Il s'agit plus d'un local que d'un bureau pense Sam quand Léana lui présente le journal. Il n'y a aucune fenêtre, les murs sont tapissés d’étagères bondés de livres, de journaux entassés, des cartons éventrés. Deux bureaux se trouvent au centre de la pièce exiguë, ce qui ne facilite pas les déplacements. Un seul ordinateur trône sur un des deux bureaux comme un totem qui attire toutes les convoitises. Deux autres apprentis journalistes sont déjà présents et s'activent à aménager et ranger le local pour être le plus opérationnel possible.
— Salut les copains, alors votre rentrée s'est bien passée ? Toujours dans la même classe ?
Le garçon aux cheveux rasés et à la petite barbichette blonde lui répond :
— Ouais on est trop content, deux années de suite c'est trop de la balle !!
— Je vous présente Sam, il est nouveau et veut faire partie de l'équipe. Il était déjà dans le journal du lycée dans son ancien bahut.
— Salut Sam et bienvenus parmi nous !!! s'exclame enthousiasmé ce garçon qui ne manque pas de bonhomie.
Sam s'adapte vie à l'ambiance de ce petit groupe, il se sent bien, il est à sa place. Il observe les échanges endiablés entre Léana qui parle avec assurance gesticulant de manière théâtrale et Timothée, le boute en train qui ne peut pas s’empêcher de faire des blagues. Sara reste plus en retrait, elle rit beaucoup des plaisanteries du jeune homme. Chacun apporte ses idées pour des futurs articles. Sam attend d'être seul avec Léana pour faire part de ses suggestions. Sam et Léana ont un trou dans leur emploi du temps jusqu'au début de l'après-midi donc quand Timothée et Sara les quittent pour aller en cours, ils se retrouvent enfin seuls. L'occasion pour Sam d’être en tête en tête avec Léana. Il veut lui parler mais il transpire rien qu'à l'idée de le faire. Il veut partager ses projets mais les mots restent accrocher à sa langue. Ses joues rosissent. Heureusement que Léana est du genre lunaire, elle ne s’aperçoit de rien. Elle tape à l'ordinateur toutes les idées qui ont été évoqués précédemment.
— Je suis trop contente, on a plein d'idées cette année .
Léana est complètement absorbée par la lumière de l'écran et par ce qu'elle écrit. Une lueur de conscience la stoppe net et elle lève les yeux vers Sam.
— Mais en fait tu n'as rien dit toi ? Désolé on ne t'a pas laissé le temps de participer. Comme tu peux le voir on est un peu des geeks du journalisme.
Son rire est communicatif, Sam sourit.
— C'est vrai que je n'ai pas osé, je suis nouveau et j'ai besoin d'un peu de temps pour me sentir à l'aise. Mais j'ai des idées si tu veux les entendre?
Sam bute sur les mots, il appréhende ses retours. Elle a l'air tellement à l'aise pour dire ce qu'elle pense. Le regard pétillant de Léana qui le fixe semble attendre la suite. Sam comprend qu'il doit développer ses idées.
— Ok, alors j'ai une idée mais je ne sais pas si…
Léana hoche la tête comme pour dire « mais vas y lance toi ! ».
— Je viens d’emménager dans une maison qui est chargé d'histoire et de secrets. Mon grand oncle a disparu mystérieusement du jour au lendemain. Ma grande tante ne l'a jamais supporté et a passé le restant de sa vie à l'attendre. On a jamais su ce qu'il lui était arrivé. Et c'est vrai qu'à l'époque, il n'y avait ni téléphone portable ni internet ce qui rendait les recherches plus compliquées. J'aimerais écrire l'histoire de ce grand oncle disparu à travers une enquête entre réalité et fiction. Qu'est ce que tu en dis ?
Sam attend la réponse de Léana qui ne vient pas, elle est songeuse. Elle fait la moue. Il est inquiet. Sa lèvre se met à saigner, il arrive à bout d'une peau qu'il vient d'arracher avec ses dents. Il a mal, aspire le sang dans sa bouche. Le goût métallique au fond de la gorge lui donne un haut le cœur qu'il contient.
— Franchement je trouve ton idée géniale, on a jamais fait ça auparavant. Il faudrait faire un article par mois comme un feuilleton dans la presse. Beaucoup d'écrivains ont publié dans les journaux comme Jules Verne par exemple. Y a du mystère, tu peux inventer ce que tu veux !
Sam a le cœur qui s'agite derrière la poitrine. Tant d'enthousiasme l'ébranle. Il souhaitait plus que tout faire cet effet à Léana, or maintenant, la pression monte. Il veut lui plaire à tout prix et pour éviter de passer pour un mickey, il va devoir lui prouver qu'il en est capable.
— Tu as déjà un semblant de scénario ?
— J'en suis qu'aux prémisses, j'ai peut-être une idée que je n'ai pas encore développé. Ce week-end, je vais continuer à fouiner le grenier où toute la vie de ma tante y est entassée. Je suis sur de trouver l'inspiration.
— Cool, j'ai hâte de lire ton premier article.
Le goût du métal est restée dans sa gorge, il ne se sent pas bien. Il se voit en train de vomir du sang sur Léana, sa tête tourne. Il se retient au bureau puis sourit. Il ne veut pas inquiéter Léana. Il cache ses mains moites dans sa poche et essaye de penser à autre chose. Il sait que maintenant il a du pain sur la planche pour ne pas décevoir Léana. Il ressent trop de choses pour elle.
Depuis quelques jours, Théo s'installe toujours au même endroit pendant ses temps de pause. Il se niche sur un muret déserté, à l'abri des regards mais d'où il peut observer les autres élèves qui entrent et qui sortent du lycée. Un repaire parfait où il peut fumer et écouter sa musique incognito. Ce sont ses meilleurs moments de la journée. Néanmoins, il se lasse d'assister toujours au même spectacle : ce va-et-vient de jeunes qui se cachent pour fumer leur joint, cette danse de séduction entre ceux qui s'embrassent en public et ce qui cherchent à attirer l'attention du mec ou de la meuf trop canon, ce défilé des vêtements derniers cris. Une vraie mascarade, pense t-il. Il n'a pas envie de faire parti du troupeau. Non loin l'envie d'être un mouton ou alors pourquoi pas un mouton à cinq pattes ou un mouton noir. Il est différent, il faut qu'il l'accepte. Il ne veut plus faire semblant.
Sort du lycée, un grand punk avec une crête noire sur la tête qui dépasse tout le monde. Sam l'admire depuis son poste d'observation. Quelle assurance et de « je m'en foutisme »,pense t-il! Il serait prêt à tout pour être comme lui. Ce drôle de mec est sa seule distraction. Il observe sa façon d’être, sa façon de s'habiller, une veste en cuir et un jean retroussé aux chevilles qui laisse apparaître des rangers noires. Il a même un collier clouté. Théo se dit que ce type n'a peur de rien, qu'il va au bout de son style. Il a l'air de savoir qu'il est contrairement à lui. Son élégance l'attire, il est magnétisé par son charisme. D'ailleurs, en le voyant retourner dans l'enceinte du lycée, il n'a qu'une idée en tête : le suivre. Sans réfléchir, il le file au pas jusqu'aux toilettes dans lesquelles le grand punk pénètre. Sur le chemin, il entend un autre élève le saluer et l'appeler Nathan. Il connaît son nom désormais. Il hésite avant d'entrer, il ne comprend pas pourquoi ce garçon l'intrigue autant. Quand il entre dans les toilettes il n'y a personne. Une chasse d'eau retentit dans la pièce et une porte s'ouvre brusquement. Théo se trouve nez à nez avec Nathan. Il baisse les yeux incapable de le regarder. Nathan comme si de rien, l'ignore et se dirige au lavabo pour se laver les mains. Théo reste planté là pendant quelques secondes puis se dirige instinctivement vers le lavabo le plus éloigné possible. Nathan tout en se lavant les mains, se regarde dans le miroir et réajuste sa crête. Théo l'épie du coin de l’œil puis se dirige vers le sèche main. Au passage, il frôle légèrement Nathan. Il se sent petit à côté de lui. Le punk une fois fini de se laver les mains, s'approche à son tour du sèche main et demande à Théo :
— T'as fini ?
— Heu oui oui vas y !
Théo se sent bête d’être aussi empoté. Le fard au joue, il quitte les toilettes sans un dernier regard vers Nathan. Il veut fuir. La honte en poche, il se précipite à l'extérieur du lycée et retourne se percher sur son muret, en sécurité. Pourquoi Nathan lui fait un tel effet et pourquoi il culpabilise de ressentir de la honte alors qu'il ne s'est rien passé. Nathan a ignoré sa présence. Il est invisible au yeux de Nathan comme aux yeux de tout le monde pense t-il ce qu'il l'arrange d'habitude. Alors pourquoi aimerait-il que Nathan le remarque au moins un petit peu ?
J'ai repéré deux faute : "bienvenu" sans -s et "Sam s'adapte vite à l'ambiance" ( il manquait e -t à vite )
à bientôt !