Trempés jusqu’aux genoux, Prospèr et Maeva titubaient contre les parois humides d’un tunnel assailli par les infiltrations de la pluie du dehors. Le chevalier avait troqué son fusil contre Dorian, qu’il portait précautionneusement sur ses épaules comme un antique vase fissuré. Cela résumait assez bien l’état du prêtre, fissuré, gémissant en quelque souffle silencieux qui avait le don d’agacer la femme borgne. Il lui tardait de retrouver son fils et de tirer au clair cette maudite histoire de jardin, bien qu’elle eût sa petite idée à ce propos. Le groupe arriva nez à nez avec une poignée de silhouettes qui hurlèrent en chœur :
— Haut les mains, bandits !
Ce à quoi la Princalienne, de sa commune placidité, rétorqua :
— Voici notre écureuil, je présume.
Kapris afficha des yeux ronds, incrédules, lorsqu’il comprit que son canon pointait sur son épouse et la mère de ses enfants. Il rengaina d’un geste et interrogea sa femme sur sa présence en ce sombre lieu. Mais Maeva ne l’écouta pas. Son mari tenait, couvert de tissus et de fourrures, l’enfant qu’elle eut tant de mal à mettre au monde. Elle s’écroula sur les genoux, éclaboussant l’assistance d’une boue noire et pâteuse, puis saisit le cocon muet pour le serrer contre sa joue.
— Sibilha s’est échappée, Sire Kapris, la chasse fut bonne néanmoins. Rentrons, ce garçon a besoin de soin.
L’ancien chevalier fut assurément dépassé par la situation. Il s’était réfugié à l’intérieur de ce réseau souterrain le temps, pour les explorateurs qui l’accompagnaient, de prendre des notes et de réaliser des croquis. En fin de compte, le destin voulut les forcer à croiser le fer avec le culte, qui gardait une compagnie d’enfants en otage. À sa suite, l’immortel avait une ribambelle de gamins à moitié terrorisés, à moitié fascinés par les exploits d’épée de leurs sauveurs. Les raisons de ces enlèvements demeuraient obscures, aussi un rapport à la garde et à l’Ordre de la Citadelle s’imposait.