Les Aspirateurs étaient de très grandes créatures aux robes grisâtres, sans oreille, sans yeux, seulement dotés d'une trompe interminable, véritable ruisseau d'écailles qui cascadait jusqu'au sol. Les maladroites bêtes ne cessaient de s’empêtrer les pieds dans ce blair surdimensionné en se déplaçant. Leurs pas étaient coulants, légers, comme ceux des poussières effleurant le plancher. Leurs pieds disparaissaient sous les plis de leurs vêtement, de leurs ourlets maculé, de leurs coutures effilochés. Mais en avaient-ils vraiment ? Quand Annie les observait, elle avait l'impression qu'ils volaient à quelques centimètres au dessus du palier. Avec leurs nez éléphantesques et leurs aspects fantomatiques, ils l'effrayaient. Surtout à l'heure d'une défaite. Lorsqu'ils rataient une tâche ménagère, un vrombissement de vapomobile carapatait de la ventouse rosâtre et gluante qui leur faisait usage de bouche, à l'abri sous leurs trompes. A supporter ces bruitages atroces, Annie avait les oreilles carbonisées.
La jeune fille se mordit la lèvre et vogua vers une nouvelle occupation, éplucher un morceau de satellite. Ses mains étaient toutes poisseuses de poussières d'étoiles, chiffonnées de fatigue, et encombrées d'une impressionnante quantité de problèmes.
Depuis le début de sa pause, Annie avait plumé une oie, chauffé des litres et des litres de nébuleuses, épicé des cumulus et emballé des langues de phénix dans de jolis petits sachets de velours. Les Aspirateurs travaillaient aux cuisines. Ils disposaient certes d'un cerveau, ils ne savaient l'utiliser qu'au service d'un « maître ». Avec leurs immenses trompes, ils faisaient la vaisselle, aspiraient les restes des repas, et réussissaient à s'affairer sur plusieurs choses à la fois. Mais malgré tout leurs efforts, ils demeuraient méprisés des étudiants et des professeurs. Annie était exaspérée par cet irrespect, à croire que leur laideur justifiaient toutes les moqueries du monde.
Cependant, elle en voulait à Professeure Sajala de l'avoir envoyé ici pour réaliser ses corvées. Elle était loin d'entuber le même organisme et la même résistance que les Aspirateurs, et ses bras semblaient lasses d'avoir trop fonctionné. De plus, il planait entre eux une méfiance réciproque, aussi informe et aussi silencieuse qu'un brouillard. Aucun « cuisinier » ne parlait jamais à l'autre, même par gémissements, ou autres grognements. Sur les lieux, par dessus le bruit obstrué de leurs respirations, les vapeurs des eaux, le bouillonnements des gazinières, les glouglous des mousses et le tintement des aciers qu'on entrechoquât, il pesait un silence lourd de scepticisme. Annie détestait cette ambiance nauséeuse. Elle n'arrivait même pas à mettre ces silences à profit d'un réfléchissement.
Elle se démenait donc avec les minutes, tentait d'essuyer définitivement ses soucis sur le tissu crasseux de son tablier. En vain. La méfiance des Aspirateurs s'était imprimée sur ses vêtements et sur sa peau. Même s'il semblait parfois difficile de l'admettre, Annie n'était pas la bienvenue ici.
Quand les fournées à l'arc-en-ciel furent à point, elle voulut enfiler des gants pour se protéger les mains de la brûlure du four, mais aucun n'était à sa convenance. Elle soupira en avisant le cuir éclopé de ses moufles, qui entourait certes ses doigts, mais à une distance respectable.Il pendait sur ses mains comme une deuxième peau.
Les soupirs dardant et dardant de ses lèvres, de son nez, la jeune fille préféra profiter du vent frais par l'unique fenêtre des cuisines. Il souffla, compatissant, entre ses boucles réunies en chignon, entre les plis excédés de son pauvre visage. Un infime rayon de soleil, parvenu à contrer la mousse des nuages, vint échouer sur la porcelaine de son teint, doux et piquant comme la barbe d'un père aimant. Annie sourit à son contact suave, bercée par les ondulations de la brise olympienne. Elle aurait voulu faire durer cet instant de repos toute sa vie. Les secousses des révélations, les bousculades des émotions, les proportions de ses actes et le mécanisme des esprits... Son existence était un fiacre, roulant sur les routes les plus cahoteuses, caillouteuses, qu'il fût. Parfois, elle aurait aimé un temps de détente. Plus long que celui-ci.
A contrecœur, elle finit par se détacher de la lucarne, bailla, s'étira, puis retourna aux fourneaux. Déjà, tout son corps s'était contracté. Son dos avait revêtu la rigidité d'un chevalet ; ses épaules la crispation d'une anse de tasse ; ses jambes, l'irréprochable droiture de la manche d'un parapluie. Elle continua de vaquer d’occupations à occupations, à éteindre et allumer le feu, à de plumer d'innocents volatiles l'âme en peine et des traces sur le tablier. Une heure plus tard, elle s'accorda un énième regard à la fenêtre.... là où, en équilibre sur le plateau de marbre, lui souriait un jeune garçon.
Annie, d'entière stupéfaction, en fit tomber ses bocaux de verre, et trébucha presque sur la trompe d'un Aspirateur.
Ophel.
Ramassant les détritus de verre à même la main, la jeune fille clignotait tellement les yeux qu'ils en pleuraient. Voir son ami au milieu des casseroles et des plumes des pauvres oiseaux lui était étranger, elle qui l'avait toujours connu sous les ombres des arbres. Mais malgré cela, c'était bel et bien Ophel qui continuait à la scruter avec un imperceptible sourire aux lèvres. Un Ophel qui se hissa avec souplesse de l'autre côté de la fenêtre. Un Ophel qui, le doigt sur la bouche, se faufila parmi les Aspirateurs indifférents à sa présence. Un Ophel qui, toujours aussi discret, glissa dans ses poches trouées une demi-douzaine de pommes. Un Ophel qui voulut repartir par la fenêtre, sa tignasse violette voltigeant dans son dos. Un Ophel qu'elle retint par le pan du manteau.
- Ophel !
L'intéressé se retourna vers elle en soupirant, et descendit clandestinement de son perchoir. Quand il fut exactement face à elle, Annie réalisa à quel point il n'avait pas changé, seul ses vêtements s'étaient davantage déchirés. A moitié enfouis sous ses épais sourcils, ses yeux, deux lacs purs où miroitait un feu, ne laissaient transparaître qu'une profonde lassitude.
- Ophel... répéta-t-elle en rougissant sur les plumes qui nimbaient encore son tablier odorant, et sur ses mains ensanglantées par le verre. Tu... voles ? Tu voles les biens de l’École ?
Elle-même n'arrivait pas à croire ce qu'elle avançait. Mais à ces mots, il lui sourit comme si, au lieu d'un remord, elle lui avait adressé le plus beau des compliments. Ce sourire, en dépit de ses paroles, lui réchauffa le cœur. Certains amis influençaient les visages à rire, mais la présence d'Ophel agissait comme un baume contre la paresse. En sa compagnie, Annie se sentait plus concentrée.
- Oui, tu n'es pas myope. Je viens voler. On dit que c'est mal, mais quand c'est notre seul moyen de survie...
Annie déglutit. Elle s'était attendue à des retrouvailles moins funèbres. Ophel se trémoussait sur place, comme pressé de repartir. Annie coula un discret coup d’œil aux Aspirateurs, qui poursuivaient imperturbablement leurs corvées, la trombe tranchant l'air. Étant sourds et aveugles, ils ne risquaient de s'apercevoir de cette présence ennemie. A quoi était donc dû la nervosité de Ophel ? A... elle ?
Le jeune garçon, un pli tordu lézardant sur ses lèvres, jonglait avec l'une de ses pommes, la passant de la main gauche, à la main droite, de la main droite à la main gauche. Le rouge de la pauvre pomme se chiffonnait, se ridait d'efforts. Annie, qui suivait le mouvement du fruit de son air le plus profondément impénétrable, avait déjà formé une hypothèse. La pomme dansante représentait le cœur d'Ophel, qui hésitait, se balançait entre deux choix. Rester ; partir.
- Eh puis, tu sais, reprit-il. On a cueillit ces pommes dans la forêt qui m'héberge. Je ne fais que reprendre ce qui m'appartient. Ce sont plutôt eux les voleurs, demoiselle.
Demoiselle ? se dit Annie, sourcillant. Par le passé, Ophel ne l'avait jamais appelé ainsi. Annie, les épaules rentrées, pencha la tête sur le côté, comme pour sonder son expression. Ophel demeurait parfaitement neutre. Son visage avait la lisseur d'une ardoise flambant neuve. Après un dernier jonglage, le jeune garçon rangea sa pomme dans l'une de ses doublures effilochées, ses mèches rebelles suivant ce geste crânien. Annie eut alors un léger sursaut quand il releva le visage vers elle. Il fronçait tant les sourcils qu'une profonde crevasse se formait entre eux.
- Qui es-tu pour connaître mon nom, en fait? Déclara-t-il abruptement.
Annie ne comprenait plus rien à rien.
- Décline vite ton identité, servante, la patience ne fait pas partie de mes nombreuses qualités !
La jeune fille se mordit la lèvre inférieure, indécise. Ses cils tremblotaient, ses pommettes grelottaient. S'il s'agissait d'une plaisanterie, elle était vraiment de mauvais goût. Et Ophel serait un comédien fichtrement talentueux. Que se passait-t-il ?
Quelque chose changea en elle alors que, tête basse, elle était plongée dans une totale contemplation de sa main sertie de reflets bleutés, et tavelée de sang. Un goût qui envahissait sa bouche. Miraculeusement, Annie comprenait enfin les raisons de cette méfiance. Ophel la connaissait sous le jour d'Annie, pas d'Amaya. Il la voyait avec de longs cheveux noirs de jais, flot d'encre jaillissant gracieusement de sa nuque. Il la voyait avec des yeux rétrécis, songeurs, et un nez vertigineux perdu en l'air. Il la voyait avec une peau blême, fantomatique, perchée sur un visage à l'impassibilité extrême. Il ne la voyait pas chevelue de bleu, en possession d'une beauté tout à fait désaccordée. Il ne la pensait pas avec ces traits raturés, alignés d'une main nerveuse, frissonnante. Il la voyait telle qu'elle était vraiment, pas à l'étroit dans le corps d'Amaya.
Un soulagement l'irradia immédiatement et elle découvrit un sourire non pas jaunâtre, mais d'une éclatante blancheur :
- C'est moi, Amaya. Amaya, Ophel !
Dire ces mots la détendait.
- Et dis-moi, comment va Odevie, aujourd'hui ?
Le jeune garçon en fut si subjugué qu'Annie n'aurait à peine cillé si sa mâchoire se serait soudainement décrochée. Il la reluqua d'un clignement d’œil incrédule, étudiant avidement chacun des traits troubles d'Amaya. En quête des siens. Son regard ne cessait de s'assombrir et de s’éclaircir, véritable éclipse d'émotions contradictoires. La jeune fille pouffait dans sa paume alors que de son côté, le garçon persistait à la dévisager, ne comprenant sans doute pas ce qui rapprochait son amie de cette empotée.
Il abandonna finalement la partie, les yeux grisonnant de perplexité.
- Admettons que tu sois Amaya. Que ferais-tu en domestique à l’École ?
Annie cessa immédiatement de rire. Elle reconnaissait que le combat ne penchait pas en sa faveur. Tant de choses s'étaient passées depuis sa fugue... Elle chassa sa bouffée nostalgique d'un geste qui ne souffrait aucune réplique.
- Je ne suis pas une domestique, en fait. Je fais ma dose de corvées pour avoir bafoué le règlement. Je m'étais égarée, avec ces couloirs labyrinthiques...
- Et sinon ? L'interrompit Ophel, en croisant les bras. Si tu es vraiment Amaya, que ferais-tu à l’École, déjà ? Aux dernières nouvelles, elle fuyait une famille radicale qui potentiellement, voudrait sa mort. En la renvoyant d'où elle venait, je me suis toujours demandé si je ne lui avais pas donné un aller direct pour le tombeau...
Ses yeux perdirent de leur luminescence, un instant. Saisi de regret, il se fit craquer les jointures avec embarras.
Annie fit un nouveau pas vers lui, déterminée et une main sur son épaule.
- Non, Ophel. Amaya n'est pas morte, elle est juste devant toi.
- Tu parles.
Annie ne savait plus comment le convaincre du contraire, et avec le soupir le plus profond qu'elle n’eût jamais poussé, elle s'en fut à l'autre bout des cuisines. Si une seule particule de doute s'insinuerait dans Ophel, alors peut-être qu'il la suivrait. Le brouillard dans les yeux, la jeune fille admira les immenses silhouettes des Aspirateurs s'étirer en filets d'ombres. Les créatures affairées n'avaient toujours pas détecté, à l'aide de leur fort odorat, la présence d'un intrus. Ce qui était en soi une bonne nouvelle. Annie, maussade, passa la main dans la cage de Flamimi, qu'elle n'avait pas eu le temps de déposer à la volière auparavant. Elle l'avait donc traîné aux cuisines avec un pincement au cœur en pensant à tout ce qu'elle laissait endurer son pauvre animal. Heureusement, le rouge-gorge ne semblait aucunement traumatisé par les panaches de fumée et les titanesques cuisiniers. Il sauta sans broncher dans la main d'Annie, et frotta affectueusement son col écarlate contre le pouce de sa maîtresse.
- Amaya, attends...
Le palpitant d'Annie bondit dans sa poitrine. Ophel n'avait pas lâché le morceau, il n'était pas parti. Une ombre voila tout de même son regard alors que la main du garçon se glissait dans son col et lui érafla la nuque. Une sensation glacée lui dévala l'échine et terrifiée, elle voulut se retourner.
Hélas, les doigts d'Ophel avaient à présent l'emprise de sa gorge et si elle se brusquait, elle risquait de s'étrangler. Oui, Annie s'estimait apeurée – ou même, épouvantée. Elle avait l'impression que le jeune garçon, par un simple contact, perdurait à lui faire sortir des souvenirs du corps. Et ce sentiment malfaiteur s'ajoutait à un autre, celui d'être tantôt un livre ennuyeux qu'on ne tardera à refermer, tantôt un roman passionnant que pour rien on ne lâchera avant la fin. Ophel fouillait en elle. Ses doigts qui gravissaient sa nuque lui rappelaient ceux de son père, cherchant le bon endroit pour lui infliger l'une de ses terribles corrections. Annie aurait voulu hurler, alerter les Aspirateurs ou Pollux lui-même, mais son cri demeurait coincé dans sa gorge, pour éviter de s'étouffer en parlant.
Ce qu'il lui faisait endurer était incomparable.
Annie fut envahie de l'intérieur par une conscience qui n'était pas la sienne, une conscience qui, méticuleuse, épluchait précieusement chacune de ses pensées, les soupesaient, comme pour en définir la forme. Elle s'élançait dans ses souvenirs, farfouillait, trifouillait, avec une détermination morbide. Avec une curiosité brûlante. Un profond désir de connaissances.
La jeune fille comprit alors ce qu'Ophel cherchait en elle. La vérité. Absolument inondée de sueur, un son rauque échappa à la vigilance de sa gorge et sa deuxième main, restée dans la cage de Flamimi, se retira, lasse. Lui aussi savait détecter la vérité ? Depuis quand ? De quelle famille était-t-il issu ?
Par-dessus l'enclenchement de l'affreuse sensation dans sa tête, Annie éleva un sourcil perplexe. Quand Solveig avait lu la vérité en lui touchant l'épaule, il y avait quelques jours de cela, jamais elle n'avait ressenti semblable effet. D'ailleurs, en y repensant bien, la mère avait sans doute requiert de ses pouvoirs à plusieurs reprises lors de sa venue dans le Monde des Nuages. Annie songea à la facilité avec laquelle elle l'avait toujours cru, quand elle l'avait allégrement épaulée dans la boutique d'Hélios. Elle savait qu'elle n'était pas une Rosenoire. Elle connaissait son humanité. Elle savait que l'histoire qu'elle lui avait conté était vraie.
Les capacités d'Ophel venaient donc d'une autre provenance.
Un frisson se précipita sur sa colonne vertébrale, et glissa sur celle-ci avec la rapidité d'un rapace fondant sur sa proie. Elle essuya son front trempé d'un revers de manche, tandis que Ophel relâchait sa nuque, absorbant avec elle toute sensation de malaise. Annie réalisa alors combien elle se mordait le menton, au point que ses dents lui rentraient dans la chair.
- Alors ? Le gronda-t-elle, une fois sa langue déliée.
Il n'y avait pas que la colère qui perlait dans sa voix, mais aussi un autre sentiment, aussi acide que poivré : celui de la trahison. Ophel ne l'avait pas crue sur parole, et il avait préféré avoir recourt à ses pouvoirs plutôt que son raisonnement. Et par ailleurs, il lui devait des explications. Comment pouvait-il être en possession d'une si grande puissance alors qu'il avait passé sa mince existence entre les arbres de la Cité Verte ? Armé d'un tel talent, il avait réellement l'étoffe d'un magicien.
Le goût de la trahison se frotta à son palais, s'imprima sur ses dents. C'était un liquide si tiède et si fluide qu'il en brûlait la gorge. Il avait la résonance hypnotique de la langue d'un serpent.
De son côté, Ophel arborait un air considérablement penaud, à la plus monstrueuse satisfaction d'Annie. Il ne méritait pas son amitié.
- Exc... Excuse-moi, Amaya. Je...
Son embarras cédé quelque peu à de la stupéfaction, la même fascination qu'éprouvât un enfant devant son premier coquillage. Mais ce fut l'épilogue de ses paroles qui lui déchira lourdement le cœur :
- Que t'ait-il arrivé ?
- Je...
Mais Annie ne parvint pas à aligner plusieurs mots. Comment expliquer toutes ses péripéties en quelques phrases ? Il lui faudrait des heures et des heures pour parvenir à une explication fluide et complète. Et son temps était compté.
Alors, au lieu de s'exprimer, elle tomba.
Dans un claquement sourd, sa tête bascula en arrière, heurta le plancher de bois, entraperçut des étoiles. Ses souliers griffèrent le sol. Que lui arrivait-il ? Pourquoi son équilibre la perdait, si soudainement ? Sa conscience s'éparpilla dans son esprit, si bien qu'elle ne put poursuivre des questionnements lucides.
- Amaya !
A une vitesse des plus impressionnantes, Ophel s'était agenouillé à ses côtés. L'une de ses boucles violettes lui effleurait l'épaule. Annie voulut aussitôt relever son crâne mais une force impitoyable la bloquait dans sa transe. Étendue au beau milieu des cuisines, Annie devait offrir un bien étrange spectacle. Telle une masse d'ombres nocturnes, sa chevelure se déployait autour d'elle, larmoyante.
En revanche, paraître ridicule se faisait bien le benjamin de ses soucis, actuellement. Sonnée par sa chute inexplicable, la jeune fille tentait de remettre vainement l'ordre dans ses pensées. Mas au lieu de les clarifier, elle avait surtout l'impression de les colmater davantage. Comme elle n'arrivait à se hisser sur ses deux jambes. Celles ne voulaient pas se départir de leur immobilité.
Une curieuse peur mêlée à de la fureur se cabra dans son esprit. La transpiration dégoulinait de son front en flots abondants. Elle se redressait continuellement à l'aide de ses bras, mais ses coudes ployaient sous son poids. Annie encaissait une horrible sensation de lourdeur. La force avait quitté ses membres.
Mais si spontanément ? Était-ce matériellement possible ?
- Amaya ! Amaya ! Est-ce que ça, que diantre ? Dis-moi que ça va...
- Ophel...
Son visage de bronze griffé, tout colonisé par ses mèches lavandes, se coulait de traits crispés, de lignes inquiètes. L'arabesque d'un rictus peuplait sa lèvre inférieure. Des particules de terre collaient à ses sourcils. Annie voulait graver chaque détail de cette figure mal débarbouillée. La courbe biscornue de son nez, la forme enfantine de ses joues, le relief hasardeux de sa bouche, la fleur fournie de ses paupières... Chaque plis de son visage était empreint, tordu, déformé d'anxiété.
Comme Ophel aidait Annie à se relever, d'une lenteur aussi lourde qu'un chagrin, ils ne remarquèrent pas le plumage de Flamimi virer au noir, progressivement. Ils ne virent pas ses plumes pousser, soudain, leurs extrémités ondulées se faufiler entre les barreaux. L'oiseau grandissait, grossissait.
Et bientôt, il n'eut plus de Flamimi.
Il n'y eut que Minuit, le fidèle sujet de Schyama.
C'était un piège.
J’adore les Aspirateurs, je trouve que ton Worldbuilding est toujours plus intéressant au fil des pages et c’est cool ça. Je trouvais qu’en arrivant à l’école, l’intrigue consacrerait moins de temps à présenter les autres aspects de ce monde mais écoute tu doses bien les informations ^^
Par contre, je ne comprends pas pourquoi Sajala a donné à Annie des corvées, c’est à cause du chapitre précédent quand Annie a décidé de partir en excursion en douce et qu’elle a discuté avec Poséidon ?
Et Ophel ! comme je l’adore lui ^^ c’est mon p’tit chouchou ! Je trouve sa réaction très cohérente et j’apprécie son caractère cleptomane. Que de mystère autour de lui… et puis j’adore son comportement de Gavroche !
Je me rappelle avoir beaucoup apprécié ce chapitre lors de ma première lecture. Mais là encore j’ai pas trop compris la première chute d’Annie. A quoi cela est-ce dû ? A cause de l’examen d’Ophel ? A cause du piège de Schyama ? A cause de sa santé fragile tout simplement ? J’ai dû mal à savoir quelle est la cause.
Ravie que ce chapitre t'ai plu <3 L'invention des Aspirateurs remonte à très, très longtemps - ils sont plus anciens même que le Monde des Nuages lui-même (et issus de mon imagination loufoque d'enfant XD). Tellement contente qu'ils aient leur place dans cet univers !
Oui - Annie n'était pas censée partir en promenade et Poséidon l'avait d'ailleurs prévenue d'éventuelles conséquences…
Ah, Ophel ! Le côté Gavroche n'est pas volontaire, mais j'aime infiniment ce personnage !
En ce qui concerne ta dernière question, je ne me souviens plus bien - mais de toute manière, tu as raison : Annie trébuche beaucoup trop pour que cela soit vraisemblable.
Un pyramidal merci pour ton commentaire <3
Pluma.
C'est à la fois sensible et proche des personnages, on vit leurs sensations, et c'est parfaitement inscrit dans la continuité de l'histoire, rebondissement à la fin pour nous happer vers le chapitre suivant!
Bravo !
Alors, honnêtement, je savais qui était Ophel (il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup de personnages, donc on s'y trouve). Sympa ces retrouvailles :)
Par contre, vu le titre du chapitre, on s'attend forcément à un piège et je trouve ça un peu dommage.
Mais sinon, tu es toujours aussi agréable à lire (malgré quelques coquilles).
Alors pour le titre, j'avais envie de trouver quelque chose d'accrocheur, qui donne immédiatement envie de commencer le chapitre. Mais s'il est trop prévisible...
D'ailleurs, je trouve déjà la plupart de mes titres de chapitres plats, je vais essayer d'y remédier !
A bientôt ;)
Pluma.
Comme Alice_Lath, j'ai particulièrement aimé l'échange entre Ophel et Annie (à celui-là, je l'attendais !!) et je me suis souvent demandée s'il était "gentil" ou "méchant", un peu comme avec tous tes personnages, ce qui un bon point je trouve. Je me souviens, en revanche très bien de qui est Ophel même si le passage est loin. Mais c'est vrai qu'un petit rappel de ce qu'il s'est passé serait intéressant. Le fait qu'il ne croit pas Annie à cause de sa nouvelle apparence est très bien retranscrit et réaliste.
Les Aspirateurs sont des créatures géniales (tellement bien décrites et profondes. On s'attache à elles, en fait !). Mais c'est vrai que quelques précisions sur leur façon de fonctionner pourraient être ajoutées.
La chute est juste super bien menée et on veut savoir la suite (bien joué, il y a du suspense...!)
Ce que je trouve un peu dommage c'est que tu n'approfondis pas trop Poséidon. Ou Ophel. Je veux dire qu'on les voit dans une scène, tu nous les décris et puis pouf ! on ne les voit plus pendant un long moment. Pour ma part, j'aurais besoin de beaucoup plus d'interactions entre Annie eux et les autres personnages. J'ai remarqué que les personnages parlent souvent avec Annie mais que très peu entre eux. C'est assez étrange, je crois que c'est à cause de cela qu'on ne s'attache pas complètement avec les personnages secondaires. Il leur manque une part de leur personnalité qui ne peut se révéler qu'en interagissant avec les autres. En quelque sorte, il manque une certaine dimension à ces personnages pour qu'ils puissent être "réels" aux yeux du lecteur. (Bien sûr, je n'exprime là que mon point de vue, hein. =-))
Le passage avec les prophéties est palpitant, aussi. J'ai beaucoup aimé la formulation de la prophétie et son moyen de transmission (qui se répète en boucle, sur du papier, etc.) C'est original. ^^
Et le passage où Annie a surpris Xia m'a beaucoup plu, également (je pouffais dans ma barbe XD).
J'ai relevé quelques petites fautes et des formulations qui m'ont fait un peu tiquer (mais cela reste subjectif). Rien de bien méchant, en somme. ^^
Voilà, voilà :-)
Si Alice et toi êtes en accord sur les mêmes remarques (et points positifs), ça doit être une preuve pour vous donner raison ! Je prends note de tout ça...
J'avoue que pour les Aspirateurs, je me suis quelque peu inspirée des Détraqueurs mais en version "bisounours". Les approfondir sera fait avec un grand plaisir ! <3
Ce que tu me dis là, avec les dialogues entre les autres personnages, je n'y avais pas du tout pensé ! Merci beaucoup pour cette remarque, je vais avoir de quoi faire avec ça !
Merci encore <3
Pluma.
Le second point est tout aussi mineur : c'est par rapport aux Aspirateurs. Tu les présentes comme sans vue, ni ouïe et un cerveau dédié à leur maître, pourtant tu dis "malgré leurs efforts, ils n'étaient pas appréciés" => ça veut dire que le regard des élèves compte pour eux ? Et comment font-ils pour tout gérer, ranger et cuisiner sans yeux haha ? Surtout si la présentation et l'élégance sont importants pour l'école
Ce sont deux petits points, mais voilà, je tenais à te les signaler haha. Sinon, la chute est vraiment très cool, je suis curieuse d'en savoir plus à ce sujet, pareil à nouveau pour la rencontre avec Ophel. Bref, du tout bon, j'ai hâte de découvrir la suite