le comptoir des boulangères

Sur leurs peluches, ils ont collé ta tête photocopiée. Celle des avis de recherche. Au cas où ils te retrouveraient dans leur sommeil.

Ils te serrent, frêles, le soir avant de s'endormir. Leurs larmes te mouillent, te gondolent. Ton visage est fripé, par endroit déchiré. Ils te bavent, la nuit, dans la bouche. Te sucent, sœur sucette. Tu ne dis rien, jamais rien. Jamais plus rien. Tu ne bouges ni ne mouftes. Photographie muette. Fille aplatie sur papier blanc, ma gamine en couleur fait pâle figure.

Nous avons tapissé la ville d'elle.

Sur les murs, les poteaux, dans les ruelles. Sur les pare-brises des voitures son sourire barré d'essuie-glaces. Ils la coupent, la découpent, tranchent, tranchants, le papier, ma fille en deux. Elle s'expose aux regards des passants qui, des yeux, la violent et pissent sur notre famille. Notre chagrin. Ils s'imaginent au lit avec la gosse perdue, prendre sa main prendre son cul. Faire avec elle papi-amie. Se fantasment geôliers, maîtres de sa survie.

J'envie ces gens oui qui la voient, passant, la matent. Qui jettent un œil à ses yeux en jetant leurs monnaies, dans les parcmètres, sur les comptoirs des boulangères. Qui ne la connaissent pas. Qui, dans le fond, se contrefoutent de ce qui lui arrivera.

Je les envie. Je préférerai ma chérie que tu crèves,

et n'en avoir rien à faire.

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