Souvent, l'espoir fait vivre

Par Unam

Deux cocktails à la fraise plus tard sur un estomac désempli, Michel Corsek est pompette. Il y a des gens qu’il ne connaît pas qui dansent autour des tables et la musique lui paraît à la fois assourdissante et très lointaine. Il semblerait que le groupe dinera finalement à la terrasse de Lulu, servi par le restaurateur voisin. Michel Corsek se demande si le chauffeur du minibus qui sirote sa Retzina à la table d’à côté était de mèche. C’est pas comme si l’hôtel n’était qu’à quinze minutes à pied. Juste à cet instant le chauffeur lève son verre et lui fait un clin d’œil : « Yamas ! » lui lance-t-il gaiement !  

Lulu remarque que le grand monsieur du bateau a l’air toujours aussi pâle. Elle s’approche pour prendre des nouvelles.

— Quelque chose vous tracasse mon grand monsieur ? Vous avez pas l’air dans votre assiette dites-donc ! 

— (Oh mon Dieu, c’est elle, elle me parle, à moi, elle parle à moi !) Euh, oui, non, c’est que… j’ai…euh, j’ai juste un peu faim, c’est tout (comme c’est dûr de parler, comment c’est arrivé, ça ? J’espère qu’elle a rien remarqué)

— Ah mais c’est sûr, après vos déboires de cet après-midi… Attendez, bougez pas : Hercule ! Lance-nous une moussaka, et du pain ! Ça urge ! crie-t-elle à Chopinaud en pleine conférence au bar. 

Elle se tourne de nouveau vers Michel Corsek, livide :

— Vous aimez ça la moussaka ?

— Je, euh…, oui, (Qu’est-ce qu’elle est belle !) mais… Euh, non, mais vous dérangez pas pour moi… 

— Ça me dérange pas du tout mon petit chou ; et puis j’ai l’impression que vous avez bien besoin qu’on prenne soin de vous, si je puis me permettre… Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai dit quelque chose qu’il fallait pas ? Allez, venez avec moi, on va marcher le long de la jetée le temps que la bouffe arrive, ça vous fera du bien.

— Euh, oui…

— Buvez donc un peu d’eau avant,

— Okay.

Lulu Laffrytte, pas plus haute que trois pommes, zigzaguant le long de la jetée sous les inclinations de  Michel Corsek, ce serait presque drôle si elle ne manquait de tomber à l’eau au moindre changement de direction. 

Michel n’en croit pas son corps. Depuis aussi longtemps qu’il se souvienne ils marchent le long de la jetée, bras dessus, bras dessous, comme des amoureux cherchant leur route sous le ciel étoilé. 

Ils s’assoient, au bout de l’avancée. 

Illuminé par la pleine lune, ce grand bonhomme a l’air plus pâle que pâle se dit Lulu, même si on perçoit un léger réchauffement dans les gris; un peu comme un Pierrot en porcelaine – sans la larme à l’œil ce coup-ci, mais pas moins intense ; oui, c’est ça, ses grands yeux noisette sont si intenses qu’on se demande ce qui se cache derrière, là, en-dessous, juste à la surface. Ils lui rappellent ceux de son petit frère qui l’écoutait, fasciné, raconter des histoires, tous deux cachés sous la couette pour ne pas réveiller leurs parents. Ça ne ressemble pas à Lulu d’être loin de la foule et du bruit. En général, elle n’aime pas les silences mais, bizarrement, là, ça ne la dérange pas ; c’est peut-être parce que Michel est un peu pinté et qu’elle a moins la pression du coup. Elle pourrait bien être toute seule avec elle-même que ça ne ferait pas plus de différence. Et pourtant, elle se sent tout l’inverse de seule.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Grde Marguerite
Posté le 08/05/2020
Allez, vas-y, mon petit Michel Corsek, emballe-là...
Il a un petit effet de ralentissement au fur et à mesure, où c'est moi qui aimerais savoir comment tout cela va se développer ?

Et je ne sais pas pourquoi exactement, je vois ce Corsek un peu comme Rochefort dans "Un éléphant ça trompe énormément"... Un peu séducteur à la manque...
Unam
Posté le 11/05/2020
Hahah! Je n'ai pas vu le film mais oui, un Jean Rochefort nourri au quinoa, ça donne ça!:)
Bon, je viens de publier la fin (ou pas) et elle surprendra forcément...
Mais oui tu as raison pour le ralentissement. A la base je n'avais pas prévu de continuer cette histoire. Et puis à force de confinement j'y suis retournée mais le rythme en pâtit. Du coup j'ai fait quelques coupes et clos l'aventure (pour l'heure!:)
Merci beaucoup pour tes commentaires qui me furent très utiles!:)
Vous lisez