Le chemin des quatre oiseaux

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Pour Gaël.

Lorsque les nuits sont lourdes et que tes sens se perdent dans les profondeurs des sombres étoiles, n'oublie pas : dans l'obscurité, tu peux prendre le chemin des quatre oiseaux pour adoucir les rêves.

Marcher le long du sentier en prenant conscience des pas que tu gravis. Sentir, au cours de la voûte, le vent qui frémit entre tes doigts s'agrippant contre quelques cailloux sur le chemin. Comme une herbe mouvante, ton corps tangue du haut en bas, s'adaptant à la silhouette du plateau, suivant l'oscillation de la mer en contrebas. Le chemin des quatre oiseaux possède tous les embranchements, portant sur sa route tous les paysages des songes comme un mirage. Il peut emmener jusqu'au sommet d'une montagne, s'enfoncer aux tréfonds d'une claire forêt, ou bien conduire aux doux sentiers de la plage. Mais ne pense jamais, au grand jamais, que le chemin des quatre oiseaux ne mène nulle part. Car si jamais sa voie caillouteuse doit s'arrêter, ce sera au palier d’une cabane, peu importe laquelle, qui t'ouvrira ses portes.

Chaque demeure est différente. Elles s'adaptent à leurs lieux d'existence et de repos. Elles peuvent être faites de bois et de broc, décorées de ce que la mer ramène à elle, bordées par un tapis de sable, ou de pierres solides et sages, provenant des montagnes en lisière de la forêt. Elles grincent au fil du vent, perdues, comme posées là dans un désert humain. L'île que traverse le chemin des quatre oiseaux ne peut être explorée que par ceux qui en ont les clés et acceptent ses lois d’harmonie tranquille entre la nature et les flots. C'est ainsi avec sérénité que tu peux visiter ces paysages et ces maisons débordantes de vie accueillante, certaine de ne rencontrer aucune animosité. Les oiseaux se perchent près des branches d'un toit, chantant à ta venue. Quelques chats sauvages s’échappent des cabanes inhabitées pour t'observer avec nonchalance, ouvrant la porte pour toi. Ils peuvent deviner à ton allure que tu ne pourras que t’arrêter pour les caresser. Et même si les insectes grouillent au bord de la terre, fuyant le son de tes pas, une coccinelle acceptera peut-être de t’apporter le vœu qu’il te manquait.

Pardonne-moi, si ces cabanes paraissent bien branlantes de l'extérieur. Je ne suis pas un grand architecte. Mais je peux t'assurer qu'une fois à l'intérieur, plus rien au monde ne pourra t'atteindre. Tu seras protégé de tout ce que tu souhaites, enveloppé au-delà de ces pierres et de ce bois par mon amour et mon espoir. Cette envie profonde et indéfectible que ces humbles bicoques, toutes aux formes de mes songes, nous permettraient à toi et moi de passer un bien agréable chemin. Car, s'il te plaît, sur le chemin des quatre oiseaux, laisse-moi t'accompagner. Laisse-moi te guider parmi les branchages et les perles d'eau. Laisse-moi te préserver de ces cauchemars qui peuvent te poursuivre.

Je te montrerai la cabane dont je suis le plus fier, dans laquelle on peut voir les étoiles même au-dessus des nuages. Je peux t'en présenter bien d'autres encore, solides et protectrices, dont la force du vent ne saurait mettre à mal leurs fondations. Tu pourras courir avec moi jusqu'à elles, sous la pluie, pressés que nous serons de fuir les orages. Et nous pourrons, l'un contre l'autre, nous réchauffer face à un feu de cheminée, écoutant avec satisfaction le son du tonnerre, tenu à l'abri par un mur en pierre de la tempête. Et ainsi, malgré la peur et les risques, nous aurons envie que cette pluie arrive sur le chemin, qu'elle nous donne une excuse pour être ensemble.

Mais lorsque nous marcherons au zénith, promenant main dans la main sur le sentier, je pourrais me placer devant, juste un peu. Je te ferai voir ces ours que j'aime tant. Je te protégerai de ce lion qui peut se dissimuler dans cette vaste forêt. Mais surtout, je te montrerai tout ce qui est admirable sur cette île. Les étoiles filantes au bord de la plage, le soleil couchant au sommet d'un roc, le calme plat d'un champ de fleur, dans lequel il est si facile de se cacher au milieu des herbes hautes. Et enfin, sur le chemin des quatre oiseaux qui traverse le moindre recoin de cette île merveilleuse et tranquille, nous pourrons déterminer quels sont ces quatre oiseaux, camouflés dans les bois, qui lui ont donné ce nom chargé de mystère et de beauté enfouie.

 

De leur chant invisible se crée le sentier et l'espace autour. Ils sont les guides, les créateurs et les rois, cachés dans l'ombre de nos rêves. S'il est impossible de les voir, entend-les : respire calmement, paisible. Dans un léger sifflement, ils finiront toujours par venir vers toi. Avec leurs piaillements semblable à aucun autre viendra automatiquement ce chemin que tu cherches. Et ainsi, même si les apercevoir et les rattraper semble comme un mirage, avant même de le réaliser, les mauvais rêves s'en seront allés bien loin ; incapable d'atteindre, malgré les vagues, cette île dont ces quatre oiseaux sont les gardiens.

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Imre Décéka
Posté le 26/09/2021
J'ai lu ce texte comme je suis entré dans un rêve. J'aime ce chemin des quatre oiseaux, la cabane où ce chemin mène et les promesses qu'elle nous fait.
J'ai particulièrement ces mots :
"Pardonne-moi, si ces cabanes paraissent bien branlantes de l'extérieur. Je ne suis pas un grand architecte. Mais je peux t'assurer qu'une fois à l'intérieur, plus rien au monde ne pourra t'atteindre." Je trouve que s'excuser pour ce qu'on a de plus précieux, et de plus commun, est le signe même de l'humilité.
Bref, j'ai aimé.
Bravo pour ce texte et merci pour le partage.
Pouiny
Posté le 28/09/2021
C'est très gentil ^^ Merci encore à toi pour ta lecture et ton retour ! :)
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