Eyanna pouffa en s’appuyant sur l’épaule d’Evin, et les deux éclatèrent de rire en jetant un regard furtif à Kaelon. Ce dernier s’empourpra. Cela faisait maintenant trois jours que le fils Justé avait épaté la galerie en sauvant le mioche au sommet de la bâtisse de la Droiture, et que lui, accessoirement, s’était figé de terreur. Depuis, cette peste de princesse ne loupait pas une occasion pour le rabaisser. Et comble du comble, les deux tourtereaux étaient passés à la vitesse supérieure concernant leurs roucoulades. Et ça l’agaçait. Enormément. Sans qu’il puisse se l’expliquer, le papillonnage de ses deux compagnons le mettait dans une rage noire. Bordur avait raison en ce sens. Il n’avait pas ressenti une telle colère depuis qu’Hélane l’avait débouté à la citadelle de Kler Betöm. Pour couronner le tout, le gamin miraculé les suivait partout où ils allaient. Le matin, lorsqu’ils quittaient la Fraternité, sa frimousse apeurée apparaissait à l’ombre d’un arbre, et il les filait jusqu’à leur retour, souvent à la nuit tombée.
Les journées se succédaient donc, monotones et identiques, et le prince avait du temps pour ressasser le passé. Il n’était pas habitué au désœuvrement, et son esprit vagabondait facilement. A cette heure-ci, Crésone avait probablement déjà rejoint la Fière, et fait un compte-rendu détaillé à sa mère sur sa désertion. Quelle stupidité de sa part d’accéder à la requête du roi. Il se retrouvait de fait dans une position bien peu confortable. Sa mère le lui ferait regretter au centuple. Donner sa parole à l’homme qu’il était venu assassiner… Il n’y avait que lui pour se mettre dans des situations pareilles. Enfin… au moins la journée d’aujourd’hui serait-elle différente des autres. La veille, un émissaire leur avait porté une missive du Sanctissime Primat, qui les conviait à partager son repas, et c’était donc vers l’éblouissante église de l’Obédience que les portaient leurs pas. Seul Althaer n’était pas venu. Grognant comme à son habitude contre les ecclésiastiques, il avait décrété qu’il était hors de question qu’il se plie aux injonctions d’une troupe de chanoines voutés davantage habitués à se fixer le bout des orteils que le fond des yeux, dussent-elles émaner de leur gourou lui-même.
En arrivant sur le parvis du lieu saint, Kaelon prit le temps de détailler l’édifice. Chaque sanctuaire de Candala avait une identité propre, avec une architecture spécifique. La Droiture, avec ses arbres longilignes, ses arêtes abruptes et ses lignes épurées, incarnait parfaitement l’esprit de rigueur qui émanait des gardiens de la Foi. La Connaissance, elle, avait plutôt opté pour une construction aux courbes sinueuses et incertaines, avec une base fine et un sommet dense et pesant de savoir. La Fraternité quant à elle… n’était qu’un grand bâtiment sans fioriture, fonctionnel et accueillant. Mais l’Obédience ! Seul un esprit à la mégalomanie prononcée avait pu imaginer pareille création. Chaque pan de mur, chaque pierre ou huisserie était parsemée de gravures finement détaillées. L’édifice s’empilait sur huit ou neuf niveaux, sur une hauteur vertigineuse. Pas moins de sept campaniles aux cloches prétentieuses encadraient le bâtiment. Ils se trouvaient à n’en point douter au cœur de la religion Eryonienne, là où les plus grandes décisions religieuses prenaient corps.
Une cohorte de soldats montait la garde sous l’arche de l’entrée. Lorsque les compagnons firent mine de pénétrer dans l’enceinte de l’église, ils furent immédiatement stoppés par les gardes. La prêtresse les jaugea sans sourciller, avant de déclarer froidement :
— Nous sommes attendus par le Sanctissime Primat, allez-vous rester plantés là à nous dévisager bêtement, où aurez-vous la présence d’esprit de nous annoncer ?
— Vous, oui, mais pas eux ! grogna le soldat en pointant Kaelon, Evin et Bordur du menton. Seuls les initiés peuvent pénétrer dans la maison de Jaénir. Les profanes restent dehors !
— Dans ce cas, je resterai également ici, annonça Eyanna. Je n’ai aucune formation spirituelle et suis totalement inexpérimentée en la matière.
— Pas tout à fait ma chère, intervint frère Bronk. De part le jugement de la prêtresse à votre égard, vous êtes devenue de fait une adepte d’Eljane. Vous êtes donc parfaitement habilitée à accéder à l’Obédience.
— Peu importe ! rétorqua la princesse. Si mes compagnons ne peuvent rentrer, je resterai à leur côté !
Evin lui serra affectueusement le bras, sous le regard agacé de Kaelon.
— Allez-y Eyanna, ne vous en faites pas pour nous. Nous vous attendrons.
— Mais… c’est profondément injuste ! Vous avez fait ce long trajet avec nous et je trouve déplacé que l’on vous interdise l’accès.
— Ce n’est rien vous dis-je, nous resterons ici. Allez-y à présent.
Cédant à la requête d’Evin, Eyanna suivit de mauvaise grâce les gardiens de la Foi, accompagnée de la prêtresse et du moine.
Tandis qu’ils arpentaient le long couloir de l’église, la prêtresse se pencha vers Eyanna et lui glissa à l’oreille :
— A l’avenir, garde tes réflexions pour toi, tu nous mets en danger. Nous ne sommes que tolérées ici, Candala est un passage incontournable pour accéder aux montagnes divines et c’est bien au dépend de ma volonté que nous nous retrouvons ici. Donc efface-moi vite cette suffisance de ton visage et abandonne ton comportement puéril ! Tu n’es plus à Elhyst, et le jeu auquel nous participons est bien plus dangereux que ce que tu t’imagines. Alors un peu de tenue quand nous serons face au Primat je te prie !
Puis elle rajouta, plus pour elle-même que pour Eyanna :
— Tu ressembles davantage à ton oncle que ce qu’on pourrait penser au premier abord…
Piquée au vif par la remontrance de Kylia, la princesse se mura dans un mutisme boudeur jusqu’à ce qu’elles arrivent dans une grande salle circulaire. Les hauts murs étaient richement ornementés de larges vitraux qui n’avaient rien à envier au sanctuaire de la Matriarche. D’épais tapis tissés aux broderies complexes et variées recouvraient le sol de la pièce. Collés au mur, toute une ribambelle de gamins au garde-à-vous attendait silencieusement. Une grande table de banquet recouverte de mets raffinés avait été installée au centre. Quatre vieillards siégeaient et n’avaient visiblement pas attendu l’arrivée de leurs convives pour attaquer les festivités. Celui en bout de table leur accorda un bref regard, avant de reporter son attention sur le dépiautage de ce qui semblait être une cuisse de poularde juteuse.
— Ah ! Voici donc notre petite troupe d’Eljanistes qui s’en retourne vers sa petite montagne ! constata-t-il en mâchouillant un bout de viande récalcitrant, les lèvres luisantes de graisse.
Aussitôt, Bronk se jeta à terre, le nez aplati sur le dallage patiné, en balbutiant quelques flatteries incompréhensibles. L’homme était gras. Ses doigts adipeux étaient pourvus de bagues imposantes. Quelques cheveux blancs se bataillaient un crâne ridé, et des bajoues bulbeuses recouvraient un visage à l’âge indéfinissable. Une aube blanche, recouverte d’une dalmatique violette peinait à dissimuler son auguste bedaine. Eyanna en resta abasourdie, s’agissait-il vraiment là du représentant de Jaénir ? Le symbole vivant du culte du Patriarche, administrant la religion en Eryon ? Le Sanctissime Primat Leistung adressa un signe de main à Bronk, l’invitant à se relever et à gagner un siège pour prendre part au repas. Eyanna fit un pas vers une chaise, mais la prêtresse lui attrapa le bras.
— Pas toi… les femmes mangent après ici, chuchota-t-elle en guise de réponse au regard d’incompréhension de sa disciple.
Le Primat vissa son regard dans celui de Kylia tandis qu’un gamin récupérait son assiette vide et qu’un autre lui en apportait une pleine.
— C’est un réel plaisir de vous voir parmi nous eljaniste. J’en ai profité pour convier les éminences des différents ordres. Après tout, nous n’avons que peu l’occasion de nous voir tellement nos obligations respectives nous régentent.
Il glissa nonchalamment ses doigts dans la chevelure du gamin avant que celui-ci ne retourne se placer en bout de pièce. L’homme de gauche prit alors la parole. D’une tenue très droite, il arborait une tenue sobre, aux tons dorés et bleus, qui n’était pas sans rappelée celle du Vénérable Huvin. Il s’exprimait d’une voix ferme, avec un timbre rude. Il inclina légèrement la tête à l’intention des invités.
— Sanctissime Gerech, de la confrérie de la Droiture, pour vous servir.
Kylia le salua, imitée par Eyanna. Son voisin paraissait beaucoup plus vieux, et en moins bonne santé. De petites lunettes en écailles jaspées surplombaient un nez droit et une fine moustache. Une tunique verte à longues manches sous un scapulaire marron –la même que frère Bronk– ne laissait que peu de doute quant à son appartenance.
— Sanctissime Wissen, de l’ordre de la Connaissance, confirma-t-il d’une voix chevrotante.
Le dernier personnage, un homme sec et chauve, se contenta de les saluer silencieusement. C’était de loin celui qui tranchait le plus avec ses confrères. Seule une cotte brune à capuchon l’habillait, sans autre artifice qu’une cordelette nouée à la taille pour maintenir le tout. Le Primat reprit la parole :
— Et voici le Sanctissime Mitleid, qui vous loge gracieusement au sein de la diaconie Fraternelle. Le pauvre a fait vœu de silence depuis si longtemps qu’il en a oublié les rudiments du langage.
Le Sanctissime Wissen s’adressa alors au moine.
— Frère Bronk, pardonnez ma curiosité cavalière, mais je n’ai trouvé trace de vous dans nos registres, vous êtes bien recensé à la Connaissance n’est-ce-pas ?
Le moinillon manqua de s’étouffer et, après avoir avalé tant bien que mal, répondit d’une voix mal assurée:
— Le Vicaire de Bourelle-la-Passe, malgré ses nombreuses qualités, n’est pas homme d’organisation, et peut-être n’a-t-il jamais transmis à la cité sainte mes références.
— Depuis tout ce temps, c’est quand même étrange.
— J’enverrai un courrier dès demain afin que vous puissiez être rassuré dans les plus brefs délais Sanctissime.
— C’est inutile, j’ai déjà pris cette liberté il y a quelques jours. A la Connaissance, nous aimons que les choses soient carrées voyez-vous.
Ce dernier propos fut approuvé d’un hochement de tête par le dirigeant de la Droiture, qui prit la parole à son tour.
— Absolument. J’aimerais à présent vous toucher mot d’un sujet qui me tient à cœur princesse Estelon.
— A moi ? répéta bêtement Eyanna, se demandant ce qu’un haut dignitaire de Candala pouvait bien vouloir à une jeune femme comme elle.
— Connaissez-vous le seigneur Bolion ? demanda-t-il sans ambages.
— Heu… oui, bien sûr, c’est un ami de longue date de mon père. Pourquoi cette question ?
— Je vois… commenta-t-il pensivement. Savez-vous que sa seule affiliation à cet homme place votre père dans une position délicate ?
Eyanna était perdue.
— Non, je… je ne comprends pas de quoi vous voulez parler… Sanctissime.
— Avez-vous aperçu cet homme sur la place ovale ? Ce malheureux soumis à la rédemption ?
Au souvenir du pauvre martyr, le cœur de la princesse se serra.
— Evidemment, comment le manquer ? répliqua-t-elle un peu sèchement.
— Cet homme est le valet de ce fourbe de Bolion. Il a dérobé un livre à la Connaissance avant de prendre la tangente avec sa femme. Nous n’avons pu appréhender que son homme de main.
Le Sanctissime Wissem frémit de rage à l’évocation de ce qui était visiblement un crime de lèse-majesté, et glapit d’une voix souffreteuse :
— Une œuvre inestimable, un écrit unique ! Datant d’avant Jyléter lui-même ! Ce fieffé Bolion a profité de notre hospitalité pour perpétrer son acte odieux !
Eyanna ne connaissait que peu Fabri Bolion, mais elle avait du mal à imaginer le petit homme affable en génie du mal. Elle ne l’avait pas revu depuis que son frère avait demandé la main de Corelle Akaran au vautour. Elle savait juste que son père vouait une profonde affection pour le propriétaire des chantiers Elhystiens, et qu’il avait été présent pour lui quand Ethyer était tombé malade. Le Sanctissime Gerech tempéra son compagnon.
— Comme l’évoque mon estimable confrère, cet abus de confiance ne saurait être toléré, ni pardonné, et nous engagerons des poursuites à l’encontre de ce scélérat, qu’il se terre en royaume central ou où que ce soit. L’archiprêtre Ulfan en sera avisé et mènera l’enquête comme il se doit.
La prêtresse intervint alors :
— Sauf votre respect Sanctissime, mais en quoi votre affaire concerne-t-elle ma disciple ?
— Il me semble important que la princesse Eyanna prenne conscience que l’étiquette de « Roi d’Eryon » ne dédouane pas pour autant son père de la justice divine, et qu’il serait fortement préjudiciable pour tout le monde qu’il s’en affranchisse.
— Ces affaires ne la concernent plus désormais, elle va être formée au sein de notre communauté et n’aura plus que peu de contacts avec sa vie passée.
— Pour quoi au final ? ricana le Sanctissime Gerech. Pour développer un pouvoir insignifiant qui servira à… ? Oh ! Oui, c’est vrai, toujours cette vieille rengaine farfelue de se préparer au retour du Néant. Quand vous mettrez-vous en tête que votre combat est illusoire ? Il y a belle lurette que l’affrontement contre l’Innommable – physiquement du moins– a été remporté par les jaénistes ! Le seul vrai danger existant est celui qui germe dans l’esprit des gens, et que vous entretenez farouchement par vos discours !
— Avez-vous bientôt fini de parler à ma place ? s’énerva Eyanna d’une voix cinglante. Je n’ai pas davantage envie d’être tenue responsable pour les actes d’un homme que je connais à peine, que d’aller me geler les miches en pleine sainte montagne ! Qu’en est-il de ma volonté au milieu de vos manigances ? Ai-je voix au chapitre ou suis-je simplement destinée à fermer le bec en attendant gentiment que vous décidiez pour moi de mon avenir ? Je n’ai pas plus demandé à être fille de Roi qu’à être désignée prêtresse. Donc, par la grâce de la Matriarche, Bordel ! Fichez-moi tous la paix !
Son intervention instaura un froid certain parmi l’assemblée, et elle s’attira le regard furibond de Kylia auquel elle répondit d’un simple haussement d’épaules.
Quoi ? Si vous vouliez une fille docile et diplomate, il fallait prendre l’autre sœur, lui suggéra-t-elle du regard.
— Et bien, et bien, modéra le Primat la bouche pleine. Quelle fougue ! Je ne peux que me divertir de l’audace d’un si jeune âge !
— Divertir ! s’étrangla Gerech. Une telle intervention mérite sans l’ombre d’un doute un châtiment exemplaire !
Le Primat le coupa d’un geste.
— Allons, allons, ne soyons pas trop dur avec elle. La pauvrette a vu basculer sa vie du tout au tout en quelques jours, et nous ne pouvons effectivement lui tenir rigueur d’une potentielle félonie de son royal père. De plus, cette petite est plus intelligente qu’elle en a l’air, elle a bien compris que son destin n’était plus entre ses mains désormais.
Ce disant, il ancra son regard dans le sien, et la froideur qu’elle y perçut la terrorisa bien plus que l’ardeur bouillonnante du dignitaire de la Droiture. Malgré tout, elle ne se démonta pas et le soutint fermement sans ciller.
— Chaque être vivant est maître de son fortune, rétorqua-t-elle en le défiant des yeux. C’est l’individu qui contrôle son destin et non l’inverse.
— … grogne le cochon quand le boucher le mène aux abattoirs. Je reconnais bien là les préceptes enseignés à la capitale. Ces idées qu’on vous enfourne de force dans la caboche en prônant le libre arbitre frôle l’hérésie.
Pressentant l’incident diplomatique, la prêtresse s’intercala entre Eyanna et le Primat en invoquant la jeunesse de sa protégée. Celui-ci l’excusa en s’essuyant la bouche d’un revers de main.
— Laissez donc, dites nous plutôt princesse, comment ce brave Déleber se remet-il de ses tentatives d’assassinats. Deux si je ne m’abuse ? Ce doit être éprouvant pour un homme de cet âge là.
Sacré nom de crotte de bique ! Ce vieillard obèse parlait de son père comme s’il évoquait la condition d’un vulgaire serf ! Pour qui se prenait-il ? Il allait voir ce qu’il allait voir, Sanctissime Primat où non, elle allait le rembarrer comme il le méritait. Elle allait recadrer ce gros tas de viande à l’égo surdimensionné ! Que risquait-elle après tout ? Qu’on lui interdise l’accès à Eljane ? Qu’on la renvoie chez elle ? A la bonne heure ! Elle ouvrit la bouche pour déverser son venin lorsque son éminence bedonnante fut prise d’une violente quinte de toux. Il claqua des doigts. Aussitôt, une gamine décharnée s’élança vers lui. Il ouvrit grand la bouche en levant la main pour obtenir le silence. Alors, la fillette lui enfourna délicatement une fine baguette de bois dans le gosier pour lui curer les dents. La langue sortie en signe de concentration intense, la gosse s’évertuait à décrocher un bout d’os coincé entre deux dents. Eyanna contempla la scène avec stupéfaction. Les trois autres dignitaires, gênés, détournèrent le regard. Soudain, la gamine tressaillit faiblement. Une grosse main graisseuse venait de lui saisir le fessier et s’appliquait à la pétrir consciencieusement. Une larme discrète roula le long de la joue de la jeunette tandis qu’elle retirait enfin le bout d’os. Eyanna ne prit conscience qu’à cet instant de la dangerosité du Primat Leistung. Cet homme-là était puissant. Plus que le Roi d’Eryon lui-même. Il avait l’oreille des dieux et dictait sa volonté aux empereurs. Il pouvait agir comme bon lui semblait sans en subir les conséquences.
Il la fixa intensément et lui demanda :
— Vous alliez dire ma chère ?
— Rien…votre grâce…, balbutia la jeune femme. Rien du tout…
Le Primat lui accorda un sourire satisfait, puis s’attaqua à un plat à base de lamproies et de gelé d’écrevisses.
— En ce cas, j’aimerais à présent que vous me parliez un peu de votre don. En quoi consiste-t-il ? Expliquez-moi, je suis curieux !
A ces mots, les trois autres sanctissimes, ainsi que Bronk, laissèrent leurs gestes en suspend pour se concentrer sur ce qu’elle allait répondre. Toutes ces paires d’yeux braqués sur elle eurent l’effet immédiat de la mettre profondément mal à l’aise. Elle n’était pas habituée à être au centre des attentions, elle était la petite dernière, l’insouciante, dont personne ne se préoccupait.
Kylia vint à la rescousse de sa protégée :
— Sanctissime Primat, Eyanna est encore en recherche de son don, elle doit encore le…
Leistung la stoppa d’un geste agacé.
— Prêtresse Kylia, je ne m’adresse pas à vous, mais à la princesse ici présente, qui me parait en âge, et souhaite, comme elle l’a formulé plus tôt, parler elle-même en son nom.
— Mais Sanctissime…
Le Primat serra les dents et inspira profondément, avant de dire :
— Non ! Vous, écoutez-moi, écoutez-moi bien même ! C’est une fleur que je vous fais quand je vous autorise à franchir la cité sainte pour retourner à vos pénates. Rien ne m’y oblige, si ce n’est mon sens aigu de la morale et du devoir, ainsi que mon amour inconditionnel pour la Matriarche. Encore un mot, un seul ! Et vous repartirez prêcher dans le sud. Ai-je été suffisamment clair Prêtresse Kylia ?
Celle-ci le fusilla du regard avant d’incliner la tête en signe d’assentiment.
— Parfait, maintenant jeune fille, je vous prierais de répondre à ma question car je commence à perdre patience !
— Je ne sais que vous répondre Sanctissime, je n’ai rien remarqué de nouveau, je ne sais même pas en quoi consiste ces… charmes. Je n’ai aucune idée de ce que je suis censée faire ou ressentir. La prêtresse m’a avoué qu’il ne servait à rien de s’en préoccuper avant d’être dans la montagne. Elle m’a seulement assurée que j’avais bien un don.
Doutant fort que sa réponse ne satisfasse le Primat, Eyanna se prépara à une explosion de colère, mais contre toute attente, celui-ci se contenta de sourire.
— Vous êtes maligne Kylia, grinça-t-il. Je dois bien vous accorder cela. Mais votre intelligence et votre rang ne vous sauvera pas toujours.
Puis il délaissa ses convives pour s’empiffrer d’un assortiment de fruits confits dans du miel. Pendant de longues minutes, il les ignora totalement pour satisfaire un appétit vorace. Eyanna détailla le suprême leader de la foi manger comme un chancre avec consternation. Au bout d’un temps interminable, il claqua de nouveau des doigts. Aussitôt, deux gamins vinrent l’aider à se lever. Sans leur adresser un regard, il lança :
— A votre tour, profitez bien de l’hospitalité de l’Obédience, j’ai à faire à présent.
Il quitta pièce, bien vite imité par ses pairs. Les deux femmes se retrouvèrent seules avec frère Bronk face à un véritable festin, mais toute trace d’appétit avait à présent déserté la princesse, qui se demandait amèrement de quoi l’avenir serait fait avec de tels despotes à la tête de l’église. Ulfan lui paraissait bien gentil tout à coup.
Belle introduction de perso pour le primat Leistung, on sent immédiatement sa dangerosité et on comprend qu'il est bien plus dangereux que des rois. On sent qu'il n'est pas forcément doté de bonnes intentions mais dur de savoir quels sont exactement ses objectifs. Plus de pouvoir et d'argent j'imagine, à voir comment il s'y prend.
C'était bien d'avoir le pdv interne d'Eyanna qu'on a souvent suivi par les yeux de Kaelon, pour mieux comprendre ce qu'elle pense. J'imagine que ce ne sera pas la dernière fois qu'elle s'énerve au vu de la destinée qu'on lui a réservée...
Mes remarques :
"qui n’était pas sans rappelée" -> rappeler
"votre intelligence et votre rang ne vous sauvera pas toujours." -> sauveront
Un plaisir,
A bientôt !
Oui, la pauvre Eyanna se retrouve ballottée à droite à gauche par les ecclésiastiques.
Le Primat est un personnage que j'espère détestable^^ Il est en effet dangereux et j'ai pris plaisir à l'imaginer.
A bientôt!
As-tu déjà fait un organigramme des grades de tes ordres? On a les prêtre de base et les primat (sanctisimes) mais entre les deux? Ulfan se situe où dans la hiérarchie par exemple?
Dans la phrase "Donc, par la grâce de la Matriarche, Bordel ! Fichez-moi tous la paix !" pour moi le Bordel est de trop. une telle injure ira parfaitement dans le bouche de son oncle, mais Eyanna est une princesse avec un langage un peu plus châtié. Autant quand elle pense (nom d'une crotte de bique) c'est cohérent autant ce juron à voix haute ne colle pas je trouve. Mais ce n'est que mon opinion.
L'obédience est celui qui régit les trois autres. (connaissance, fraternité et droiture).
Chacun des ordres est régi par un sanctissime.
Le sanctissime Primat est celui qui commande l'obédience, et donc tous les autres. (Il n'y a qu'un seul Primat)
On trouve ensuite, au second plan, les vénérables, comme celui rencontré précédemment. (Le vénérable Huvin de la droiture). Je n'ai pas détailler davantage les grades de chaque ordre pour l'instant, mais ils ont chacun leur propre hiérarchie.
L'Obédience forme des ecclésiastiques qui iront prendre les places importantes dans Eryon, ils ne seront donc régit que par l'Obédience. Ulfan est lui-même régit par cet ordre.