Lorsque la main de Dolcett a enserré la mienne, je n’ai pas pu empêcher un frisson de haine de me traverser. Même si mon cerveau peinait encore à enregistrer sa présence, mon corps était en alerte. Une main sur ma taille, son bras que j’ai grippé sans aucun sens des convenances.
- Quelle belle soirée, non ?
Il avait l’air tranquille, et ce constat me faisait aussi peur qu’il me mettait en rage. J’ai tenté de cacher mes émotions, mais ma voix a sorti comme un crachat :
- On est plusieurs, ici. Je vois aucun de tes larbins. T’es sûr que tu veux jouer au con ?
Il m’a répondu par un rire chaleureux, assez discret pour ne pas attirer toute l’attention mais juste assez fort pour que quelques têtes se retournent. C’était un rire étrange, du genre que pourrait avoir un oncle en bout de table, un soir de fête. Je me suis crispée et ses prises - sur ma main comme ma taille - se sont raffermies.
- Qui a parlé de jouer au con ? J’ai juste voulu voir de mes yeux la petite démone qui se met en travers de mes affaires.
Je lui ai souri. Salement.
- Tu m’as trouvée, Dolcett.
Un temps. Mon regard a dérivé et a croché celui - désespéré, avec des yeux ronds comme des soucoupes - de Hope. La voix du boss - pas Face, l’autre - m’a ramenée à lui.
- Tu as raison, mademoiselle Rain. Et je ne suis pas impressionné par ce que je vois.
- C’est réciproque.
Nouveau rire, plus calme et condescendant, suivi d’un léger silence. Avant que je ne me résolve à attaquer, Dolcett a repris :
- Je suis venu, j’ai vu ce que je voulais voir. Il me reste encore une chose à faire.
Mon bras est parti en arrière, à la recherche de mon couteau. Plus rapidement encore, Dolcett a saisi mon poignet avec une force qui m’a fait grimacer. J’ai tenté de me dégager mais il me tenait. Tout sourire disparu, il a murmuré :
- Je ne ferais pas ça si j’étais toi.
Sa prise s’est resserrée et, l’espace d’un instant, je me suis demandée s’il allait tenter de me casser un os.
- Tu ne sais pas qui est dans mes contacts ici, mais comme tu le vois, personne ne m’a sorti. Tu veux vraiment te risquer à m’attaquer maintenant ?
Je n’ai pas répondu. Sans cesser de me lâcher, Dolcett a articulé :
- Je suis beau joueur, mademoiselle. Je vois que vous êtes jeunes, que vous avez l’avenir devant vous.
Sans savoir où il voulait en venir, je me suis immobilisée. Doucement, le boss a desserré sa prise. Quelque chose de féral est passé dans son regard alors qu’il assénait :
- Mais si vous continuez de vous attaquer à mes vipères, je ferai en sorte de tous vous éliminer, un par un.
Il était près, trop près. Prise d’un élan de panique, j’ai amorcé un mouvement qui a été bloqué également. J’étais rapide, pourtant, mais c’était comme s’il pouvait lire dans mes pensées.
Dolcett a approché son visage du mien et a murmuré :
- Je veux que tu transmettes cet avertissement à ton chef et que vous y pensiez bien. J’ai été fair play jusque là, mais je suis fatigué. C’est compris ?
J’ai tenté de me dégager, une fois encore, en vain. Nouvelle tentative, j’ai voulu lui écraser le pied mais il a esquivé, d’un mouvement presque dansant. Il y a eu un cri, puis la rumeur d’une foule. La musique s’est arrêtée et, à travers les tissus, j’ai vu une flaque de sang qui ne m’appartenait pas.
Dolcett a laissé échapper un sifflement et sa bouche s’est tordue. Me relâchant brutalement, il s’est reculé alors que la femme qui avait invité mon frère plus tôt fendait la foule et le rejoignait. Mes yeux ont remonté jusqu’au rouge et d’un coup, j’ai cessé de respirer.
Hakeem se tenait entre les membres du beau monde, une main sur son flanc.
Sur sa chemise, une tache rouge monstrueuse grignotait tout le blanc.