Un jour un pigeon ramier vint frapper à la porte du coq du village. Jaloux des capacités naturelles du coq, il voulait débattre et prouver que son propre chant pouvait tout aussi bien servir au réveil du village. Le coq le reçut et l’écouta argumenter, chicaner, ratiociner. Le ramier voulait que son talent soit reconnu, mais il omettait volontairement, dans son raisonnement, d’évoquer ses limites de registre et de coffre, en comparaison du coq. Ce dernier le lui fit remarquer en trois mots, et le ramier reprit de plus belle ses argumentations alambiquées pour tenter vainement de le contredire. Lorsque le ramier eut fini, le coq lui répondit simplement que si son avis ne lui suffisait pas, il pouvait encore interroger tout le village – mais ce ne serait que pour entendre le même refrain : sa voix ne porte pas assez. Le ramier riposta :
« Coq, ce n’est pas parce que tu as le dernier mot que tu as forcément raison ! » Ce à quoi le coq ne répondit rien. Le ramier rentra chez lui, et le lendemain à l’aube, le coq entonna l’hymne du réveil, comme à son habitude.
Cette fable nous rappelle que même pour de grands musiciens, les notes les plus justes restent les silences. Ainsi, ceux qui parlent le plus disent également plus de sottises ; la raison, elle, ne s’étend pas en discours.
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