Le supplice du corps et de l'esprit

Par Sylvain
Notes de l’auteur : N'hésitez pas à jeter un coup d'œil à la carte:
https://sites.google.com/view/eryon/accueil

Eyanna se réveilla avec l’impression qu’une cohorte de chevaux l’avait piétinée. Saleté de couche, il n’aurait pas pu me donner autre chose qu’une botte de paille étalée sur une planche ? Elle s’était attendue à être accueillie avec les égards dus à son rang. Elle avait été servie. Son oncle, les deux estriens, ainsi que la prêtresse et elle-même avaient été gracieusement logés à la Diaconie fraternelle, et elle avait espéré passer une bonne nuit après leur longue route depuis le royaume central. La Fraternité se trouvait être une longue bâtisse en bois noirci, certes robuste, mais vieillotte, et jurant cruellement avec les autres bâtiments qu’elle pouvait apercevoir un peu plus loin. Elle partageait sa chambre avec Kylia, et ne comprenait pas comment cette dernière avait pu passer la nuit si sereine. Un pauvre drap n’avait pas empêché la paille de lui titiller le fondement, et elle avait partagé sa couche avec de nombreux insectes inconnus au bataillon. Le peu de sommeil qu’elle avait réussi à prendre avait vite était troublé par les ronflements intermittents provenant de la chambre jouxtant la leur. Elle s’était donc levée de fort mauvaise humeur ce matin-là, et seul le visage décomposé du prince estrien avait contribué à la dérider quelque peu. Les yeux bouffis et le regard hagard, Kaelon n’avait pas dû non plus jouir d’un repos réparateur. L’imaginer dormir entre les deux mastodontes lui redonna presque le sourire. Elle maudit au passage Evin, qui avait eu le nez creux, et avait décréter qu’il serait probablement mieux qu’il les laisse entre eux, en allant coucher chez un de ses contacts. Un moine chauve au regard fuyant leur avait amené une miche de pain et avait rempli un baquet d’eau tiédasse. L’homme portait une cotte brune à capuchon, maintenue par une simple cordelette autour de la taille.

—  Pourrais-je également avoir un fruit ? Une pomme peut-être ? Et une boisson chaude ? s’enquit Eyanna.

Le religieux leva furtivement les yeux vers elle, avant de faire demi-tour et de disparaître dans l’obscurité d’un long couloir. Eyanna se tourna vers la prêtresse et explosa :

— Bon sang, mais c’est quoi leur problème à ces maudites têtes de fessier !?

Kylia haussa un sourcil, surprise, avant d’expliquer :

—  Tu ne tireras pas grand-chose d’eux ma fille, ils ont fait vœux de silence.

— Ce n’est pas une raison pour être aussi impoli, ronchonna Eyanna.

— Tu ne trouveras pas plus désintéressés que les moines de la Fraternité au nord de la Rurque. Ils vouent leur existence au soutien des plus démunis. Leur idéal se résume en trois mots : Prière, Travail, Charité. D’un point de vue spirituel, ils sont probablement les plus proches du Patriarche. Eljane sait que j’en trouve à redire sur les Jaénistes, mais les compagnons du Sanctissime Mitleid sont de braves âmes.

— Encore un Sanctissime ? De quoi s’agit-il exactement ? Le cuistre qui nous a accueillit hier n’avait que ce mot à la bouche.

— Candala est divisée en cinq congrégations, chacune chapeautée par un religieux de haut rang : le Sanctissime. La plus importante, l’Obédience, dirige les trois autres avec à sa tête le Primat Leistung.

—  Trois autres ? Mais n’y en a-t-il pas cinq ?

— Si, mais la cinquième, l’Anathème, fait exception.

— Je n’imaginais pas qu’il puisse y avoir une telle complexité au sein de la religion. Dites m’en plus sur ces… congrégations !

—  Je vais laisser ce plaisir à frère Bronk, qui ne manquera pas, j’en suis sûre, d’étancher votre  soif de connaissances.

— Vous ne venez pas avec nous ? s’étonna Eyanna.

— Non, j’ai déjà eu l’occasion d’explorer la cité sainte dans les moindres recoins, et je préfère rester méditer ici.

— Mais voyons ! Vous n’allez tout de même pas rester cloîtrée dans cette chambre empuantie pendant un mois ?

—  S’il le faut, confirma-t-elle. Et puis, la méditation aiguise les sens.

 

Un mois… trente foutues journées à rester dans cette ville où l’activité principale –la seule ?– était de prier le Patriarche. Il allait falloir qu’elle trouve de quoi s’occuper l’esprit sans quoi elle tournerait folle avant longtemps. Elle avait donc rejoint son oncle et les estriens, et se dirigeait à présent vers la sortie de la Fraternité. Ils débouchèrent sur de larges jardins, où pas moins d’une cinquantaine de moinillons bêchaient une terre encore gelée par l’hiver. Une brise glaciale s’insinuait entre eux, soulevant de temps en temps une bure mal nouée. Le froid la tenailla dès qu’elle mit le pied dehors. A ses côtés, le prince jura en relevant le col. Tachant de prendre un air décontracté, elle lui glissa :

— Eh bien princillon, on supporte mal la gelée matinale ? Vous devriez peut-être aller creuser un peu avec nos hôtes, cela vous réchaufferait !

Pour toute réponse, Kaelon se contenta de lui lancer un regard noir. Eyanna soupira. Si même cet ahuri ne répondait plus à ses pics, elle allait franchement trouver le temps long. Au loin, une cloche sonna sept coups. Instantanément, les moines lâchèrent leur bêches et s’aplatir sur le sol gelé, le visage planté dans la terre.

—  Pfff, bougonna son oncle avec mépris. Je ne comprendrai jamais ces culs-bénis et leur dévotion.

Bordur acquiesça lourdement, en parfait accord avec de si sages paroles.  Un Evin radieux, au visage reposé les accueillit avec chaleur à la sortie de la diaconie.

—  Alors mes amis ? Bien dormi ? lança-t-il à la cantonade.

 Ce qui lui valut un coup de pied puéril dans le tibia en guise de réponse.

*

Cette ville était stupéfiante. Kaelon resta un moment sur le parvis de la Fraternité à contempler l’étrange architecture qui s’offrait à lui. Encastrée au fond d’une combe, la cité était enserrée dans un immense étau naturel. Peu large à cause des gigantesques et intimidantes falaises à l’est et à l’ouest, elle s’étalait sur la longueur. Un courant d’air pernicieux s’infiltra sous son gambison et le tétanisa. Il resserra vivement la pèlerine épaisse que lui avait aimablement dégotée l’un de leurs hôtes. Les escarpements bloquaient la lumière du soleil, et il faudrait probablement quelques heures avant que l’astre ne darde la ville de ses rayons bienveillants. Sa position lui offrait un sacré point de vue sur la cité en pente. En contrebas, il pouvait apercevoir la muraille sud, par laquelle ils étaient arrivés la veille. S’ensuivait une longue artère pavée, bordée de commerces, de maisons en pierres blanchies, de lieux de cultes ou encore de tours de gardes : le fameux chemin du Pèlerin. Seule une place ovale coupait cette route qui grimpait jusqu’aux différentes congrégations. Kaelon tourna la tête vers le nord. Au fond, la gigantesque cascade vomissait des quantités d’eau faramineuses dans un vacarme assourdissant. Plus en avant, à une demi-lieue environ, plusieurs édifices s’éparpillaient sur les hauteurs. Le plus surprenant étant un curieux bâtiment, totalement  excentré par rapport aux autres. Située bien au-dessus du sol, l’étrange cathédrale était encastrée dans la falaise ouest, sans accès visible. Elle paraissait avoir était creusée dans la pierre elle-même et dominait la vallée.

—  La congrégation de l’Anathème, le renseigna Evin qui avait surpris son regard dubitatif.

— Pardon ?

Le garçon pointa la bâtisse flottant dans les airs du doigt.

—  La cathédrale. C’est l’Anathème. Inutile de vous y intéresser, ce n’est pas pour vous. Ni pour personne d’ailleurs. C’est le repaire de quelques illuminés n’obéissant qu’à une autorité connue d’eux seuls. 

Ravalant une insulte bien sentie que lui inspirait la suffisance du noblaillon, le prince commenta :

—  Tu parais drôlement bien renseigné sur les us et coutumes des nordistes.

Althaer intervint :

—  Ce vipérin de Justé étend ses  crapuleries jusqu’ici, pas étonnant que son chiard connaisse le coin, il est déjà venu plusieurs fois fricoter avec les culs-bénis.

— Ce sont des allégations  fort graves que vous portez là Ser Estelon ! s’offusqua Evin dans une prestance un rien théâtrale.

— Montre pas les cornes gamin, pas à moi, rétorqua le colosse. Ton pied-plat de père n’a sûrement pas gagné ses éperons sans savonner la planche de quelques drilles. Il a pissé sur la fosse de ses ennemis plus souvent qu’à son tour !

Kaelon ricana sous cape tandis qu’Evin s’empourprait de colère. Qu’il était jouissif de voir le jeune coq prétentieux perdre son sang-froid ! Le comble pour le pauvre garçon fut lorsque Bordur éclata d’un rire tonitruant et le secoua comme un prunier. La seule à ne pas trouver la cocasserie de la situation à son goût fut cette bêcheuse de gamine qui les fusilla tous les trois du regard.

—  Mon oncle, le réprimanda-t-elle. Je vous rappelle que nous devons retrouver frère Bronk à la… Connaissance me semble-t-il, et qu’il serait peut être temps de nous mettre en route plutôt que de tourmenter ce pauvre Evin !

Althaer grommela quelques propos indistincts sur les « punaises de sacristie » qui menaient  les « poules pisser », haussa les épaules, puis s’engagea dans le sillage de sa nièce.

 

La Connaissance était un imposant édifice arrondi. D’une structure en pierres calcaires beiges, il était composé de nombreuses poivrières en encorbellement. Lesquelles se multipliaient aux abords du sommet, surplombé par un toit conique en ardoises brunes. Une multitude de fenêtres à meneau recoupé en croisillons parsemait le contour du bâtiment. L’ensemble parut extrêmement bancal au prince, qui se demanda comment pareille construction pouvait tenir debout. Un géant aux pieds d’argiles, songea-t-il en se remémorant l’histoire de ce colosse qui, malgré une musculature hors-norme, avait dû sa déchéance brutale à des chevilles fort fragiles. Une allée en terre, flanquée de basses courtines, menait à une entrée en forme d’arche. Un homme bien bâti sur le devant les attendait devant, un sourire béat accroché au visage. Frère Bronk avait troqué sa pèlerine de voyage contre une tunique verte à longues manches, recouverte d’un scapulaire marron.

— Mes amis ! s’exclama-t-il en tendant les bras. Quel endroit merveilleux que la cité sainte ! Le Sanctissime Wissen m’a accordé un accès quasi-total à la bibliothèque, et je dois bien vous avouer que j’ai peu dormi cette nuit tant l’excitation de cette connaissance à portée de main m’embrassait !

Juste derrière le moine, un large trou circulaire d’une perche de diamètre crevait le sol.

— Bas les pattes grenouille de bénitier, grinça Althaer en le contournant pour s’approcher du cratère. C’est quoi ça ?

—  Oh, ne vous approchez pas seigneur Estelon, l’endroit est fort dangereux, tombez là-dedans et votre corps ne réapparaîtra pas avant plusieurs jours !

—  T’as de la cire dans les feuilles ? Je t’ai demandé c’que c’était ?

—  La Rurque Seigneur, elle disparaît sous Candala et ne ressort que bien plus en aval. Cette excavation est l’une des richesses de l’ordre de la Connaissance, on peut y contempler le plus tumultueux des fleuves d’Eryon.

Kaelon s’approcha prudemment et jeta un œil au fond de la cavité. Il n’aperçut qu’ombres et ténèbres, mais le bruit du torrent en furie le fit frissonner. Bronk avait raison, tomber là dedans serait fatal à coup sûr. Le courant devait emprunter des passages souterrains tortueux, et un corps y serait indéfiniment  charrié en percutant les parois. Une main sur son épaule le fit sortir de sa torpeur, il sursauta en reculant précipitamment et ne put réprimer un petit cri rauque.  Eyanna l’examinait de ses grands yeux noisette tout en inclinant légèrement la tête.

— Seriez-vous sujet au vertige vaillant prince ? Où est-ce l’idée de boire la tasse qui vous incommode ? Vous tremblez, êtes-vous souffrant ? Je suis persuadée que frère Bronk saura vous dégoter un guérisseur si le besoin s’en fait ressentir, n’ayez crainte. Vous êtes entre de bonnes mains ici.

— Hum ? Absolument, commenta le moine distraitement. La Connaissance bénéficie de la présence d’érudits extrêmement  compétents en médecine.

Bordur s’approcha du jeune homme et lui calla une main  sur le front en prenant un air soucieux.

— Tout va bien, répliqua Kaelon avec humeur. Ca va je te dis, enlève ta grosse pogne de là !

— Vous faites preuve d’une sensibilité d’écorché vif Prince, renchérit cette peste de princesse.

Kaelon lui lança un regard furibond ; même son oncle, si irascible, laissa filer un petit sourire en coin. Ce fut finalement Evin qui le sauva, même si d’un certain côté, c’était plus humiliant encore que tout le reste.

—  Commençons notre visite, frère Bronk, peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce gros bâtiment que l’on aperçoit un peu plus loin ?

— Oh, je suis convaincu que vous savez parfaitement de quoi il s’agit maître Justé.

Le garçon cligna des yeux en signe d’assentiment.

—  Certes, mais je suis certain que cela intéresserait fortement nos amis qui viennent ici pour la première fois.

Le moine acquiesça.

— Il s’agit-là du centre névralgique de Candala, de tout Eryon même oserais-je dire. Puis il précisa en jetant un œil inquiet sur Althaer : Sans manquer de respect à votre frère, Seigneur. Il s’agit-là de l’Obédience. L’une des quatre congrégations ecclésiastiques. Cinq, en comptant l’Anathème.

Eyanna intervint :

— Si je résume bien, la Connaissance regroupe et forme l’ensemble des prêtres qui sont voués à l’érudition. Ils étudient et centralisent les savoirs et les textes saints. Ils approfondissent et étoffent leur culture de l’histoire. La Fraternité, elle, est plutôt portée sur la charité et la prière. D’après ce que j’ai pu observer, ils font vœux de silence, pour se rapprocher davantage du Patriarche j’imagine. La Droiture est, quant à elle, un ordre militaire, conciliant justice et répréhension. Mais alors, quels sont les rôles de l’Obédience et de l’Anathème dans tout ça ?

Petite bêcheuse arrogante, songea l’estrien avec aigreur.Tu as appris tout ça à l’abri dans ton petit palais doré. Si Hélane était là, elle t’aurait déjà fait ravaler ta morgue depuis bien longtemps.

Au souvenir de sa carapace, il sentit son cœur se serrer. Elle lui manquait. Bien plus cruellement que ce à quoi il s’était attendu. C’était comme s’il était amputé d’un membre. Le religieux, lui, détailla la jeune femme avec attention.

—  C’est cela même Princesse, vous avez un sens de l’observation aigu. Malheureusement, je ne pourrai vous dire que peu de chose sur l’Anathème pour la simple et bonne raison que je n’en sais pas beaucoup.  Si ce n’est que leur gestion n’entre pas sous l’autorité du Sanctissime Primat. Ce qui m’amène à l’Obédience. C’est l’ordre suprême, celui  qui guide les trois autres. On retrouve en son sein tous les futurs officiants d’Eryon. Ils prêchent la bonne parole à travers le monde. On les retrouve à la tête des différentes paroisses. Notre archiprêtre Ulfan –béni soit-il– a lui-même fait ses classes ici avant de prendre ses fonctions à Elhyst.

—  Des frocards aux dents longues en somme…, commenta Althaer.

Bronk eut l’intelligence de ne pas relever l’attaque, et proposa à ses compagnons de quitter les hauteurs pour redescendre vers la ville.

— Nous pourrons ainsi admirer le siège de la confrérie de la Droiture, seule congrégation à s’être implantée dans les quartiers bas.

 

Descendre la longue artère s’avéra bien moins fastidieux que la montée de la veille. Malgré tout, le pavé était irrégulier et Kaelon prit garde, sur les bons conseils de Bronk, à ne pas trébucher sur l’empierrage grossier. Le moine leur avait conté la mésaventure d’un vieil érudit de la Connaissance qui n’avait su éviter une dalle mal encastrée, et avait dévalé l’accotement jusqu’à la ville pour finir sa course la tête la première dans une forge en activité. A ses côtés, la jeune princesse sautillait avec assurance, sans se poser autant de questions que lui. Ils croisèrent bon nombre de pèlerins. Bronk leur expliqua que le voyage vers Candala était très prisé, et que des gens de tous horizons se pressaient pour fouler le saint parvis de l’Obédience, et avoir une chance d’apercevoir le Sanctissime Primat Leistung. A l’approche du cœur de la cité, les habitations, jusqu’alors plutôt rares, se concentraient de plus en plus.

— Je suis surprise par le bon état des maisons et de l’architecture en général, s’étonna Eyanna. Je me serais attendue à davantage de… misère.

— Candala est une ville prospère, acquiesça frère Bronk. Les ordres veillent à la bonne santé de leurs concitoyens. Il est important pour l’essor d’une cité que ses habitants vivent en bonne harmonie.

—  C’est surtout parce que vous n’avez pas  visité les quartiers pauvres, répliqua Evin.

La princesse prit un air surpris.

— Les quartiers pauvres ? Pourtant, nous avons traversé toute la ville, je n’ai rien vu qui s’apparente à la pauvreté et au malheur qui règnent dans le Cloaque.

—  Ici, les secteurs les plus défavorisés se situent sur les périphéries, à l’est et à l’ouest. A l’ombre des falaises. Celles-ci sont si hautes qu’on n’en distingue pas le sommet. Mais elles sont farcies de séracs instables, et il n’est pas rare qu’un bloc de glace où de pierre ne s’en détache. Et où pensez-vous qu’il termine sa course ? Sur la plèbe. Dans leur grande miséricorde, les éminences ont concentré les pieds-plats sur les extrémités.

—  C’est horrible ! s’épouvanta la princesse.

—  Ce n’est pas très différent du fonctionnement d’Elhyst, remarqua Kaelon. Chez vous aussi les plus démunis sont les premiers à souffrir du chancre. Vous êtes tous bien à l’abri dans votre douillet petit cocon pendant que les vôtres crèvent de faim et de froid, parqués dans la ville basse.

—  Parce que c’est différent à Kler Bétöm ? siffla la jeune femme en roulant des yeux. Votre mode de vie idéal a banni la maladie et le malheur de votre quotidien ? Vous n’avez pas de miséreux, d’éclopés, de gamins rachitiques faisant les poches des badauds, de pauvres adolescentes se prostituant pour nourrir leurs mouflets issus eux-mêmes d’un viol infâme ? Vos gens mangent à leur faim, dorment au chaud et louent l’indulgence de leur souverain à leurs moments perdus ? Vous avez vraiment réglé tous ces petits problèmes à la Fière ?!

— Je n’ai pas dit ça… se défendit Kaelon en lançant un regard noir à sa carapace qui se tordait de rire. Nous en sommes même encore loin…

— Oh ! Vous m’en voyez fort surprise !

— Mais au moins notre patrie laisse-t-elle une chance aux hommes d’influer sur leur avenir. Chacun peut décider de sa propre vie et construire sa voie. Même le gamin de la plus obscure des canailles peut s’élever et devenir quelqu’un de respecté, à conditions de s’en donner les moyens. On ne peut sûrement pas en dire autant des Elhystiens. Un moutard né dans le Cloaque mourra loqueteux, quoi qu’il entreprenne.

Eyanna hocha lentement la tête, les lèvres pincées.

— Et les femmes ? lâcha-t-elle. Qu’en est-il des femmes ?

—  Le système n’est pas parfait, je vous l’accorde, mais…

— Parfait ! le coupa-t-elle sèchement. Puisque nous sommes enfin d’accord sur le fait que j’ai raison et que vous ayez tort, pourquoi continuer à palabrer ? Allons donc rejoindre les autres et poursuivons notre visite !

Elle tourna les talons, plantant là un prince estomaqué et un Bordur hilare.

— Mais foutre de sottard à la caboche aérée ! Pourquoi rigoles-tu de la sorte ? s’énerva Kaelon .

S’essuyant une larme imaginaire à la base de son œil vide, le colosse déclara :

— Je l’aime bien.

Kaelon hoqueta de surprise.

— Tu quoi ? Cette… petite dévergondée hautaine et présomptueuse ? Tu l’aime bien ?

 — Oui, et je pense que toi aussi.

—  Sûrement pas ! se défendit Kaelon en se raidissant. Enfin quoi ? Elle représente tout ce qu’on abhorre ! Elle est la fille du tyran qui oppresse notre peuple depuis des décennies !

— Et pour lequel tu as accepté séance tenante de partir arpenter le Nord.

J’oublie parfois que tu as un cerveau si affuté tellement tu restes à l’écart de toutes discussions sérieuses, médita le prince avant de reprendre :

— J’ai mes raisons. Mais en ce qui concerne cette… pimbêche ? Sérieusement ?

— Elle me rappelle Hélane, confessa le géant. Une pointe de nostalgie dans la voix.

Kaelon s’étrangla.

— Sûrement pas… Elles n’ont vraiment rien en commun. Le froid a dû te refroidir la cervelle en entrant par ton… trou.

— C’est la première personne que je rencontre, après ma douce petite Veloj, qui soit capable de te tenir tête tout en te faisant sortir de tes gonds.

— Tu m’agaces Bordur ! Considère-toi en ce cas comme la troisième personne à y parvenir !

              

Ils débouchèrent bientôt sur la place ovale qui tronçonnait le chemin du pèlerin.  De grands arbres effeuillés dominaient le lieu. Très droits, ils pointaient résolument vers le ciel. Quelques branches avaient poussé en hauteur, et très curieusement, elles s’entortillaient harmonieusement autour des troncs, sans laisser le moindre interstice entre elles. Mais le plus stupéfiant se situait plus bas. Les arbres émergeaient  directement du sommet de plusieurs tourelles aux toits pentus, ceinturées par une épaisse muraille blanchie. Kaleon resta sans voix devant cette forêt de bois, de pierres et de mortier. Comment avait-il pu louper ça la veille ? Au point culminant d’une tour plus massive que les autres, le prince distingua des formes en mouvement. Un astucieux système de poulies avait été fixé sur la hauteur d’un tronc, et un lourd chargement de larges ardoises ballotait dangereusement au dessus de leurs têtes. Des gamins voletaient habilement entre le toit et la cargaison de schistes.  Plissant les yeux, il remarqua les cordes liées aux troncs, assurant les gosses par la taille. Ceux-ci s’élançaient avec adresse et élégance dans les airs, afin de placer les ardoises sur le toit. Puis, une fois en position, ils s’agrippaient aux poutres à l’aide des jambes, et entreprenaient de les fixer avec des pointes et une masse. La simple vue de ces acrobates lui donna la nausée. Foutu vertige. L’ascension de la muraille de Kler Bétöm était déjà un véritable supplice pour lui. Alors ça…

Le moine s’approcha de lui.

—  Ces arbres sont des Laryx Eradias, plus communément appelés « raidasse », de part leur aspect raide et unidirectionnel. Des résineux atypiques si l’on considère leur absence totale d’aiguille et la disposition fusionnelle des branches entre-elles. L’arbre fétiche de la Droiture. A tel point qu’elle a établi ses quartiers directement autour des troncs. Le résultat est plutôt… surprenant.

— Et ces gamins ?

Le religieux leva les yeux vers les mômes évoluant quelques toises plus haut.

—  Le vent peut atteindre une vitesse inouïe lorsqu’il s’engage dans la combe, et Candala est alors balayée par des bourrasques à décorner les bœufs. Il n’est pas rare d’avoir beaucoup de dégâts à déplorer après l’hiver.  Cette fois, c’est le toit de la Droiture qui semble avoir fait les frais du caprice  des éléments. Heureusement, comme je l’expliquais tantôt, nos jeunes sont là pour apprendre et servir la cité sainte.

— Tu en connais beaucoup sur ce trou pour un simple cureton de province, intervint un Althaer à la mine maussade.

—  De nombreux pèlerinages en terre sainte, rien de plus Seigneur Estelon.

— Et cette affluence sur le parvis ? s’enquit Eyanna. C’est normal ? Que regardent-ils tous ?

Une foule dense se pressait sur la place ovale, mêlant pérégrins, lavandières, commerçants et gardiens de la Foi. Tous avaient les yeux rivés sur un échafaud. Un homme au buste dénudé y était attaché, les bras en croix. Une file de gamins défilait devant lui. Quelques insultes fusèrent et des pierres jaillirent de l’attroupement.

— Pas vraiment…, commenta le moine dans un souffle. Probablement une rédemption…

—  De quoi s’agit-il ?

—  Cet homme a dû commettre un crime horrible. Pendant huit jours, tous les enfants de la cité vont se succéder pour lui infliger une petite entaille dans la chair. Puis ils lui glisseront une pincée de sel au fond du gosier. C’est le supplice du corps et de l’esprit. A la fin, le pauvre ne sera plus qu’une plaie béante et suppurante. Totalement desséché. S’il survit jusque là –ce que je ne lui souhaite pas–, il sera plongé dans un baquet de sel scellé et abandonné dans l’une des grottes du Patriarche.

—  C’est monstrueux !

—  Cet homme s’est probablement rendu coupable d’un forfait encore plus atroce princesse.

— Regardez, les coupa Evin. N’est-ce pas le vénérable Huvin là-haut, que l’on aperçoit au balcon ?

Un homme à la tenue droite, arborant les couleurs de son ordre, bleu et doré, leva les bras pour obtenir le silence.

—  C’est bien lui, opina frère Bronk. Le bras droit du Sanctissime Gerech. Il va prendre la parole.

Aussitôt, le calme s’installa dans la foule, chacun étant suspendu aux lèvres du religieux.

—  Mes enfants, pontifia-t-il. C’est le cœur saignant que j’exerce aujourd’hui la justice de Jaénir.  Le pardon passe par la rédemption, et la rédemption, par l’expiation. C’est donc l’esprit empreint de miséricorde que j’applique à ce pécheur le châtiment divin. Je l’exhorte par la présente à la repentance.

— Je me repens !! hurla le persécuté. Par Jaénir, je me repens !!!

— J’entends mon fils, et le pardon te sera accordé contre acte sincère de contrition et non par tes supplications !

Le vénérable marqua un temps d’arrêt afin de laisser ses paroles  imprégner ses ouailles. Des murmures d’approbations s’élevèrent de la foule. Les enfants n’avaient pas cessé leur sinistre rituel, et le condamné se trouvait déjà recouvert de scarifications. A chaque fois qu’il refusait d’ouvrir la bouche, un soldat lui pinçait froidement le nez, et il finissait immanquablement par avaler sa dose de sel. Le fidèle s’éclaircit la gorge et enchaîna :

— Nul crime ne peut rester impuni au sein de notre sainte cité. Le maître de l’homme que voici a abusé de notre hospitalité, et a vilement dérobé un livre d’une valeur inestimable ! Le scélérat a pu prendre la fuite, mais nos soldats de la foi ont intercepté son laquais ! Soyez assurés que l’initiateur de ce forfait sera châtié, dussions-nous  pourchasser ce noble notoire d’Elhyst jusque dans sa demeure !

— C’est ce que vous qualifiez de crime atroce frère Bronk ? Un vulgaire chapardage ? se récria Eyanna.

— Oui… C’est sûrement pour ça que les étages supérieurs m’étaient interdits d’accès à la Connaissance… Je me demande bien quelle œuvre a était subtilisée.

— Et moi j’aimerais savoir de quel noble il cause ! grogna Althaer. Qui aurait pu être aussi fou et stupide pour venir larronner un vieux bouquin au nez et à la barbe des culs-bénis ?

Un craquement aussi fracassant qu’inattendu  interrompit brusquement la prestation éloquente du vénérable Huvin dans l’exercice de ses fonctions. Kaelon leva les yeux vers le beffroi de la Droiture et se figea. Une des quatre cordes arrimant une nacelle au-dessus du toit venait de céder, et une lourde ardoise avait basculée dans le vide. L’énorme plaque avait percuté un arbalétrier en orme, arrachant par la même occasion quantité de chevrons. Le schiste resta un court instant en équilibre sur le coin du toit, avant de reprendre sa course endiablée. Il emporta ave lui une bonne partie des imposants échafaudages qui épousaient les murs jusqu’au sommet. Il s’écrasa au sol dans un vacarme assourdissant en soulevant un véritable nuage de poussière. Le prince se protégea le visage et se plaqua la manche de sa pèlerine sur la bouche. Eyanna fut prise d’une quinte de toux sèche, et cracha à deux reprises.

— Sainte Matriarche… articula-t-elle des larmes dans la voix. Qu’est ce qu’il se passe ? Qu’est-ce que…

Elle se tétanisa soudainement et pointa le doigt vers la nacelle. Kaelon chercha du regard ce que la jeune femme pouvait bien avoir vu.

Et il l’aperçut.

Là-haut, suspendu par une corde, un jeune garçon pendouillait dans le vide, les bras et les jambes écartés. Sur le toit au moment de l’incident, le gamin avait dû être propulsé par la violence du choc, et sa corde –son assurance vie– s’était coincée sous un pan de la toiture. Au dessus de lui, une deuxième attache de la nacelle menaçait sérieusement de lâcher à son tour. Des cris d’effrois éclatèrent parmi la foule. Le vénérable Huvin, ne pouvant apercevoir la scène de sa position, tentait infructueusement de calmer le peuple, mais l’attention de ce dernier était résolument diriger vers le drame se jouant quelques dizaines de toises plus haut. Le corps ballant et inerte, le gamin était vraisemblablement dans les vapes.

— Il faut faire quelque chose ! piailla Eyanna. Ce pauvre gamin ! On ne peut pas le laisser là haut !

Son oncle s’approcha d’elle et la serra contre lui.

— On ne peut rien faire ma nièce…

Celle-ci se dégagea sèchement et attrapa Kaelon par le bras.

— Allez-y vous ! Vous êtes un grand guerrier non ? Vous ne cessez de le répéter depuis notre rencontre, un brave parmi les braves ! C’est l’occasion de me prouver que j’avais tort ! Sauvez-le bon sang !

Mais le pauvre prince demeura tétanisé, ébranlé par sa phobie des hauteurs. Les yeux dans le vide, il était tout simplement incapable du moindre mouvement. Eyanna l’attrapa par le collet et le secoua avec virulence.

— Vous m’écoutez ! Qu’est ce que vous attendez ? Que ce pauvre mioche se fasse écrabouiller ? Allez, satané estrien ! Bougez-vous ! Jouez votre rôle de protecteur !

Voyant qu’elle n’obtiendrait rien de lui, elle s’en prit à sa carapace.

— Et vous ? Vous ne faites rien ? Vous allez vraiment rester planté là comme une mule ?

Ce dernier énonça calmement :

— J’ai l’os trop lourd.

—L’os trop… Oh ! Félicitations ! le railla-t-elle. Une fine équipe de héros !

Frère Bronk balbutia soudain :

— Regardez… Mais que fait-il ?

Eyanna se tourna vers le bâtiment. Evin avait entreprit d’escalader les restes branlants de l’échafaudage. Doté d’une adresse surprenante, il se hissait d’une poutre à l’autre à une vitesse stupéfiante. En quelques secondes, le fils Justé avait déjà gravi plusieurs toises, mais le chemin à parcourir restait néanmoins colossal, et c’est une véritable course contre la montre qui s’engageait. Kaleon, la bouche ouverte et l’œil hagard, était, bien malgré lui, subjugué par la grâce quasi féline de son compagnon. S’aidant parfois des aspérités de la pierre murale, Evin trouvait toujours une prise sur laquelle s’appuyer. Il aborda un passage particulièrement complexe à mi-chemin, là où la chute de l’ardoise avait causé le plus de dégâts. A partir de là, la structure en bois était plus que bancale, et il dût redoubler d’adresse tout en maintenant une vigilance accrue. Ne trouvant plus de prise, il prit un risque calculé en s’étendant au maximum afin d’atteindre un tasseau. Son pied ripa, et il se retrouva l’espace d’un instant en équilibre au-dessus du vide. Eyanna étouffa un cri. Ses doigts se refermèrent sur la surface boisée au moment où ses pieds la quittaient. Il resta ainsi suspendu  de longues secondes qui parurent une éternité. Hisse-toi bon sang ! Reprend-toi ! l’encouragea mentalement Kaelon. Puis lentement, Evin s’éleva à la seule force de ses bras et s’allongea un instant sur la planche pour reprendre sa respiration. Dans la foule, une femme poussa un hurlement, rapidement relayé par d’autres personnes. La nacelle avait adopté une inclinaison critique, et une nouvelle plaque ardoisée glissa lentement. Interpellé par le braillement alarmant de la foule, Evin leva la tête et prit la mesure de l’urgence. Il se releva et accéléra son ascension. Faisant désormais fi de toute prudence, il manqua de choir plus d’une fois, se rattrapant toujours in-extremis. Proche du sommet, il s’agrippa à une  plinthe branlante, qui fut précipitée dans les abîmes. Celle-ci s’abattit lourdement sur un gardien de la Foi qui tournait le dos à l’édifice pour contenir l’attroupement grandissant.  Le pauvre homme s’affaissa instantanément, le crâne salement  entaillé. En haut, Evin entamait à présent une phase délicate. Le passage sur le toit. Hésitant à peine une fraction de seconde, il s’élança les bras en avant, et se réceptionna à plat ventre sur la toiture. Ne trouvant pas de prise, il glissa un instant avant que le bout de ses doigts ne rencontre un liteau providentiel.  Le gamin n’était à présent qu’à quelques coudées. Il rampa douloureusement vers lui, s’écorchant les bras et les jambes, puis tendit la main pour se saisir de la corde. S’arrimant solidement à la charpente, il tira lentement dessus. L’espace qui le séparait de l’enfant diminua petit à petit. Finalement, il le saisit par la taille, et le ramena sur une petite corniche. Cette dernière action fut accueillie par une véritable ovation de la part de la foule. Kaelon souffla de soulagement, puis se tourna vers la princesse, mais la lueur qu’il décela dans son regard le dissuada de tout commentaire. Il avait merdé sur ce coup là, il le savait mais… par le manchot, il n’était pas taillé pour crapahuter le long des parois comme une fourmi ! Sans compter ce foutu vertige qui le paralysait sitôt passé quelques toises de haut. Un applaudissement le fit sursauter. Il se retrouva nez à nez avec le vénérable Huvin qui avait daigné descendre de sa tour pour venir partager l’allégresse prolétaire.

— Fantastique, commenta le religieux. Votre compagnon a fait preuve de beaucoup de bravoure, et son acte m’a plongé dans une transe… extatique.

Puis, observant le corps sans vie du soldat baignant dans une mare de sang, il ajouta :

— Même si je ne suis pas convaincu que la vie du marmot méritait le sacrifice d’un vaillant gardien de la Foi. 

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Edouard PArle
Posté le 25/03/2022
Coucou !
Je t'avoue que le début de chapitre m'a paru vraiment très lourd en terme d'exposition sur le fonctionnement de ta religion. Les informations sont intéressantes mais il y en a vraiment beaucoup à la fois. Je les trouve pas toujours hyper bien amenées, même si je suis bien conscient que c'est difficile. Un truc que j'ai mis en place il y a pas longtemps perso, c'est les citations en début de chapitre. Ca pourrait être intéressant pour ton récit vu que ton univers est hyper riche. Ca permet d'apporter des infos sans alourdir le récit.
La deuxième partie était très bonne. Je trouve que c'est bien que ce soit Evin qui s'illustre et non Kaelon. Ca permet de nuancer un peu l'image plutôt négative que j'avais de lui jusqu'ici.
Mes remarques :
"et avait décréter" -> décrété
"que peu de chose" -> choses
"était résolument diriger" -> dirigée
"Evin avait entreprit" sans -t
Un plaisir,
A bientôt !
Sylvain
Posté le 25/03/2022
Hello!
C'est vrai que la présentation des ordres est assez indigeste. J'avais déjà pensé à me servir des citations en début de chapitre, mais étrangement, je n'y avais pas songé pour la religion. c'est vraiment une bonne idée, je travaillerai là-dessus lors de la relecture.
Merci de ton retour !
Sebours
Posté le 17/03/2022
J'ai du mal à comprendre comment une princesse peut à ce point tout ignorer de la religion de son royaume. Il faudrait trouver une justification. (Ex: C'est le rôle de la mère de faire le catéchisme mais comme la reine a perdu la raison...)
Il y a comme une différence de niveau de savoir de la princesse entre le début et la fin du chapitre. C'est flou. Je comprends que tu dévoile la structure de ton clergé au fur et à mesure mais tu ne dois pas changer le niveau de connaissance de tes protagonistes en fonction de tes passages s'ils n'ont rien appris de plus.

"Ce qui lui valut un coup de pied puéril dans le tibia en guise de réponse." Qui donne le coup de pied?
Sylvain
Posté le 17/03/2022
Il ne faut oublier qu'Eyanna n'est jamais sortie de la capitale, et qu'en tant que dernière de sa fratrie, personne ne lui a jamais trop mis la pression. De plus, elle n'a jamais suivi avec sérieux les cours que pouvaient lui dispenser sa gouvernante. Je reverrai quand même ce déséquilibrage entre le début du chapitre et la fin.
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