Le pacte
Ceci est sûrement mon dernier écrit. Je souhaite conserver une trace de cette histoire sachant qu’aucun lecteur ne viendra y jeter un œil. Je ne dors plus, je ne mange plus, je n’éprouve plus de besoins spécifiques. Tout avait pourtant bien débuté. De nature curieuse, je m’intéressais à tous les domaines. J’avais une soif d’apprendre, de comprendre, de faire le lien entre deux sujets déjà expérimentés et maîtrisés. Mon appétit était inextinguible, jamais repu, je passais de longues heures sur les savoirs élémentaires. Je souhaitais connaître tous les secrets, tous les trésors de connaissances, les pépites de savoir. Je délaissais tout le reste dans cette quête. Ainsi j’acquis de nombreuses connaissances sur ce qui constitue notre terre. Les domaines de la biologie, la géologie, la botanique, la médecine, la paléontologie m’étaient tous familiers. Je parcourais le monde de mes yeux sous leur filtre, restant des heures à essayer de répondre à toutes les questions qui assaillaient mon esprit. C’était toujours le même procédé. Tout d’abord, il y avait la découverte d’un sujet, cette phase débutait par l’admiration, la contemplation et les stupéfactions mêlées lorsque je tombais amoureux d’une nouvelle source de sciences. Une course effrénée démarrait, un marathon de l’obstination. J’épuisais de toute sa substance le contenu qui m’obnubilait en quelques mois. Je le délaissais alors complètement vidé de sa contenance, ayant déniché une autre oasis d’érudition. J’avais accumulé au fil des années une importante collection de savoirs sans m’en rendre compte suite à mon travail acharné et mes obsessions.
Pour préciser mon état d’esprit de l’époque, je menais une toute nouvelle vie, sur un nouveau territoire ayant tout rejeté pour des raisons qui m’appartiennent. C’était une sorte de nouvelle naissance. Je n’avais pas la tête à mes recherches. Je procédais à tous les détails de mon emménagement. J’étais affairé de toutes parts, accusant le coup, seul, mais ne regrettant pas mon choix. Je mis plus de deux mois pour qu’un retour en condition normale se fît et que je me sentis tout à fait chez moi. Dans mon nouvel appartement à moitié vide, empli de mes anciens meubles qui parvenaient difficilement à y trouver leur place. Je m’évadai pensant à un nouveau domaine de découvertes. Je divaguais sur mon canapé nouvellement installé au centre d’un salon impersonnel. J’avais besoin de nouveauté, d’un nouveau défi intellectuel, de ne pas être emprisonné dans une geôle de certitudes et d’acquis statiques. Je trouvais un papier et, sans y penser, y écrivit quelques mots insignifiants. « Je suis épuisé, mais ravi du travail accompli, je suis prêt pour la prochaine épreuve ». Je ne sus jamais pourquoi j’avais écrit cela. Quel en était le sens ? Qui en était le destinataire ? Mais je l’avais fait, je ne m’étais pas posé de questions, une feuille, un stylo et l’incantation étaient posés. Je contemplais mon « œuvre » songeur.
Cela faisait combien de temps que je n’avais pas écrit ? Un paquet d’années à vrai dire, je ne me souviens même plus de quand cela remontait. Je ne parle pas juste d’écriture, pas d’écrits que nous devons coucher sur papier par obligation, comme la liste de course, le rapport à rendre à son patron, la dissertation scolaire, la bête carte postale rendant compte de la situation des vacances, d’une lettre informelle pour un proche. Tous les écrits qui découlaient de tout ceci n’étaient pas spontanés, ne recouraient à aucun moment à notre imagination. Nous avons toujours été cadrés, limités, brimés pour que nous pondions des récits structurés ne laissant place à aucune surprise, aucune fantaisie. L’imagination est pourtant une puissante motrice de la réflexion. Une fois les études terminées, nous n’avons aucune occasion de développer ces talents qui sont pourtant innés. Alors, nous oublions l’expression simple, choisissant nos mots, nos thèmes, nos réflexions, tout ce qui nous passe par la tête, jeté au vent sans destinataire. Nous avons oublié ce qu’est de composer, d’inventer, de jouer. Nous n’y sommes jamais encouragés et nous y perdons goût en grandissant.
Ces mots imaginés, imprimés de ma main, étaient venus d’on ne sait où. Avais-je été guidé ? Cela ressemblait à un début de conversation pour lequel je n’attendais pas de réponse. Ces questions restèrent en suspens le reste de la journée et je m’endormis sans plus y penser. Le lendemain matin, je pris mon petit déjeuner tôt après une nuit agitée de rêves étranges. Je m’installais sur les chaises neuves de ma cuisine que l’on retrouve chez tous ceux qui faisaient leurs courses au moins cher.
Je regardais « d’un œil distrait le bout de papier de la veille. Celui-ci n’était pas bougé d’un pouce, mais je fus interpellé, car j’aperçus sur celui-ci plus de ligne que je n’en avais écrite. Une seconde écriture faisait suite à la mienne. Elle était différente, moins grossière, plus raffinée, droite comme si elle sortait d’une machine à écrire et la courbe des lettres suintait de féminité. La terreur fut d’autant plus grande par le soin et la beauté de l’écriture qui y avait été apportée. Ces éléments contrastaient totalement avec l’horrible moyen inconnu qu’il avait été nécessaire de déployer pour s’introduire à mon insu chez moi durant mon sommeil pour écrire si parfaitement une réponse à une phrase que j’avais laissée là. Je fus pris de sueurs froides pensant que l’on était entré la nuit à mon domicile, sans que je n’entende quoi que ce soit, sans me réveiller. On avait peut-être volé le peu d’objets de valeur que contenait mon logement et on avait pris du temps pour dactylographier une réponse par simple amusement. Cela ne collait pas. Je n’avais même pas encore lu un seul mot que je fus pris de violents vertiges. Je manquais de tomber de mon siège et de basculer. Ce n’est qu’après un effort titanesque que je me remis droit pour connaître le contenu du message qui m’était indubitablement adressé. Je vis alors inscrit : « La prochaine sera bien plus ardue que la première. Tu n’en ressortiras pas indemne malgré tous tes efforts. Je te propose un travail qui te permettra de connaître les secrets de l’univers. En échange, tu me devras une contribution de valeur équivalente. Je te connais, je sais qui tu es. Les émotions, les pensées, les aspirations et les ambitions qui sont tiennes ne me sont pas étrangères ? Tu as été choisi, tu es parfait pour cette mission. C’est une chose qui doit être réalisée et tu es le parfait candidat. La récompense sera à la hauteur de tes attentes et de tes sacrifices. La punition, elle, sera bien pire en cas de trahison, de désistement ou de non-respects des conditions du contrat. Tu n’as pas besoin de connaître tous les détails t’ayant averti des risques et possibles gains ».
j'aime bien le début, il y a du Lovecraft peut-être un peu marqué mais après tout l'écriture est agréable et j'ai plongé avec plaisir.
j'ai la sensation d'une différence de traitement entre les deux premiers tiers et la fin. Celle-ci semble vouloir aller trop vite au but et la note sur le papier m'a perdu un peu, le non dit eut été peut être plus fort.
ce n'est que mon humble et misérable avis,
amicalement
J'aime bien le début de ce début, le narrateur est tout de suite intrigant et charismatique, c'est une excellente ouverture.
Le moment de l'écriture impulsive du message est intéressant, l'idée est riche, mais je trouve que l'explication de ce "mouvement spontané" pourrait être un peu creusé. C'est peut-être le cas avec le paragraphe concernant l'imagination bridée, mais je parle ici plutôt de la pulsion que de l'acte d'écriture.
Je suis plus dérange par la fin et la réponse qui me semble trop longue et en dire trop, peut-être ?
Je lirai la suite avec plaisir !