La foudre frappa à nouveau. Un éclair vert déchira la chair et les muscles d’un garde en poste à la herse, ultime rempart à la liberté. Maeva éjecta le cœur de Nymphe de la loge de son arme avec une habileté coutumière, ses mains agissaient mécaniquement tandis qu’elle aboyait des ordres à ses protégés. La jeune femme fit fermer et barrer la double porte en bois car, derrière, l’on entendait les cris furieux, inhumains, des fidèles enragés. Ils accouraient sur l’injonction hystérique de Sibilha. Hélas, la sortie était solidement gardée, le combat constituait l’unique chance de franchir l’immense grille métallique.
— Sabre au clair, compagnons, encouragea la guerrière. La liberté nous attend !
Kapris chargea avec deux hommes, malgré la fatigue et le sous-nombre, ils luttèrent avec acharnement pour leur survie. Finir en ragoût n’était pas dans les projets immédiats de l’ancien chevalier, qui exécuta un rapide moulinet de sa lame, tailladant le premier larron venu. Il portait désormais la marque maudite de Korag, elle saillait de sa chair en son flanc gauche, douloureux souvenir de la maison, dont il comptait bien rendre à ces fous. D’estoc en taille, l’homme usa de ses talents d’épéiste et d’escrimeur hors pair pour repousser les coups qu’on lui portait. Le métal brandit par ses ennemis ne l’effleuraient jamais, toujours il esquivait, contrait et attaquait, sans relâche. Il fit preuve d’une endurance sans commune mesure dans sa condition, poussée par l’urgence de la situation et sa ferme volonté de protéger Maeva et ses camarades. Une roulade de côté lui permit d’éviter la pointe d’une hallebarde, il profita de l’inertie du mouvement pour projeter son corps vers l’avant et atteindre sa cible en plein cœur. Le dément s’écroula en râlant de douleur. Cependant, un autre prit bien vite sa place.
Maeva, après une généreuse distribution de tir dans le gros de l’ennemi, rangea les pistolets qu’elle tenait et tira à son tour sa lame. Elle s’apprêtait à mener la charge lorsque, entre le fracas des armes et le martèlement de la porte de derrière, ses oreilles perçurent des cris, des injonctions qui provenaient de l’extérieur. C’était la voix de maître Rainier, il venait au secours de ses hommes et des deux vagabonds ! L’ancienne écuyère changea de plan. Tournant les talons, elle se précipita en direction de la manivelle qui actionnait la herse. Il lui fallut mettre toute sa force afin de faire bouger la grille, mais déjà, par-delà celle-ci, les silhouettes des gardes se dessinaient, soulevant de leur bras le lourd ouvrage métallique. La garde d’Eve émergea depuis l’extérieur de la tour, venant à la rencontre de ses camarades en détresse, elle fit le ménage à force d’épées et de sabres. L’ancienne écuyère obstrua la manivelle avec l’une des lances qui traînaient par là, laissant le champ libre à une fuite précipitée. Comme la porte céda, les vaillants guerriers durent abandonner la position, ce fut alors un moment confus. La masse fanatique se jeta sur les corps éreintés, traînés par Maeva et les renforts dans un effort qu’eux-mêmes ne crurent pas possible. Ils accomplirent en ce jour le miracle de sauver tout le monde, car, lorsque la grille fut franchie, les fidèles de Korag s’arrêtèrent, n’osant braver les rayons salvateurs du soleil.
Cela étant, le groupe conduit par maître Rainier ne s’arrêta qu’une fois bien enfoncé à l’intérieur de la forêt. L’on confirma que personne ne suivît et que l’on demeurât hors de danger, ce fut un grand soulagement pour tout le monde. On se posa donc, le temps de réorganiser la troupe et de soigner les blessures, la vue de la lumière céleste restait trop rare pour ne point en profiter. Maeva déposa son ami Kapris contre un arbre, elle se revêtait toujours de cette robe azur offerte par la démente d’Ombra Negra. L’habit n’était plus aussi resplendissant qu’il le fut, du sang le souillait par endroit et des déchirures l’éventraient à d’autres. Il n’y avait là plus qu’un torchon. La jeune femme s’assit à côté de son compagnon, la journée fut éprouvante pour elle plus que pour n’importe qui ici présent. Ses esprits s’emplissaient de mauvaises pensées, du souvenir frais des atrocités de la cité souterraine, son visage en était plus pâle qu’à l’accoutumée.
— Merci, Maeva, lui souffla son vieux maître. Nous sommes venus pour te sauver, en fin de compte, nous te devons tous la vie. Peu importe ce que tu as fait là-dedans, ce ne fut que justice et bravoure. Le monde est ainsi désormais, ceux que nous défendions porteront peut-être le glaive contre nous.
Sans mot dire, la Princalienne esquissa un sourire furtif à son intention, l’œil fermé, elle s’appuya contre le tronc humide de l’arbre et tenta de faire taire ses cauchemars éveillés.
— Ce n’est sans doute pas le moment pour ça, reprit la voix grave à ses côtés, mais, je dois dire que tu es très élégante dans cette robe, tu rendrais jalouse la plus belle des Nymphes.
Ces paroles réconfortèrent la jeune femme, qui sentit une apaisante chaleur se propager dans ses membres, son visage plus rouge qu’à l’accoutumée.
Merci pour ta lecture !
Rien à dire sur le style toujours aussi excellent!
Je trouve la conclusion de l'histoire un peu rapide sinon c'est très bon. La tension est là et l'arrivée providentielle de Maître Rainier est très bien amenée.
Merci!
A bientôt
Je suis ravie que ça te plaise toujours, merci à toi.
À plus tard.