le début de l'été

1 semaine auparavant

Emilia descendait tranquillement les marches de son lycée, un sac sur ses épaules. Un sentiment de fierté se dégageait d'elle. Les épreuves étaient terminées, il ne lui restait plus qu'à attendre les résultats et à se détendre les deux mois qui allaient suivre. La chaleur étouffante et le soleil éclatant lui faisaient oublier que c'était l'une des dernières fois qu'elle franchissait l'enceinte de l'établissement.

— T'es pas trop triste de partir ? lui demanda Jeanne, qui s'était placée à ses côtés.

Cette dernière arborait un petit sourire nostalgique, émue par ces dernières années de lycée qui allaient se terminer. Jeanne était une amie très proche d'Emilia, elles se connaissaient depuis toutes petites. Et avec Oliver, ils formaient un trio inséparable qui avait su résister au temps et aux intempéries de la vie.

— Pas du tout, répliqua Emilia avec bienveillance. J'ai attendu toute l'année les vacances d'été, on va pouvoir enfin profiter ! T'as vu les températures qu'ils annoncent, ça va être les meilleures vacances de notre vie.

Leurs voies résonnaient dans les rues vides, désertées par les habitant de la ville qui soit travaillaient, soit profitaient du beau temps en se prélassant à la plage. Ils continuèrent leur discussion jusqu'à leur arrivée devant une énorme demeure, qui s'apparentait presque à une villa. Les murs faits de bois et de verre surplombaient la ville du haut de la colline. Elles se postèrent devant le grand portail noir, et attendirent patiemment qu'Oliver vint leur ouvrir.

Quelques minutes plus tard, les trois adolescents étaient à l'intérieur de la grande propriété. Ils entrèrent dans la maison, et les jeunes femmes se surprirent à voir le père d'Oliver les saluer très froidement. L'homme avait été pourtant dans leurs souvenirs un père de famille plein de joie de vivre, qui ne ratait jamais une occasion de s'amuser. Une fois confortablement installés dans la chambre du jeune homme, celui-ci leur expliqua que lui et son père s'étaient violemment disputés après le départ de sa mère.

— T'aurais dû nous en parler, se désola Emilia.

Il la rassura en lui assurant que tout allait bien. Il n'avait pas besoin de son père après tout, il savait très bien se débrouiller sans lui. Il proposa à ses amies des rafraîchissements que celles-ci acceptèrent volontiers au vu de la chaleur qu'il faisait, même si l'intérieur de la maison était climatisé. Pendant qu'il préparait les cocktails, Emilia et Jeanne observèrent la chambre qui était toujours décorée de façon sobre et moderne, depuis aussi loin dont elles pouvaient se souvenir. Des teintes claires, accompagnées de touches de noir et de jaune, coloraient la pièce et lui donnaient une ambiance chaleureuse.

Emilia fronça les sourcils quand son regard croisa un sac en papier à moitié ouvert sur le bureau. Elle s'approcha et jeta un coup d'œil à l'intérieur, intriguée. Jeanne se posta à côté d'elle à son tour et mit sa main devant sa bouche.

— Qu'est ce que... s'exclama-t-elle, interrompue par le bruit d'ouverture de la porte.

Oliver entra dans la chambre, les mains chargées de trois verres décorés de palmiers. L'air de rien, les jeunes femmes prirent chacun un cocktail et se remirent sur les poufs sur lesquels elles s'étaient assises avant le départ de leur ami. Emilia reprit la conversation pour ne laisser aucun soupçon au garçon :

— Bon, il est temps de parler d'un sujet très sérieux. Oliver, t'as la playlist ?

Celui-ci hocha de la tête tout en s'asseyant et en appuyant sur le bouton "play" de son téléphone. Une musique festive emplit la pièce et les trois se mirent à sourire, la mélodie leur rappelait d'anciens souvenirs heureux.

— Parfait ! Jeanne, la liste des invités ?

— C'est fait, répondit avec gaieté cette dernière. Juste, faudra faire gaffe qu'ils ne cassent pas tout chez toi parce qu'il y en a beaucoup.

— T'inquiète pas, je gère. Tout est prêt pour la semaine prochaine alors, il ne me reste plus qu'à acheter les boissons et la nourriture ! J'espère que ce sera une réussite. 

La nuit commençait déjà à tomber quand Emilia et Jeanne décidèrent de rentrer dans leur maison respective. Oliver se retrouvait encore une fois seul avec son père ce qui avait tendance à le terrifier.

— Oliver ! Viens ici tout de suite ! hurlait déjà son géniteur depuis le salon dès qu'il eut refermé la porte.

Celui-ci était dans le canapé, en sous-vêtements, un verre de ce qui semblait être du whisky à la main. Le jeune homme était debout devant celui qui le terrifiait le plus depuis le divorce de ses parents. À sa posture et à ses insultes, Oliver devina que l'homme était encore ivre.   

— Papa, tu...

Le coup de poing atterrit dans sa figure. Le jeune homme perdit l'équilibre et se recroquevilla sur le sol. Le sang coula sur son visage doucement, son nez avait émit un craquement. Mais en dehors des coups, c'était le comportement de son père qui le faisait le plus souffrir.

— Je t'avais dit plus d'invités ! bafouilla-t-il en reprenant les coups de plus belle.

Il avait envie de vomir. Cela lui faisait tellement mal qu'il pensait perdre connaissance mais rien n'y faisait, il devait continuer d'endurer ce supplice. Son corps se crispait de douleur, le sol devenait peu à peu écarlate, jonché de sang. Puis, ce fut enfin le noir total.

Une cinquantaine de mètres plus loin, les deux amies du garçon s'éloignaient, insouciantes. Elles discutaient de ce qu'elles avaient aperçu dans le sac en papier tout à l'heure. 

— Pourquoi il avait tout ça dans sa chambre ? Qu'est ce qu'il compte faire ? demanda Jeanne, tout en sachant que Emilia n'avait pas de réponse à ses interrogations.

Celle-ci ne répondit pas, elle était consternée par le comportement d'Oliver. Elle ne comprenait pas d'où cela venait. Jeanne était en train de farfouiller dans son manteau à la recherche de son téléphone 

— Merde, je crois que je l'ai oublié dans la chambre. Je reviens tout de suite, bouge pas !

Elle revint sur ses pas et remonta le long de la rue pour sonner pour la deuxième fois de la journée au grand portail noir. Elle aperçut Oliver, assis sur le sol, la tête dans les mains. Elle l'appela pour qu'il vienne lui ouvrir, en lui demandant si tout allait bien. Une fois entrée, elle plissa les yeux pour mieux distinguer le visage de son ami caché dans l'ombre, et remarqua l'œil au beurre noir du jeune homme.

— Oh, Oliver... Qu'est ce qui s'est passé ?

Jeanne vit alors les plaies, rendues auparavant invisibles par l'obscurité, ainsi que le sang sur les vêtements de son ami. Elle était déjà prête à appeler les urgences mais Oliver l'arrêta  en agrippant son bras, avant qu'elle ne puisse atteindre son téléphone.

— Non... Tu ne peux pas... Ne fais pas ça. Je ne veux pas.

Sa voix, d'abord tremblotante, avait vite monté en puissance et son ton passa d'une supplication à un ordre. Il ne se rendait pas compte qu'il n'avait pas lâché le bras de Jeanne, ni qu'il serrait de plus en plus fort.

— Merde, c'est bon j'ai compris, lâche-moi tu me fais mal ! s'exclama-t-elle en se dégageant de l'emprise d'Oliver.

Elle recula de quelques pas. Elle ne reconnaissait plus son ami.

— Qu'est ce qui se passe ? T'es sérieux, d'abord la drogue ensuite ça ? ajouta-t-elle, évoquant les cachets qu'elle et Emilia avaient aperçus dans le mystérieux sac en papier. Avec qui tu t'es battu déjà ?

Le jeune homme, estomaqué que Jeanne l'accusait d'être responsable de ses blessures, ne sût quoi répondre aux accusations de cette dernière. Il se contenta de lui lancer un regard noir et à lui répéter qu'elle devait partir et faire comme si elle n'avait rien vu.

— Quoi que tu crois avoir compris, tu ne dois rien dire à Emilia, dit-il, priant pour que Jeanne n'aille pas tout raconter à son amie. Je ne veux pas qu'elle ne s'inquiète pour rien.

La jeune femme soupira et, sans répondre, sortit de la cour les poings serrés. Les grilles du portail d'Oliver claquèrent dans un bruit sourd, derrière lesquelles s'imposait la somptueuse maison d'une des familles les plus riches de la ville. Perdu, seul au monde, le jeune homme ferma ses yeux rougis une demi-seconde, comme pour cacher l'océan de douleur qui s'y trouvait.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Fy_
Posté le 20/07/2020
Tout ce qui se passe là est très intriguant, j'ai envie d'en savoir plus :)
C'est très fluide et bien écrit, agréable à lire et l'histoire a du suspens.
Y'a-t-il une suite ?

Oliver semble cacher de lourds secrets à ses amies, je suis curieuse de savoir pour quelles raisons :)
Merci pour cette lecture,
Fy
Vous lisez