Le Souffle du Val Mort

Notes de l’auteur : Garric. Ce personnage trouble saura-t-il se montrer différent et prouver sa valeur ?
La tension augmente avec les premiers combats !
Que se passe-t-il dans ce vallon lugubre ?
Quelle sera la place de Garric ?
Ser Caldar devra apprendre à faire confiance, vite, s'il veut continuer à avancer.

L’aube perçait à peine le voile brumeux lorsque Ser Caldar et Garric quittèrent les ruines du bourg pestiféré. Le vent portait encore les relents acides de la mort et des cendres, et les corbeaux tournaient au-dessus des toits en décomposition. Frison, le destrier noir de Ser Caldar, avançait d’un pas lourd, méfiant, ses naseaux fumants d’inquiétude.

Garric marchait à quelques pas derrière. Son œil méfiant ne cessait de balayer les abords du chemin, tandis qu’il resserrait contre lui son manteau râpé. Le voleur avait perdu de sa morgue depuis la bagarre, mais sa silhouette nerveuse semblait toujours prête à disparaître dans les fourrés à la moindre alerte. Il se savait en sursis, et Ser Caldar n’avait rien fait pour l’en détromper.

La route serpentait vers l’est, longeant un ravin encaissé que les anciens appelaient le Val Mort, une gorge profonde et boisée où la brume stagnait en permanence, comme si le monde lui-même refusait d’en dévoiler les secrets. Les arbres y poussaient noueux, noircis, leurs branches tordues comme les doigts d’un mort suspendu à un rêve ancien.

— Qu’est-ce qu’on cherche, au juste ? demanda Garric après un long silence, la voix rauque.

— Rien. Et tout, répondit Ser Caldar sans se retourner. On suit le vent. Là où les choses meurent, parfois on trouve ce qui vaut encore la peine d’être sauvé.

Le silence retomba. Les corbeaux criaient dans le ciel livide. Des formes animales glissaient entre les arbres sans qu’on ne les voie jamais vraiment. Un bruissement constant, comme des chaînes traînées dans l’humus, accompagnait chacun de leurs pas.

À la lisière du Val, Frison s’arrêta net. Ses yeux étaient fixes, ses muscles tendus. Une sueur froide recouvrait ses flancs.

— Il sent quelque chose, murmura Ser Caldar en posant une main sur l’encolure du cheval.

— Moi aussi, dit Garric, blême. Y a quelque chose dans cette vallée. J’ai l’impression qu’on est déjà morts, et qu’on marche vers notre caveau.

Ils franchirent la première pente malgré tout. La brume s’épaissit aussitôt, avalant le ciel et les bruits. Tout devint ouaté, étouffé, comme si le monde avait été englouti sous une cloche de silence. Même les corbeaux se turent.

C’est là, dans cette étrangeté suffocante, qu’ils virent les croix.

Des dizaines . Plantées dans le sol comme une forêt d’échafauds. Certaines en pierre. D’autres en bois. D’autres encore, faites d’un métal rouillé.  Aucune tombe. Aucun nom. Juste des croix. Et certaines, hautes de deux mètres, semblaient avoir été brisées, tordues par une force prodigieuse.

— Qui aurait fait ça ? murmura Garric.

Ser Caldar ne répondit pas. Ce qui inquiéta Garric au plus profond de son âme.

Il s’agenouilla devant l’une des croix métalliques. Ses doigts effleurèrent une inscription fraichement gravée en langue ancienne :: “…ils sont revenus… les cœurs de fer ne dorment plus…”

Un bruit, alors. Loin. Un grondement étouffé. Comme si quelque chose traînait ses membres dans les entrailles du Val.

Frison recula, hennissant de terreur. Garric tira sa dague, la main tremblante posée sur son fouet.

— Tu l’as entendu ? dit-il, blême.

— Oui, répondit Ser Caldar. prépare toi !

Et dans la brume, quelque part, quelque chose se redressait.

Le grondement se fit plus proche. Un son lourd, râpeux, comme si mille chaînes rouillées traînaient sur la pierre. Puis un choc. Loin d’abord. Puis un autre. Plus proche. Chaque pas résonnait à travers la brume, amplifié, comme si la vallée elle-même battait un cœur monstrueux sous la terre.

Garric s’immobilisa, l’œil agrandi par la peur.

— Je... Je le vois. Là-bas. Mère des Saints... c’est pas possible...

Une forme émergeait de la nappe blanche. Haute. Massive.. Un être de métal rongé par le temps, drapé d’armures archaïques, semblables à celles d’un géant disparu. Son torse s’ouvrait sur une cavité vide, noire comme un puits sans fond. Ses bras étaient des masses blindées de lames recourbées, rouillées et dentelées, vestiges de mille combats oubliés. Et dans son heaume fissuré, deux fentes rouges luisaient faiblement, comme les derniers tisons d’une braise mourante.

— Il... il  est faible, dit Garric. Regarde. Il titube.

En effet, la créature semblait chanceler à chaque pas. Son équilibre était incertain. Des gémissements profonds s’échappaient de ses articulations, et sa cuirasse portait les marques de la guerre : entailles profondes, éclats de pierre plantés dans la jointure des plaques, mousse séchée incrustée dans les crevasses de son dos.

Mais malgré sa décrépitude, l’automate avançait. Et il levait déjà ses bras mécaniques.

— Recule ! hurla Ser Caldar en dégainant son épée.

Frison se cabra violemment et s’enfuit dans un hennissement de panique. Garric plongea derrière une croix de bois alors que la créature abattait son poing sur le sol dans un fracas assourdissant, pulvérisant la pierre.

Ser Caldar se jeta sur le côté, roula dans la boue et remonta d’un bond, lame au poing. Il frappa — la lame ricocha contre le plastron du colosse dans un crissement désespéré.

 Trop solide ! Hurla Ser Caldar.

L’automate se tourna vers lui, lentement, puis lança une attaque large et brutale. Ser Caldar sauta en arrière, mais la lame de l’un des bras mécaniques lui effleura le flanc. Le métal arracha la chair. Il gronda, mais tint bon.

— Garric ! Distrait-le !

Le voleur émergea d’un bond, lançant son fouet métallique, serpent fou et tranchant qui frappa l’arrière du heaume. L’automate pivota, enchaîna un mouvement lent mais d’une précision mortelle. Il écrasa la croix derrière laquelle Garric avait plongé quelques secondes plus tôt.

— Il me voit !  Caldar, il m’a vu !

— Continue ! Il doit avoir une faille !

Le chevalier chargea de nouveau. Cette fois, il visa l’articulation du genou gauche, là où le métal semblait fendu. Sa lame pénétra de justesse. L’automate siffla, et un grincement strident jaillit de son torse. La créature chancela. Une de ses jambes se plia anormalement.

Mais sa riposte fut fulgurante. Un revers, sec, brutal, propulsa Ser Caldar contre une stèle de pierre,  il glissa à terre, sa vision brouillée.

L’automate se redressa lentement. Il leva un bras. Sa lame se préparait à s’abattre.

Et c’est là, au moment où tout semblait basculer, que Garric Krholm fondit sur le colosse. Il bondit, félin, accrochée au bras du monstre mécanique qu’il détourna d’un coup de dague bien placé dans l’articulation. Le bras se bloqua. Le coup manqua Ser Caldar de peu.

Le chevalier ouvrit les yeux, encore sonné, mais il vit Garric debout, haletant, entre lui et le géant.

Un instant. Un regard. Sans mot.

Quelque chose venait de naître.

Le géant chancela. Garric fut projeté contre un rocher, le souffle coupé, mais vivant.

Le géant était maintenant instable. Chaque pas était une lutte. Des gerbes d’étincelles jaillissaient de sa jambe brisée.

Ser Caldar se redressa. Il haletait. Du sang coulait à ses tempes, mais ses yeux étaient froids, déterminés.

Il fonça.

Un bond. Un cri. Et l’acier.

Sa lame, guidée par la rage, s’enfonça dans la gorge fendue du colosse. Un éclat de lumière verte jaillit, puis un souffle étrange, comme un dernier râle. L’automate recula. Ses bras se figèrent.

Et puis, lentement, il s’effondra sur le côté dans un fracas titanesque, secouant la vallée de son poids millénaire.

Le silence retomba.

Un silence lourd. Anormal.

Ser Caldar resta debout un instant, l’épée levée, puis tomba à genoux dans la boue. Garric approcha en boitant, le visage noirci, les côtes douloureuses.

— On… on l’a eu ?

Ser Caldar regarda la carcasse fumante, les bras retombés, inertes. Il déglutit, les mains tremblantes.

— Je crois… murmura-t-il. Je crois que oui.

Mais dans son regard flottait un doute.

Un doute froid, lourd comme un secret enfoui sous les siècles.

Mais qu’est-ce que c’était ? Demanda Garric incrédule.

  • Je ne sais pas ! répondit Ser Caldar, - Je ne sais pas mais nous le saurons sûrement bientôt !
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Talharr
Posté le 26/07/2025
Hello,
Quel combat ! Vraiment très sympa à suivre. C'est rythmé et très fluide.
Le paysage du combat est bien visuel. On voit où ils vont pendant leurs mouvements, c'est agréable :)
Et premier combat contre une machine, intéressant.
A voir la suite :)

Juste une petite faute de frappe :
"de spn âme" -- "son"

Voilà, sinon super chapitre :)
Brutus Valnuit
Posté le 26/07/2025
Merci pour ton message et ta vigilance :)
Oui j'essaie de donner un rythme qui colle à l'action. C'est difficile de ne pas se répéter et rester précis . J'ai parfois l'impression que les personnages ne sont pas assez bien décrits dans l'espace (où se situent-ils ? où vont-ils ?).
Talharr
Posté le 26/07/2025
Pour ce chapitre on sait où ils vont. La machine est très bien décrite et les personnages tu les as fait dans les chapitres précédents, donc pas besoin d'en rajouter pour le moment je pense :)
Ahah oui dans les combats on a envie de mettre le paquet et on peut se répéter mais ici j'ai pas eu l'impression que ça tournait en boucle, c'était fluide :)
Pour où ils se situent à voir dans les prochains chapitres, quand la carte sera plus grande :)
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