Professeur Abigaël : Le Trident de Poséidon
Chapitre 9
L’avion prêté par l’Agence survolait les côtes de l’île de Santorin. Abby et le Colonel Jones se tenaient à l’ouverture de l’engin, observant la mer qui reflétait la lune.
C’était une belle nuit, éclairée par une lune resplendissante. Abigaël observa le beau visage concentré du Colonel. Elle admira les cheveux bruns voleter au vent, la mèche violette se mélangeant aux autres. Le Colonel mit son casque sous-marin sur la tête et s’aperçut du regard d’Abigaël. Elle lui fit un clin d’œil.
- Met ton casque, ma belle, on va pas tarder à plonger, fit le Colonel.
Abby acquiesça et mit le casque sur la tête. Le Colonel Jones vérifia que son épée était bien maintenue dans son dos et parla dans le casque. Abby enclencha son interface de communication et elle entendit Jones dire au pilote qu’elles étaient prête.
L’avion entama une courbe descendante et une ampoule située au-dessus de l’ouverture s’alluma et illumina leurs vitres de leurs casques d’une lumière verte.
- On y va ! Fit Jones en sautant.
Abigaël sauta à son tour. Les deux femmes tombèrent vers la mer, tranchant l’air comme deux aigles en pleines chutes. Elles traversèrent les nuages.
- Tu m’entends ? Fit la voix de Jones à l’intérieur du masque d’Abby.
- Très bien.
- Suis-moi, je vais me décaler vers la droite.
Jones décala son corps et elle guida sa propre chute. Abby fit de même et les deux femmes tombèrent à toute vitesse vers leurs buts.
- Maintenant ! Dit Jones.
Elle déclencha son parapente et des ailes électroniques se formèrent dans son dos. Abby fit de même et elle sentit sa chute ralentir violemment. Des ailes s’étaient déployés depuis l’intérieur de sa tenue. Elle fut en mesure de contrôler sa chute à merveille.
Les deux femmes tombèrent en faisant des courbes délicates. Abby savoura la sensation de voler, de voir la mer magnifique en cette belle nuit, de sentir la liberté à travers son corps. Puis elle se concentra sur la mission et suivit Jones qui dirigeait son parapente vers un point précis dans la mer.
A environ cinq mètres de la surface de la mer, les ailes se plièrent et rentrèrent dans la tenue. Jones tomba alors en chute libre, plongeant dans l’eau. Abby fit de même et creva la surface. Les deux femmes allumèrent leurs lampes incorporées sur les épaules et se dirigèrent vers le fond de la mer, pas très profond à cette distance de la côte.
Elles n’eurent pas de mal à trouver ce qu’elles cherchaient, tant la luminosité était importante cette nuit. Très vite, elles virent les ruines d’une cité minoenne au fond de la mer. Des poissons se promenaient tranquillement parmi les vestiges, observant avec curiosité ces deux étranges animaux.
Elles s’enfoncèrent dans les ruines d’une ancienne maison rectangulaire, la plus massive d’entre toutes, et disparurent dans un trou sombre. Elles évoluèrent à l’intérieur d’un long couloir pendant une dizaine de minutes. Des signes étaient écrits sur les murs. Abigaël reconnut le langage qu’elle avait vu dans la cité engloutie de Kumari Kandam.
Le couloir s’enfonçait puis il remonta. Les deux femmes nagèrent vers le haut et elles sortirent enfin du tunnel. Elles se retrouvèrent ainsi au fond de ce qui semblait être un petit lac.
- Fais-attention, résonna la voix du colonel Jones dans le casque d’Abby.
Elle désigna de la main des jets de lumière qui bougeaient parmi les reflets de la surface. Sûrement Drake, se dit Abigaël.
Elles montèrent donc à la surface discrètement. Abigaël repéra un gros bloc de pierre à moitié émergé et fit signe à Jones de se cacher dans son ombre. Elles purent ainsi sortir de l’eau sans se faire voir. Les deux agentes découvrirent une immense salle souterraine. Abby crut reconnaître l’étrange ambiance qu’elle avait ressenti dans la grotte d’Atlas. L’architecture était unique, incomparable à ce qu’elles avaient connue jusqu’ici. D’immenses tours sortaient de la terre et plongeaient dans le plafond, parfaitement alignées, mais elles semblaient toutes venir d’une seule et même roche et non pas de plusieurs morceaux assemblées comme les colonnes grecques. Toute l’architecture semblait avoir été construite avec un matériau noir comme la nuit. La caverne semblait avoir été désertée depuis longtemps parce que certaines des colonnes gigantesques étaient tombées et des morceaux du matériau mystérieux jonchaient le sol.
Les tours formaient une allée qui menait à une pyramide à étage, située au fond de la grande caverne. Un escalier creusé à même la pyramide menait au sommet, à l’image de la Pyramide du Soleil située au Mexique. Sur le plateau situé au sommet de la pyramide, il y avait un carré qui lévitait. Une lumière bleutée provenait du plateau et éclairait le carré qui tournait lentement sur lui-même. Le carré était constitué d’une matière translucide . De fait, la lumière le franchissait, ce qui permit à Abigaël et Jones de voir la silhouette d’un trident à l’intérieur du carré.
Elles virent aussi des hommes qui agitaient leurs lampes. Ils gravissaient les escaliers de la pyramide en direction du carré flottant dans l’air.
Le Colonel Jones empoigna son épée dans le dos et la sortit de son étui. Son épée, Durendal, était une arme légendaire et possédait des caractéristiques surnaturelles. Elles donnaient des aptitudes exceptionnelles à celui ou celle qui savait la maîtriser et elle possédait en elle suffisamment d’énergie mystérieuse pour raser un immeuble. A condition de savoir s’en servir. Et Jones savait extrêmement bien s’en servir.
Abby se sentit plus en sécurité quand elle vit la fameuse épée, ce qui ne l’empêcha pas de sortir de leurs étuis imperméables deux Desert Eagle Muzzle Brake, des énormes pistolets semi-automatiques que les chasseurs utilisent pour le gros gibier.
Elles se faufilèrent discrètement et en vitesse jusqu’au bas de la pyramide. Elle n’était pas aussi grande que celles d’Égypte mais elle devait bien mesurer plus de cinq mètres de haut. Dix hommes en combinaison noire armés de fusils automatiques ainsi que Drake se tenaient au sommet, observant le carré flotter absurdement dans l’air et discutant.
- C’est bien ça, le Trident ? Demanda Rajan, d’une voix calme, comme si c’était normal d’avoir un carré lévitant en face de soi.
- Je crois… C’est la première fois que je vois ce genre de chose… Comment cette structure peut-elle léviter ?
- On s’en fout. Le but est d’extraire le Trident de ce truc. Toi, dit Rajan en désignant un homme qui les accompagnait. Tu as la pioche qu’on a pris au cas où ?
- Euh… ouaip, je crois, répondit l’homme en cherchant dans son sac à dos.
Il dégaina une pioche. Jones et Abby observaient la scène.
- Essaye de creuser dans le carré translucide, tu veux ?
- Je suis pas chaud, patron, fit l’homme. On est pas assuré contre les merdes surnaturelles comme ça.
- Fais chier ! Jura Rajan en prenant la pioche des mains de l’homme.
Il essaya de planter la pioche dans la roche. Aucun effet. Même pas une égratinure. Par contre, le carré lévitant recula sous l’effet de l’impact. Drake eut une expression de surprise. Abby regardait la scène avec intérêt, se posant des questions sur la nature de cette roche et sur comment elle allait pouvoir torturer Drake. Jones réfléchissait à un plan d’attaque quand un mouvement au coin de son œil attira son attention. Elle se retourna mais elle ne vit rien de suspect parmi les ombres de la cavité.
- Il faut se dépêcher de récupérer le Trident et se tirer de là, murmura Jones à Abby. J’ai un mauvais pressentiment. Écoute Abby, j’ai un plan d’attaque.
En haut de la pyramide, Drake s’avançait vers le carré et lui donna une légère impulsion. L’étrange structure recula légèrement.
- Je ne pige pas du tout la technologie derrière ce mystère, mais on a peut-être un moyen de tirer le Trident hors d’ici.
- Tu veux dire, ramener le carré flottant avec le Trident dans notre laboratoire et procéder à l’extraction là-bas ?
- C’est ça, regarde, sa lévitation permet de le déplacer facilement. On a qu’à l’attacher avec une ficelle et le tirer hors de cette caverne.
- Ça me va, répondit Rajan.
- Pas moi, rajouta Abby.
Tous les hommes se retournèrent vers elle, surpris. Se tenant sur un côté de la pyramide, elle avait ses deux Desert Eagle dressés au bout de ses bras. Elle fit feu. Les claquements sonores remplirent la cavité. Un homme tomba à terre, touché par plusieurs balles.
- A couvert ! Hurla Rajan.
Les hommes sautèrent de la pyramide et tombèrent dans les escaliers pour se protéger. Elle toucha un autre à la jambe qui s’écroula en-dessous du carré. Son corps fut baigné dans la lumière bleue et commença à léviter lentement. Le sang coulait de sa jambe et formait de grosses bulles rouges.
Rajan s’était déjà mis à couvert et faisait feu. Abby dût se jeter par terre pour se mettre à l’abri. Elle en avait touché que deux, mais le travail était fait : elle avait détourné leur attention.
Le Colonel Jones était en effet monté discrètement de l’autre côté de la pyramide, devinant que les hommes se cacheraient ici. Elle avait donc les dix hommes en face d’elle qui lui tournait le dos. Elle sortit un Mini-Uzi, pistolet mitrailleur, et ouvrit le feu.
Plusieurs tombèrent dans des jets de sang, mais certains bondirent à temps pour se protéger, dont Rajan. Ce-dernier bondit se mettre à couvert et lança deux grenades : une pour Abby et une pour le Colonel. Les deux explosions éclairèrent la cavité comme deux éclairs dans la nuit. Abby et Jones n’eurent pas de mal à éviter les flammes mais elles durent reculer. Entre-temps, les hommes restant s’étaient allongés sur le sommet de la pyramide et s’étaient avancés sur le rebord. A l’abri, ils visaient les deux femmes et faisaient feu. Abby et Jones se cachèrent derrière les blocs de pierre noire.
- Jones ! Cria Abby. Pourquoi tu ne les finis pas avec ton épée ?!
- J’ai peur d’abîmer le Trident !
- Merde ! Jura Abby, tandis que les balles sifflaient autour d’elle. Tant pis ! Tente-le parce qu’on se fait salement canarder !
Le Colonel Jones actionna son arme légendaire. Elle libéra l’énergie de Durendal qui s’éclaira, auréolée d’une lumière multicolore. L’épée était à présent rutilante, brillante et tranchante à souhait. Jones concentra l’énergie au bout de l’épée et elle bondit hors de sa cachette. Elle allait faire un arc-de-cercle avec son arme, ce qui aurait eu comme effet d’envoyer un faisceau d’énergie destructeur vers leurs ennemis, mais une voix forte la stoppa :
- Arrêtez !
Tout le monde se retourna en direction de la voix. Jones stoppa son geste. Trois personnes se tenaient sur un morceau de rocher, habillé dans de grandes toges à capuches qui leur cachaient le visage. Drake, qui s’était mis à l’abri, risqua un coup d’oeil.
- Bordel, c’est qui ceux là ? Dit-il.
Jones sentit encore un mauvais pressentiment l’envahir. Ces trois personnes dégagaient une aura inquiétante et puissante. Elle déplaça Durendal vers eux.
- Qui êtes-vous et que voulez-vous ?! s’exclama-t-elle.
Le plus grand des trois, probablement le chef, baissa sa capuche, révélant un visage ux traits carrés et volontaires, au regard déterminé et coiffé de tresses guerrières. Sa peau était bleue. Abby en eut le souffle coupé.
- Ils ont la peau bleue ! Comme Atlas ! s’exclama-t-elle.
Les deux autres baissèrent leurs capuches et se prononcèrent dans une langue inconnue. Le chef fixa son regard doré dans celui d’Abby, et malgrè la distance, la jeune femme ressentit des frissons. Elle avait rarement vu un regard aussi chargé de rage.
- Tu connais Atlas ? Demanda l’homme d’une voix grave.
- Pas le temps pour ces conneries ! s’exclama Rajan qui pointa son fusil d’assaut vers les trois nouveaux venus. Dites nous ce que vous foutez ici ou on vous fout une balle dans le crâne !
- On vient pour le Trident, répondit l’homme bleu. Vous ne devriez pas être ici. Cet objet nous appartient. Mais merci de nous avoir guidé jusqu’ici, sans vous, nous n’aurions pas retrouvé notre Trident. Maintenant, vous allez tous mourir.
- Comment ça, on va tous mourir ? Fit Jones.
- Vous n’auriez pas dû nous voir, gronda l’homme. On ne peut pas vous laisser repartir maintenant que vous nous avez vu. Allez-y !
Les deux hommes dans son dos s’élancèrent et ils se mirent à courir tellement vite qu’ils paraissaient floues aux yeux de tout le monde. Tout le monde excepté Jones. Ses capacités physiques augmentées par Durendal lui permirent de voir venir les deux ennemis. L’un d’eux courait en direction du sommet de la pyramide et l’autre vers Abby. Pourquoi la laissait-il tranquille ? Elle comprit quand elle vit que leur chef se mettait en mouvement. Dans sa direction.
Elle eut juste le temps de lever Durendal pour parer le coup de poing du chef. Celui-ci évita la lame tranchante juste avant et glissa derrière son dos. Il donna un coup de pied, soulevant une gerbe de poussière tant la vitesse était monstrueuse.
Jones se retourna à temps pour bloquer le coup avec son genoux. Le choc créa un souffle qui souleva la poussière autour d’eux. Quelle puissance! Pensa Jones. Si elle survivait, c’était grâce à Durendal. Qu’en était-il d’Abby ? Elle devait la sauver ! Jones fit tournoyer Durendal en emmagasinant de l’énergie puis elle donna un coup sur l’homme bleu. Ce-dernier fit un pas en arrière et la lame le frôla de peu. Mais ce n’était pas le but de Jones. L’épée toucha le sol avec toute la puissance contenue dans l’arme et le choc provoqua une explosion. L’idée de Jones était de repousser l’assaillant pour pouvoir aller prêter main forte à Abby. Sauf que l’homme fit tournoyer ses bras, comme s’il effectuait un mouvement de yoga en plus rapide, et les flammes dues à l’explosion changèrent de direction et l’évitèrent.
Le Colonel Jones regarda l’homme bleu avec horreur. Les gestes qu’il venait de faire lui rappelaient les arts mystiques, cette science mystérieuse qui s’apparentait à de la magie et dont les meilleurs membres de l’Agence avaient le secret, mais les gestes étaient totalement différents. Et surtout, le niveau de maîtrise de l’homme bleu était bien au-delà de ce qu’elle connaissait. Bordel, mais c’est qui ce mec? Pensa Jones.
Un hurlement féminin la coupa dans ses réflexions. Abigaël. Elle tourna la tête pour voir son amie, par réflexe. L’homme bleu profita de la faille et bondit vers elle. Il lui donna un coup de poing si puissant qu’elle fut éjectée sur plusieurs mètres et tomba à terre. Elle cracha du sang et ressentit une vive douleur dans l’abdomen. Une côte cassée ?
De là où elle s’était fracassée, elle avait une vue imprenable sur la situation. Elle regarda en direction d’Abigaël. Elle ne la voyait pas, mais elle remarqua que l’autre homme bleu cherchait parmi les blocs de rocher. Elle devait donc être vivante. Mais pas pour longtemps. Le Colonel regarda ensuite au sommet de la pyramide et vit que l’assaillant tenait un homme par la gorge. Il lui donna un coup de poing digne des plus grands karatékas et l’homme se retrouva projeté hors de la pyramide. Il vola sur plusieurs mètres et s’effondra quelques mètres plus loin, entre les rochers, en produisant un effroyable son de craquement. Jones tourna finalement le regard vers le chef des hommes bleu qui s’avançait vers elle.
Jones prit une grande inspiration et fit le vide en elle. La tournure des évènements l’avait paniquée. Elle devait reprendre le contrôle de la situation. Elle puisa dans l’énergie fourmillante de Durendal, dans le flot de pouvoir qui circulait dans l’épée. Elle contrôla ce flot d’énergie et l’affûta, afin de mieux le concentrer. Une lueur multicolore émana alors de Durendal et entoura la lame. Cette énergie formait une membrane autour de la lame, puissante et mortelle. Le Colonel était prête. D’un geste vif, elle lança un faisceau d’énergie en direction de l’assaillant d’Abby. Celui-ci, occupé à chercher l’agente, ne vit pas venir l’attaque. Le faisceau trancha net un bloc de pierre noir sur sa route et se fracassa contre l’homme bleu. Celui-ci laissa échapper un cri de douleur et tomba à terre. Jones vit Abby sortir de sa cachette et foncer vers son amie.
Le chef des assaillants tourna la tête en disant un mot qui ressemblait fortement à un juron et il se jeta sur Jones. Celle-ci se mit en position de combat, jambe droite tendue vers l’avant, jambe gauche pliée, l’épée luminescence pointant à l’horizontale.
L’homme bleu tendit la main tout en marchant et toucha un bloc de pierre noire. La matière sur la pierre glissa sur la main de l’homme et forma une protection autour de son poing. Une autre armure fait de la même matière se propagea jusqu’à son autre poing. Puis il bondit sur Jones et donna un coup de poing fulgurant.
Jones bloqua le coup du tranchant de la lame. Au lieu de trancher la main de l’homme, l’armure autour de son poing le protégea. Jones et l’homme s’échangèrent un regard. Puis le combat reprit de plus belle. Les coups partaient à toute vitesse et chaque rencontre produisaient des sons d’impacts se répercutant dans la cavité. Abigaël, qui regardait de loin, avait l’impression de voir deux personnes danser une chorégraphie ultra-violente.
Jones était concentrée, elle anticipait les coups de l’ennemi, elle ne perdait pas de terrain. Il était puissant, rapide et technique, mais elle aussi. Mais surtout, elle observait que l’armure qu’il s’était faite commençait à se fracturer. L’énergie pure autour de la lame faisait son effet.
Elle fit un coup d’estoc et l’homme bleu fit un pas de côté, mais elle avait feinté. Elle se retourna à la vitesse de la lumière et donna un coup circulaire. Elle trancha l’homme au ventre. Le sang gicla. Une blessure superficielle, mais une blessure quand même. Elle ne le laissa pas se reposer et enchaîna les coups d’épée, la faisant filer dans l’air. Elle réussit à couper l’homme une seconde fois, au niveau de l’épaule. Elle dominait à présent le combat. Ce n’était plus qu’une question de temps.
L’homme bleu paraissait moins concentré qu’au départ. Les blessures, bien que superficielles, l’avaient marqué psychologiquement. Il était paniqué et souhaitait en finir au plus vite. Jones attendait qu’il fasse une erreur. Ce qu’il fit à un moment.
Elle le vit s’exposer à outrance tandis qu’il souhaitait porter un coup fatal avec son poing amélioré. Jones influa un regain d’énergie dans sa lame et la lança de toute ses forces vers le poing de l’ennemi. Au moment où les deux s’entrechoquèrent, un craquement résonna dans toute la cavité. L’armure autour du poing s’effondrait, tombant en petits morceaux. L’assaillant les regardait tomber avec stupéfaction. Jones en profita. Elle s’élança en donnant un coup de haut en bas. Elle freina des pieds quelques mètres plus loin et se retourna. L’homme en bleu retenait sa toge qui tombait en lambeaux, révélant un torse musclé et parcouru d’une blessure d’où le sang coulait. Il releva la tête vers Jones, serrant les dents. Jones lui rendit son regard, un sourire flottant sur ses lèvres. Encore une blessure superficielle, mais celle-ci était impressionnante. La prochaine serait mortelle.
Sans quitter le Colonel des yeux, il leva les deux bras en l’air, à l’horizontale, et arqua ses doigts. Il semblait vouloir attraper quelque chose d’invisible de ses deux mains. Puis Jones vit quelque chose qu’elle n’avait jamais vu avant. Les doigts semblaient attraper l’air, laissant derrière eux une trace visible, comme si l’air devenait physique. Mais qu’est-ce qu’il fout ? Se demandait Jones.
L’homme finit par baisser ses bras au niveau de ses hanches, ayant laissé des griffures dans l’air le long de son mouvement. L’air autour de ses mains tremblait, comme s’il l’avait rassemblé autour de ses paumes. Jones ne savait pas ce qu’il faisait, mais cela n’annonçait rien de bon.
Puis le chef des assaillants bondit vers elle, les deux mains en avant, resserrée comme des griffes. Jones leva son épée pour se protéger, ne sachant pas du tout ce qu’elle allait subir.
Une personne s’interposa entre les deux combattants et retint les deux mains de l’homme bleu. Il était grand, habillé d’une grande cape encapuchonnée. Il prononça quelque chose à l’assaillant, d’une voix grave et dans la langue étrange que les hommes bleus utilisaient. Le chef regarda le nouveau venu avec un air stupéfait.
- Atlas, prononça-t-il.
Abigaël courut rejoindre Jones. L’homme qui avait stoppé l’attaque se retourna, sa capuche tomba. Le vieux visage bleu d’Atlas se révéla, l’air grave.
- Il est temps d’arrêter ces folies, dit-il.
Le chef des assaillants se libéra des mains d’Atlas et appela les deux hommes qui l’accompagnaient. Ils passèrent devant Atlas qu’ils regardèrent avec un mélange de haine et de peur. Celui que Jones avait touché marchait en se tenant un bras apparemment amorphe.
Le chef, torse nu et en sang, tremblait de colère. Il fixait son regard sur Atlas. Il prononça des paroles dans leur langage.
- Ce n’est pas le moment, Rassan. Déguerpissez d’ici avant que les choses finissent mal, répondit Atlas avec un ton menaçant.
- Tu préfères parler leur langage, maintenant ? Dit Rassan d’une voix remplie de mépris. Tu es enfin sorti de ta cachette, Atlas. Tu n’aurais pas dû. La chasse va pouvoir commencer.
Rassan se tourna ensuite et repartit avec ses deux hommes. Ils plongèrent dans l’eau et disparurent. Abigaël s’avança vers Atlas tandis que Jones gardait Durendal dressée.
- Merci, Atlas. Tu es venu nous aider ?
Atlas se retourna vers elle.
- Oui, mais je suis également venu leur signifier que j’étais de retour. Cela fait un certain temps qu’ils commencent à s’activer. Il fallait leur rappeler qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent. Et puis, il ne fallait pas qu’ils obtiennent le Trident.
- Qui sont-ils ? Demanda Abby. Viennent-ils du passé comme toi ?
Atlas lui lança un regard et posa sa main sur l’épaule de la jeune femme. Jones se raidit. Atlas le remarqua et lui adressa la parole :
- Ne t’inquiète pas, guerrière. Je t’ai observé te battre. Tu es incroyablement forte. Blesser Rassan comme tu l’as fait, ce n’est pas donné à tout le monde. Nous nous reverrons.
- Restez ici, fit Jones en s’avançant. On a plusieurs questions pour vous.
- Je ne peux pas, je dois y aller. A la prochaine, Abigaël. Tu devrais rester avec la guerrière, fit Atlas avec un clin d’oeil, elle est une bien meilleure personne que ton ex.
Abigaël et Jones rougirent comme des pivoines. Atlas disparut dans une volute de poussière.
- Je présume que c’est le Schtroumpfs que t’as rencontré à Tassili N’ajjer, fit Jones.
- Oui.
- Il fait toujours le mystérieux, comme ça ?
- Toujours, fit Abby.
Les deux femmes se retournèrent vers la pyramide. A son sommet, le carré contenant le Trident continuait de tourner sur lui-même à plusieurs mètres en l’air. Elles grimpèrent les marches, prudentes. Abby tenait son pistolet des deux mains, tandis que Jones, qui avait rangé Durendal, tenait également son pistolet. Le Colonel était épuisée du combat. Elle devait garder ses forces.
Elles arrivèrent au sommet de la pyramide. C’était un vrai carnage. Tous les hommes du bataillon étaient étendus au sol, certains avaient des membres en moins, d’autres la gueule en milles morceaux. Le sang coulait le long des marches de la pyramide. Abigaël regarda si elle trouvait Drake et elle vit sa belle gueule entre deux corps. Il était assommé, mais pas mort. Apparemment, il n’avait reçu aucune blessure mortelle. Tandis qu’elle était accroupie pour vérifier l’état de santé de Drake, Rajan, qui était étendu de l’autre côté, se releva, fusil d’assaut aux mains, en hurlant :
- Crevez, bandes de…
Une détonation mit fin à sa phrase et à sa vie. Abby se retourna en se protégeant la tête du bras. Jones tenait son pistolet encore fumant. Elle fit un clin d’oeil à Abby.
- En voilà un qui ne nous emmerdera plus.
- Drake est encore vivant, mais il est dans le coltoar.
- Tu veux le ramener ?
- Oui, quand même, rien que pour le torturer pour ce qu’il m’a fait.
- Ça me va. Attrape moi la ceinture de ce type, s’il-te-plaît.
Abby lui lança la ceinture. Jones attacha Drake au carré qui contenait le Trident et ils les traînèrent tous les deux. Elles regardèrent le carré glisser doucement le long de la pyramide.
- Ça va être pratique, ça, fit Jones.
- Il faut que l’on revienne ici, dit Abby en regardant la caverne. Cette architecture, cette technologie, tout cela appartient à une civilisation inconnue. Nous devons lever le voile du mystère.
- Ça, c’est ton boulot, professeur Abigaël ! Fit Jones avec enthousiasme. Moi, mon boulot, c’est de savoir qui étaient ces gens, continua-t-elle en désignant les corps étendus par terre, et savoir qui étaient les trois guerriers bleus qui nous ont attaqué. Ils étaient particulièrement forts. Tu crois que cette mystérieuse caverne et les guerriers sont liés ?
- Certainement, fit Abigaël. Et la clé de voûte de tous ces mystères, c’est Atlas.
- Il faut lui mettre le grappin dessus.
- Oui. Et, Jones, on en reparle ? De ce qu’a dis Atlas ?
- Du fait qu’il doit les stopper ? Fit Jones en essayant de dévier la conversation.
- Non, répondit Abigaël en souriant. Je pensais plus à ce qu’il a dit quand il t’as décrit comme une bien meilleure personne que mon ex.
Jones rougit et évita de regarder Abby dans les yeux. Elle s’alluma une cigarette pour se donner du courage et croisa le regard de la jeune femme.
- Une fois le Trident rendu à l’Agence, ça te dis de disparaître une semaine, avec moi, à Venise ?
Abigaël lui fit un grand sourire.
- Putain oui ! On a bien droit à des vacances !
Les deux femmes rirent et s’embrassèrent.