Le pal
Montpellier, 19 juillet, 21h.
Appartement de Lilah Stein.
« - Oui ?
- C'est moi, c'est Eray. Ouvre-moi. »
J'ouvre. Des pas fiévreux dans l'escalier.
Il entre, il me serre. Oh, tu m'as manqué, si tu savais. C'était long, aujourd'hui, si tu savais.
Il tire sur mes cheveux et entreprend mes lèvres à petits coups de langue. Laisser faire . Pas si mauvais. Lèvres, nez, paupières, front, joues, cou : après avoir avalé la totalité des produits qui me masquaient le visage, à savoir un fond de teint hydratant, un anti-cernes de luxe aux pigments rafraîchissants, une poudre-soleil cognac, un blush Dessange à poser au doigt, un mascara recourbant-densifiant et un khôl oriental (avec tout ça on pourrait imaginer le crime parfait : « Une femme tue son amant à l'arsenic ; elle en déposait une goutte chaque matin dans son propre maquillage ! »), il se penche dangereusement vers mes seins et finit par en arracher un au soutien-gorge dans lequel il était douillettement lové. En quelques minutes je suis nue, renversée sur mon lit. La langue est toujours aussi active, aussi efficace, puisqu'avec l'aide d'un ou deux doigts eux aussi fort habiles, elle réussit à me faire jouir assez rapidement. Un coup de patte brutal me retourne, je sens sa queue entre mes fesses et le voilà qui pousse.
Non seulement cela fait très mal, mais en outre c'est ce moment hautement délicat que choisit le téléphone pour sonner.
Que faire ?
Un instant l'idée me vient de décrocher et de dire à mon correspondant inconnu : « Excusez-moi, mais je suis en train de me faire sodomiser, veuillez rappeler plus tard. », mais quelque chose me retient. Un reste d'éducation, sans doute.
Finalement je me contente de décrocher et de lancer un classique « Allô? »
Derrière moi, Eray n'en revient pas, mais poursuit néanmoins son vigoureux exercice d'allers-retours entre mes fesses.
«- Lieutenant de police Cantat, excusez-moi de vous déranger, Madame.
- Je vous en prie !
- J'ai quelques questions à vous poser. »
Eray est agrippé à mes hanches et a enfoui sa tête dans mes cheveux. C'est intelligent : ça étouffe ses râles sauvages.
« - Allez-y, je vous écoute.
- Vous connaissez Belkir El Hadrati ?
- Oui, oui, bien sûr, c'est un ami. Qu'est-ce qui se passe ?
- Heu... Vous le connaissiez bien ? »
Comment ça, vous le « connaissiez » bien ? Imparfait funeste, que fais-tu là ? Eray me fait soudain comprendre qu'il voudrait bien que je bouge les reins. J'obéis.
«- Il a été mon petit ami pendant quelques mois, l'année dernière.
- Oui. D'accord. Bon, heu... Il lui est arrivé quelque chose, mademoiselle. Vous devriez venir au commissariat, vous savez.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Monsieur ? Vous pouvez me dire ? »
Mon amant me bouscule de plus en plus violemment. Ses coups sont tellement douloureux que je me demande si je ne vais pas me mettre à saigner. Je remue consciencieusement.
« - Mademoiselle Stein... Monsieur El Hadrati a été retrouvé mort. Assassiné. »
Le son qui s'échappe de la poitrine d'Eray n'a rien de vraiment humain. Heureusement, les draps et mes cheveux ont amorti le bruit. Il prolonge un peu sa jouissance en allant et venant doucement à l'intérieur, puis il se retire et se rue vers la salle de bains.
« - Qu'est-ce que vous dites ? MORT ? »