… « Nathan » « présent », « Azekielle » « présente », « Lara » « présente », « Stella » « … »
« Stella ! Vous m’entendez? »… mon professeur vint se positionner devant moi, je levais les yeux vers lui sans comprendre ce qu’il me voulait. « Stella? Vous allez bien? » « c’est Peau de Dragon, monsieur »… « pardon? ». Tout autour les rires raisonnaient dans un brouhaha informe.
« Ce n’est plus Stella…c’est Peau de dragon, Stella est morte ». Il est devenu tout blanc, et d’une voix tout aussi blanche. « Lara, vous surveillez la classe le temps que j’amène Stella à l’infirmerie ».
Résultat de la journée : 2 semaines de repos supplémentaire à la maison et un changement de psy…maman m’oblige à prendre un nouveau traitement tous les jours. Je me sens aussi lourde qu’un dragon qu’on empêche de voler. C’était peut-être pas une bonne idée de se la ramener comme ça en classe. Le silence du dragon est d’or, il faudrait que je m’en souvienne.
Lena vient me voir tous les jours après les cours. C’est vraiment une amie en or. Je n’ose pas lui demander si elle sort avec Youcef.
« Tu sais, les choses ont changé, je ne t’en voudrais pas de sortir avec Youcef… ». Elle me regarda interdite « pardon? » « Youcef? Non, non, ça va pas! Je ne te ferais jamais ça ! ». Je n’osais pas lui dire que je n’étais pas aussi élégante, moi je l’aurais fait si j’en avais eu l’occasion…
Ma mère m’a inscrite à un cours de danse. Le psy pense qu’il serait bien que je crée un nouveau rapport à mon image…autre que reptilien… « c’est un cours un peu spécial…pour les gens, comme toi, qui ont subit un gros traumatisme corporel »…Effectivement, en entrant dans la salle, je vois 2 personnes en fauteuil roulant, une autre prostrée sur le banc les yeux dans le vide… « Bonjour, tu es Stella c’est ça? » La prof est magnifique. Je pense que je n’ai jamais vu une femme aussi belle.
« Bonjour à toutes, bienvenue dans notre cours de danse. Ici, vous avez un espace d’expression illimité…enfin, je m’entend, votre seule limite : c’est vous ! »
Je regardais du coin de l’œil les autres jeunes filles, à part une grande blonde dont je n’arrive pas trop à identifier le problème, nous sommes toutes un peu perplexes.
« Nous allons préparer ensemble le Lac des Cygnes. Vous connaissez le célèbre balais de Tchaïkovski ?». Elle balaya notre assemblée de son regard bienveillant. Une fois encore à part la grande blonde qui gigotait en levant la main, nous restions toutes interrogatives. La professeur avança la main vers notre petit génie du jour avec une grâce infinie.
« Comment t’appelles-tu ? » « Beu khe iiiiccce »
Une voix agacée s’éleva du banc. « C’est Berenice, vous vous souvenez. L’AVC… » « Oui, bonjour Berenice, bravo pour ton courage. Ce n’est pas facile d’oser s’exprimer ainsi devant tant de monde quand on ne connaît personne ». Elle posa un regard froid sur la maman de Berenice.
« Je m’appelle Sam. Je serais votre professeur de danse sur les prochains mois » « Qui a déjà fait de la danse parmi vous toutes? ». Berenice leva bien haut la main en gigotant toujours autant. Quelques jeunes filles levèrent également la main plus sobrement, dont 2 qui étaient en fauteuil. « Et toi? » demanda Sam en s’approchant de moi. Je me retournais pour regarder qui était l’heureuse élue mais il n’y avait personne…à part moi. Je me redressais un peu instinctivement, et je secouais un non de la tête. Elle glissa la main sous mon menton et observa mon visage sous différents angles « Tu seras mon cygne blanc ». Berenice émit un grognement de désapprobation. Sincèrement, je ne sais pas ce que ça veut dire et surtout je ne sais pas danser. Ne t’inquiète pas Berenice, quand elle aura vu mon sens du rythme, Sam révisera sa position, cela ne fait aucun doute. C’est une chose d’avoir une peau de dragon dans sa troupe, c’en est une autre de lui mettre un tutu et de la déguiser en princesse !
Le soir même je lu le script du balais, le cygne blanc, c’est le 1er rôle ! Il n’est pas question que je joue ça ! Maman me dit que je vais très bien m’en sortir et qu’elle est fière de moi. Impossible, juste impossible ! Et puis, pourquoi choisir cette histoire en particulier pour notre spectacle. Je n’ai jamais rien lu d’aussi triste, cet idiot de Siegfried qui se fait avoir comme un bleu en confondant Odette et Odile, provoquant ainsi le désespoir de la femme qu’il aime. Et cette fille, Odette condamnée à mourir de chagrin après avoir goûté à un bonheur pour lequel elle n’avait rien demandé ! Il ne fallait pas lui laisser en humer le parfum, il ne fallait pas lui en donner la saveur ! Je trouve ça cruel. Nos vies à toutes ne sont elles pas déjà assez compliquées? Doit-on vraiment s’imposer du drame supplémentaire avec cette histoire? À la limite, je veux bien être le sorcier. Avec ma tête de dragon, je serais bien plus crédible !
Les entraînements avaient lieu une fois par semaine. Maman m’accompagnait et restait assise sur le banc à discuter avec les quelques mères qui, inquiètes, préféraient également rester à côté.
Nous démarrions toujours par quelques échauffement avant de travailler un duo de gestes pas et bras, ceci afin que chacune puisse progresser au sol ou dans les airs selon ses capacités. Djenny et Laura étaient toujours très gracieuses malgré leur fauteuil. Elles occupaient littéralement l’espace. Bérénice, c’était l’énergie déployée. Elle bougeait avec un enthousiasme fou qui n’en était pas moins esthétique. Il y avait quelques filles pour lesquelles c’était très dur, Sam essayait de les accompagner au mieux. Pour ma part, je jouais le jeu autant que possible. Mon seul objectif étant de décrocher un sourire de maman. Mais je n’arrivais à me redresser et à regarder autre chose que le sol. Sam s’approcha de moi. « Stella, vient là ma grande » « tu as déjà dansé une valse ou un tango ». Je lui fis non de la tête.
Elle indiqua à son assistante de changer de morceaux. « Tu mets tes mains là et là…et tu te laisses faire ». Je mis ma main gauche dans la sienne puis mon bras sur son épaule. Elle se redressa m’entraînant aussitôt sur les pointes des pieds, dans un équilibre plus que précaire, puis elle engagea le mouvement. Nous tournions dans de grands mouvements autour de la piste. Elle me tirait tellement que j’avais l’impression que j’allais tomber à chaque seconde. Ça allait trop vite. Je commençais à avoir le tourni et je finis par m’écrouler sur le sol.
« Vous voyez toutes ! On ne peux pas danser si on ne vise pas les étoiles ! D'accord ? L’équilibre est vers le ciel, pas vers le sol. Il est vers l’extérieur, pas le dedans ».
Elle revint vers moi et me tendit la main pour m’aider à me relever. « Stella, vise le ciel et utilise tes yeux pour des choses qui en valent la peine »
Et ça me donne envie de me renseigner plus sur "Le lac des signes" : je ne connais pas vraiment l'histoire!