Au chapitre précédent, déjà fatigué par l'emménagement de sa sœur chez lui, Guillaume a eu du fil à retordre avec une étudiante tatillonne pendant son TP sur les pendules oscillants le matin même.
Guillaume s'effondre dans le fauteuil son bureau et passe le dos de sa main sur son front, en écartant ses jambes. Il tend le bras et s'ouvre une canette de boisson énergisante.
— Quelle emmerdeuse, l'autre, avec ses pendules... !
Il pose son regard sur le gros carton d'affaires de travail que Solène lui a fait rapporter à la maison, et prend le tupperware de banquise.
— Quelles emmerdeuses...
Il incline le récipient – avec nostalgie – de part et d'autre en créant des vagues sur la surface du liquide. Il y a un morceau, comme une sorte de miette, qui flotte. Il visualise l'océan avec la fonte de la banquise, il imagine un pingouin flotter à la place du morceau.
— ZBOUM !
La porte s'ouvre à grand fracas. Guillaume sursaute.
Le pingouin est emporté par une vague. Samira apparaît, tout sourire, exaltée :
— C'est l'heure de se restaurer !!!
***
Pause méridienne, Guillaume et Samira au CROUS, le restaurant universitaire.
— Je ne te reconnais vraiment pas, commence Samira, en choisissant une salade colorée sur le buffet du self, ce matin t'arrives en nage avec un gros carton dans les bras, et là, je te retrouve terrorisé en train de fixer une boite pleine de flotte...
— Et on n'est que mardi, se lamente-t-il en prenant une assiette de hamburger frites sur son plateau, le reste de la semaine va être long...
— Vous avez trop arrosé les retrouvailles à ce point ? En même temps, Solène devait avoir besoin de se changer les idées, la pauvre, se faire tromper par celui qu'on aime c'est pas facile, compatit-elle en avançant son plateau d'une main gracieuse.
— Si seulement on avait bu, j'aurais - au pire - une gueule de bois, mais là... grommêle Guillaume en se massant le cou.
— T'es bien mystérieux, avec tes teasings ! Vous avez fait quoi alors ? s'impatiente Samira.
— Si tu veux vraiment le savoir, on a fait une overdose de jumelles niaises se trémoussant sous le signe des gémeaux, avoue piteusement le gaillard.
— Pouah ! Hahahahahaha. Si je m'attendais à ça de toi ?! s'esclaffe la directrice. Ta sœur n'est pas dégoûtée par les histoires d'amour après ce qu'elle vient d'encaisser ?
— Au contraire... elle est à bloc ! Elle fantasme encore sur un artiste sensible et romantique, et qui n'attendrait qu'elle pour commencer à respirer, évidemment... dit Guillaume en esquissant un bâillement.
— Où est le mal à rechercher un homme qui en vaille le coup ? questionne Samira en posant son plateau-repas sur l'une des rares tables libres du resto U dans un brouhaha haut en couleur.
La salle est entièrement vitrée donnant sur la Seine, un Paris d'affaires un peu moins prestigieux que celui des beaux quartiers, mais avec la lumière de début septembre, c'est un cadre agréable pour déjeuner.
— Il n'y aurait aucun mal si je ne venais pas de lui promettre qu'elle pouvait rester à la maison jusqu'à ce qu'elle trouve le bon, répond Guillaume, en aspergeant ses frites de ketchup.
Devant le visage interrogatif de Samira, il reprend en croquant dans le hamburger qu'il tient à pleines mains :
— Pour Solène, trouver le bon, ça reviendrait à rencontrer le Yéti en personne pour toi et moi, ou n'importe qui de normalement constitué.
Samira sourit d'une façon énigmatique :
— Si je comprends bien, tu vas devoir forcer le destin pour lui servir le Yéti charmant sur un plateau et te débarrasser de ton envahisseuse !
Guillaume fronce les sourcils en levant une frite ensanglantée de ketchup, menaçante, sur sa supérieure.
— Autant ma sœur est une naïve indécrottable qui me pourrit la vie, autant, je ne vais pas choisir un partenaire à sa place, elle n'est pas désespérée à ce point.
— En attendant, c'est toi que ça désespère, en tous cas t'es plus bon à rien pour aujourd'hui, rentre chez toi avant de désespérer aussi tes collègues, observe Samira en s'essuyant une traînée de ketchup sur son tailleur rose tendre.
Fin de la pause méridienne.
***
Guillaume entre dans son immeuble, il monte les escaliers avec sa veste et son casque de moto sous le bras. Le bruit de psaumes en latin s'intensifie au fur et à mesure où il se rapproche de sa cage d'escalier.
Il passe la clef dans la porte et trouve l'appartement plongé dans le noir profond, volets refermés, vide... jusqu'à découvrir sa sœur les yeux bouffis de larmes, recroquevillée dans un coin à même le sol sur une tenture aux dessins mystiques entourée de bougies chauffe plat disposées dans un pentacle de fortune. Elle serre un coussin dans ses bras en psalmodiant à chaudes larmes.
— Solène, ça va ?
— Chuuuuut, ne m'interromps pas, je suis en plein rituel magique de nettoyage du mauvais œil.
— ...
— J'ai rencontré une guérisseuse qui m'a expliqué pourquoi je n'avais pas de chance en amour, figure-toi que j'ai été infectée par une entité maléfique et...
— Elle t'a vendu tout le bordel que je vois ici pour t'en débarrasser, n'est-ce pas ?
— Exactement ! Comment t'as deviné ?
— Hm, simple intuition masculine...
— J'ai toujours su que ton cœur était sensible, vrai ou pas ? s'émerveille la jeune fille.
Solène se lève et prend son frère dans ses bras.
— Oh, toi qui es scientifique, tu dois savoir ça, l'oscillation du corps éthérique.
Solène place ses bras en dessous de ceux de son frère en mimant le geste de fouille au corps à une distance de 5 cm. Puis elle reprend son explication :
— L'énergéticienne... Elle m'a scannée énergétiquement avec ses mains, comme ça, et elle m'a prescrit un pendule-obsidienne avec un intense pouvoir vibratoire pour découvrir ma carte de Vie scientifiquement...
— ... bien sûr, je vois très bien. Donc tu lui as acheté aussi ce jeu de cartes, là ? demande Guillaume en montrant un paquet de cartes neuves.
— Évidemment, je voulais trop connaître ma carte de Vie ! répond Solène, en frétillant.
— Évidemment... soupire son frère.
— Et quand j'ai demandé au pendule, tu ne vas pas en croire tes oreilles... recommence la jeune femme.
— Sans doute pas, non, confirme le scientifique.
— Je suis tombée sur le Fou !!! Nouveau départ, nouvelles perspectives professionnelles, nouvelle relation amoureuse aussi. Pile ce que j'avais besoin d'entendre, là maintenant... s'extasie Solène.
— C'est fou, en effet.
Samira est assez sympathique, j'aimerais bien avoir une supérieure comme elle haha ! J'aime bien sa relation avec Guillaume, on sent qu'ils s'apprécient mutuellement et elle joue le rôle de confidente à perfection. Le petits détails comme le ketchup sur le tailleur rose, ça m'a fait sourire ! Et les repas stéréotypés qu'ils consomment (salade pour elle, hamburger pour lui, évidemment), ça fait vraiment rom-com là (enfin, rom-com version CROUS, ce qui est assez drôle en soi !).
Bon, Solène a clairement un problème d'impulsivité et de gestion de ses émotions... J'aime bien le fait que tu mêles cette thématique sérieuse avec des effets comiques, le mélange marche bien ici. J'ai du mal y croire (c'est-à-dire que je trouve son attitude peu réaliste, la vitesse à laquelle elle passe des larmes au sourire, mais après tout je n'en sais rien, peut-être qu'il y a vraiment des personnes aux émotions aussi volatiles dans la vie), mais c'est notoirement le cas dans les rom-coms, donc ça reste cohérent pour moi.
Le trait est assez forcé, la situation en devient même assez absurde, mais malgré tout, j'ai envie de croire en elle, la candide Solène !
Le chapitre est très plaisant à lire, ça coule tout seul, et on visualise très bien les situations et les personnages.
Je me suis bien amusée avec les effets rom-com prévisibles et attendus dans ce chapitre, qui va de cliché en cliché, effectivement. En fait, j'aurais bien voulu avoir un effet "comparable" dans le précédent chapitre, mais je n'ai pas réussi à raccrocher ça à des thèmes / tropes / situations de romances, mais je manque sans doute de références... surtout pour des romances en milieu scolaire.
J'ai lu pas mal de webtoons actuels de romance en milieu scolaire, mais ça ne se passait jamais en France ni en occident tout court – dejà le contexte socioculturel était donc très différent et pas facielement "recasable", et surtout je n'ai pas retrouvé le côté "adolescentes fan d'un prof" (qui est pourtant assez classique dans le début des études supérieures). Ni le côté "intello qui a des exigences sur le contenu des enseignements" (ça, j'avoue que ça me semble inédit – au sens où c'est pas un thème classique du genre, donc pas simple à recaser pour moi), brès tu l'auras compris, je sèche ! Si tu as des idées à me suggérer, aussi absurdes soient-elles, franchement lâche toi, et si je dois subdiviser en plusieurs chapitres pour décondenser celui du TP d'informatique et traiter chaque situation individuellement, y'a pas de problème non plus ! Juste, je manquais d'idées... j'ai bricolé une solution et je l'ai écrite en me disant "c'est bon, j'avance". Mais c'est pas très satisfaisant je suis d'accord !
Faudrait peut-être remettre l'intrigue principale – par exemple, Guillaume pourrait recevoir un texto de sa soeur pendant le TP qui lui dit qu'elle a rencontré "quelqu'un" ? Ce qui lui laisserait présager qu'une résolution favorable est en cours, en supposant que ce "quelqu'un" soit le fameux prince charmant attendu pour qu'elle quitte son appart, et finalement la "chute", chapitre suivant, le "quelqu'un" est... la voyante arnaqueuse ? (ça fait peut-être plus de lien avec l'intrigue principale, et ça donne l'impression qu'on noie un peu plus le chapitre d'exposition dans le contexte du travail de Guillaume comme un décor / l'écrin de l'intrigue de romance).
Bon, merci encore pour ton retour, avec le fait qu'il ne se connectait pas à l'intrigue principale je crois que tu as mis le doigt sur une partie de ce qui ne va pas dans le chapitre précédent, donc je vais essayer de régler ça, et si tu as des pistes de gags "alacon" je suis très preneuse !!!
Pour en revenir à ce chapitre-là, je partage ton avis sur le fait qu'il a une meilleure énergie, et qu'il est plus agréable à lire que le précédent.
Tu n'es pas la première à pointer du doigt l'impulsivité et la labilité sentimentale de Solène comme irréaliste, et comme tu le dis le but n'est pas de singer le réel, mais vraiment d'extrapoler à des clichés romantiques et genrés des situations qui en vrai n'ont rien à voir avec ça. Avec autant que possible des clichés "gratuits" qui renforcent seulement ce sentiment d'irréalité, d'être dans une rom-com, pas dans une "vraie histoire".
Chouette chapitre. Maintenant que le décor est planté avec des personnages clairement identifiés, des enjeux en bonne partie introduit, ça devient vraiment de la lecture plaisir. J'ai pas grand chose à dire pour le coup, l'humour fonctionne bien, on s'amuse avec tes personnages tout en s'amusant d'eux. J'ai vraiment passé un bon moment.
Mes remarques / passages préférés :
Le fait que ce soit le et pas la pendule est volontaire dans le titre ? Si oui, pourquoi ?
"C'est l'heure de se restaurer !!!" j'ai trouvé le mot restaurer un peu étrange à l'oral, j'ai du mal à imaginer dire quelqu'un ça dans la vraie vie, après ça dépend peut-être aussi de la région...
"Il n'y aurait aucun mal si je ne venais pas de lui promettre qu'elle pouvait rester à la maison jusqu'à ce qu'elle trouve le bon, répond Guillaume, en aspergeant ses frites de ketchup." très amusant ce passage xD
"Pile ce que j'avais besoin d'entendre, là maintenant... s'extasie Solène. — C'est fou, en effet". ahah très bonne chute !
Un plaisir,
A bientôt !
Je te l'avais déjà dit mais tes précédents retours m'avaient vraiment beaucoup aidé à comprendre comment m'y prendre.
J'aime vraiment bien les critiques (quand c'est un minimum fondé, évidemment, juste dénigrer dans le vide ça n'est utile à personne :p ).
Pour le titre, pourquoi "le" et pas "la", la raison est très simple, c'est parce que c'est un nom masculin quand il s'agit d'une masse pendant au bout d'un fil (et féminin quand elle dit l'heure)... mais je suppose que c'était pas ta question. :P
En fait, je suis un peu (trop) maniaque de la construction ce qui fait que n'importe quel élément introduit a tendance a être "milké" jusqu'à ce qu'il ne puisse plus donner de lait du tout...
Le pendule était déjà au chapitre précédent sous la forme d'un pendule oscillant - objet scientifique dont le calcul de la trajectoire est soumis à l'effet papillon / sensible aux conditions initiales quand on s'intéresse à prédire la trajectoire d'un double pendule (c'est donc le sujet du TP du chapitre précédent).
A ce chapitre, le pendule est (prétendument) divinatoire, c'est lui qui guide Solène vers la carte du Tarot du Fou - c'est encore du "milking", avec une mise en abyme puisque l'histoire 0. La perle correspond à la carte 0. Le fou / le mat, désignée par le fameux pendule, et on retrouve encore une situation ésotérique.
Bref, à la base si j'ai eu l'idée d'un pendule c'était en référence à Tintin et au personnage de professeur Tournesol, devenu ici "Professeur Colza", qui malgré sa rigueur scientifique utilise régulièrement un pendule à qui il prête des capacités qui n'ont jamais été reconnues / prouvées par la science, donc à la base un clin d'œil.
Le problème, c'est que j'ai parfois beaucoup de préparation dont on ne voit pas forcément où ça va en venir, hum hum !
En gros le titre du chapitre, ça vient juste du fait que le pendule qui était purement scientifique au chapitre précédent "devient" un pendule irrationnel dans ce chapitre-là. Comme le pendule ésotérique désigne la carte du fou du jeu, par jeu de mot il "s'affole"...
En fait, j'essaye pour chaque chapitre de créer une mini-unité thématique et que ça fasse une mini-transition avec le chapitre d'avant, voire une mini-transition avec le chapitre suivant...
Là, j'ai lâchement profité de la polysémie du mot pendule pour illustrer l'opposition entre l'esprit rationnel de Guillaume et la crédulité de Solène.
Venant de Samira c'est encore pas trop grave si elle utilise des tournures un peu plus précieuses que l'ordinaire/ qui passent mal à l'oral, vu son personnage, et sa fonction. Elle a tendance à vouvoyer Guillaume et à utiliser un langage soutenu par jeu.
Mais j'avoue que j'avais pas du tout fait attention tellement c'est un mot courant pour moi, que j'utilise sans problème à l'oral. Pareil, je mets ta remarque de côté, quand on harmonisera les dialogues au storybord. Je verrai si je garde ou si dans ce contexte ça crée une distance "pour rien".
Merci pour cette remarque, aussi.
Avec plaisir, on est d'accord pour la "critique" xD
Et du coup les pendules qui disent l'heure ont historiquement un mécanisme avec UN pendule comme balancier mais je ne sais pas pour quelle raison elles sont devenues féminines en disant l'heure, peut-être parce qu'on dit UNE horloge, et que une horloge avec un pendule a été "simplifié" en "UNE pendule" mais ça j'en sais rien.