Vendredi 29 novembre, 17h14. Bruit de grattements sur la porte. Le Diable passe la tête dans la pièce.
LE DIABLE
Psst… Psst… Elizaaabeth ? Oui je sais ! C’est juste que j’avais un rendez-vous important qui s’est malheureusement terminé de fort fâcheuse façon. NON ! N’ouvrez surtout pas la stupide porte. Pourquoi « pourquoi » ? Parce que je suis nu ! Nu comme un ver ! Voilà !
Bon. Maintenant que vous savez tout, pouvez-vous me passer deux-trois vêtements de rechange par l’interstice ?
Comment ça, vous n’avez pas de vêtements de rechange ? Je croyais que vous vous attendiez à tout ! Ahahhhh. Je sais. Vous voulez que je rentre nu. Petite coquine. Dans ce cas. Ready or not here I co… (Elle lui tend une couverture par l’entrebâillement.) Euh merci, mais vous auriez aussi bien pu l’étendre par terre pour… Quoi ?
Pour me couvrir avant d’entrer ? Ah, bon. Ahhahahh… Je comprends, vous voulez me l’arracher vous-même. Dans ce cas… Ready or not… here I… (Elle ouvre la porte en même temps qu’il l’enfonce de l’épaule.) Woup woup OUTCH !
Vous auriez pu me prévenir que vous alliez ouvrir de votre côté, maintenant la couverture a glissé et… OUI ! C’est bon je la réajuste. Votre imagination de prude vous fait toujours envisager les scénarios les plus dramatiques. Zut, j’ai les fesses qui collent au tapis. Oh hisse. Scrrrroutch. Je crains d’avoir épilé votre tapis, mais ne vous inquiétez pas, je le remplacerai, bien entendu. Je pense même que j’aurai droit à une remise sur retour pour client fidèle.
Ça vous embête si j'allume un petit feu pour me réchauffer et me remettre de mes émotions? PSCHHHHHITTTTT ! (Un joli feu se met à crépiter sur la réponse.) Brrr... Avez-vous une boisson chaude pour moi ? Je suis encore sous le choc. Heureusement que vous êtes là pour l’absorber. Je vais tout vous dire. Quelle horrible aventure ! (Il se recroqueville autour de la tasse de thé qu'elle vient de lui servir.)
Vous vous rappelez la petite esthéticienne ? Non, vous confondez avec la petite masseuse. Vous vous souvenez peut-être qu’il me restait quelques plaques de poils sur le torse après notre dernière séance parce que je ne voulais pas être en retard à notre rendez-vous. C’est bon, vous vous rappelez ? Vous vous en êtes plainte et j’y suis donc retourné. Et puis une chose menant à l’autre… J’y ai pris goût.
La cire chaude perlant sur ma poitrine et sa main toute fraîche… Toujours est-il que j’ai eu l’idée de lui proposer un petit jeu, car vous savez combien les frontières entre l’envie et la douleur peuvent être… euh, fluides.
Enfin, bon. Pour résumer, la petite esthéticienne. Elle était vraiment chaude. Je veux dire la cire, pas l’esthéticienne, la cire était brûlante. Alors, elle m’a demandé de me déshabiller, l’esthéticienne pas la cire, pour continuer son travail. J’ai obtempéré bien sûr, je ne suis pas du genre à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui travaillent. Puis elle m’a étalé de la cire spéciale peaux sensibles. Pour la raie des fesses vous savez, c’est important d’être tout doux si… Oh, oui, pardon, la suite : puis elle m’a dit de fermer les yeux pour me détendre et d’attendre un peu pendant que ça refroidissait, alors j’ai attendu. Et attendu.
Et puis j’ai commencé à grelotter, à cause de la cire qui refroidissait. Elle n’est jamais revenue. Elle est partie avec ma Porsche électrique. C’est d’ailleurs pour ça que je ne l’ai pas entendu démarrer. Et ma cape ! Elle ne m’a laissé pour tout accoutrement que ces quelques malheureuses bandes de cire peau sensible, la goujate. Si je l’attrape !
Si vous pouviez m’aider à les décoller, je vous promets d’être courageux et de serrer les… (Il commence à se retourner pour lui présenter son postérieur.) Plutôt un bon bain chaud ? Avec de la mousse ? Et un bon bouquin ? Rien de tel pour faire fondre la cire et se remettre de ses émotions ? Ah, bon. C’est dommage, je vous aurais bien laissé une bandelette en souvenir, mais… Ah, oui, vous avez raison je vous en ai laissé une sur votre tapis. Puisque je vous ai dit que je vous le rembourserai !
Pas la peine, vous aller le nettoyer à l’eau chaude ? Puisque vous n’avez plus besoin de moi, j’y vais ! Oh hisse. Scrrrroutch. Oups, votre divan. Ce qui est bien avec la cire, c’est que c’est plus facile à détacher que le chewing-gum. Je vous laisse ça là et je prends la couverture en échange.
Le Diable sort dignement, la couverture en guise de cape.