Le gardien recommença sa ronde. Cathy avait compté, ils avaient 4 minutes 30 pour crocheter la serrure et grimper hors de sa vue.
- On y va.
Heureusement, Henri, par sa formation militaire, n'avait pas besoin de plus de temps. Elle lui prêta son épingle à cheveux et, en quelques secondes, ils entendirent le cadenas cliqueter. Ils ouvrirent délicatement la porte métallique, attentifs à ne pas faire grincer les gonds. Cathy s'engouffra la première. Grisés par l'ivresse et la joie, ils avalèrent les 347 marches qui les séparaient du premier étage.
- On fait une pause ? demande Henri, essoufflé. Cathy l'embrassa.
- T'es pas très en forme pour un soldat.
Il se vengea en la chatouillant.
- Arrête, ria-t-elle. J'vais crier et on va nous r'pérer. J'réponds pas de mes mouvements quand on m'chatouille. Et elle l'embrassa à nouveau avant de reprendre sa course.
- Le dernier au 2ème étage a un gage.
Il se dépêcha de la suivre mais elle volait à une vitesse folle. Elle parcourut les 327 marches suivantes aussi vite que les premières.
- Mais d'où tu tiens cette énergie ?
- La danse, ça entretient. Et la vodka, ça m'réveille. C'est toi l'dernier, t'as intérêt à avoir encore un peu d'énergie pour m'faire grimper au 7ème ciel quand on s'ra là-haut.
- Faudra déjà grimper au 3ème étage, dit-il en levant les yeux vers le sommet de la tour. Cathy lui fit un clin d'oeil et lui montra une cabine au centre de la plateforme.
- Ils ont fait installer des ascenseurs. Ils fonctionnent depuis dimanche, ils l'ont annoncé dans le P'tit Parisien.
- Des quoi ?
- Des ascenseurs. Viens. J'te montre. On a dansé à New York avec la troupe l'année passée. J'en ai vu là-bas.
Cathy ferma la porte, actionna une manivelle et la cabine se mit en branle.
- Tu es pleine de ressources, et il l'enlaça fougueusement contre les vitres pendant que le paysage défilait.
Arrivés au sommet, ils interrompirent leurs baisers.
- Quelle vue.
À 3 heures du matin, tous les réverbères au gaz brillaient sur Paris. La capitale portait bien son surnom de Ville-Lumière. Cathy frissonna. Le vent qui soufflait là-haut, à 276 mètres du sol, rafraîchissait l'air estival. Henri reprit l'épingle à cheveux. Cette porte-là mit plus de temps à céder mais bientôt, elle s'ouvrit.
- Voilà, annonça-t-il triomphalement, que Madame s'avance. L'appartement secret de Gustave Eiffel.
Cathy tira une révérence cérémonieuse :
- Je vous remercie gentilhomme, et elle entra pour se laisser tomber dans le canapé.
Henri prit d'abord le temps d'ouvrir le bar à liqueur.
- Vodka, gin ou calvados ?
- Prends-les 3 et viens honorer ton gage.
Note : Nouvelle réalisée pour un exercice à partir d'un fait divers de l'époque. L'année de fin de construction de la tour Eiffel, un jeune couple aurait réussi à pénétrer dans l'appartement de Gustave Eiffel au sommet (il existe toujours), fait l'amour et vidé son bar à liqueurs et ses cigares.
On démarre sur un thème et un rythme très prenants - j'ai vraiment cru qu'ils étaient cambrioleurs. Et tu as arrives à nous emmener lentement mais sûrement vers la conclusion finale, avec un retournement de genre. C'est bien joué !
J'étais plongée dans l'idée de cette époque donc ça me semblait clair. Je viens de la relire en imaginant l'époque contemporaine et c'est vrai que ça n'est pas clair. Tu penses qu'un petit "Paris, 1889" en italique en introduction faciliterait la lecture ? Ou je devrais trouver une façon de l'induire plus clairement dans la nouvelle.
J'ai corrigé la typo des dialogues aussi et enlevé les guillemets ;)
La fin est super bien menée aussi, tu as eu raison de ne pas aller plus loin, cela nous laisse le loisir d'imaginer la suite ou non :)
Merci pour cette belle lecture,
Au plaisir de te lire !
Fy
Ces petites histoires ont attiré ma curiosité car cela me rappelle mes ateliers d'écriture à la fac !
En tout cas, je trouve le thème intéressant et ton écriture fluide. J'ai bien aimé la facétie de Cathy ainsi que ton titre !
Pou pinailler, je dirai que les dialogues faisaient un peu trop actuels par rapport à la date supposée de cette action. Peut-être est-ce un point à améliorer ?
Pour développer l'ambiance, tu peux aussi rajouter les odeurs, je pense qu'il devait y avoir des odeurs bien particulières en cette fin de construction !
Du coup, tu as écrit cette histoire en cinq minutes ? Tu comptes la retravailler ? (je sais que je n'en avais pas toujours envie, j'aimais bien le laisser mes textes d'ateliers tels quels^^).
En tout cas, je vais te suivre avec plaisir !
A bientôt !
Celle-ci m'a pris plus que 5 minutes mais est un 1er jet (toutes les autres sont des réécritures de textes écrits en 5 minutes). Et oui, je compte la retravailler mais j'avais envie de déjà la publier, justement pour avoir des retours.
Cette phrase: "À 3 heures du matin, tous les réverbères au gaz brillaient sur Paris. La capitale portait bien son surnom de Ville-Lumière. Cathy frissonna. " J'adore... On s'y croit.
Très jolie.
Lyse
Une remarque de style pour le vocable utilisé par Cathy : on s'aperçoit de l'accent (parisien ? de petite extraction ?) mais il n'est pas linéaire ni tout à fait suivi je trouve. Peut-être le "d'puis" est de trop ? je ne sais pas, c'est comme si c'était trop ou trop peu.
Sinon c'est une belle envolée qui se termine magistralement, en effluves alcoolisées !