Les Gardiens d’Argath : l’agonie des colosses d’acier

Notes de l’auteur : L'histoire se poursuit. Nous allons découvrir Les Gardiens d'Argarth.
Un peuple ingénieux, oublié, disparu.
Pourtant, leur riche et prolifique civilisation a laissé des traces dans le présent.

Il y a des millénaires, bien avant les royaumes, les chevaliers ou les grandes guerres, existait une civilisation oubliée, celle des Gardiens d’Argath. Ni magiciens, ni maîtres d’une science parfaite, ils étaient avant tout des artisans de l’extrême, des hommes et des femmes qui, dans la pénombre d’un monde sauvage, avaient su écouter les murmures invisibles de la nature.

Leur savoir s’appuyait sur l’étude méticuleuse des pierres rituelles, cristaux anciens aux propriétés mystérieuses, qui semblaient capter et canaliser les flux de vie circulant dans la terre, l’eau et le vent. Ces pierres, associées à un artisanat patient et précis, permettaient aux Gardiens d’insuffler un souffle d’animation à des automates façonnés à la main, construits en métal brut et en bois dur.

Ces premiers automates étaient lourds, massifs, aux mouvements hésitants et mécaniques, mais ils portaient en eux un frémissement singulier, une étincelle d’existence presque vivante. Ils servaient de gardiens aux sanctuaires, protecteurs silencieux contre les dangers du monde.

Les Gardiens d’Argath vivaient dans une harmonie fragile avec la nature sauvage qui les entourait. Leur civilisation était bâtie sur une profonde connaissance des pierres rituelles, de leur pouvoir discret mais essentiel. Ces cristaux, extraits des entrailles de la terre par des mineurs aguerris, étaient le cœur de leur existence : non seulement source d’énergie pour leurs Automates, mais aussi objets de vénération, reliques d’un lien sacré entre le monde matériel et les forces invisibles qui l’animaient.

Les villages des Gardiens étaient modestes, faits de bois, de pierre brute et de terre battue. Chaque habitant, qu’il soit artisan, chasseur ou érudit, connaissait son rôle dans la grande toile qui maintenait la vie de la communauté. La nature fournissait abondance, mais la fragilité de cet équilibre obligeait à une gestion respectueuse et minutieuse des ressources.

Les Artisans, véritables piliers de cette société, façonnaient avec patience les pièces des automates, assemblant métal, bois et cristaux avec un savoir transmis de génération en génération. Leur travail mêlait la précision technique à une forme d’artisanat sacré : chaque engrenage, chaque lame, chaque pierre avait une place et un sens.

Parmi eux se tenait un homme remarquable, nommé Elyas.

Elyas était un Gardien érudit, maître artisan et penseur, dont l’esprit curieux avait conduit à la rédaction d’un traité unique, un grimoire d’une rare richesse, consignant le savoir accumulé sur les automates et leur fonctionnement. Ce livre était un mélange de dessins techniques, de notes sur les propriétés des pierres rituelles, et de réflexions philosophiques sur la nature de la vie et de l’animation mécanique.

Dans son grimoire, Elyas décrivait avec une minutie presque obsessionnelle chaque étape de la création des automates, de l’extraction des cristaux à leur intégration dans le cœur même des machines. Il y consignait aussi les règles fragiles qui régissaient l’équilibre des flux d’énergie vitale, des lois qu’il appelait « les liens sacrés », nécessaires pour empêcher les automates de sombrer dans le chaos.

Mais Elyas n’était pas seulement un savant ; il était aussi un homme hanté par la peur d’un futur incertain. Ses dernières notes témoignent d’un doute croissant, d’une inquiétude face aux transformations qu’il observait dans ses créations.

Il craignait que la quête de puissance ne conduise à la perte de contrôle, que la vie artificielle, si précieuse et fragile, ne devienne un fardeau impossible à maîtriser.

Et lorsqu’il sentit que le seuil avait été franchi, il tenta d’alerter son peuple.

Il entra un soir dans la Grande Halle de Sarn, là où siégeaient les anciens et les maîtres-artisans, et implora qu’on l’écoute. Sa voix, brisée mais ferme, porta jusqu’aux arches de pierre :
Nous avons donné aux machines un instinct. Un besoin. Elles apprennent. Elles s’adaptent. Elles finiront par nous échapper.

On se moqua de lui. Un maître-artisan le traita de vieux craintif, de nostalgique incapable de suivre les progrès qu’il avait pourtant contribué à initier. Le Haut-Gardien, silhouette drapée de noir, le jugea dangereux pour l’unité du peuple.
Ta parole sème la peur. Tu refuses notre grandeur. Tu refuses l’avenir.
Elyas répondit :
Je ne refuse que la ruine. Et c’est elle que vous bâtissez, chaque jour, de vos propres mains.

Le soir même, sur ordre du Conseil, il fut conduit dans les profondeurs du Bastion de Fer. On l’enferma dans une cellule sans lumière, sans nom, loin de tout. Il y mourut seul, oublié.

Mais avant cela, il grava ces mots à même la pierre de sa geôle :

“Ils ne m’ont pas écouté. Ils ont joué avec le feu, et la flamme les a consumés.
La pierre a été profanée. Le lien brisé.
Et les Gardiens sont devenus les martyrs de leur propre orgueil.”

Son grimoire, seul vestige de sa sagesse, fut abandonné dans les archives, ignoré par ceux qui choisissaient encore d’ériger des géants.

À mesure que le temps s’écoulait, la civilisation d’Argath prospéra, s’élevant lentement au rythme des générations. Les artisans affinèrent leurs techniques, sculptant des créatures d’acier plus élancées, plus agiles. Mais les plus impressionnantes furent leurs dernières créations : d’immenses automates de combat, hauts de deux mètres, taillés dans des plaques de métal épais gravées de symboles énigmatiques. Leur apparence, massive et anguleuse, évoquait une force inébranlable.

Ces colosses d’acier furent conçus pour une ultime mission, dans une tentative désespérée de sauver leur monde : éradiquer les automates dissidents, ces premières sentinelles qui, peu à peu, s’étaient rebellées contre leurs créateurs, refusant l’asservissement.

Mais la lente déchéance des Gardiens commença avec cette lutte fratricide. La guerre entre les machines affaiblit leurs cités, brisant l’harmonie fragile qui existait entre homme, nature et création.

Dans les ateliers d’Argath, les bruits des marteaux et des roues dentées rythmaient les journées, mais un voile d’ombre glissait entre les murs. Des incidents inexpliqués survenaient des automates désobéissants, des flux d’énergie instables, et une tension grandissante entre ceux qui voulaient poursuivre la création à tout prix et ceux qui souhaitaient freiner cette ascension dangereuse.

Le peuple tout entier sentait que les Gardiens approchaient d’un précipice.

À mesure que la civilisation s’éteignait, la magie du cristal faiblit, et l’énergie vitale qui animait les colosses s’amenuisa.

Pour survivre, les derniers automates combattants durent puiser dans ce qu’il restait de l’essence de leurs créateurs : les cadavres abandonnés, délaissés, d'où ils extrayaient une énergie noire et glaciale. Cette sanglante dépendance marqua le début d’une malédiction.

Lorsque les corps humains se firent trop rares, ces machines terrifiantes se tournèrent vers la forêt, abattant bêtes et créatures dans une chasse effrénée, leur mécanisme d’absorption vital ne cessant d’engloutir la vie autour d’elles.

Mais même cela ne suffisait pas.

Plus tard, affamées et impitoyables, elles se jetèrent sur les derniers villageois isolés, des proies fragiles dans un monde dévasté.

Pourtant, le travail continuait, poussé par l’orgueil et l’espoir d’un salut mécanique face aux périls du monde.

Ainsi, les colosses d’Argath, nés protecteurs, devinrent destructeurs, hantant les terres oubliées, véritables ombres d’une civilisation engloutie par sa propre folie.

À l’aube de notre histoire, il ne reste que trois de ces automates, encore en état de marche, spectres d’acier et de bois, rôdant silencieusement, vestiges funestes de l’orgueil humain et des dangers qu’engendre la quête insatiable de pouvoir.

Leur existence sinistre rappelle à ceux qui osent s’aventurer dans les forêts obscures que la frontière entre la création et la destruction est fragile, et que les forces qu’on libère sans sagesse peuvent se retourner contre leurs maîtres, anéantissant tout sur leur passage.

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Talharr
Posté le 25/07/2025
Hello,
J'ai bien aimé ce chapitre :)
La construction des machines par le peuple d'Argarth est vraiment chouette avec le fait que celles-ci ne leur obéissent plus. (on dirait un peu le monde actuel ahaa). Surtout avec Elyas qui se fait rebuter...


Juste deux-trois remarques de forme :

"La guerre entre les machines affaiblit leurs cités, brisa l’harmonie fragile qui existait entre homme, nature et création" -- plutôt "brisant".

". Des incidents inexpliqués surviennent, des automates désobéissants, des flux d’énergie instables," -- "survenaient"

", où ils extrayaient une énergie noire et glaciale" -- plutôt "d'où"

A voir la suite :)
Brutus Valnuit
Posté le 25/07/2025
Merci !
J'ai tellement lu et relu que je fini par ne plus voir les fautes, et pourtant il y en a toujours . Merci beaucoup.
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