Au creux de la Montagne, cachée derrière des falaises abruptes et des sentiers que seuls les anciens savaient emprunter, se trouvait une source mystérieuse. Une eau claire comme le cristal, née au cœur d’une roche millénaire, vibrante d’une énergie vitale pure, profonde.
Myra la connaissait, sans l’avoir vu, depuis toujours, comme un secret gravé dans la mémoire de sa lignée. Cette source n’était pas simplement un lieu : elle était le cœur battant d’un pouvoir oublié, la clé même de la force qui animait les automates de la forêt.
Quelques gouttes de ce liquide sacré suffisaient à ranimer leurs mécanismes fatigués, à insuffler la vigueur d’une vie nouvelle dans leurs corps d’acier. Sans cette source, ils s’éteignaient lentement, condamnés à rouiller et sombrer dans le silence.
Mais plus que le secret de cette source, Myra portait en elle la peur grandissante d’une présence. Une ombre humaine, maléfique, tapis dans l’obscurité, qui cherchait à percer le mystère et à s’emparer de ce pouvoir.
Les nuits se faisaient lourdes, habitées de cauchemars où des yeux brillants la fixaient dans le noir, où des mains froides tentaient de lui arracher le secret. Des visions fulgurantes la saisissaient au réveil : un homme à la silhouette décharnée, un visage dissimulé sous un masque de fer, des flammes et des cris résonnant au loin.
Elle ne savait pas qui était cet ennemi, ni d’où venait sa haine. Mais elle sentait son souffle sur sa nuque, sa menace sourde. Cette présence s’approchait, traquant ses pas, cherchant à briser la protection ancienne que lui avait léguée sa lignée.
Myra se sentait prise au piège entre un destin qu’elle refusait encore et un danger qui grandissait chaque jour. Le secret de la source était désormais une arme à double tranchant : la sauver pourrait sauver le monde, mais le révéler risquait de tout détruire.
Et dans le silence glacé de la montagne, l’ombre avançait.
La chasse à l’ombre
Les premiers rayons du soleil filtraient à travers les feuillages tendres, illuminant la forêt d’une lumière douce et dorée.Ser Caldar et Garric Krholm s’enfonçaient dans ce labyrinthe de verdure, où l’air frais portait les parfums subtils des fleurs naissantes et le chant mélodieux des oiseaux annonçait le printemps.
Depuis plusieurs jours, ils étaient sur une piste, frêle et extrêmement fugace, mais une piste quand-même.
Le fils de Geldroëm le puisatier de Fondval avait parlé.
En traversant ce bourg misérable, ils avaient posé les questions qu’il fallait poser. Ils avaient menacé qui avait besoin de l’être et ils avaient eu les réponses qui devaient être données.
Au petit matin, quand la brume est encore assoupie et que les hiboux rentrent au nid, ils se mirent en chasse.
Ser Caldar laissa Frison, son étalon de 700 kilos de muscles en pension à l’étable commune. Il leur fallait être les plus discrets possible en pénétrant dans la forêt.
Plus tard..
Garric, fin pisteur, avançait avec aisance, ses yeux perçant le moindre indice : une feuille froissée, une branche brisée, une trace légère dans la terre meuble. Chaque détail révélait un chemin secret que seuls les habitants de la forêt pouvaient déchiffrer.
Autour d’eux, les arbres dansaient doucement sous la brise légère, et les papillons colorés virevoltaient, apportant une touche de légèreté à cette poursuite silencieuse. La forêt semblait vivante, pleine de promesses et de mystères.
Pourtant, dans ce décor enchanteur, un piège s’élaborait, invisible mais implacable. Myra, maîtresse des lieux, guidait subtilement Ser Caldar et Garric vers un guet-apens, usant de sa connaissance intime de ces bois pour retourner la chasse.
Sans le savoir, les chasseurs devenaient les proies, entraînés au cœur d’un jeu dangereux où la beauté de la nature masquait l’ombre d’une menace imminente.
Et tandis que les oiseaux chantaient et que les fleurs s’ouvraient, l’étau se refermait doucement, implacable.
—Là ! Chuchota Garric à Ser Caldar. Une jeune femme, regarde, elle correspond à la description qui nous en a été faite : Jeune, mince avec des gestes précis et assuré. On voit bien qu'elle est dans son élément, ce n'est pas une jeune femme égarée, c'est elle, aucun doute !
—On n’a croisé ni rattrapé personne depuis ce matin. Les traces ne peuvent être que les siennes. J’ai un pressentiment. Dit Ser Caldar sûr de lui.
C’est Garric qui l’avait vu le premier ou du moins il le pensait.
Myra se retourna et se mit à courir. Elle la fille de la forêt, elle la chasseuse chassée.
La Forêt tout entière était le témoin végétal de cette course effrénée. Le sang pulsait à ses tempes, et son corps agile et félin lui donnait l’avantage sur ses poursuivants.
Garric lui aussi rapide et d’une vivacité remarquable ne se laissait pas distancer facilement. Sa vie passée sur les chemins avait forgé son corps athlétique et nerveux. Son tempérament joueur prenait le dessus. Il sentait monter en lui l’excitation de la chasse.
Ser Caldar, plus massif, puissant et surtout fin stratège avait vu dans quelle direction la fille allait se diriger. Il était (presque) inutile de lui courir après. De toute façon elle ne pourrait pas traverser cette muraille de ronces qui lui barrait le chemin et ne pourrait pas sauter dans la rivière pour s’enfuir. Trop de remous, trop de rochers.
Il lui coupa la route au moment où elle déboucha dans la clairière. Caché derrière un rocher dressé en menhir il allait se jeter sur elle.
Elle lui sourit, ou du moins il crû voir les yeux de la fille lui sourire quand le piège se déclencha. Le silence s’abattit sur la forêt. Le temps s’immobilisa. La douleur jaillit de sa jambe, brutale, foudroyante, comme un carreau d’arbalète logé dans le cerveau. Un piège, ce n’était qu’un piège et elle les avait manipulés comme une enfant joue avec des poupées de chiffons. Le bois bandé à l’extrême et affuté comme les mâchoires d’un ours s’était détendu au moment où Ser Caldar avait pris son impulsion pour se jeter sur Myra. La pointe d’un des pieux lui avait transpercé la cuisse, la douleur était atroce.
Depuis le début, la fille savait où il allait se positionner. Il souffrait, mais il avait appris.
Garric arriva une poignée de seconde après et voulu maîtriser Myra qui restait là à proximité.
Elle semblait irradier d’une lumière bienfaisante. Une vibration, un murmure.
Elle était la bonté, elle était là, démunie devant la douleur qu’elle avait causée.
Ser Caldar retenu Garric.
—Laisse ! Nous la chassons, elle se défend. Qu’aurais-tu fait à sa place ?
Garric acquiesça et entreprit de libérer Ser Caldar des serres du piège. Ser Caldar resta silencieux même lorsqu’il fallut retirer le pieux de ses chairs meurtries.
Myra s’approcha et posa sa main sur la poitrine du chevalier.
—Maintenant que tu es tout près, maintenant que je te ressens, je sais ce que tu cherches. Lui souffla Myra dans un murmure. Je n'ai plus peur, finit-elle par dire une larme au coin des yeux.
Une onde de chaleur douce et parfumée submergea Ser Caldar. Lui qui se croyait mort à l'interieur, l'âme flétrie par les coups d'épées qu'il avait tant donné, ressenti ce qu'il n'avait jamais ressenti ! Une ivresse et une euphorie soudaine le transportèrent et tout disparu, la forêt, les oiseaux, Garric et Myra, ils n’étaient plus là. Tout se brouilla… et devint étrangement limpide. Lumière et ombre, douceur et chaleur. Le monde dansait dans sa tête, son corps en apesanteur. Tout se calma dans son âme. Les visages du passé, les corps aimés, les visages chéris et eux aussi, les cadavres pourris, les membres arrachés et les yeux brulés, eux aussi finirent pas disparaitre. Le temps d’une fraction de seconde, une éternité, il oublia tout.
Sous l’arbre protecteur
La lumière douce de l’après-midi diminuait à travers les feuilles, éclairant un petit espace clair entre les troncs massifs. Myra avait conduit Ser Caldar et Garric jusqu’à un arbre aux racines noueuses, lieu qu’elle connaissait pour ses vertus apaisantes.
Elle s’agenouilla et examina la blessure de Ser Caldar, extirpant doucement des herbes séchées et des racines qu’elle avait cueillies plus tôt. D’un geste sûr, elle prépara un onguent et appliqua le baume sur la plaie. L’odeur âcre emplit l’air, mêlant fraîcheur et terre humide.
Elle baissa légèrement les yeux, sans cesser ses gestes. « Je n’avais pas prévu que le piège se refermerait ainsi. » Sa voix était presque un murmure. « La forêt… répond parfois plus vite que je ne le souhaite. »
Ser Caldar ne répondit pas immédiatement. Il se contenta d’observer le soin appliqué, sa mâchoire contractée par la douleur. Mais dans son regard, il n’y avait ni colère ni rancune.
Garric, lui, restait en retrait, silencieux, observant la scène sans savoir que l’ombre d’un danger invisible pesait sur eux.
Myra, les traits tendus, prit une profonde inspiration. « JE perçois une présence…, malveillante. Elle veut savoir où est la source. Où est le pouvoir. »
Ser Caldar, appuyé contre le tronc, releva les yeux vers elle. « C’est pour cela que je te cherche. Un homme nommé Aurélius m’a parlé de toi, sans détails, juste que tu es la clé. »
Elle le fixa un instant, pensive. « Aurélius… Le moine ? Il m’a fait chercher et m'a laissé des messages où il pensait que je serais, il y a longtemps. Des mots étranges, remplis d’espoir et de crainte. »
Ser Caldar hocha lentement la tête. « Il croit en toi. Il m’a dit que sans toi, rien ne serait possible. Que tu détiens la force de vie naturelle capable d’arrêter les automates ou du moins de comprendre ce qu’ils sont. »
Myra détourna le regard, ses doigts se crispant sur le tissu imbibé d’infusion. « Cette force… elle est un fardeau. Je ne la maîtrise pas. Parfois elle me guide, parfois elle me retient. Et cette présence… elle me fait douter de tout. »
Garric s’approcha alors, posant une main ferme sur son épaule, ignorant encore la gravité du danger qui les guettait.
—Tu n’es pas seule. Nous allons affronter ça ensemble. Mais il faudra nous faire confiance. »
Myra le regarda longuement, puis tourna les yeux vers Ser Caldar. Dans son regard flottait une hésitation, un aveu retenu, un début de confiance.
—Très bien. Mais sachez ceci : Il y a plus grand danger que les automates ! Je le sens, je le sais. Ce sera un combat à mort, pour la vie.
un chapitre intéressant qui fait regrouper les trois personnages. La chasse dans la forêt, puis le moment où Myra dit qu'une autre force plus puissante les attend est bien amené :)
J'ai une question, chaque passage est-il d'un point de vue d'un des personnages ou tous les points de vue sont réunis ?
Sinon peut-être que dans le deuxième passage il faudrait accentuer le fait qu'ils ne connaissent pas complétement Myra. Donc pas la nommée tout de suite, faire monter la tension et quand Ser Caldar est pris au piège, faire en sorte que Myra se présente après. Mais ça si seulement y a bien un point de vue à chaque fois :)
Les retours de forme :
"Le sang pulsait à ses tempes et son corps agile, félin lui donnait l’avantage sur ses poursuivants" -- plutôt "Le sang pulsait à ses tempes, et son corps agile et félin lui donnait l’avantage sur ses poursuivants."
"La forêt s’était tût, le temps suspendu, la douleur, tel un feu de broussaille pendant un mois d’aout suffocant, monta dans sa jambe lui tirant un carreau d’arbalète dans le cerveau" -- j'ai compris le sens mais je pense que c'est un peu confus. Plutôt -- "Le silence s’abattit sur la forêt. Le temps s’immobilisa. La douleur jaillit de sa jambe, brutale, foudroyante, comme un carreau d’arbalète logé dans le cerveau" ou quelque chose comme ça :)
"Tout se brouilla et tout devint clair, tout à la fois. Lumière, ombre, douceur, chaleur. " -- un peu bancale j'ai trouvé, même si je comprends l'idée :) plutôt -- "Tout se brouilla… et devint étrangement limpide. Lumière et ombre, douceur et chaleur : tout se superposa." Ou une autre phrase aha
Voilà, je continue :)
J'ai réécrit les passages comme tu les avais suggérés .
C'est bien mieux comme ça !
Merci.