La dame du bateau était gentille, se dit Michel Corsek dans sa chambre d’hôtel en se préparant pour l’apéro. Il a lavé son short de bain et son T-shirt et les a étendus au-dessus de la baignoire après avoir pris sa douche. Il a trié ses photos et remis de l’ordre dans sa valise. Demain il demandera au personnel de nettoyage de passer l’aspirateur dans les coins de la chambre après s’être excusé pour le sable. Il chantonne un air de Charles Trenet en se rasant pour la deuxième fois de la journée ; Michel Corsek a le système pileux très développé mais il aime être rasé de près, c’est une question de respect. Il a repassé sa chemise rayée et son pantalon de lin le matin même. Il n’a plus qu’à finir de cirer ses mocassins en cuir et il sera paré.
Michel Corsek est le premier dans le hall de l’hôtel. Même les organisateurs arrivent deux minutes après lui. La ponctualité, c’est aussi une question de respect pour Michel Corsek ; c’est pour ça qu’il est toujours un quart d’heure en avance.
Ce soir on prend l’apéro chez Lulu. Michel est content, il pourra la remercier de façon présentable, sans relents ni sueurs froides. Peut-être même qu’il lui achètera un bibelot en céramique posé sur son étagère et censé éloigner le mauvais œil. Michel Corsek n’y croit pas à tout ça, mais si c’est pour faire plaisir, c’est différent.
Alors que le minibus arrive à la petite cabane, que Lulu a agrandi en empruntant les tables des restaurants alentour – contre une commission, en Grèce on s’entraide monsieur – Michel aperçoit Lulu conversant avidement avec un grand monsieur à la peau dorée et au corps sculptural même dans ses vêtements trop serrés. Niveau taille, Michel Corsek n’a pas de soucis à se faire, mais c’est pas exactement le même maintien dirons-nous. Pourtant c’est pas faute d’avoir entendu sa mère lui rabâcher de se tenir droit toute son enfance s’il ne voulait pas pousser de travers ; les parents se rendent pas compte parfois. En plus, le grand barbu aux tatouages exotiques a l’air d’avoir de la conversation : Lulu n’arrête pas de rire aux éclats. Lulu Laffryte et le grand musclé viennent les accueillir au minibus avec des mini cocktails à la fraise. Elle présente son colocataire au groupe déjà sous le charme de son sourire de vandale : « Hercule Chopinaud, pour votre plaisir ! » enchaîne-t-il sans cesser de sourire, comme si c’était possible.