Thomas était terré au fond de la cellule, comme une bête au fond de sa tanière. On l’avait plusieurs fois menacé de la prison, mais c’était la première fois qu’il s’y trouvait en chair et en os. L'endroit était suffocant. Il n’y avait pas d’espace. La couchette n’était pas assez grande pour qu’il puisse s’y étendre de tout son long. Malgré tout, cela ne lui faisait ni chaud ni froid. D’une certaine manière, il savait bien que finir au fond d’un trou était désormais son destin inéluctable. On l’étiquèterait bientôt bête enragée. Après tout, qui voudrait avoir à s’occuper d’un cas comme lui? Il n’avait plus d'autre sentiment qu’une rage qui sommeillait au fond de sa personne et qui jaillissait pour rien, pour un regard de travers, un mot à demi-murmuré, un geste mal interprété. Alors, il voulait tout démolir, c’était irrépressible. Cela sortait en gros tourbillons et il frappait tout ce qui se trouvait à sa portée. Il était dangereux, disait-on de lui. Sûrement était-ce vrai.
En s'imaginant ce que les policiers pouvaient bien dire de lui en ce moment, il avait senti ses muscles se contracter. Il sentit alors une pulsion irrésistible monter en lui, un désir de tout casser, de leur faire comprendre, à ces imbéciles, qu’ils devaient juste le laisser aller. Loin de tout. Qu’il irait au fond des bois et n’aurait plus de contact avec personne. Qu’il ferait comme ses ancêtres et se coucherait sur le sol en passant des jours immobiles jusqu'à en divaguer et jusqu’à ce qu’un esprit tutélaire veuille bien veiller sur son âme et le guider. Qu’il irait grimper au sommet des épinettes et crierait jusqu’à s’en déchirer les poumons la colère qui le tenaillait et ne voulait plus sortir de son être. Puis, il sentit ce désir refluer, comme toujours, laissant la place à un désert.
Il ne voulait plus aimer. Chaque fois qu’il l'avait fait, la personne était morte ou était partie pour toujours, le laissant en arrière avec un cœur arraché et plein de plaies béantes. Cela avait d’abord été son père. Avant même qu'il ne vienne au monde, celui-ci l'avait rejeté. Il n'avait pas voulu s'encombrer d'un bébé alors qu'il sortait à peine lui-même de l'enfance. Il était parti au loin et pendant des années, nul n'en avait plus entendu parler.
Puis, il y avait eu sa mère, Natacha. Il l'avait à peine connue : elle était morte lorsqu'il avait à peine sept ans. De ses premiers souvenirs d'enfance, il ne gardait que le son rire grêle et gai et l'aspect lustré de sa longue chevelure noire. Il savait qu'elle l'avait eu fort jeune. Elle avait été ce qu’on appelle une fille-mère, mais avait été beaucoup plus fille que mère. Il avait été sa poupée. Elle l’habillait, le berçait, le cajolait. Il se rappelait aussi qu'elle lui parlait souvent dans une langue chantante et qu'il se sentait à l'abri de tout au creux de ses bras.
Puis, elle avait sombré dans la drogue et avait chuté de si haut que les abysses l'avaient avalée. Encore aujourd'hui, il ne savait pas ce qui avait provoqué cette catastrophe. Peut-être que jusque-là, le rire de Natacha n'avait servi qu'à masquer une souffrance si grande qu'elle avait fini par l'engloutir. Peut-être que ses yeux de jais n'arrivaient plus à se mirer dans le ciel. Peut-être que son coeur s'était effondré sous le poids des hurlements retenus jusque-là dans sa gorge. Dans tous les cas, une détresse trop grande l'habitait et elle n'avait pas su y faire face. Très vite, la jeune femme au pied sûr était devenue une créature titubante aux yeux aussi vides qu'un trou noir. Thomas n'avait que des souvenirs confus de cette époque, mais il se rappelait avoir eu souvent faim et soif. Il se souvenait aussi avoir maintes fois appelé sa mère sans que ses cris n'arrivent à l'extirper de sa nuit. Elle restait effondrée sur le sol, apathique, alors qu'il lui tirait la manche en pleurant. Une femme blanche venait parfois la voir. Elle aussi la secouait, essayait de lui parler et agitait les bras d'une façon convaincue. Elle était leur seule visiteuse, la seule à se soucier de leur sort. Elle leur apportait de la nourriture, souriait à Thomas et regardait parfois par la fenêtre d'un air soucieux. Ensuite, elle repartait, suivie du flot de paroles de Natacha qui la suivait en joignant les mains comme si elle promettait quelque chose.
Puis, un jour, sa mère s'était faite de nouveau amorphe. Pendant qu'il la serrait dans ses bras, il senti une rigidité nouvelle s'emparer des muscles de Natacha, son souffle s'était ralenti, sa peau était devenue froide et ses yeux avaient roulé dans leurs orbites. Il avait crié, plus fort qu'à l'habitude. Elle avait eu comme un sursaut, puis, pour la première fois depuis longtemps, il avait compris qu'elle le voyait vraiment. Une étincelle avait flambé au fond de son regard avant de s'éteindre à jamais. Paniqué, il avait eu beau pleurer dans ses oreilles et tirer son bras de toutes ses forces, elle était demeurée inerte. À l'époque, il n'avait pas compris pourquoi elle ne se levait pas alors que ses yeux avaient été pleins, comme au temps où elle chantait. Il était trop enfant pour saisir qu'elle était morte.
Des heures s'étaient écoulées avant que la femme blanche ne vienne. Il l'avait vue se figer, ses membres se roidir et sa bouche s'ouvrir et se fermer, rendue muette par une cascade de mots inaudibles. Puis, elle l'avait attrapé et ils avaient quitté la réserve. Elle l'avait emmené loin, très loin, dans une grande maison de briques, cernée d'autres maisons de briques, sise dans un endroit où des rues sans trottoirs formaient des angles droits, couvertes d'asphalte et de voitures rutilantes. Là-bas, il n'y avait pas d'épinettes ni de sapins baumiers. Les arbres ressemblaient à de pauvres choses étriquées, étroitement confinées par la civilisation.
Il savait qu'il avait beaucoup crié. Il ne comprenait plus rien, car plus rien n'avait de sens. Sa mère n'était plus là. La femme lui avait dit qu'elle s'appelait Lia et qu'elle allait s'occuper de lui, mais il ne voulait pas. La nuit, il faisait des cauchemars. Il se dressait dans son petit lit, rejetait violemment l'édredon bleu et hurlait. Lia se précipitait, essayait de l'apaiser, de le bercer et de le rassurer, mais elle ne lui disait rien dans la langue chantante de Natacha. Il avait l'impression de suffoquer, pris en étau dans des bras exhalant une odeur inconnue.
Pourtant, au fil des années, il avait fini par se calmer. Il devint un enfant taciturne, impulsif et avide de lecture. Lia lui avait mentionné que ses parents étaient des Anishinaabek de la nation algonquine, que son père s'appelait Noah et sa mère Natacha, mais elle avait bien insisté pour lui dire qu'il faisait désormais partie de sa famille, qu'il était le frère de ses enfants et son fils à elle. Pendant plusieurs années, il accepta de jouer la mascarade. Il se grima en parfait petit banlieusard, alla à l'école, joua aux jeux vidéos, pianota sur son iphone et ronchonna lorsqu'on insistait pour qu'il fasse ses devoirs. Pourtant, à l'intérieur de lui, il vivait un malaise grandissant qu'il n'arrivait pas à identifier. Il était pris derrière une barrière de vitre qu'il n'arrivait pas à fracasser. Les préoccupations des autres lui semblaient futiles, leurs mots incohérents, les odeurs l'assaillaient et le son des voitures l'agressait. Le chaos organisé qui l'entourait lui donnait souvent de violentes envies de fuir. Il se sentait la proie d'un profond malaise. Alors, il repensa à ce que Lia lui avait dit, de ses origines, de ses parents et il comprit les sources de sa confusion. Il ne serait jamais vraiment de la famille de l'amie de Natacha. Elle l'avait arraché à la sienne et à son peuple!
De ce jour, il commença à la harceler, à lui demander sans cesse qui était son père, quand il pourrait rentrer, de quoi avait l'air Pitobik. Elle s'opposa férocement à son désir d'en savoir plus sur son peuple d'origine. Elle insista pour dire qu'il n'en faisait plus partie, qu'ils n'étaient qu'une bande de fainéants et qu'à cause d'eux, sa meilleure amie avait fini par se droguer à en mourir. Elle appela même Pitobik l'antre de la culture malsaine et lui interdit de s'identifier à eux. Frustré, Thomas s'enferma dans un mutisme obstiné et commença à rechercher comment joindre son père en se basant sur les quelques renseignements qu'il avait pu soutirer à Lia dans le passé. Au bout de quelques temps, il réussit à l'identifier et à le contacter. Noah ne sembla pas trop comprendre à qui il parlait et marmonna une suite de mots incohérents que Thomas interpréta comme un consentement à sa venue.
Il arriva à Pitobik au début de l'été passé et débarqua chez sa grand-mère où vivait son père. Chez la matriarche s'entassaient son oncle et de sa tante ainsi que de toute leur marmaille. Les enfants pullulaient au point où toute la maison vibrait sous leurs cris. Thomas s'en rendit tout de suite compte : ils étaient trois fois trop nombreux pour une demeure de cette taille. Ils vivaient entassés, ne sachant que faire de leur peau. En fait, ils se piétinaient les uns les autres, chacun perdu dans l’unicité de sa détresse. Pourtant, ils étaient issus d’un peuple qui avait toujours été libre, savant dans les humeurs du vent, de la forêt, des rivières et des bêtes, une nation qui avait ses racines au grand air. Habitué à la vaste demeure de Lia, Thomas eut un mouvement de recul. Il chercha Noah du regard. Il le vit recroquevillé dans un coin, l'aiguille encore enfoncée dans le bras et l'extase lui défonçant le corps. Celui-ci était maigre, ses dents jaunes et déchaussées, ses cheveux rares et sa peau marquée. Pour Thomas, voir la déchéance de son père sonna soudainement le glas définitif de son enfance. Il sortit en titubant, s'assit devant l'entrée, et pleura. Pendant un bref instant, il eut envie de retourner chez Lia, mais l'idée de la voir l'accueillir avec un air morgue le rebuta profondément. Son retour précipité comme un aveu qu'elle avait raison de juger comme elle le faisait les gens de Pitobik. Il décida de rester.
Il passa l'été à se promener dans la forêt, frissonnant lorsqu'il sentait l'odeur des sapins baumiers et des épinettes tout en savourant l'absence d'odeur de bitume et de chimique. Il passa de nombreuses soirées à fréquenter les aînés de Pitobik, source de savoir inépuisable sur le passé de leur nation. Lorsqu'un des anciens aux mains ridées et aux yeux chassieux parlait, un silence respectueux l'entourait. Ils étaient l'incarnation d'un savoir mis en péril par une modernité précipitée. En outre, Thomas apprit les rudiments de la chasse auprès des chasseurs de la région, ainsi que quelques notions de base sur les savoirs traditionnels. Il passait toutes ses journées à apprendre tout ce qu'il pouvait sur ses origines. Après plusieurs mois, il fut capable de se retrouver dans les environs, de distinguer les espèces d'arbres les plus fréquentes, d'accompagner les chasseurs sans être un poids inutile et les légendes originelles des Anishinaabek. Pourtant, malgré toute se volonté de s'intégrer, il ne se sentait pas parfaitement en harmonie avec sa culture, comme si une part de son être était ailleurs. Surtout, lorsqu'il rentrait chez lui le soir, il pouvait voir jusqu'où la douleur pouvait mener à dériver lorsqu'il butait sur son père.
En septembre, il tint à s'inscrire à la polyvalente d'Onoega, le village voisin. Pourtant, la rentrée ne fut pas du tout comme il l'espérait. Là-bas, il y avait les Blancs et les Anishinaabek. Il n'arriva pas à se lier ni avec l'un, ni avec l'autre. Les Blancs le regardaient avec suspicion et les Premières Nations ne le considéraient pas comme un des leurs. Encore une fois, il n'était pas à sa place nulle part. Puis, ne tolérant plus l'isolement et les moqueries des autres, il finit par se retirer de l'école au bout de quelques mois. Il s'enferma dans une colère sourde, s'évada dans les bois et ignora férocement tout ce qu'une forme d'autorité pouvait lui ordonner. Aujourd'hui, il n’avait pas d’amis. Il n'y avait personne pour lui dire que la souffrance ne dure pas toujours. Il s’était muré dans un silence violent et était devenu une dynamite humaine au bord de l’explosion.
Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas la porte du poste de police claquer dans le lointain.
* * *
Il s’était réveillé plus tôt que le soleil ce matin-là. Marie-Anne était lovée en cuillère contre lui et il aimait la chaleur qui se dégageait de son corps. Il resta là un instant à profiter des dernières secondes de confort. Ces dernières semaines, la température s'était rapprochée du zéro degré et il avait senti des papillons au creux de son ventre en pensant que, peut-être, juste peut-être, ils auraient des deux ou trois degrés sur plusieurs jours d’affilée. Son espoir avait été vite déçu quand le froid s’était réinstallé et qu’il y avait eu plusieurs journées de tempêtes dans la région. Il s'esclaffa dans sa tête en imaginant ce que les gens de son pays d'origine diraient en sachant que pour lui zéro degré était une température presque tropicale. Ce n’était certainement pas comme cela dans sa France natale, quand il vivait à Marseille dans un climat méditerranéen. Mais il y avait longtemps qu’il était parti.
Marie-Anne remua et il en profita pour se glisser hors du lit. Il prit une douche rapide et s’habilla prestement. Pendant plusieurs heures encore, il serait le seul de la maisonnée à être éveillé. Les jumeaux resteraient indélogeables dans leur lit jusqu’à la dernière minute avant que leur autobus scolaire ne vienne les prendre. Ils fileraient alors vers l'école, encore à moitié endormis. Marie-Anne s'enfermerait ensuite dans sa collection de mythes autochtones avant de rédiger furieusement son doctorat de mythologie, assise face au lac gelé. Son esprit se perdrait encore dans des théories qu’elle seule voyait et comprenait.
Lui, qui était le travailleur social de la région, il filerait de maison en maison et essaierait de démêler les fils compliqués de toutes ces existences. Ce ne serait pas facile, mais il était fait pour cela. Il était tenace et il aimait les gens. Il y avait quelques années qu’ils étaient venus s’installer ici, à Onoega. Ce qui devait être un poste temporaire pour lui en région éloignée était devenu une affectation permanente. Toute la famille était tombée en amour avec cette terre de mirages et de lumière, bordée de lacs immenses, dont le lac d’Onoega qui était renommé dans toute la province pour ses eaux limpides et pures. Celui qui se rendait jusque-là avait l’impression de parvenir à un endroit hors du temps et de l’espace, où tout s’était figé. L’été, quelques touristes avides de pêche, de chasse et de randonnée venaient se perdre dans le silence des lieux. Le reste de l’année, le silence envahissait tout la région.
Quentin avalait un dernier morceau de brioche à la cannelle quand son téléphone sonna. Il répondit rapidement, avant que le son ne dérange les autres.
- Allô?
- Allô, Quentin Deslandes? C’est Maya.
- Maya? Tu as une idée de l’heure qu’il est? Il est si tôt que les coqs ne sont pas encore réveillés. Que veux-tu- Je voulais te demander un service.
- Encore? Qui est la victime?
Il soupira intérieurement : il arrivait souvent que les différents services d’intervention réfèrent quelqu’un au centre communautaire pour lequel il travaillait.
- Ce ne serait pas officiel. Je ne veux pas faire de signalement, mais il y a ce garçon qui a l’âge de tes enfants et que j’ai arrêté cette nuit. C’est un jeune de la réserve. Sa mère est décédée il y a longtemps et son père est accro aux drogues. Il n'a pas d'amis et agit en ouragan. Mais même si c'est une âme enragée, je pense qu'il a un grand potentiel. Tu pourrais le rencontrer et voir ce que tu peux faire pour lui?
- Bien sûr, tu sais bien que j’aime les défis. Il s’appelle comment?
- Thomas Assiniwi. Je vais le relâcher ce matin et le ramener chez lui. Peut-être pourrais-tu le voir cet après-midi?
- Je suis pris de bord en bord aujourd’hui. Je le verrai ce soir. Tu as son adresse?
- 14, chemin de la Rivière.
- Merci!
Il raccrocha. Il resta immobile un instant, pensif. Thomas Assiniwi. Il avait entendu ce nom. Il lui semblait se souvenir qu’il avait une triste histoire et que ce garçon était impliqué dans plusieurs dossiers à son service. Il s’était dit qu’il devrait bientôt le rencontrer, voir si quelque chose ne pouvait pas être fait pour lui. Apparemment, ce temps était venu.
* * *
Le matin montait dans le ciel, même si le temps restait sombre et le ciel envahi de nuages. Au poste de police, l’équipe de jour allait bientôt relayer ceux de la nuit. Après cette énième veillée requise par le devoir, les membres de Maya s'étaient engourdis. Ce fut d'une façon presque pataude qu'elle se dirigea vers la cellule de Thomas et l'en fit sortir. Elle salua le garçon, mais celui-ci resta engoncé dans un silence dédaigneux. La policière passa outre et lui dit:
- J’ai parlé de toi à un de mes amis, un travailleur social. Il s’appelle Quentin Deslandes. Il est très sympathique et il aide beaucoup de tes amis de la réserve. Il m’a dit qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire pour toi. Il va venir te voir chez toi ce soir.
Un mur aurait eu plus de conversation. Il ne pris même pas la peine de la regarder. Le sang de la jeune femme finit par lui chauffer le corps. Elle commençait à en avoir assez de ce silence persistant. Son visage se crispa, elle serra les lèvres à s'en blanchir le visage et allait tourner les talons en plantant là Thomas et ses démons quand elle sentit la paume de son collègue se poser sur son épaule. Celle-ci l'arrêta net dans son élan. Il lui fit un clin d'oeil et elle reprit son sang-froid. Elle s'empara du bras de l'adolescent qu'elle tracta à l'extérieur sans qu'il ne lui opposa la moindre résistance. Elle le fit entrer dans sa voiture personnelle et se dirigea vers la demeure du jeune homme. Son coeur se serra lorsqu'ils furent en vue de la maison à demi délabrée qui abritait Thomas et sa famille, mais elle n’en laissa rien paraître.
Lorsqu'elle immobilisa son véhicule, elle voulut se retourner vers lui pour le retenir un instant. Elle souhaitait lui arracher la promesse qu’il serait là le soir quand Quentin viendrait et qu’il serait réceptif à ce qu’il pourrait lui suggérer. Elle vit Thomas, qui jusqu’alors l’avait royalement ignorée, lui jeter un coup d’œil acéré. Elle se demanda s'il pouvait deviner ce qu’elle avait à l’esprit. Elle allait préciser sa pensée lorsqu'il glissa hors de la voiture avant qu’elle n'ait pu faire un geste. Elle voulu retenir la portière qu'il allait claquer quand, l’espace d’une seconde, elle le vit hésiter. Il la regarda un instant dans les yeux et lui dit Au revoir, à voix basse, comme si elle lui avait volé ces paroles au fond de sa gorge. Elle ne put s’empêcher d’être frappée à ce moment par les yeux du garçon : ils étaient gris, aux reflets changeants et ondoyants, tels des vagues sous un soleil hivernal. Elle n’eut le temps de les voir que pour les remarquer car déjà l’adolescent courait vers la maison où il rentra sans se retourner. Maya repartit alors et, en baissant la vitre pour sentir le vent sur son visage, elle remarqua avec plaisir que pour la première fois cette année-là, le temps était passé au-dessus de point de congélation. La neige fondait.
* * *
Quand Thomas entra, il trébucha sur un amoncellement de chaussures usées qui envahissaient l’entrée. Plus loin dans le couloir, il vit sa plus jeune cousine qui pleurait. Sûrement avait-elle faim. Les adultes dormaient encore et les enfants s’énervaient, s'étant levés avec le petit jour. Il prépara leur petit déjeuner et en profita pour manger un morceau. Une fois que les plus jeunes eurent terminé leurs dernières miettes, il les envoya tous dehors. Ses cousins protestèrent de façon véhémente, mais il n’en avait pas envie de s'occuper d'eux. Ils faisaient trop de bruit et interrompaient le silence dont il aimait s’entourer. Et puis, il n’était pas leur père. Lui n’avait qu'une loque pour remplir ce rôle et il se débrouillait alors, pourquoi pas eux?
Au moment où il allait aller dormir dans un coin avant que quelqu’un ne le remarque, il vit quatre ombres se profiler par la fenêtre. Quatre torses nus arborant des visages durs et crispés. Simon Nakipsi et sa bande. Celui-ci cria :
- Sors de là! On sait que tu y es, on t’a vu revenir avec la fille qui t’a sauvé hier soir.
Il n'y eut que le son de l'écorce qui craquait pour lui répondre.
— T'es vraiment juste une petite bitch sans couilles, poursuivit-il alors.
Le sang de Thomas ne fit qu’un tour et il se précipita à l’extérieur. Simon sourit largement en le voyant.
— Ben voilà, t'avait pas à te cacher. Moi j'aime toujours ça dire allô aux petits cons comme toi.
La rage de Thomas lui explosa au cerveau. Il resta là, à fixer la petite bande, les lèvres serrées. Tous ses sens se mirent en alerte et il commença froidement à analyser la scène, s'efforçant d'ignorer la haine chaude lui palpitant dans le cœur. Ses ennemis s’approchèrent et se déployèrent de tous les bords, pareils à des requins.
- C’est vous qui êtes des lâches, à quatre contre un, siffla leur proie entre ses dents.
- Ce serait vrai si c’était le cas, dit Simon, mais je vais t’attaquer seul.
Il fit signe aux autres de se mettre derrière lui et se mit face à son adversaire. Thomas ne se fia pas à ce mouvement. Ce n’était pas comme Simon de se montrer loyal. Il cherchait à l'entourlouper avec une attitude chevaleresque qui sonnait atrocement fausse. Ils avancèrent lentement et, lorsqu’ils furent près l’un de l’autre, son adversaire se précipita sur lui. Thomas eut le temps de voir un couteau briller. Il se dirigeait droit vers son ventre. Il se glissa de côté à la dernière minute et esquiva Simon. L’autre, qui s’était attendu à lui rentrer dedans, perdit l’équilibre et tomba à genoux dans la neige molle. Thomas en profita pour lui flanquer un coup de pied dans les flancs qui fit grogner de douleur son assaillant. Il broya de son pied la main qui tenait le couteau et s’en saisit. Il le fourra sous la gorge de Simon qui n'avait pas eu le temps de se remettre d'aplomb. Ce-dernier le regarda, les yeux agrandis par la terreur. Ses trois amis restaient loin, ne voulant pas intervenir, car ils connaissaient la réputation de Thomas et de ses colère. Ils avaient peur qu'il ne les attaque maintenant qu’il était armé.
Thomas avait la lame à la main et son ennemi à sa merci. Il pouvait lui faire payer pour tout ce qu’on lui avait fait subir: l’ostracisme des autres, leurs moqueries, son père qui ne vivait que pour sa prochaine dose, Lia, son mépris et sa famille écartelée. Simon allait devenir un bouc émissaire à lacérer jusqu’à ce que le crime soit expié et que la douleur se taise. Au moment où il s’approchait, il entendit des cris et des pleurs. C’étaient ses cousins, tous les cinq, qui le regardaient avec de grands yeux. Alors, ce fut comme si le manche du couteau le brûlait et il le jeta loin de lui. Il ordonna à la bande de partir, ce qu’elle fit sans demander son reste. Sa colère tomba tout à coup, ne laissant derrière qu’une grande peine dans laquelle il avait peur de se noyer. Il s’enfuit dans les bois.
Il alla s’asseoir seul là où il avait l’habitude de venir, près de la rivière. Alors, par secousse, il sentit la rage sourdre de nouveau en lui, mais il n’était même plus sûr que c'était ce qu’il ressentait. Peut-être était-ce davantage du désespoir. Il se faisait peur. Pour la première fois depuis longtemps, il eut l’impression d’être lucide face à cette rage qui couvait en lui et eut peur des extrémités où elle pourrait le conduire. Il ne savait pas comment se contrôler et, s’il n’y avait pas eu les enfants plus tôt, il ne savait pas jusqu’où il aurait été avec Simon.
Les heures passèrent et pendant tout ce temps, il ne sentit ni la morsure du froid, ni celle de l’humidité. Quand rester immobile devenait trop intolérable, il se levait et il marchait. Il réchauffait ses muscles, puis il restait de nouveau immobile pendant de longs moments. Quand les ombres s’allongèrent, il eut de nouveau froid et faim et il se dirigea vers sa maison.
* * *
Quentin Deslandes avait eu une grosse journée. Il était d’humeur sombre. Depuis plusieurs mois, il avait monté un projet pour favoriser la réhabilitation des jeunes marginalisés autochtones. Il savait qu’ils avaient besoin d’un support particulier pour s’en sortir et qu’il fallait qu’il crée des ponts dans la communauté pour que le tout fonctionne. Il avait parlé à plusieurs aînés et à des gens influents de la réserve comme le sculpteur Joshua. Ils avaient accepté de créer une série d’ateliers pour éveiller les jeunes à l'univers anishinaabek. Après des mois d’efforts, tout était prêt, mais la directrice de son centre venait de lui annoncer que le budget provincial avait coupé leurs subventions. Ils n’auraient plus l’argent nécessaire pour le projet. Quentin avait été furieux et tout ce que sa supérieure avait pu lui dire était qu’elle était désolée et qu’elle ne pouvait rien faire.
Il ruminait donc ces pensées quand il marcha vers le lieu où vivait Thomas. Hasard ou chance, il l’aperçut juché sur une branche de frêne, sa silhouette étroite bien calée contre le tronc. Il n’était pas du tout comme il l’avait imaginé. Il était plus grand que la moyenne et avait en lui la rigidité que donne une douleur violente qui se répercute dans les membres. Il avait les cheveux noirs et fournis, les pommettes saillantes et la peau hâlée, même en cette fin d’hiver. Surtout, c’étaient ses yeux qui frappaient, ses yeux gris pareils à une mer fouettée par l’écume. Quentin le fixa. C’était un défi, lui avait affirmé Maya. Sûrement que tu n’en tireras pas un mot, avait-elle ajouté. Face à la figure tourmentée de l’adolescent, il oublia ses propres préoccupations. Le faire parler devenait un défi et il aimait les défis.
- Salut, lui dit-il d’une voix assurée, en scrutant les yeux tourmentés du jeune homme.
Seul un silence glacial lui répondit.
- Salut, répéta Quentin sans se laisser ébranler par cette réaction hostile.
Toujours rien.
-We?
Parler. Thomas eu un éclair fugace de surprise dans les yeux. Il ne dit toujours rien, mais le travailleur social sut qu'il avait retenu son attention.
- Kijiwe?
Parler haut. Oui, parler haut de ce qui se trame tout bas dans ta tête. Quentin fut conscient de l’étrangeté de son accent français avec les quelques mots d'Omàmiwininìmowin qu'il connaissait. Pourtant, ce fut assez pour faire éclater de rire Thomas. Lui-même sembla surpris de cette réaction, comme si il n’y était plus habitué et qu’il reprenait un geste longtemps oublié. Il glissa alors de sa branche tel une couleuvre, de nouveau sérieux.
- Je suis Quentin, déclara le français, Maya t’a sûrement parlé de moi.
Thomas voulut disparaître, mais d’un bond, Quentin le rattrapa.
- Je le savais, tu as une tendance à filer entre les doigts. Peut-être même qu’on t’a mangé la langue?
Thomas s’arrêta et le toisa.
- Mêlez-vous de vos affaires, dit-il brièvement, c'est ce que tout le monde fait.
- Oui, c’est ce qu’on dit souvent.
Il hésita à en dire plus. Le garçon avait raison, se mêler de ses affaires était devenu la grande vertu dans le monde. Respecter la vitrine de respectabilité mise en place par tout un chacun. Pourtant, Quentin estimait que l'univers n’était qu’une glace à fissurer. Derrière le vernis se cache le non-dit et souvent la source de la souffrance. Thomas chercha à se libérer de sa poigne, mais le travailleur social la resserra.
— Tu sais, dans mon métier, on cherche justement à ne pas se mêler de nos affaires quand il y a des besoins plus importants, poursuivit-il.
- Comme quoi?
- Comme aider des gens qui ont besoin d’un coup de main, comme toi par exemple.
- Je n’ai pas besoin d’aide, pas de gens comme vous. Vous ne savez rien.
- Non?
Le travailleur social hésita de nouveau. Comment dire à Thomas qu'il en avait déjà rencontré plus d'un comme lui? Ils se ressemblaient tous : êtres impuissants face à ta vie, décapés peu à peu de leur substance vitale. Êtres figés dans le silence du soir qui se rabat sur eux dans leur errance, prisonniers de leurs propres ombres. Combien de fois n'en avait-il pas vu qui étaient pris dans le vertige provoqué par la haine qui lui palpitait dans les veines, heure après heure, quand ils songeaient à l’injustice de n’avoir jamais pu être innocent, de n’avoir jamais pu être un enfant. Ne restait alors qu'une solitude cruelle, l’abandon des êtres aimés et la colère froide qui brûle le crâne.
— Je ne sais peut-être pas grand chose de toi exactement, déclara Quentin précautionneusement, mais je connais les conditions de la réserve et je sais que ce n'est pas facile pour plusieurs des jeunes qui y sont. Ça fait dix ans que je travaille ici et je n'ai pas toujours su bien aider ceux qui avaient besoin d'un coup de pouce. Malgré tout, j'aimerais bien faire ce que je peux pour toi.
Quentin sentit que le garçon avait cessé de tirer sur son bras pour se défaire de son étreinte. Il demeurait là, statufié sur place. Quentin le lâcha. Il hésita encore à reprendre la parole: il voulait trouver les mots suffisants pour extirper Thomas de sa coquille et il n'était pas trop sûr de savoir comment s'y prendre. Finalement, il se planta face au garçon et fusionna son regard au sien. Une mère morte, avait dit Maya. Un père accro à la drogue. Un déracinement précipité, une fissure difficile à colmater. Quentin pouvait comprendre un peu. Dans les yeux de mer de l'adolescent, il revoyait un peu le tourment qui l'avait englouti il y avait déjà si longtemps. Il avait vécu la perte des êtres chers et ressenti le désir d'en finir. Il se demanda si le garçon pouvait en être rendu à cette extrémité. Sans s'en apercevoir, il frissonna.
— Thomas, as-tu quelqu'un qui est là parfois pour toi? Quelqu'un qui t'écoute et qui te soutient?
Thomas ne dit rien, mais serra les poings. Quentin le vit secouer la tête.
— J'aimerais ça devenir quelqu'un comme cela pour toi.
Le français pesta contre lui-même. Il pensait que ses paroles étaient insuffisantes. Ce qu'il voulait lui dire était qu’il y aurait souvent quelqu’un quelque part qui se soucierait de lui. Qu'il devait prendre les mains se tendant vers lui, même si elles étaient malhabiles, même si ce n’est pas exactement celles qu'il espérait. Il voulait que Thomas soit comme un roseau, cette plante parfois pliée, tordue et brisée qui jamais ne se rompt et qui finit toujours par accueillir la brise qui la relève et lui permet à nouveau de se tendre, droite, vers le soleil.
Quentin lui parlait comme il n’avait jamais eu besoin de le faire avec ses deux enfants, ces êtres intacts qui ne savaient pas encore grand-chose de la vie. Il espérait bien n’avoir jamais à parler ainsi aux jumeaux. Pourtant, en voyant Thomas, il reconnaissait bien dans toute son attitude le symptôme d’une fragilité qui s’était barricadée en elle-même pour ne laisser aucune prise à l’extérieur. Depuis que sa colère grondait, il vivait emmuré en elle. Il sut qu’il fallait le sortir au plus tôt de son milieu pour lui offrir une chance de se reconstruire, s’il le pouvait encore. Il avait besoin de réponses à ses tourments.
Quentin hésita à poursuivre. Il savait qu’il y avait un moment où il fallait s’arrêter de parler, que de continuer à enligner un mot après l’autre pouvait braquer l’autre. Il savait aussi que cesser de le faire avant le moment où une ouverture se faisait pouvait être fatal. Malgré tout, son instinct lui dit que là, à ce moment exact, il devait se taire. Il laissa donc les sons de la forêt emplir le lieu. L’écho mourant de l’hiver et le craquement de la glace qui se fissurait vint envahir l’espace entre leurs deux solitudes. Tout comme Maya, il se sentit attiré par ce garçon qui menaçait de devenir une mauvaise herbe mais qui, mise dans le bon terreau, pourrait devenir une pousse pleine de promesse.
- Thomas, je sais que tu ne me connais pas, je sais que je ne suis probablement pas la main que tu as désirée, mais je te tends la mienne maintenant.
Le garçon ne fit pas un geste, mais le travailleur social n’en fut pas surpris. Il lui faudrait un temps pour digérer tout leur dialogue. Il continua à le regarder, respectant son silence. Cet adolescent le troublait. Il le ramenait vers un temps qu’il aurait voulu laisser derrière lui alors qu'il n’aimait pas penser au passé. S’il le devait absolument, alors il se remémorait la lumière qui dansait sur l’eau grise de la mer, les falaises de roches qui cernaient Marseille et la brise salée qui s’engouffrait dans ses vêtements par jour de grand vent. Des impressions, des états, une sensation de bien-être fugace qui s’envolait aussitôt qu’il voulait s’en emparer. S’il le devait vraiment, il allait récupérer en triturant son esprit quelques souvenirs épars qui ne lui faisaient pas trop mal. Un coup pris dans un café avec des amis, un voyage de train pour aller au loin, vers Bordeaux, Caen ou Paris, c'était sans importance. Cette ferveur du départ, ce frisson de l’ailleurs, cette escapade de sa réalité, tout était prétexte pour fuir cet étau qui le maintenait en tenailles.
Dans sa famille, les couleurs n’existaient pas. Les nuances non plus. C’était bien, c’était mal, c’était noir ou c’était blanc. Ses parents s’étaient bardés de principes qu’ils disaient gravés dans l'ADN de leur lignée. En tant que rejeton de vénérables vestiges, il se devait de suivre la voie qui avait été tracée pour lui. Sa mère était prisonnière de la parade sociale que sa condition lui imposait. Elle virevoltait avec grâce de soirée en soirée, le sourire figé et le cœur déserté. Elle s’était mariée jeune et s’était embourgeoisée sans état d’âme. Son époux avait été son meilleur allié et c’était tout juste s’il ne fallait pas lui demander audience pour pouvoir lui parler.
Cela faisait parti des choses dont il n’aimait pas se rappeler. Cette façon qu’avait son père de lui jeter des regards dédaigneux parce que ses amis venaient de quartiers défavorisés. Ses commentaires étouffés quand il ne réussissait pas assez bien. Sa froideur inflexible lorsqu’il le décevait. Sa douleur d’enfant incompris se mua en une violence sourde qui se lova en lui, se cachant derrière un masque qu’il portait jour après jour. Il fit ce qu’on attendait de lui. Il travailla d’arrache-pied. Il obtint les meilleurs résultats.
Il préparait sa revanche.
À dix-huit ans, ses parents s’attendaient à ce qu’il intègre une école prestigieuse. Il avait réussi les examens d’entrée. On l’avait harponné puis brandit de maison en maison, garant ambulant du succès de la méthode des Deslandes. Puis, le jour de la rentrée, il partit.
Ses parents ne surent jamais où il était allé. Il avait transité de lieux en lieux, pour finalement échouer au Québec. Onoega lui avait semblé suffisamment loin du carcan familial pour qu’il s’y installe après avoir péché dans un petit village de Gaspésie une jeune fille ensoleillée appelée Marie-Anne Dauliers.
Il donna sa carte à Thomas et lui dit de l’appeler quand il en sentirait le besoin. Il continua ensuite sa route dans le soleil qui se couchait, sans se retourner. C’était maintenant à Thomas de voir s’il voulait saisir la perche qu’il lui tendait. Malheureusement, avec toutes les coupures qui se faisait dans son service, il pensait bien qu’il ne pourrait pas le caser facilement dans un programme approprié pour lui. Quentin soupira. Il était pris dans un imbroglio sans issu, mais il trouverait une solution.
* * *
- Je te dis, Sophie, que cet ado en vaut la peine!
Il était neuf heures trente, mardi matin, au centre communautaire d’Onoega, dans le bureau de Sophie Beaulieu, la directrice du centre. Quentin était venu la voir tôt ce jour-là, avant qu’une longue journée de rendez-vous ne commence. Il vit bien qu’elle était cernées et fatiguée. On la sollicitait de partout et elle avait hérité de la tâche ingrate de décider quels programmes seraient coupés dans son service avec les coupes affectant son budget.
— Non, Quentin, on ne peut pas le prendre. On a atteint le nombre limite de jeunes qu’on a les moyens d’aider.
- Mais je te dis que c’est important, que si on n’intervient pas maintenant, il sera peut-être trop tard. Si on le mettait avec Paul Sikiskié et le programme pour le développement des talents des jeunes autochtones? Il pourrait rencontrer d’autres personnes qui sont dans la même situation que lui et se sentir moins seul.
Elle lui jeta un coup d’œil énervé avec une lueur de reproche au fond de ses yeux marron.
- Pourquoi insistes-tu? Que veux-tu que je te dise? Je n’ai pas le pouvoir de faire apparaître l’argent nécessaire pour l’intégrer au groupe. Si je le prends dans ce programme, je devrai mettre dehors un des ados qui y est déjà. Est-ce que c’est ce que tu veux?
- Non, bien sûr, mais sûrement…
- Il n’y a pas de sûrement. On ne peut rien faire pour ce garçon.
Il y eut un silence.
- Écoute, je suis désolée. Je te promets que si une place se libère, son cas sera traité en priorité, c’est le mieux que je puisse faire.
- Merci, Sophie.
Quentin sortit du bureau. Il n’aimait pas cela. C’était la partie la plus difficile de son travail : voir un être rejeté. Tout n’était qu’une loterie terrible. Il eut de la peine pour Thomas. Peut-être qu’après tout, rien ne pourrait être fait pour lui.
Mes premières remarques:
- "On l’avait plusieurs fois menacé de la prison", pas très français, je pense. "menacé de le conduire en prison"?
- "On l’étiquèterait bientôt bête enragée", de bête enragée?
- "Il n’avait plus d'autre sentiment qu’une rage qui sommeillait au fond de sa personne et qui jaillissait pour rien, pour un regard de travers, un mot à demi-murmuré, un geste mal interprété". peut-être pas très cohérent de dire "pour rien" et puis d'ajouter des raisons lol. Peut-être "pour pas grand chose" ou "un rien"? et puis mettre deux points et citer le reste??
- "En s'imaginant ce que les policiers pouvaient bien dire de lui en ce moment, il avait senti ses muscles se contracter. Il sentit alors...", redondance du verbe sentir
- "Il l'avait à peine connue : elle était morte lorsqu'il avait à peine sept ans", redondance de "à peine"
- "il ne gardait que le son rire grêle ", le son de son rire
remarques:
- tu utilises beaucoup le verbe "sentir", trop redondant. Peut-être voir des synonymes comme: éprouver, avoir la sensation, avoir le sentiment etc.
- "ses membres se roidir", raidir?
- "Chez la matriarche s'entassaient son oncle et de sa tante ainsi que de toute leur marmaille", pas mettre les "de"?
- redondance de "entassé"
- "... avait raison de juger comme elle le faisait les gens de Pitobik", avec les gens?
-" Pourtant, malgré toute se volonté de s'intégrer...", sa volonté?
Ca ne te dérange pas que je procède en plusieurs étapes?
- "était tombée en amour", en français on dira plutôt "tomber amoureuse", mais c'est tellement plus beau de dire "tomber en amour", c'est plus imagé, presque plus vrai.
- "êtres impuissants face à ta vie", à leur vie?
- "L’été, quelques touristes avides de pêche, de chasse et de randonnée venaient se perdre dans le silence des lieux. Le reste de l’année, le silence envahissait tout la région", randonnées plutôt? et toute la région
- "Il ne pris", prit?
- "mais il n’en avait pas envie de s'occuper d'eux", mais il n'avait pas envie
- ses colèreS
- "si il n’y était plus", s'il n'y...
- "à enligner un mot après l’autre", il vaut mieux "aligner" car "enligner" fait plus référence à un terme technique, une machine qui enligne... dans le sens de "aligner", gardons "aligner"??
- "Cela faisait parti", partie?
-"Il était pris dans un imbroglio sans issu", sans issue?
-"Il vit bien qu’elle était cernées", cernée
A bientôt