Edan Fross était un homme simple. Peu, voire pas de loisir, célibataire endurci, sa vie se cantonnait à son travail. Il s’était réveillé avant l’aube, comme à son habitude, et avait entreprit ses exercices matinaux. Au bout d’une heure, il avait fini par quelques étirements, avant de prendre un petit déjeuner spartiate et d’effectuer une toilette rapide. Il enfilait sa tenue lorsque le soleil commença à poindre à l’horizon. Malgré son âge avancé, il gardait une musculature impressionnante. Solidement bâti, il avait imposé à son corps une rigueur quotidienne depuis qu’il avait rejoint l’armée royale. Son visage anguleux exhibait une fine barbe poivre-sel, parfaitement entretenue, et de petits yeux encaissés lui donnaient constamment un air sévère. Jaéniste confirmé, Edan n’aimait pas les surprises, il était de ceux qui tentaient de maîtriser chaque aspect de leur vie. Il attrapa sa vieille dague, cadeau de son père le jour de son engagement. Malgré son ancienneté, la lame restait effilée comme un rasoir, marque d’un entretien rigoureux. Il la fourra le long de sa jambe, sous sa tunique. L’arme était davantage un objet rassurant qu’un moyen efficace de défense, mais elle l’accompagnait depuis si longtemps qu’il ne concevait pas sortir sans elle. Ce matin, lorsqu’il pénétra dans la salle du trône, l’ambiance était tendue.
— Vous le paierez Déleber ! Je vous jure sur les Amants que vous le paierez !
Un homme à la carrure de taureau faisait face au roi. Il était dans une rage folle, les yeux exorbités et les poings crispés, il beuglait sur le monarque, le noyant sous un déluge d’insultes. Voyant son souverain en difficulté, Edan porta la main à son fourreau en approchant d’un pas, mais Déleber stoppa son général d’un geste, comme s’il avait anticipé sa réaction.
— Ecoutez Sergue, parlons-en calmement, je suis sincèrement navré de la tournure des évènements…
Mais les paroles eurent plutôt l’air d’exacerber la colère de son interlocuteur que de l’apaiser.
— Calmement ?! Mon fils est mort dans votre palais, sous votre responsabilité ! Et vous voudriez discuter tranquillement ?!
Derrière lui, sa femme tentait désespérément de le retenir. Son visage affichait une expression paniquée.
— Une enquête est en cours Sergue, insista le roi. Vous avez ma parole que tout sera mis en œuvre pour retrouver le meurtrier.
— Cela ne me ramènera pas mon fils ! Et non content de vous être débarrassé de mon aîné, vous envoyez mon cadet dans le nord ! Vous êtes une crapule Déleber ! Un manipulateur !
Du temps de Kelfyer, le père de Déleber, pareil affront aurait aussitôt envoyait le coupable à l’échafaud. Mais le fruit était tombé bien loin de l’arbre, et le monarque était tout ce que son père n’était pas. Là où son géniteur était impulsif, colérique et cruel, son fils était réfléchi, calme et bon. Edan était un vétéran, et il avait servi sous le règne de Kelfyer. Il était entré au service royal pour ses seize ans, en tant que trouffion. Les temps étaient différents alors. Les descentes dans le Cloaque étaient régulières, et les exécutions publiques, courantes. Le Roi était un homme terrible, et gare à ceux qui osaient s’opposer à lui ouvertement. Il avait régné pendant près de trente ans d’une poigne de fer avant de se faire assassiner à l’âge de quarante-six ans, une dague entre les deux omoplates, en sortant des lieux d’aisance. Le crime n’avait jamais été revendiqué, et le coupable était resté impuni. Enfin, presque. Le jeune Déleber avait alors vingt-et-un an, mais n’avait pu accéder au trône que deux ans plus tard. Le royaume avait été mis sous tutelle de l’église pendant deux ans, comme le prévoyait la loi en cas de mort du Roi par assassinat. Une règle stupide, qui datait de l’époque de Jyléter. Une des conditions des ecclésiastiques pour le soutenir dans sa guerre sainte ; le pauvre homme n’avait eu d’autre choix que d’ en accepter les conditions. Officiellement, cela empêcherait dans une certaine mesure les meurtres fratricides, le pouvoir allant directement à Candala en cas de mort douteuse. Officieusement, les religieux avaient trouvé là un moyen de s’assurer une présence quasi permanente dans la gestion du royaume. Un souverain un peu trop difficile à contrôler ? Le problème était résolu par un meurtre discret, et l’église récupérait les rênes pour deux années, le temps de réorganiser les choses à sa façon. A la mort de Kelfyer, le prédécesseur d’Ulfan avait donc assuré l’intérim, et Edan avait alors connu les deux années les plus sombres de sa carrière militaire. L’archiprêtre s’était lancé dans une véritable chasse aux sorcières, et avait mis Elhyst à feu et à sang. Des bûchers étaient régulièrement tenus aux quatre coins de la ville, et chaque journée amenait son lot d’exécutions, toujours sous la bénédiction de Candala. Puis Déleber avait enfin pu régner, et les choses s’étaient arrangées. Homme intelligent, il avait fait en sorte de ne jamais s’attirer les foudres de l’église, et avait manœuvré subtilement afin d’améliorer les conditions de vie de son peuple. Edan était heureux d’ être à son service, et il assurait la gestion des armées lorsque le frère du Roi était absent ; autrement dit, la majorité du temps.
— Sergue ! Ca suffit ! Rentrons faire le deuil de notre enfant, le supplia Mary Justé.
Le plus gros propriétaire terrien du royaume central s’apaisa quelque peu, mais reprit d’une voix menaçante :
— Vous regretterez cette journée Déleber, je vous promets que vous souffrirez. Je vous ferai payer au centuple le mal que vous avez fait à ma famille !
— Cessez de menacer mon père ! rugit Ethyer en attrapant le bras de l’homme. Andrev est mort, et je n’imagine même pas la souffrance que vous devez endurer. Mais ce n’est pas une raison pour agresser votre Roi! Votre fils n’était probablement pas la cible.
Le prince était resté en retrait, et c’était bien la première fois qu’Edan le voyait manifester autant de sentiments incontrôlés.
— Il eut mieux valu que le meurtrier soit moins maladroit ! cracha Sergue.
— Vous dépassez les bornes ! Et je vais de ce pas…
Déleber posa une main sur l’épaule de son fils et secoua doucement la tête. Justé dégagea son bras d’un geste sec et quitta la salle du trône en lançant un regard assassin au roi.
— Sire… Je suis confuse, pardonnez les propos de mon mari, il… n’est plus en état de mesurer ses paroles… Je ne l’avais jamais vu comme ça.
— On le serait pour moins Mary, répondit le Roi d’une voix douce. Je partage votre peine, et ne lui tiendrai pas rigueur de cette altercation, c’était là les mots d’un homme effondré, déchiré par la douleur.
— Merci Majesté, je vous prie de m’excuser, mais je vais rattraper Sergue ; qui sait de quoi il est capable actuellement ?
— Faites ma chère, les Amants puissent vous soutenir dans votre chagrin.
La femme Justé sortit prestement rejoindre son mari.
— Si je m’attendais à trouver du soutien auprès de Mary Justé…, murmura le souverain.
Ethyer était retourné vers Corelle, qui avait assisté à toute la scène, et paraissait dans un état d’émotion intense. La pauvre fille n’était pas taillée pour les tribulations de la cour, et l’avenir serait sûrement parsemé d’épreuves pour elle.
Edan s’approcha de son roi.
— Sire ? Tout va bien ?
— Oui, ça va aller, merci général Fross, acquiesça Déleber. Je bénis seulement les Amants que Doline n’ait point assisté à cette scène. Qui sait dans quel état la pauvre femme aurait fini ? Des nouvelles des chimères ?
— Non Majesté, les descentes dans les différents chantiers n’ont rien donné jusqu’à présent, mais des soldats sont toujours en poste devant la demeure du seigneur Bolion.
— Très bien, j’ai une autre tache à vous confier.
— Mais… et les chimères ?
— Akaran s’en occupe.
Le vétéran lança un regard abasourdi au monarque.
— Mais Sire… Je ne comprends pas, le seigneur Akaran n’est pas habilité à exercer la justice !
— Général Fross, vous ne m’aviez pas habitué à discuter mes ordres, le tança Déleber. Emri Akaran va devenir le beau-père de mon fils et il est désormais temps pour lui de s’impliquer dans les affaires du royaume.
— Pardonnez-moi Sire, un tel débordement ne saurait se reproduire, s’excusa Edan en s’inclinant. En quoi consiste cette mission ?
— Je souhaite que vous enquêtiez sur les adorateurs de l’Innommable. Il a toujours été question de la présence de ces misérables à Elhyst, mais depuis peu, certaines rumeurs récurrentes sont … déconcertantes.
— Comment cela ?
— Des disparitions inexpliquées, dans tout le Cloaque, mais plus particulièrement sur les quais ouest.
— Je pensais que ces déchés se terraient dans la forêt Daëlienne. Comment auraient-ils pu investir massivement la capitale sans que nous n’en ayons eu vent ?
— Je l’ignore, mais je trouve cela inquiétant, c’est pourquoi je compte sur vous pour démêler tout ceci.
Au fil des années, Edan avait développé de nombreux contacts au sein de la capitale, un véritable réseau d’informations. Il n’était pas un bordel, pas un tripot où il n’ait eu un homme à sa botte. Une heure plus tard, il avait une adresse, deux heures après, il était en route avec une solide escorte pour une taverne miteuse des quais ouest. Ils traversèrent le port, ou un panaché d’odeurs leur agressèrent les narines. Une multitude de petites barques revenaient, chargées de perches, de truites et d’ombles. Une foule de bonnes-femmes s’empressaient de récupérer les poissons et s’affairaient à les écailler et à les éviscérer, avant de les suspendre sur de larges cadres pour qu’ils soient séchés par le vent de saison encore froid et sec. Conscient du danger que représentaient les chimères dans le coin, le vieux stratège n’avait pris aucun risque. Il s’était entouré de ses meilleurs hommes, et notamment de ses deux lieutenants Herg et Drock. Sans être de grands tacticiens, les deux hommes se révélaient bougrement efficaces lorsqu’il s’agissait de distribuer des coups. Si les chimères voulaient en découdre, qu’elles viennent, il les attendait de pied ferme ; hors de question de reproduire les mêmes erreurs que cet abruti de capitaine lors du guet-apens du pont des Amants. Plus ils s’approchaient des quais ouest, plus les petites barques de pêcheurs laissaient place à de grands foncets, bateaux pouvant atteindre jusqu’à huit perches de long, destinés à l’acheminement de marchandises le long de la Dénelle. Ils arrivèrent finalement devant la taverne. Une enseigne en piteux état se balançait au dessus de la porte, sur laquelle on pouvait lire « A la mamelle de la Reine ». Edan secoua tristement la tête devant une telle faute de goût. Ils firent irruption dans la petite salle mal famée. Quelques hommes étaient regroupés par petits groupes autour des tables crasseuses, et appréciaient un breuvage dont le général n’aurait su dire s’il s’agissait de bière, de vin ou d’une quelconque décoction douteuse. De gros rideaux étaient tirés sur les fenêtres, plongeant la pièce dans la pénombre. Loin de se démonter devant l’invasion de soldats, une serveuse s’approcha d’eux.
— Nos vaillants protecteurs souhaiteraient-ils se désaltérer dans l’auberge la plus renommée de la ville basse ?
Herg et Drock l’écartèrent du bras, et se dirigèrent vers le comptoir, où se tenait le tenancier en train de faire de la vaisselle dans un bac d’eau noirâtre. L’homme leur adressa un sourire dégoulinant de servilité.
— Que désirent ces messieurs ? Puis-je leur proposer un de nos meilleurs vins en provenance directe des Affanites ?
Herg saisit le godet, et le huma avec méfiance, avant d’y tremper les lèvres.
— Ca, un vin affanite ? vociféra-t-il en recrachant le liquide. Plutôt d’ la pisse de bouc ! T’essaye d’empoisonner tes clients, canaille ?
— J’ai… une bière d’Abysse si vous préférez… brassée par les meilleurs artisans du gouffre, un régal.
— Suffit avec ton poison, cracha Drock. On est là pour ton autre activité mon mignon.
L’homme jeta un regard de biais à son interlocuteur.
— Mon autre… Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, je ne vends que du bon alcool à…
Le pauvre bougre n’eut pas le temps de terminer sa phrase que son visage percuta violemment l’arête du comptoir avec les gencives. Edan ferma un instant les yeux face à la violence de la scène. Le propriétaire mugit de douleur en se tenant la bouche. Un silence de mort s’était abattu dans la taverne ; chacun fixait le fond de sa choppe en évitant soigneusement de se faire remarquer. Herg le regarda avec un sourire féroce.
— On va r’prendre, on est parti du mauvais pied m’ semble. Alors ? Ta seconde occupation ?
— Mais seigneur ! Je vous en conjure ! Je ne comprends pas ! hulula le tenancier terrorisé.
Cette fois, Drock plongea la tête du gérant dans le baquet et le laissa une bonne minute avant de le ressortir. Le malheureux hoqueta et tentant de reprendre sa respiration, lorsque sa caboche replongea dans l’eau sale.
— Pour faire bonne mesure… , crût bon de préciser Drock.
Quand il refit surface, Edan n’était pas persuadé qu’il fût encore vivant. L’agressé recracha pourtant de l’eau et articula un mot.
— Cave…
— Bin voilà mon brave, c’était pas si compliqué, susurra Herg en lui administrant deux petites claques sur la joue.
Le général et ses hommes descendirent les marches glissantes menant au sous-sol. Une odeur de moisissure les prit à la gorge.
— Qu’est ce que c’est que cette saleté ! jura Drock en chassant une cohorte de mouches de la main.
Un gigantesque pressoir artisanal trônait au milieu des fûts. Un mélange de fruits multiples avait été jeté dans le bac, sans distinction de variétés. Des pommes et des poires pourries, du raisin gâté, ainsi que d’autres non reconnaissables étaient stockées au fond. Le propriétaire mettait visiblement là-dedans tout ce qui lui passait sous la main. De grosses roues dentées permettaient de broyer le tout à l’aide d’un gros levier, afin d’en récupérer le jus et de créer l’infâme breuvage.
— C’est ça l’ vin affanite d’ cet escroc ? siffla Herg. Mériterait qu’ je remonte lui donner une leçon.
— Je pense qu’il a eu son compte, continuons à avancer, ordonna Edan.
Une autre porte se trouvait au fond de la pièce. Ils en poussèrent doucement le pan et découvrir une arrière-salle, plus petite. Un groupe d’une dizaine de personnes était accroupi en cercle, autour d’une grande silhouette portant une capuche noire.
— Des sombres, chuchota Edan en grinçant des dents. La pire engeance qu’ait enfantée Eryon.
— On les désosse général ? demanda Drock d’une voix gourmande.
— Non, on les garde en vie, et particulièrement la grande au centre. Jaénir tout puissant, c’est une aînée, qu’est ce qu’elle fait là ? Si elle est aussi loin de la forêt Daëlienne, c’est qu’ils se sont confortablement implantés dans notre belle cité.
Les soldats se ruèrent sur les obscurs partisans qui, sous le coup de la surprise, ne se défendirent même pas. L’aînée leur lança un regard meurtrier.
— Si vous saviez à quel point votre action est inutile, pathétiques petites marionnettes des dieux fantoches ! Votre chute est déjà amorcée, et rien ne pourra l’endiguer !
Herg s’approcha d’elle avec un rictus moqueur, puis lui balança un fantastique coup de tête dans le visage, lui brisant le nez dans un craquement sec. La femme vacilla sous l’impact en poussant un cri aigu.
— Mais toi ma belle, tu s’ras plus là pour voir ça, la railla-t-il.
Edan regarda son lieutenant d’un air agacé.
— Dépêchez vous de me sortir cette vermine, et prenez le gérant de ce trou au passage, il a des choses à nous dire. Herg, tu montes ! Drock, tu restes avec moi !
Les soldats sortirent avec leurs prisonniers. Le vieux général commença à inspecter la pièce.
— Bon sang, c’est une infection ici ! grogna Drock, on se croirait dans un écorchoir !
— Regarde le sol, tu vois le plancher ?
— Oui, un plancher dans une cave, quelle bêtise.
— Regarde dans quel état il est dans ce coin-là.
Drock se pencha pour observer le sol, puis se redressa brusquement. Le bois était complètement pourri sur une large surface. La terre en dessous semblait en état de décomposition avancée. Une multitude de petits vers blancs pullulaient.
— Nom de…, qu’est-ce que c’est que cette saloperie ?
— Je ne sais pas, mais regarde bien, on aperçoit des petits bouts de… viande au sol, d’où les vers. Quoi qui ait pu être stocké ici, ça a été déplacé.
— Foutre de bordel ! Qu’est ce que c’est que ça ! s’exclama le soldat en fixant un point au fond de la cave.
Une femme était accroupie dans un coin. En l’examinant de plus près, Edan se rendit compte qu’elle portait un bandeau sur les yeux.
— Madame ? Vous allez bien ? Êtes-vous une prisonnière ?
Drock s’avança vers l’individu et lui attrapa rudement le bras.
— Tu vas répondre au général, la gaupe ?
La femme réagit au quart de tour, elle lui saisit la main et la lui tordit.
Drock poussa un grognement de douleur en sentant ses os se briser.
— Hôte tes pattes, créature impure, feula-t-elle d’une voix éraflée.
Le vieux général sortit son épée, mais l’assaillante lui sautait déjà dessus. Drock réussit à lui retenir une jambe de sa main valide, ce qui lui valut un phénoménal coup de pied dans le nez. Le gaillard tomba face contre sol, assommé. La furie lui martela le crâne du pied plusieurs fois avec violence avant de se tourner vers sa proie. Edan en avait profité pour se sauver dans la première salle, mais son agresseuse le rejoignit aussitôt. Il tenta une attaque à l’épée, mais elle l’évita avec une facilité déconcertante, et lui assena un coup magistral qui le propulsa dans le grand pressoir. Il se retrouva à barboter parmi les fruits pourris, au milieu d’un nuage de mouches. Il tenta de sortir, mais la femme le rejoignit et lui fourra la tête au fond du bac. Un goût putride lui emplit la bouche et son nez se gorgea de liquide poisseux. Il tâtonna le long de sa jambe, et saisit le manche de sa dague. Il taillada à l’aveugle et sentit l’arme s’enfoncer dans une surface molle. La pression se relâcha légèrement et il réussit à sortir la tête de la mixture infecte. Il aperçut vaguement la créature se frotter l’aine, mais elle ne paraissait pas gênée outre-mesure par le geyser sanguinolent qui jaillissait de la plaie. Un coup d’œil en retrait lui indiqua également que son lieutenant avait retrouvé ses esprits, même s’il paraissait encore sérieusement sonné. Son nez semblait… incrusté dans son visage suivant un angle dérangeant. Le reste de sa figure était un amas de chairs sanglantes, comme si quelque drille s’était amusé à le découper et à le réassembler dans le désordre. Le haut de son crâne était légèrement enfoncé. La harpie approcha sa trogne d’Edan et le fixa d’un air mauvais.
— Avant de te dépecer, je vais te priver de ce qui fait ta fierté ! glaviota-t-elle. De ce avec quoi tes semblables m’ont souillé, faisant de moi ce que je suis.
Joignant le geste à la parole, elle lui attrapa les testicules d’une main et commença à serrer. Une douleur aigue commença à lui remonter du bas-ventre pour se propager le long de sa colonne et lui engourdir chaque membre. La souffrance fut telle qu’il se sentit défaillir. Son cerveau bourdonnait. La poigne se fit de plus en plus pressante, jusqu’ au moment où son corps sembla se disloquer, son bas-ventre explosa et il poussa un long sifflement inhumain. Sa tortionnaire esquissa un sourire féroce. Son esprit choisit alors d’échapper à l’agonie et son regard s’obscurcit. Si je m’évanouie maintenant, c’est fini… Il se planta la dague dans la cuisse pour combattre le mal par le mal. Sous l’effet de la blessure, une brusque montée d’adrénaline lui éclaircit les idées. D’un geste vif, il enfonçant la lame de sa dague dans la main de la créature, lui clouant contre le bois du pressoir.
— Drock ! Pousse le levier ! Maintenant ! hurla-t-il en se jetant de côté.
La masse sanguinolente se jeta contre la longue perche de bois et y apposa tout son poids dans un cri d’effort surhumain. Le temps que leur ennemie se rende compte de quelque chose, elle était happée par les énormes et implacables roues dentées. Ses jambes furent broyées dans une succession de craquements abjects. La machine se bloqua dans cette position, ne supportant pas d’efforts supplémentaires. Seul le buste dépassait du bac, et le sang s’était mélangé au breuvage nauséabond, créant une mixture répugnante. La femme gesticulait dans tous les sens en balayant l’air des bras, sans le moindre cri. Le général se releva péniblement, ramassa son épée, et lui enfonça jusqu’à la garde dans le haut du corps. La tête aveugle eut un dernier soubresaut avant de tomber définitivement sur le côté. Ce n’est vraiment plus de mon âge, il serait peut-être temps de jouir d’une retraite amplement méritée, pensa le vieil homme avec amertume.
Je plussoie Sebours pour le point 5, à la première lecture j'ai donc pensé qu'il s'agissait de deux personnages différents.
Une scène de combat très sombre, assez GOTesque qui ne manque pas de détails. L'action est très agréable à suivre, très réaliste. Le nouveau personnage me plaît bien, maintenant j'attends de voir ce qu'il va devenir dans la suite de l'intrigue.
"Le royaume avait été mis sous tutelle de l’église pendant deux ans, comme le prévoyait la loi en cas de mort du Roi par assassinat." Très très intéressant, je trouve l'idée géniale. Tu as une inspiration sur ce point là ? Ca participe en tout cas à donner une grande place à l'église et aux religions dans ton intrigue.
"Un souverain un peu trop difficile à contrôler ? Le problème était résolu par un meurtre discret, et l’église récupérait les rênes pour deux années," ahah c'est clair que pour les dérives c'est la porte ouverte xD
Mes remarques :
"Peu, voire pas de loisir," -> loisirs ?
"c’était là les mots" -> étaient ?
"Je pensais que ces déchés" -> déchets ?
Un plaisir,
A bientôt !
C'est un personnage secondaire, mais qui aura un rôle à tenir par la suite.
Je suis content que l'idée de la tutelle te plaise, je n'ai pas eu d'inspiration extérieure, mais j'aime les intrigues de cour et la religion. Cette règle me permettra autant d'écarts que je le souhaite par la suite^^
Ce chapitre est intéressant et captivant, mais au bout du compte, je me pose pleins de questions.
1/ Pourquoi envoyé un général sur le terrain? Un colonel ou un sergent me parait plus adapté. Ou alors il faut justifier par le fait que même l'armée est gangrénée. Du coup, le général est la seule personne en laquelle le roi a confiance.
2/ Pourquoi ne pas laisser deux ou trois soldats garder le tavernier? Le récupérer en remontant semble peu probable, il aura déjà fuit.
3/ Pourquoi le général ne reste-t-il qu'avec un seul homme en bas? Ça me donne l'impression d'un film d'horreur où on cherche un prétexte pour isoler un personnage. Il manque une raison qui justifie que le général reste PRESQUE SEUL dans la cave.
4/ Cette scène de combat aura-t-elle une influence sur la suite de l'histoire? Si le fait d'embarquer les sombres pour les interroger suffit, ce combat n'est que "cosmétique".
5/ Si je viens de me faire émasculer avec le bas ventre qui a explosé, cela m'étonnerait que cinq minutes après je me dise "Ce n’est vraiment plus de mon âge, il serait peut-être temps de jouir d’une retraite amplement méritée." Je hurle, je tombe dans les pommes, j'essaie de me venger...mais cela m'étonnerait que je philosophie calmement sur ma vie.
6/ Tu introduis un nouveau personnage forgé dans le même moule que plusieurs autres déjà existant. Ernik, le père d'Hélanne, l'instructeur Neher, Althaer, Bordur sont tous des vieux guerriers larges d'épaules avec une psychologie similaire (à part Bordur qui joue avec son oeil). Ne faut-il pas créer un personnage différent, ou bien fusionner le général avec un autre personnage? Sergue est aussi dans ce moule d'ailleurs. Ne pourrais-tu pas lui confier l'enquête? Il aurait une motivation toute trouvée si des indices soupçonnent les adorateurs de l'innomable.
Sinon, je ne sais pas si je te l'ai déjà dis. Le Cloaque, je trouve ce nom cool et intriguant. Cet partie de ton univers a un potentiel dingue!
En fait, ils ne sont pas que trois, même si je ne parle que de ceux-là. Mais il y a bien quelques soldats qui restent en haut. (dans mon esprit en tous cas, il faudra que je précise ça).
Lorsque Edan renvoie l'un de ses lieutenants en haut, c'est surtout parce qu'il est agacé par ce dernier, et il veux juste inspecter les traces de moisissures au sol, il n'a pas vu qu'il y avait encore quelqu'un dans l'ombre.
Ce qui m'intéresse dans ce chapitre, c'est surtout de montrer que les sombres sont dans la capitale, et de pointer les moisissures au sol. Pour plus tard.
Pour les autres personnages, tu verras plus tard qu'ils ne sont pas si semblables que ça. Et Bordur n'est pas vieux d'ailleurs^^
Tu as complètement raison sur le point 5, il faut vraiment que je change la fin.
Pour le général qui va lui-même dans la ville basse, je n'ai pas spécialement d'explication... J'avais surtout besoin d'introduire ce personnage pour plus tard.
En ce qui concerne le Cloaque, j'avoue m'être bien inspiré de Culpucier dans Game of thrones. (le quartier crasseux de Port Réal) Je trouvais ce nom chouette, et j'en voulait un qui inspire le dégout pour mon histoire.