu commune, qui revenait de plus en plus souvent, elle montait dans ses veines, dans ses entrailles pour la déchirer de toutes parts. Récemment, elle avait comparé cette sensation à un feu ardent qui déferlait dans sa chair. C’était si puissant que même son regard changeait, il passait du bleu océan au vert perçant, il était tellement percutant qu’elle aurait pu lui jeter une malédiction en un regard. Elle essayait en vain de se contenir mais elle n’y arrivait tout bonnement pas. L’étrangère écarquilla les yeux profondément, la peur se lisait dans son regard ébahi, d’un vert foncé ils étaient passés à un vert très pâle. On appelait ça, la peur face à la mort. Tout se déroula très vite, trop vite. Un corps changeait, se métamorphosait en une espèce de créature effrayante pour abattre l’ennemie qui venait déranger sa tranquillité. Son âme, la jeune fille en était certaine, n’avait même pas eu le temps de s’évader de son corps sous l’impulsion de ses coups.
Son ennemie abdiqua rapidement et quand elle fut tombée, vaincue, Rina se releva, doucement, douloureusement. Tout à coup, elle paraissait beaucoup plus grande alors que la peur disparaissait par vagues. Elle mesurait presque un mètre soixante-dix ce qui était inenvisageable quelques secondes auparavant. Elle leva sa main droite ensanglantée et tremblante tandis que l’autre faisait office de compression pour éviter au sang de couler en abondance. Tout en reprenant son souffle et, sous la pression de son regard dur, elle se concentra et des étincelles rougeoyantes émergèrent de ses mains, voltigèrent devant leur invocatrice et creusèrent deux trous l’un à côté de l’autre dans une parfaite symétrie. La magie qui émanait d’elle était encore vibrante de rage, la puissance maléfique ne l’avait pas encore quittée même si elle essayait de la contenir au maximum en se concentrant sur sa respiration et sur ce qu’elle faisait. Quand la métamorphose était apparue, son énergie était partiellement revenue elle aussi. Son esprit tournait à une puissance infinie pour éviter de penser à ce qui venait de se produire. Elle ferma les yeux, fit fondre la neige, faisait voler la terre, léviter les corps. Elle les allongea, replaça la terre et reconstitua la neige avant de laisser son bras retomber avec lourdeur en respirant par saccades. La jeune fille prit deux roses d’hiver, de sa conception, dans la grande serre juste à côté du vieux chêne et en posa une sur chaque tombe. Elle avait peur, peur d’elle-même et de ce qu’elle pouvait faire, mais elle essayait de se rassurer en se disant qu’elle gardait ce respect qu’elle n’avait pas quand la métamorphose s’imposait. Flageolante, elle repartit difficilement vers le grand manoir, elle se sentait complètement fragile et vide intérieurement.
Le manoir Jumsey était d’une grandeur terrible, à l’extérieur d’une apparence lugubre, à l’intérieur d’une beauté à couper le souffle. C’était un grand bâtiment qui surplombait les autres petites maisons aux alentours, l’odeur familière qui régnait à l’intérieur était à la fois chaleureuse et ancienne. De grands lustres ornaient le plafond, de grands tableaux familiaux ornaient les murs, tout était comme elle, mais à l’inverse. Sa beauté physique était d’une pureté sans nom mais son âme était brutalement noire à présent que cette malédiction avait marqué un tournant dans sa vie. Elle se démena pour arriver à s’asseoir sur une des chaises du grand salon et, arrivé à ce stade, beaucoup de sang entachait sa jolie robe d’hiver qui était pressée avec la même main sur sa plaie.
Au moment où elle s’installa sur une chaise, elle essaya de se concentrer de nouveau du mieux qu’elle put, leva le bras et serra la main quand une trousse médicale arriva à elle. Le problème c’est que sa tête tournait fortement, une grande migraine pointait le bout de son nez alors elle agrippa la table en chêne d’une forte poigne pour ne pas s’évanouir. En essayant d’ouvrir la trousse pour prendre le nécessaire pour les soins, elle comprit bien rapidement qu’elle serait incapable de se soigner seule. Elle soupira et prit une inspiration assez profonde pour essayer de parler d’une voix forte qui porterait assez bien.
— Mino, je vais avoir besoin de toi, s’il te plaît descend.
— J’arrive, Rin’ deux petites secondes.
Des résonances à l’étage annonçaient la venue de quelqu’un. Le concerné arriva quelques secondes plus tard avec un sourire qui s’effaça bien rapidement, il souffla à la vue de la femme qui était devant lui.
— Encore ?
— Oui et… et je n’ai pas pu résister.
— Je sais bien Rina mais du coup, dis-moi tu as fait quoi ? Pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? J’aurais pu venir t’aider.
Elle baissa la tête, honteuse, le regard de son interlocuteur se faisait lourd même s’il essayait en vain de se faire doux. La jeune personne à ses côtés était Mino, son petit frère. Il avait deux ans de moins qu’elle et ils étaient presque de la même taille. C’était un jeune homme vraiment mignon, il avait des cheveux d’un noir de jais et des yeux d’un bleu éclatant. Son visage clair respirait la gentillesse et les quelques tâches de rousseurs en dessous de ses yeux l’été lui donnait un air angélique. Sur lui, il portait quasiment toujours une tenue soit pour cuisiner, étudier ou pour soigner. Aujourd’hui il consacrait sa journée aux études, il était donc vêtu d’un pantalon noir assez serré et d’un t-shirt rouge uni pour être décontracté malgré tout. Sa question n’était pas anodine, il aurait voulu aider sa sœur même si ses pouvoirs n’étaient pas encore au point. Doucement, il poussa la boîte à pharmacie plus loin sur la table et appliqua ses deux mains sur la blessure de sa sœur, celle qui était située sur le côté de son corps et qui lui fait un mal de chien. Un halo violacé fit son apparition, signe que la guérison était en train de produire ses effets. Son frère avait la capacité de guérir les blessures avec ses mains et sa force mentale. Rina savait qu’il pouvait être un excellent médecin vu comment il guérissait ses multiples blessures à la perfection, mais son cœur oscillait aussi avec une autre profession complètement différente, la pâtisserie. Elle ne put y songer davantage, la voix de son frère l’a sorti de ses rêveries.
— Il faudrait que tu utilises plus tes baumes sur toi hein ? C’est bien beau de le faire sur nous mais ils doivent te servir aussi.
— Oui, je n’y avais pas pensé, mais n’aurais pas pu aller les chercher là-haut. Je ne t’ai pas appelé pour ne pas te mettre en danger, ils étaient très dangereux et ça me fait mal de le dire.
— Tu ne m'avais pas dit que tu en avais dans la serre ?
— Je n’ai pas réfléchi.
Elle avait esquissé un sourire dans une grimace de douleur, mais un silence pesant régnait sur le salon, elle se sentait brutalement obligée de se justifier de son comportement.
— Ils étaient deux Mino... je te jure que j’ai fait ce que j’ai pu.
— Kizune était là je suppose ?
Il ne prêtait pas vraiment attention à ce qu’elle disait, son ton sec et son air nonchalant contrastait avec sa concentration.
— Non... c’était une femme et un homme qui me sont inconnus. La femme a dit qu’elle me connaissait bien mais je n’ai aucun souvenir d’elle. Pour le premier j’ai réussi à la contenir mais pour elle... C’est lui qui m’a infligé le coup qui m’a fait cette blessure-là, celle que tu soignes et ma blessure qui m’a ruiné le bras. Pour la femme, avec son obstination, elle est sortie…
Une larme coula silencieusement sur sa joue, elle était à bout de force et la douleur n’arrangeait rien. Elle essuya le sillon d’eau en voyant que la plaie se refermait petit à petit quand Mino retira ses mains de la plaie douloureuse.
— En même temps, depuis qu’il l’a appris, les attaques se font de plus en plus nombreuses, reconnais-le.
— Il n’était même pas là, je n’arrive pas à me persuader que ce soit lui Mino.
Il soupira, la grimace sur son visage démontrait la douleur qu’il éprouvait face à cette situation qui s’imposait à lui.
— Je dois appeler Tin, Rina, je n’ai pas le choix.
Elle soupira avec appréhension. Tin était son deuxième frère, de trois ans son aîné. Il était espion d’État dans l’armée de l’empire, et s’il savait ce qui se tramait dans son propre domaine qui était protégé d’un sortilège à l’accoutumé, il deviendrait fou de rage.
— Si on l'appelle, il saura que j’ai oublié de refaire la protection hebdomadaire et vu les incidents diplomatiques je ne pense pas que ce soit réellement pertinent de le prévenir.
Sa voix était devenue un léger murmure qui se voulait particulièrement suppliant.
— On ne va pas l’appeler pour ça Mino, si ?
— Je vais lui envoyer Puño et ça tu n’as pas le choix. Je pense sincèrement que la protection est la dernière de ses préoccupations et que tout ce qu’il veut c’est que tu ailles bien et je ne veux pas lui cacher ça. La dernière fois que je l’ai fait, il m'en a beaucoup voulu au point de ne presque plus me faire confiance.
— Comme tu voudras.
Elle haussa les épaules et le jeune homme s’en alla pour rejoindre l’ancien bureau de leurs parents, à présent celui de leur frère. Il allait prendre Puño, un aigle rapide et discret qui était utilisé pour retrouver ses maîtres partout, Rina, quant à elle, repartie dehors. Elle avait pris soin de prendre un châle et de le mettre sur ses épaules pour essayer de fuir le froid. Il neigeait à nouveau, des étoiles pointaient dans le ciel dans les nuages chargés de flocons. Un ciel si beau, une journée terrible, quel paradoxe étonnant. Des larmes arrivaient pour se mettre à rouler pour de bon sur ses joues rougies par le froid, ses lèvres tremblantes s’ouvraient machinalement sans pour autant produire un son audible jusqu’à ce qu’elle murmure vaguement.
— Je ne suis qu’un monstre.
La frustration et la tristesse prenaient place doucement dans son cœur et dans ses membres. Lentement, elle regarda vers sa poitrine, cette partie du corps qu’elle détestait jusqu’au plus profond de son être.
— Je ne te laisserai pas gagner Zluna. Je peux te le jurer.
Zluna était la démone qui la hantait depuis plusieurs années maintenant. Quand elle eut cinq ans, un sceau lui fut imposé sur son cœur. Sa famille était déjà peu basique du fait de leurs dons magiques et les Dieux savent que c’était déjà complexe à gérer au quotidien. L’empire avait été meurtri par le passé avec les fameuses « Chasse aux sorcières » qui avaient incendié le quotidien de milliers de familles et un jour on avait décidé de remettre cela au goût du jour. À cause de ces chasses, les familles Sokl n’étaient pas réellement courantes dans les villages Jiklo mais parfois ils n’avaient pas le choix de s’y installer, par tradition ou pour le travail. Les Grintofk y résidaient pour le travail mais surtout parce que la maison familiale y était et qu’ils ne pouvaient l’abandonner. Un soir d’été, pendant la fête de Zinada, une déesse magique du royaume qui permet la fertilité des terres ainsi que l’éloignement de toutes forces maléfiques, les villageois avaient capturé la jeune Rina qui était venue au festival avec sa famille. Cette capture était pour lui imposer un maléfice indélébile, pour condamner elle et sa famille à un enfer quotidien, tout ça parce qu’ils étaient considérés comme un poison pour la communauté. Les Sokl ne sont pas toujours traités ainsi mais dans ce sombre village c’était comme ça, l’ironie du sort était qu’à cause de ce maléfice ils ne pouvaient quitter les terres d’Hiisop pour leur rappeler leur anormalité encore et toujours. S’ils les quittaient dans le but de ne jamais revenir, Rina ne survivrait pas car Zluna la posséderait définitivement et non plus sous l’effet du danger ou d’une très forte émotion. Ils avaient beau faire partie de l’aristocratie, ils étaient mis au ban de cette société qui les martyrisaient.
Depuis ce funeste jour, ses parents parcourent le monde à la recherche de remèdes contre ce mal. Ils reviennent trois fois par an au minimum, pour chaque anniversaire de leurs enfants. Ils faisaient cela tout en honorant leurs obligations de militaire, ils faisaient partie de l’armée de l’empire et parfois, quand c’était nécessaire, de la garde rapprochée de l’Impératrice. L’alliage des recherches, de leur métier et de leur famille était complexe, mais les trois enfants savaient gérer à présent qu’ils étaient plus grands, même si Tin avait dû partir à son tour, mais il prenait garde à rentrer le plus souvent possible.
Dans quelques jours ce sera l’anniversaire de l’aîné de la famille qui reviendra sûrement avant avec ce qui venait de se passer, elle frissonna à cette simple idée. Il n’était pas méchant envers eux mais quand ça concernait sa famille il pouvait être intraitable, déjà qu’il se faisait un sang d’encre à chaque fois qu’il partait en mission, elle ne voulait pas lui donner d’inquiétudes supplémentaires. Rina se mit à marcher lourdement sous les flocons de neige pour se rendre sur la balancelle suspendu à une branche du vieux chêne, à côté de sa serre, à côté des roses d’hiver.
— Tiens, ça te fera du bien.
Elle sursauta, Mino était arrivé sans un bruit, à pas feutrés, comme toujours. À peine cinq minutes après qu’elle se soit assise.
— Merci Mino.
Il lui donna une tasse de chocolat chaud, elle lui adressa un sourire malheureux pour essayer de le rassurer même si elle n’en était pas convaincue. Elle regardait le fond de sa tasse et tourna légèrement son regard à la voix de son petit frère.
— Tu sais Rina, il sera peut-être conciliant. Qui sait ?
— Probablement, je ne sais pas. Il doit arriver quand déjà ?
— Après-demain mais dans sa dernière lettre il avait dit que s’il pouvait il arriverait avant donc sûrement demain.
— Je suppose aussi.
Pendant que la neige tombait encore petit à petit, les deux jeunes gens ne parlaient pas vraiment, ils contemplaient le paysage avec un regard absent, comme s’ils réfléchissaient à tout et à rien en même temps. Au bout d’un certain temps, Mino lui dit bonsoir et s’en alla pour aller se coucher et se cacher du froid qui le frigorifiait. Rina voulait rester encore un petit peu jusqu’à ce que le sommeil prenne possession de son corps endolorie pour ne pas peiner à s’endormir en arrivant dans son lit avec ses idées noires.
De légers coups se firent entendre à travers le manoir ce qui réveilla Rina en sursaut, elle tremblait de froid à présent, qu’est-ce que ça pouvait être à cette heure tardive ?
— J’y vais !
Mino avait descendu les marches en quatrième vitesse pour voir ce qui se tramait. Il était en pyjama et sa voix semblait roque de sommeil, la présence l’avait sans le moindre doute réveillé et il espérait sans doute voir son héros de frère débarquer à l’improviste. Depuis quand Rina se trouvait-elle là ? Elle n’en savait rien mais ce qui était certain c’est que la nuit était déjà bien installée. Le jeune homme avait regardé à travers le judas qui était à sa taille, le même que sa sœur car oui, la porte en possédait plusieurs à différentes tailles pour que n’importe qui puisse voir qui venait leur rendre visite. Rina l’entendit soupirer d’exaspération avant d’ouvrir, bien entendu il ne cacha pas son hostilité à son interlocuteur.
— Tu veux quoi ?
— Bonsoir Mino comment te portes-tu ?
Un ton joviale prit place dans l’entrée du manoir et Rina fut prise de surprise, que faisait-il ici à cette heure ?
— Je dormais donc ç'allait effectivement. Vu le ton que tu prends, j’en conclue que tu vas pour le mieux ?
— Très juste, saurais-tu me dire où se trouve ma fiancée ?
Même s’il ne semblait absolument pas enclin à l'aider, il fit un effort qui semblait lui coûter beaucoup.
— Dehors, ne l’importune pas trop, elle a eu une rude journée. La prochaine fois tu pourrais venir plus tôt, c’est la moindre des choses.
— Je note sans le moindre problème, je te remercie.
Après son ton mielleux et un grognement mécontent, la jeune fille comprit que le nouveau venu avait ébouriffé les cheveux de son cadet, des claquements se firent entendre sur le sol, Rina ne connaissait que trop bien les chaussures de ville qui se dirigeaient vers elle. Son cœur battait à une vitesse folle, même si leur relation était tendue ces derniers temps elle était heureuse de le voir surtout qu’il avait l’air de bonne humeur pour une fois.
— Bonsoir mon amour.
Rina était de dos par rapport à lui, à l’écho de sa voix elle se retourna pour lui faire face munie d’un beau sourire sur son doux visage. L’homme face à elle était son fiancé depuis une année, il s’était rencontré deux ans auparavant. Ce soir il était vêtu d’un élégant costume d’un bleu sombre, son pantalon taille haute affinait encore plus sa taille, sa redingote montrait son corps sculpté relativement mince. Il avait dépossédé sa tête brune de son chapeau haut-de-forme qu’il avait à la main, un parfait gentleman de son temps. Kizune Siinop.
— Kizune, que fais-tu ici ? Y a-t-il un problème ?
Son regard avait une pointe d’inquiétude, elle ne voulait pas vraiment le voir à cause de l’incident de la journée. Elle craignait sans cesse qu’il soit l’auteur des attaques comme le supposait ses frères mais malgré tout elle l’aimait et ça semblait plus fort que tout.
— Non du tout, je passais non loin d’ici alors j’ai eu envie de te voir mais toi ? Tu es si pâle, quelque chose te tracasse, n’est-ce pas ?
Durant une demie seconde la jeune fille avait cédé sous son regard, ce détail ne lui avait pas échappé, bien évidemment.
— Tu me le dirais si quelque chose n'allait pas, pas vrai ?
— Tu as raison dans un sens je le crains.
Il s’était approché. La main de l’homme toucha le bras de la jeune femme avec douceur, elle allait lui dire, c’était évident. Elle releva doucement la tête ainsi que son regard sous l’impulsion de la main sous son menton.
— Encore ?
Faiblement, elle acquiesça avec tristesse, il savait déjà, elle n’avait pas besoin de l’avouer de vive voix.
— Quand ?
Le regard de l’homme était aussi dur que le ton de sa voix, à quoi songeait-il ? En vérité, il voulait vérifier ce qu’était advenu de son duo d’empotés mais ça il n’en dirait rien. Il devait jouer le rôle du parfait fiancé pour arriver à ses fins.
— Dans l’après-midi, deux personnes, un homme et une femme.
— Est-ce que tu es blessé ?
Son ton était faussement inquiet, il devait montrer que ça le touchait même si c’était de la pure comédie qui lui donnait envie de vomir.
— Non pas vraiment, tu sais à quel point je cicatrise rapidement. Ils m’ont juste touché plus profondément sur le côté comme tu le vois.
— Et eux ? Qu’est-il advenu de leur sort ?
Elle ne pipait mot, elle n’y arrivait tout simplement pas tant elle était honteuse. De plus, elle n’avait pas besoin de prononcer quoi que ce soit à vrai dire, il devina directement quand son regard se dirigea derrière elle. En vérité, il voulait savoir s’ils avaient réussi à la toucher, savoir si c’était même possible. Si Rina avait eu le courage de lever les yeux, elle aurait vu son air satisfait, c’était envisageable de la blesser finalement. Il élaborait toutes sortes de plans dans sa tête sans prendre attention à la créature qu’il trouvait faible au creux de ses bras.
— Je vois.
Mino regardait la discussion de loin, il ne savait pas s’il devait intervenir pour s’interposer face à celui qu’il ne considérerait jamais comme son beau-frère. Avec délicatesse, son regard croisa celui de sa sœur qui lui montrait qu’elle gérait la situation et qu’il pouvait prendre congé. Le jeune homme lui offrit un sourire compatissant et s’en alla pour se reposer un minimum avant la journée de cours qui l'attendait le lendemain. Rina revint sur son fiancé en cherchant un regard réconfortant mais elle songeait que c’était peut-être peine perdue, ce n’était pas son genre depuis quelque temps.
— Peux-tu me jurer que n’as rien à voir dans ces attaques Kizune ?
— M’en crois-tu capable ?
— Répond moi.
Son ton brut la fit tressaillir, il n’en avait pas l’habitude et ça le déstabilisa.
— Je te le jure, oui, évidemment.
— Puis-je te poser une autre question ?
Surpris, l'homme la regarda avec incrédulité, ne sachant absolument pas de quoi elle voulait lui parler. Ce n’était pas dans souvent qu’elle parlait ainsi, avec tant de prudence.
— Tu m’inquiètes, je t’en prie, dis-moi.
Un silence suivi, elle n’osait pas parler, formuler son inquiétude.
— M’aimes-tu ? M’aideras-tu as trouver quelque chose pour vaincre ce qui m’habite ?
— Pa…Pardon ?
Rina fut déçue, elle ne s'attendait pas à voir autant de choc sur son visage, elle soupira tout en se détachant de lui. Le silence venait de reprendre sa place, c’était insupportable, insoutenable pour elle.
— Oublie ce que je viens de demander, c’est idiot, je dois me reposer, je te prie de prendre congé.
La jeune fille voulut avancer pour rentrer dans le manoir, elle n’en n’avait que faire de son regard incrédule parce qu’elle avait souhaité une véritable réponse à ses questions. Certains diraient qu’elle agit sous une impulsion enfantine mais non, elle avait besoin de sa douceur qu’elle aimait tant, elle voulait juste avoir la sensation que ses frères avaient tort sur son compte. Que l’homme en face d’elle était amoureux et non pas là pour la détruire, que malgré leurs différences ils pouvaient s’aimer. Il n’avait pas le pouvoir de faire de la magie mais elle l’aimait malgré tout, n’était-ce pas suffisant ? Elle voulait fuir loin de lui pour ne pas faire face à la réalité de leur relation, parce que sinon elle devra le détruire avant qu’il ne le fasse, mais il attrapa un côté de son châle pour la retenir près de lui et mettre un terme à ses réflexions.
— Ne pense pas cela, j’ai juste été déstabilisée par ta question. Bien sûr que je t’aime Rina que vas-tu chercher par là ?
— Je ne sais pas, juste le besoin d’être rassuré par la personne qui partagera ma vie quotidiennement, un jour peut-être ?
Un frisson parcourut l’homme à la fin de cette phrase, décidément elle était changée ce soir.
— Par les Dieux qu’il fait froid.
Il frictionna ses bras pour rendre son excuse crédible avant de poursuivre sur sa lancée. Qu’avait-elle aujourd'hui ? S’il devait cracher des mots pour qu'elle ne se pose pas de questions, il le ferait même s’il devait dégobiller son dîner sur le sol du jardin.
— Bien sûr que je t’aime, je ne sais même pas pourquoi tu doutes de ça, chérie.
Il effleura sa joue et elle appuya son visage dessus, les yeux implorant de la jeune fille le dévisageait avant de lui répondre, déstabilisée.
— Pardonne-moi, je ne sais plus quoi penser, il est tard.
— Je n’en doute pas, je vais partir et revenir plus tard, me le permettras-tu ?
— Demain ?
— Bien-sûr, as-tu quelque chose de prévu ?
Son ton était moqueur, que pouvait bien faire une démone de ses journées mise à part tuer ?
— Tin revient dans peu de temps, je ne sais quand.
— Oh.
Kizune n’était pas toujours lucide mais sur ça il était certain d’une chose, se frotter au frère aîné était une chose complètement insensée, d’autant que c’était celui qui avait le moins confiance envers le fiancé de la seule femme de la fratrie.
— Je vais prendre congé alors, repose-toi bien et je verrai si je viens demain d’accord ?
— D’accord, merci de ta visite.
— Bonsoir.
Il lui fit un baiser sur le haut de sa tête avant de tourner les talons vers la sortie du manoir. La jeune fille soupira, elle voulait tomber dans un sommeil profond et se réveiller dans plusieurs jours. Elle avança comme un automate pour rejoindre sa chambre à coucher, tout ce qu’elle voulait c’était d’en finir avec Tin.
(MAIS BIEN SÛR) Mais en vrai c'est un amour
Kizune ? Oh... Tu le vois rien qu'à mon dernier Tiktok...