Une simplification compliquée...

Par MarieZM
Notes de l’auteur : (j'ai supprimé les deux chapitres précédents pour cause de réécriture, je préfère partir sur des bases plus solides).

Le lendemain matin, Guillaume se gare devant l'université avec son énorme carton harnaché à sa moto.

En ramenant le carton à son bureau, dans le couloir, il croise Samira qui regarde sa montre et lève les yeux en heurtant son gros chargement. Guillaume a des poches noires sous les yeux et les rides d'expression de son visage sont poussés à l'extrême, tous traits tirés.

– Tu parais 10 ans de plus qu'hier mon pauvre Guillaume... attaque Samira, pimpante.

– Ce serait pareil pour toi si t'avais passé la nuit à boire du thé à la guimauve avec Solène, réplique Guillaume, avec un rictus de dégoût.

– J'adorerais connaître les détails de votre soirée, mais le devoir m'appelle de toute urgence ! s'esquive Samira en souriant.

– et moi, il me reste cinq minutes pour arriver à mon cours, s'affole Guillaume, en tapotant son annulaire gauche, sur sa chevalière-montre.

***

Le professeur arrive en nage dans un couloir sombre, murs en béton brut texturé, où des étudiants sont entassés devant une porte en acier peinte en orange. Il a une blouse blanche sous le bras et un gros dossier au format A4.

– Je suis pas en avance, c'est ça ? dit-il dans un rictus complice.

– Pas grave, Monsieur, on vous attendait ! assure Élise qui révèle des bagues d'appareil dentaire multicolore en souriant largement.

En ouvrant la porte avec une longue clef, il explique :

– C'est un TP* sur ordinateur où il s'agit de faire plusieurs simulations en changeant les conditions initiales. Vous allez expérimenter l'effet papillon dont on parlait en cours hier.
*une séance de travaux pratiques

Il pose son dossier sur le bureau de la salle informatique, composée de tables accolées avec de gros ordinateurs et des branchements volumineux dégueulant de prises murales à hauteur d'homme. Des fils électriques entrelacés autres courent au sol avec des moutons de poussière.

– Installez-vous et allumez les ordinateurs. Le matos n'est pas de la prime jeunesse, on n'a pas tout le budget qu'on veut à l'université publique, alors soyez patient avec nos petits papys.

***

Le voyant lumineux des tours, orange clignotant. 

***

– Et mettez vos blouses, je sais bien que ça sert à rien, mais c'est la rentrée, on prend les bonnes habitudes en TP ! ajoute Guillaume, tout en enfilant la vieille blouse qu'il a apportée, elle est un peu trop courte pour lui au niveau des manches, et tachée.

Il distribue les sujets de sa main tatouée des couleurs pique, trèfle, cœur et carreaux à quatre doigts, de l'annulaire à l'auriculaire, et où il porte sa chevalière. Une jeune fille, Loubna, remarque ses tatouages.

– C'est joli, vos dessins, le complimente-t-elle.

– Oh une alliance ! Vous êtes marié, Monsieur ? demande une autre, Pomme, en s'attardant sur sa chevalière à l'annulaire gauche.

– C'est juste sa montre, Pomme, pouffe Elise...

– Elle dit vraiment l'heure ? Stylé ! renchérit Loubna.

– Bon, bon, si on se recentrait justement sur le sujet de ce TP, les pendules... oscillants... hem, coupe Guillaume, en s'essuyant le front non sans un certain soulagement.

***

Le voyant lumineux des tours, vert fixe. 

***

Les ordinateurs se sont enfin allumés. Guillaume reprend : 

– Alors, maintenant que vos ordinateurs fonctionnent, on va étudier un exemple d'effet papillon sur une simulation de double pendule. Vous allez pouvoir entrer deux...

– Pourquoi on ne l'étudie pas directement sur le modèle de Lorenz, là où il a été découvert ? interrompt l'intello.

– Pour simplifier, répond Guillaume en souriant de connivence avec les trois étudiantes qui l'ont complimenté au début de l'heure.

– Ouais, alors si c'est une simplification, je me demande à quoi ça ressemblerait si on nous avait compliqué les choses. Le tableur où il faut entrer les données "simples" a des tas d'entrées avec des appellations qui ne paraissent pas simples du tout, continue l'insolente...

– Parce qu'en première année, on vous fait une simplification de modèle oscillant sensible aux conditions initiales pour illustrer l'effet papillon à votre niveau, lui répond sérieusement le jeune prof, agacé, vous allez donc entrer deux... 

– Pourtant, l'attracteur étrange de Lorenz était déjà une approximation triparamétrique plus ou moins heureuse des équations de la convection Rayleigh-Bénard des conditions atmosphériques qui permettent de prédire la météo...

Guillaume a les tempes qui s'échauffent, il prend une inspiration bruyante, tapote sa poche et sort un chewing-gum. L'importune reprend :

– ... Lorenz, au moins lui, il avait simplifié pour ne pas épuiser les ordinateurs de son époque... mais autant ne pas commencer par ça en première année si personne n'a le niveau pour résoudre ce genre de problèmes... s'exclame la jeune femme sans lâcher le morceau.

– C'est elle qu'on va simplifier ! lance Guillaume, en mimant de prendre sa tête dans ses mains à l'intention du reste du groupe.

La vanne fait rigoler la classe.

– Sinon au lieu de simplifier le contenu des enseignements, c'est peut-être le logiciel qu'il faut simplifier ?!…y'a au moins 30 paramètres par pendule, sans compter qu'on n'a pas la moindre idée d'à quoi ça correspond...

– Je disais, vous n'avez que deux paramètres à modifier pour réussir le TP, ensuite vous rédigez une conclusion argumentée en reprenant la théorie expliquée sur le verso de votre sujet et vous me l'envoyez par mail guillaume.colza@gmail.com avant midi trente.

Satisfait, le professeur s'adosse à son bureau et souffle une bulle de chewing-gum.

–  Super, et donc on n'aura strictement rien appris sur les simulateurs météorologiques à part à lire un résumé de cours... je reste chez moi, j'ouvre la page Wikipédia et ça revient au même... reprend avec hargne celle qui n'est pas décidée à le laisser tranquille. 

Guillaume éclate sa bulle de chewing-gum :

– Bon, la grincheuse, je vais venir t'expliquer ça tranquillement, pour les autres, bon travail ! 

Puis il se penche derrière l'ordinateur de la jeune fille pénible... 

– FLASH. 

Les trois filles se regardent en rigolant. L'une d'entre elles l'a pris en photo, de dos, légèrement déhanché.

– T'es folle, t'aurais dû retirer le flash de ton smartphone, râle Loubna.

– Merde, désolé, je pensais pas que ça allait se déclencher, je pense qu'il n'a rien remarqué, s'excuse Élise...

– C'est pas désagréable à regarder, commente Pomme...

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