L’Agence
Le Retour du Roi
Chapitre 1
Siège de l’Agence à New-York.
Dans son bureau situé au sommet de l’immeuble du siège de L’Agence, Zero recevait l’agent 12. Celui-ci entra dans le bureau décoré selon la tradition japonaise et vit le Grand Chef méditer sur des tatamis au milieu de la pièce, l’armure de samouraï accrochée mur. En face du vieil homme, il y avait un bonsaï soigneusement taillé. Le bureau étant circulaire et les murs couverts de vitre, l’Agent 12 put admirer la vue sur la vibrante ville de New-York.
- Grand Chef, vous m’avez donné rendez-vous, s’annonça l’agent 12.
Zero ouvrit les yeux.
- Ah, vous voilà, dit-il en se relevant. Asseyez-vous.
L’agent 12 s’assit, regarda Zero s’approcher de lui et contourner le bureau. Le Grand Chef se comportait comme s’il allait dire quelque chose d’important.
- Agent 12. La dernière mission a été un fiasco complet. Sans l’aide de Jones et de Nila, le dieu lion se serait échappé. Vous avez servi complètement à rien. C’est dommage, parce que je songeais à vous faire passer Colonel. Enfin, j’aime à croire que c’est une erreur de parcours, parce que le reste du temps, vous êtes très efficace. Donc la prochaine mission que je vais vous confier servira d’ultimatum. Soit vous la menez à bien et je vous ferai promouvoir Colonel, soit vous restez agent jusqu’à nouvel ordre.
L’agent 12 reçut la nouvelle comme à son habitude, avec flegme.
- Vous m’en voyez ravi, Grand Chef. J’adore effectuer mes missions sous le plus grand des stress. Non, sans blague, je comprends vos doutes. Je vais assurer.
- Très bien. C’est pourquoi vous occuperez une fonction de Colonel lors de la prochaine mission. Vous ne serez pas à proprement parler un Colonel mais vous aurez sous votre responsabilité une équipe.
- Est-ce que ça à avoir avec l’absence prolongée du Colonel Jones ? demanda 12.
- En partie, en effet. Elle est occupée à former la jeune recrue Redford.
- D’accord, et quel sera l’objet de la miss…
Une explosion le coupa. Les fenêtres qui faisaient le tour du bureau explosèrent en mille morceaux et des hommes armés surgirent à l’intérieur. Ils étaient six, vêtus de tenue de combat digne des opérations secrètes de l’armée américaine, armés jusqu’aux dents et ils levèrent leurs fusils automatiques sur Zero et l’agent 12.
- Bordel ! s’exclama l’agent. Mettez-vous à l’abri, Zéro !
12 dégaina son automatique à la vitesse de la lumière et tira sur le premier des hommes. Celui-ci tomba à la renverse. Les autres tirèrent sur l’agent mais celui-ci s’était déjà jeté en avant, faisant une roulade et se cachant derrière une table basse.
Il prit celle-ci d’un bras et s’en servit comme d’un bouclier en courant vers les assaillants. Il bouscula un premier homme, tout en lui tirant dessus à travers la table. Puis il jeta la table trouée sur la tête d’un autre, tira dans ses jambes et se glissa derrière lui avant qu’un homme armé ne fasse feu sur lui. Protégé derrière le corps du défunt, 12 s’empara de son fusil d’assaut et délivra une salve de balles sur deux des assaillants. Ceux-ci tombèrent par terre.
Il n’en restait plus que deux, apparemment surpris de la vitesse d’exécution de l’Agent 12. Mais ils n’étaient pas venus pour le flegmatique guerrier. Ils se tournèrent vers Zero qui n’avait pas bougé d’un pouce. Erreur fatale. 12 se jeta sur l’armure de samouraï épinglé au mur, tira un sabre de son fourreau et l’envoya à travers la gorge d’un homme. Dans le même geste, il tira une balle dans la tête du dernier des assaillants.
Le calme se fit dans le bureau du Grand Chef. Celui-ci épousseta son kimono.
- Vous êtes effectivement d’une grande efficacité, agent 12, dit-il avec un sourire. Mais j’aurai pu m’en charger moi-même, vous savez.
- Qui sont-ils ?
Le premier des hommes armés à s’être fait tirer dessus se redressa soudainement. Il prit une grenade à fragmentation dans son équipement et l’alluma.
- Crevez, fils de pute ! s’exclama-t-il en la lançant.
- Une grenade à fragmentation Trunks 03 ! Merde ! s’exclama l’agent 12.
Il n’avait pas le temps de la contrer, ni de protéger Zero. Tout ce qu’il put faire fut de sauter par terre pour se mettre à couvert. La grenade explosa et libéra une puissante boule de flamme qui carbonisa tout sur son passage.
Zero sembla soudainement s’animer. Il fit de rapides mouvements avec la main et la boule de flamme commença à ralentir. L’agent 12 ouvrit un œil. Il vit Zero s’avancer vers la boule de flamme qui semblait arrêtée dans le temps. Au fur et à mesure qu’il s’approchait, Zero effectuait des mouvements complexes avec ses mains. Les flammes rapetissaient à vue d’œil. Lorsqu’il fut près de la source de l’explosion, la boule de feu faisait la taille d’une balle de tennis.
Il fit des gestes circulaires et enferma d’un coup sec les flammes entre les paumes de ses mains. L’agent 12 le regardait faire, ahuri. Zero libéra ses mains et une légère fumée s’en échappa.
L’assaillant fut plus rapide à réagir que 12. Il prit son arme automatique et mit le canon sous son menton.
- Putain de vieux…
Une détonation eut lieu. Le sang s’étala sur le mur, décorant légèrement le kimono de Zero. 12 se releva et observa la scène. Le bureau était sens dessus dessous, les vitres explosées et le vent faisaient voler les dossiers de Zero.
- Grand Chef… ce que vous avez fait à l’instant…
- Arts mystiques, 12, arts mystiques.
- Bien joué en tous cas. C’est bien la première fois que je vois un attentat contre vous, qui peut bien les avoir envoyés ?
- Ça, Agent 12, c’est une déclaration de guerre, répondit nonchalamment Zero en caressant sa longue barbe. De la part de notre ennemi juré, le Sacramentum. Et votre mission, justement, sera de découvrir les motivations derrière cet acte.
Palais Impérial de Tokyo.
L’imposant palais de la plus vieille dynastie régnante au monde trônait au centre de Tokyo. C’était la nuit et la famille impériale se reposait, mais le palais n’était pas endormi. Les 3km2 du palais était parcouru par des gardes armés jusqu’aux dents. Malgré leurs excellentes formations, les gardes ne virent pas Nila traverser l’étendue d’eau qui séparait le Palais du reste de la ville.
Elle grimpa les remparts et se faufila à l’intérieur du Palais. Elle avait opté pour une infiltration discrète, qui consistait à parcourir les Jardins et ainsi profiter du feuillage qui la cachait du regard des gardes.
Nila n’avait pas eu besoin de se renseigner pour se repérer dans ce grand palais. Elle y avait vécu un certain temps. A l’époque, quand elle avait une quinzaine d’année, elle avait été formée ici même, par ni plus ni moins que Zero. Au fur et à mesure qu’elle avançait dans le Jardin, des souvenirs remontaient à la surface.
- Contrôle la puissance du sabre, disait Zero, avant que ce ne soit lui qui te contrôle.
Et un coup à l’arrière de la tête si elle perdait sa concentration. Et c’était reparti pour des heures d’entraînement sous les cerisiers en fleurs. Elle se souvenait avec affection de cette époque, même si à quinze ans, elle ne pensait qu’à explorer la ville et rencontrer des garçons. Elle avait toujours été difficile avec Zero, surement à cause de son fort caractère, mais les brefs moments de complicité et d’affection avec lui avait certainement sauvé la vie.
Elle ne savait pas ce qu’elle serait devenue si Zero ne l’avait pas récupéré mais cela aurait mal fini. Nila n’avait que peu de souvenir de son enfance, si ce n’est quelques brèves images d’horreurs saturées d’hurlements et de pleurs. Ses parents l’avaient abandonné quand les choses s’étaient corsées en Ethiopie. Et elle avait été trouvé dans un camp de rebelles particulièrement sanglants. Elle avait commencé sa « formation » pour devenir enfant-soldat quand Zero l’avait trouvé et s’en était occupé, avant qu’elle n’entame sa vraie formation pour devenir une chasseuse au sein de l’Agence. Au-delà d’un patron, Zero avait assuré le rôle de père.
Il l’avait accompagné dans sa vie et sans lui, elle ne serait certainement pas la femme qu’elle était devenue aujourd’hui. Nila lui en serait éternellement reconnaissante. Elle qui avait été frappé par l’abandon si tôt et si fort avait pu se construire au côté de quelqu’un qui ne l’avait jamais abandonné. Cela n’empêchait pas les tensions d’apparaître entre elle et lui.
Elle s’en voulait de s’emporter aussi souvent avec lui. Elle n’avait pas été tendre parfois. Mais elle restait persuadée que c’était le seul moyen de faire bouger cette vieille branche. Trop ancré dans ses certitudes, Zero ne voyait pas que le monde changeait et il fallait quelqu’un pour lui rappeler de changer au risque de rester à côté de la plaque. Mais dieu que c’était compliqué de le faire changer d’avis.
Nila secoua soudainement la tête. Ce n’était pas le moment de se perdre dans ses pensées. Les gardes impériaux japonais n’hésiteraient pas à tirer s’ils la voyaient. Mieux valait être très attentive. Vu qu’elle avait grandi en parti ici et qu’elle y avait appris à se servir du sabre de Musashi, elle savait où était le second. Dans l’un des Trois Sanctuaires du Palais. Celui d’Amaterasu.
Nila passa à côté de deux gardes qui papotaient et grimpa sur un des bâtiments du Palais. Elle se retrouva sur les toits traditionnels et pu observer le Palais. A la lumière de la lune, il était sublime. Elle visualisa sa route et fonça.
Un peu plus tard, après avoir crapahuté un moment, assommé deux gardes puis les avoir cachés dans les buissons, elle arriva au Sanctuaire d’Amaterasu. Celui-ci, comme les trois autres, avait été construit en forme rectangulaire. Au milieu, il y avait un espace ouvert avec un jardin japonais en pierre ainsi qu’un cerisier en fleur. Au centre de ce jardin trônait un petit temple finement sculpté. Le second sabre de Musashi qui servirait à sauver Arthur se trouvait là.
Nila sauta au milieu du temple et atterrît en souplesse. Personne n’avait le droit d’y entrer, mis à part la famille impériale, qui dormait. Elle serait donc tranquille pour capturer l’arme légendaire.
Soudain, un vent se leva. Les fleurs de l’arbre s’envolèrent. Un frisson parcourut l’échine de Nila. Elle se retourna. Une femme s’avança dans le jardin, lentement éclairée par la lumière de la lune. C’était une femme magnifique, au cheveux lisses et noirs comme les abysses, habillée de la tenue traditionnelle de la famille impériale. Elle tenait le second sabre de Musashi à la main. Ses yeux aériens se fixèrent sur Nila.
- Contente de te revoir, Nila-san, dit la femme d’une douce voix.
- Mono-san… Comment as-tu su que j’étais là ? demanda Nila d’une voix troublée.
- Je t’ai senti. On a quasiment grandi ensemble, tu te rappelles ?
- Je sais Mono-san… fit Nila. Je suis désolé de ne pas être venue te voir plus tôt.
Le regard de Mono se fit plus dur.
- Je t’ai attendu.
Nila lui rendit un regard plus tendre.
- Je suis venu pour le sabre que tu as entre les mains, Mono-san. J’en ai besoin pour sauver un ami.
La femme regarda une fleur se poser sur son sabre. Elle inclina légèrement l’arme et la fleur disparut dans un bref éclair multicolore pour réapparaître l’instant d’après devant le visage de Nila. Elle se posa délicatement sur son front. Nila la prit entre ses doigts et l’envoya danser dans les airs.
- Ça fait longtemps qu’on n’a pas échangé quelques passes, fit Mono-san en se mettant en position de combat.
- En souvenir du bon vieux temps, répondit Nila en sortant son sabre de son fourreau.
Pérou, jungle amazonienne.
La plus grande forêt tropicale du monde s’éveillait doucement au rythme du jour naissant. Les oiseaux sortaient de leurs nids en piaillant, les jaguars rugissaient après avoir passé la nuit à chasser, les singes hurlaient leurs mécontentements ou leurs joies (on ne sait jamais avec eux), les caïmans ouvraient un œil pas encore frais tandis que les paresseux piquaient un autre de leurs légendaires roupillons. Gene Redford et le Colonel Jones se joignaient à la fête à leur manière, en s’ébattant avec grand bruit à l’intérieur de leur tente.
Gene tomba sur le matelas gonflable, en sueur. Le Colonel ramena la couette sur les deux corps bouillants.
- Waouh ! s’exclama Gene. Bordel, si j’avais su que cette formation garantissait de si bonnes parties de jambes en l’air, je ne me serai pas enfui au Népal !
- La prochaine fois que tu t’enfuis, tu le regretteras, lui répondit Jones.
Après que Gene se soit échappé de l’enfer que lui faisait vivre le Colonel, celle-ci l’avait ramené de force dans la jungle pour reprendre leur entrainement. La proximité aidant, ils avaient commencé à coucher ensemble. Jones avait tout de suite posé les règles et lui avait certifié qu’ils ne concluraient jamais. Ils étaient « collègues avec bénéfices ». Cela allait très bien à Gene qui avait de toute manière trop peur du Colonel pour envisager sérieusement une vie de couple. Dans une telle éventualité, que se passerait-il s’il ratait son tour de vaisselle ? Elle le taillerait en deux ?
Gene s’était donc remis à s’entraîner. Cela consistait à se lever à l’aurore, honorer le corps du Colonel, puis enchaîner avec deux heures de course dans la jungle, une heure de renforcement physique, à savoir pompes, abdos, etc, puis une pause à midi avant de continuer l’après-midi à manier l’épée de Durendal, plus quelques autres armes légendaires que Jones avait emprunté pour l’entraînement.
Au départ, Gene avait cru mourir. A bientôt quarante ans, l’ancien membre de l’armée américaine n’avait plus l’énergie de sa jeunesse. Il avait donc passé les premières semaines d’entraînement dans un état entre la vie et la mort. Puis, au fur et à mesure, ses capacités physiques se développèrent et c’était maintenant une promenade de santé. Il avait également bien évolué dans le maniement des armes légendaires. Il pouvait se sentir fier. Il avait dépassé ses limites, et de loin. En même temps, il était bien obligé, sinon Jones le torturait. Il avait d’ailleurs gardé une cicatrice sur la fesse, souvenir de l’incroyable déculottée qu’il s’était prise après avoir fui de l’entraînement.
Mais Gene voyait le bout du tunnel. Hier, le Colonel Jones lui avait dit d’un ton solennel que la formation était finie. Elle le jugeait prêt à acquérir une arme légendaire et effectuer les missions les plus importantes de l’Agence. Mais elle avait besoin d’un dernier test pour en être certaine. C’est pourquoi ils avaient quitté hier leur campement et s’étaient enfoncés dans la jungle luxuriante.
Après avoir fait l’amour, Gene et Jones firent leurs affaires et se mirent à marcher.
- Tu ne veux toujours pas me dire où l’on va ? demanda Redford, tandis qu’il enjambait un caïman endormi.
- Non. C’est pour te faire travailler ta patience.
- Ouais c’est ça. Je sens que ça va mal finir cette histoire…
Jones s’arrêta devant un vieux bloc de terre et l’inspecta pendant de longues minutes. Gene pensait qu’elle avait perdu la tête à regarder sans raison un gros caillou quand il s’aperçut que ce n’était pas n’importe quel caillou. Celui-ci avait été taillé avec soin et si le temps l’avait érodé et couvert de lianes et autres fantaisies amazoniennes, l’œil attentif pouvait apercevoir des dessins géométriques et des figures d’animaux.
- C’est par là, fit Jones.
Ils s’aventurèrent un peu plus au cœur de la jungle. Au bout d’un moment, alors qu’ils grimpaient une colline, Jones s’arrêta enfin. Au début de la formation, Gene aurait été complètement essoufflé par cette escapade, mais maintenant, il se tenait debout et frais comme un gardon.
- On fait une pause ? demanda-t-il.
- Non, fit Jones en se retournant vers lui et en affichant un léger sourire. On est arrivé.
Elle fit quelques pas en avant et trancha des lianes, dévoilant ce qui se cachait derrière. Gene en eut le souffle coupé. Devant lui s’étendait un vaste cirque dans la jungle. Caché du ciel par des arbres immenses, une cité majestueuse étalait toute sa beauté. Des rues, des aqueducs, des maisons, des temples formaient une ville somptueuse que le silence rendait solennelle. Au centre de la cité se dressait une immense pyramide similaire à la Pyramide du Soleil de Teotihuacan.