Vendredi 4 octobre, 17 h18. Elizabeth attend le Diable qui arrive enfin, un gros sablier sous le bras.
LE DIABLE
TADA ! Verre en cristal et bois d’acajou. Sable extra-fin des Maldives. Magnifique, n’est-ce pas ? Je le mets où ? Bon ben là alors. (Le Diable pose le sablier sur le rebord de la fenêtre.) Regardez : hop ! (Il retourne le sablier.) Maintenant, on peut y aller.
Cinquante minutes top chrono. Comme ça, on a le temps de dépasser de quelques minutes et après il vous reste du temps pour vous étirer avant l’imbécile suivant. C’est que ce n’est pas bon pour la santé de rester assise comme ça toute la journée. Même moi je suis contre les mauvaises conditions de travail. Comment va votre dos aujourd’hui ?(Il la regarde ainsi que le sablier d’un air approbateur.)
Vous pouvez me remercier, vous savez. C’est un très bel objet. Je ne vous dis pas le prix, mais vous pouvez me croire quand je vous dis que c’est un beau cadeau. (Il regarde le sable qui coule) Quel bel effet apaisant. On peut aussi le retourner d’une main grâce à un système pivotant sophistiqué. Hop hop.
Pardon, du coup je n’ai pas entendu ce que vous venez de dire à propos du cadeau. Non, non, c’est bon. Ce n’est vraiment rien du tout pour moi que d’être allé jusqu’aux Maldives y pelleter du sable pour vos beaux yeux. Je m’y suis rendu aux commandes de mon jet privé. Et sur place, je m’en suis bien sorti avec les indigènes. Savez-vous que je parle couramment le Maldivois, euh -vais? Maldivien ? (Le Diable lance un regard au sablier et s’affole.)
Hé oh ! Mais pourquoi est-ce que le temps est presque complètement écoulé ? Ah oui, vous vouliez savoir comment activer le pivot pour le retourner. Pas de problème, je le retourne de nouveau. Hop hop. C’est reparti. Normalement, il faut retourner le sablier seulement au début de la séance, sinon c’est sûr qu’on risque de ne plus s’y retrouver.
Venons-en au fait. C’est que… je suis très riche, vous voyez. Et parfois – ou même souvent – je suis si généreux et je fais des cadeaux, mais ça n’a l’air d’intéresser personne. Le pire, c’est que je fais plus de cadeaux que je n’en reçois.
Les gens sont si ingrats. Quand on a plus d’argent que le reste, on risque d’éveiller certaines attentes. Oui, c’est cela que j’essaie de dire. On est vu pour ses cadeaux, pas pour soi, c’est complètement dég… (DING DONG.) Eh, mais pourquoi est-ce que votre stupide patient suivant est déjà là ? C’est très malpoli d’interrompre aussi tôt. Comment ça, le temps est dépassé ? Ce n’est pas possible ! Le sable n’a pas fini de s’écouler.
Je l’ai retourné deux fois ? Vous insinuez que je triche avec le temps ? Je trouve que vous pourriez faire montre d’un peu plus de reconnaissance. Mais après tout, vous avez raison. Le temps c’est le temps. Et aussi de l’argent. J’y vais.
Quoi le sablier ? Comment ça, je dois le remporter chez moi ? Mais enfin, c’est un cadeau ! Mais non, pas pour vous, bon sang ! Je sais pertinemment que c’est interdit par la grande chartre psychologique ! C’est pour moi. Et dans ma grande générosité aussi pour tous vos patients traumatisés-chroniques aussi. Ça m’est bien égal, je vais le laisser là. Un jour vous m’en remercierez.
Le Diable jette un coup d’œil furieux au patient suivant. Elizabeth soupire en s’étirant. Le sable finit de s’écouler et le soleil disparaît devant la fenêtre.
J'envoie quand même mon soutien à Elizabeth. Un tel patient ne doit pas être facile à gérer !
Où alors notre diable à un soucis de l'langage et du coup c'est pas la psy mais l'orthophoniste :D