Isidore.
Il n'avait pas l'habitude d'être appelé par son prénom. Dans son entourage, le diminutif prévalait.
Isi. Simplement Isi.
À quelques rares exceptions, tous les prénoms des citadins comprenaient la sonorité « or », en référence à la toute première enfant victorieuse des Grand-messes du Nombre d'Or. Elle s'était appelée Aurore, par un heureux présage. Et l'anecdote s'était transmise de génération en génération. Certains, à l'instar de grand-mère Lorette, y décelaient une bête légende urbaine – parfois jusqu'à oser remettre en question l'existence même d'Aurore. Mais dans le doute, les parents ne se risquaient pas à réduire les chances de succès de leurs enfants et ils optaient pour des prénoms porte-bonheur. Hortense, ou Coralie, ou Hector, ou Orphée... Ou Isidore.
Isi préférait rester Isi. S'il était aussi laid que sa mère le prétendait, à quoi bon parer son nom d'un tel ornement ?
***
Les émanations âcres le réveillèrent de sa torpeur, autant que s'il avait respiré des sels. Un souffle chaud et vaporeux caressa son dos, et l'odeur d'huile de moteur s'intensifia.
Des tâches de couleur indistinctes brouillaient sa rétine. Isi voulut cligner ses yeux anormalement secs. Deux pinces à paupières l'en empêchaient. Il essaya de les frotter. Impossible. Une main invisible remuait ses bras en tous sens, tantôt collés au corps et tantôt en croix. Il n'était plus maître de ses mouvements.
Ses pensées n'étaient pas plus nettes. S'il avait atterri au cœur du Mètre – car c'était bien à lui qu'il était solidement harnaché –, il ne se rappelait plus comment. Il avait dû tourner de l'œil.
« Tête froide. » Première règle du Code. « Idées claires. » La plus élémentaire de toutes. Elle s'était révélée si instinctive au fil des ans qu'Isi avait perdu l'habitude de l'énoncer. L'intitulé s'était pourtant rappelé à lui quelques huitaines plus tôt, quand il avait surpris grand-mère Lorette la réciter à haute-voix. Mot pour mot. En boucle. Recroquevillée. Elle s'était justifiée : ça l'aidait à réparer les trous dans sa salopette. Isi n'en doutait pas, mais lui avait conseillé de garder la règle enfouie au plus profond de son esprit.
Il se concentra sur les battements de son cœur. Et sur la première règle. Des bribes lui vinrent en flashs.
Il se revoyait. Dans les gradins.
Se lever de son siège. Descendre l'escalier de pierres. Veiller à ne pas trébucher sur le long manteau. Croiser Boris, livide, quelque part à mi-parcours. Chercher des mots de réconfort. Compatir. Se retrouver enserrés l'un l'autre, sans l'avoir vu venir. Avec brutalité. Surprendre Boris ravaler un hoquet, la tête dissimulée quelque part dans le creux de son épaule. L'entendre baragouiner un semblant d'encouragement. Lunaire.
Se déshabiller sur la scène. Vite. Écourter l'embarras de la situation. Vite.
Hésiter à se défaire de sa cagoule. Essayer. Hésiter encore. Sous pression. Finalement y parvenir. La déposer sur le tas de cagoules jetées par les candidats évalués avant lui. Dissimuler sa tête dans ses mains. Autant que possible. Regretter qu'on vint les sangler à l'armure du Mètre. Sentir le vent chaud et sableux contre ses joues nues. Son front nu. Son nez nu. Exposé. Vulnérable.
Se détourner des spectateurs et tomber sur...
Isi se souvint.
… sur son reflet. Son reflet inversé dans la brillance déformante du couvre-chef qui immobilisait désormais sa nuque et ses tempes.
C'était ce face-à-face avec lui-même, au moment où il s'y attendait le moins, qui lui avait fait perdre brièvement connaissance. À cette pensée, Isi fut saisi de suées. Sa poitrine se comprima, il cessa de respirer. Affolé.
Sa vision se clarifiait peu à peu. Les tâches de couleur se précisaient. Il devinait les premiers contours des spectateurs, ceux de l'armure mécanique qui l'emprisonnait. Et ceux de son reflet aussi. Isi devait s'en détourner. Essayer de fixer un point quelque part. Ailleurs. Droit devant. Loin. Cette tâche rouge, là-bas. Loin du reflet. Cette tâche de moins en moins tâche.
« La robe rouge. »
Tous voyaient son visage.
« Fixer la robe de maman. »
Lui l'évitait à tout prix.
« Tu es laid. Juste laid. Et un candidat laid, c'est perdant ! »
Quelque chose vint le chatouiller, le détournant de ces idées noires. D'abord localisé aux seules phalanges, puis aux mains, et rapidement à tout l'avant-bras. Isi s'inquiéta sérieusement quand ses épaules s'ankylosèrent et le sang lui monta à la tête. Profitant de ce que ses bras se trouvèrent tendus face à lui, en position de somnambule, il prit une longue inspiration et s'aventura à promener ses pupilles jusqu'à eux.
L'armure se constituait de cylindres de métal rotatifs, maintenus les uns aux autres à chaque point d'articulation par des câbles souples. Ceux-ci s'enroulaient à sa peau comme s'il s'était agi d'un rôti à ficeler. Tout bien considéré, l'armure avait des airs de fourneau géant. Le laiton qui la constituait irradiait de chaleur autant qu'une étuve. Isi cuisait, la tête prisonnière entre une jatte et un tamis. Et les soufflets du Mètre, bruyants et crachotants sans interruption, lui rappelaient ceux d'un autocuiseur. Isi n'entendait pas ce que les spectateurs pouvaient dire de lui, mais il le devinait sans peine. Il n'était qu'un morceau de viande agité sous le nez de charognards affamés. Passé à la broche. Les câbles dénouèrent finalement leur étreinte, amorçant du même coup la rotation d'une courroie en corde à nœuds. Isi entendit des rouages, des bielles et des pistons s'activer derrière lui. Puis un tuyau d'orgue souffler. La note de musique l'assourdit. Isi grimaça d'inconfort, les spectateurs aux premiers rangs s'en régalèrent.
L'opération se répéta, aux jambes cette fois. Isi serra les dents lorsque le câble vint s'entortiller autour de son genou à peine cicatrisé. Les engrenages se remirent en action. Une note – grave en l'occurence – se mêla à la première.
À force de manipulations et de gesticulations, un troisième tuyau d'orgue se déclencha, un quatrième, un cinquième, et peut-être même un sixième. Le son était devenu tellement cacophonique qu'Isi ne parvenait plus à savoir combien de notes s'entremêlaient. Il regrettait de ne plus avoir le tissu de sa cagoule bien enfoncé dans le creux de ses oreilles. S'il grimaçait toujours, plus personne ne se régalait aux premiers rangs. Et il comprit que son score entamait de déjouer les pronostics, au grand dam des parieurs.
À présent, le maillage à l'avant du couvre-chef de laiton s'alignait sur la physionomie de son visage, en en calquant notamment le dessin de l'arête nasale ou des lèvres. Ces nouvelles mesures n'aidaient pas Isi à se focaliser sur la robe rouge de sa mère. Il s'efforça de ne pas loucher quand plusieurs fils frôlèrent ses paupières. Allait-on jusqu'à évaluer l'écartement des cils entre eux ? À son grand étonnement, chacune de ces nouvelles mensurations déclenchait la soufflerie d'un tuyau. Il obtiendrait certainement un score proche de celui de Boris. En tout cas, pas l'humiliation présumée. Cela le soulagea un peu. Ce fût cependant lorsque le Mètre se figea dans un jet de vapeur et que la marche militaire fut entonnée en grande pompe qu'Isi faillit relâcher son attention.
— Trente-sept ? J'ai bien compté ? hésita l'Oratrice.
Isi tomba des nues. Il avait dû mal entendre, avec tous ces acouphènes. Trente-sept vraiment ? Un sans-faute ? Comment était-ce possible ? Sa mère s'était-elle trompée durant toutes des années ? Était-il beau tout compte fait ? À moins que... Une clameur grandissait dans les gradins. Il n'était manifestement pas le seul à s'interroger.
Un soufflet ronflant cracha sa fumée odorante. Le couvre-chef de laiton desserra aussitôt son emprise et coulissa d'un bon mètre vers l'arrière. Maintenant qu'Isi ne risquait plus de se confronter à son reflet, et malgré l'objection de ses cervicales encore engourdies, il bascula sa tête en direction de l'estrade des officiels.
Les courtisans tout aussi désorientés ne tenaient pas en place. Certains avaient formés des conciliabules d'urgence. D'autres, livides, s'échangeaient de curieux appareils de poche, à se coller sous le nez pour retrouver des couleurs. Restée assise à l'écart, une courtisane – chaperonnée par un colosse tout en muscles – couvait Isi du regard. Sous son teint mat et sa mitre bizarrement inclinée, elle affichait l'expression d'une véritable illuminée. Elle leva un pouce vers lui. Le chaperon interrompit le geste au vol. Intimidé même de loin, Isi s'en détourna.
Les gradins devenaient hors de contrôle. Des poings étaient brandis. Les huées se couplaient aux récriminations, et les acouphènes d'Isi ne parvenaient plus à les étouffer.
— C'est impossible !
— Ça n'a pas de sens !
— Vous voyez bien que ce garçon n'est pas… qu'il est tout ce qu'il y a de plus... ordinaire !
— Osons les mots. Il est franchement malbâti ! asséna une notable, exprimant tout haut ce que les autres pensaient tout bas.
— Mon fils est plus beau, il n'a eu qu'un score de sept.
— Le Mètre s'est trompé.
— Ou le môme a triché !
Le sang d'Isi ne fit qu'un tour. Si ses mains et ses pieds n'avaient été entravés par l'armure, il se serait enfui.
Il n'avait jamais souhaité triompher du Mètre. Appartenir à la Cour l'indifférait. Sa mère s'était montrée on-ne-peut-plus-claire : il était laid, il ne méritait pas d'y siéger ; et il s'était fait à l'idée. Pouvait-on réellement envisagé qu'il ait truqué son évaluation ? Il ignorait jusqu'au mode de fonctionnement de cette machinerie.
Isi leva la tête vers le rang de sa mère et de son frère, dans l'espoir de trouver un peu de soutien auprès d'eux. L'un comme l'autre étaient trop abasourdis pour le lui apporter. Il était à deux doigts de perdre tous ses moyens, lorsqu'un détail retint son attention : trois rangs derrière se trouvait un espace anormalement vide dans les gradins. Il y avait naturellement la place qu'Isi avait laissé vacante en rejoignant la scène. Néanmoins là, on pouvait y tenir facilement à deux. La grosse dame corsetée s'était éclipsée. Où était-elle passée ? Pourquoi quitter sa place ? Cette absence n'était-elle pas le signe d'une quelconque manigance ? Et à tout bien réfléchir, pourquoi Isi avait ce soudain pressentiment que cette petite-bourgeoise était venue seule ? Pourquoi s'était-elle assise à côté de lui, précisément ? L'avait-elle programmé à gagner, à son insu ? Non, c'était une hypothèse bien trop extravagante pour être crédible. L'affolement laissait entrevoir à Isi des conspirations là où il n'y en avait probablement aucune. Cette dame s'était sans doute assise à côté de lui, par pur hasard. Et elle s'était peut-être absentée à cause de la touffeur – il faisait sacrément chaud là-haut en y repensant. D'ailleurs, rien n'indiquait que son départ fût définitif. Et peut-être reviendrait-elle simplement à sa place, après quelques minutes.
Une voix aussi douce qu’impérieuse emplit le théâtre et étouffa les protestations :
— Le Mètre ne se trompe jamais. Remettre en question son jugement, c'est remettre en question l'autorité divine des Bellissimes. Que cesse immédiatement ce vent de contestation indigne des Grand-messes.
Deux nouvelles voix firent écho à la première.
— Le Mètre est parfait.
— Le parfait est maître.
Leur timbre n'avait rien en commun : l'un était atone ; l'autre nasal. Le contraste le plus singulier cependant résidait dans le fait que la tessiture de la dame s’enfonçât dans les graves, et celle de l'homme se perchât dans les aigus.
Isi tourna la tête vers la chaire. Un trio de courtisans s'était posté à côté de l'Oratrice et empoignait le cornet acoustique à mains fermes.
— C'est n'importe quoi ! aboya un père ouvrier quelque part dans la foule.
Tout se passa très vite. Le premier des trois courtisans tendit un bras autoritaire vers le ciel et fit pirouetter sa main baguée à l'adresse de la garnison perchée autour des gradins. Dans la seconde, plusieurs miliciens descendirent les escaliers quatre à quatre, se saisirent du protestataire et le conduisirent hors de l'enceinte du théâtre sans tenir compte de ses regrets implorants. Isi déglutit convulsivement. Cet ouvrier avait été arrêté d'un simple moulinet de la main. La situation virait au cauchemar. Pourquoi n'avait-il pas pu échouer face au Mètre, et ne recevoir qu'un minable zéro pointé comme il l'avait toujours escompté ?
Le trio attendit que le calme revint. Puis il rendit le cornet à l'Oratrice, se plaça au plus près du rebord de la chaire, et applaudit sobrement pour enjoindre la foule à l'imiter. Déroutée, l'élue balbutia :
— Vous, Isidore... hum hum... Isidore Pujol, vous êtes esthétiquement parfait... reconnu parfait. Vous siégerez à... à la Cour à cette issue de cérémonie... et pour toute... votre vie... le reste de votre vie... La Bulle d'Or vous ouvre sa cabine, ainsi qu'à vos portes... à vos géniteurs. Rejoignez le funiculaire, la cabine... (Elle baissa les yeux en direction d'Isi et se rendit compte qu'il était toujours solidement maintenu à la machine) Je veux dire, une fois que l'agent vous aura libéré du Mètre bien entendu. (Et parcourant sa liste d'un œil distrait, elle broncha pour elle-même sans se rendre compte que tout le monde l'entendait) Fichtre, je ne sais plus où j'en suis !
Sur scène, le technicien s'affaira à défaire les sangles qui liaient Isi à l'armure. Il se garda de tout commentaire, mais à en juger par les regards en coin qu'il lançait subrepticement à Isi, il mourrait d'envie de lui demander comment il avait réussi un tour de passepasse pareil.
Isi se frotta sans ménagement ses yeux rougis et ses narines irritées, et se dépêcha de récupérer ses affaires jetées au sol. Tandis qu'il passait ses braies, écrasé par ces milliers d'yeux ne mitraillant que lui, Isi avisa le tas de cagoules à proximité. Il attrapa la sienne au sommet. Il n'était plus tenu de la porter, il venait d'être consacré adulte. Il l'enfila toutefois comme si ce geste avait la faculté de lui faire remonter le temps.
— MON FILS ! C'EST MON FILS !
Isi reconnut les appels aigrelets de sa mère. Sur l'avant-scène, elle gesticulait tous azimuts. Du moins autant qu'elle le pouvait, car elle avait été interceptée par le technicien. Les poings serrés de l'homme lui maintenaient solidement les bras le long du corps. À en juger par les coups de pieds et de genoux que la mère lui fichait dans les tibias, elle l'aurait giflé s'il lui en avait laissé l'occasion. Une vraie furie, d'un rouge aussi vif que sa robe.
— Qui vous êtes, vous, pour m’empêcher de rejoindre la Cour ! lui cracha-t-elle à la face. Lâchez-moi, je suis la génitrice. Consultez plutôt mon laissez-passer si vous ne me croyez pas.
Pris d'un doute, le technicien desserra l'étau. La mère fouilla dans un repli de sa robe, y trouva son ticket cartonné et le lui fourra juste sous le nez.
— Là, en toutes lettres ! Pujol. P-U-J-O-L. Déborah Pujol, mère de Boris Pujol et Isidore Pujol. Vous savez lire, rassurez-moi ?
Le technicien recula pour mieux déchiffrer les inscriptions sur le laissez-passer. Quand il eut terminé sa lecture, il recula de nouveau – d'inquiétude cette fois – et se confondit en courbettes. Sans décolérer, la mère rejoignit Isi.
— Et bien, c'est qu'il ne m'aurait pas laissé t'accompagner, l'imbécile.
— Tu as laissé Boris tout seul ?
Elle se braqua, avant de claironner d'un ton cassant :
— C'est la loi. Il a perdu. Tu as gagné. C'est toi que j'accompagne.
Puis elle salua la foule qui lui répondit d'un silence à glacer le sang. Ce qui ne l'empêcha pas de sourire à pleines dents.
***
Isi manqua de trébucher sur le marchepied, en pénétrant dans la cabine dorée du funiculaire. Il n'avait pas anticipé le fait qu'elle fût inclinée, ce qui était somme toute parfaitement logique puisqu'elle était axée sur la déclivité du toboggan de pierres. Il avait beau se trouver dans un état second, l'intérieur richement décoré le médusa un peu plus.
La coupole de verre illuminait le paysage en trompe-l'œil peint sur les parois de l’habitacle. N'ayant jamais connu nature si luxuriante, Isi songea que l'artiste nourrissait une imagination fertile. Entre les branchages des buissons, des créatures inconnues batifolaient. « Imaginaires sans doute », présuma Isi en avisant au centre de toutes, l'emblématique Mermecolion identifiable à sa tête de lion et son corps de fourmi. Il aurait été surprenant qu'un nappéen ne reconnût pas cette chimère-là, elle figurait sur les armoiries des Bellissimes. Le lion représentait l'image du pouvoir divin, de la richesse, et du Nombre d'Or ; la fourmi celle du peuple, de la répartition du travail, de la solidarité de groupe, et de l'espérance ; ensemble, ils symbolisaient La Nappe.
Les hublots étaient habilement intégrés au trompe-l'œil. Contre ceux-ci s'alignaient des banquettes en molleton capitonné, ne laissant qu'un petit escalier au milieu pour traverser. Des coussins et des traversins de toutes tailles, de toutes formes et de toutes les matières s'empilaient en désordre dans la longueur des banquettes. Assis sur celle du fond, les trois Précerel – la mère, le père et Junior – toisaient Isi.
— Ca-gou-lé. On ne fait pas entrée plus navrante. À croire que ce jeune homme se départit d'ores et déjà de sa victoire, railla le père Précerel assez fort pour être entendu.
Même si l'excès d'artifices cosmétiques leur ôtaient une bonne part d'expressivité, ils témoignaient du dédain autant que de curiosité à son égard. Isi se demanda s'ils voulaient évaluer par eux-mêmes l'ampleur du scandale dont il était l'objet. Il n'allait certainement par leur donner satisfaction en s'affichant à découvert. Sa cagoule, c'était la seule cachette qu'il lui restait. Il comptait la garder.
— Les pauvres ne devraient pas pouvoir con-cou-rir, renchérit le père. Nous éviterions bien des dé-sa-gré-ments.
Isi ne savait pas ce qui l'incommodait le plus chez cet homme. Était-ce le fait que, malgré sa noble allure, dès qu'il ouvrait la bouche une myriade de postillons se mettait à ruisseler dans sa sa barbe noire taillée en pointe, ou sa façon hautaine d'appuyer certaines syllabes plutôt que d'autres. Ou bien encore le fait qu'il n'avait aucun mal à faire comprendre à Isi qu'il n'était qu'indésirable à bord. Les Précerel abhorrait la laideur et la pauvreté qui allait de pair, c'était de notoriété publique. Isi ne se fit pas prier et se tassa sur la première banquette à sa portée, en tête de cabine.
Tout se présentait sous des auspices trop luxueux, trop riches, trop biens pour lui. Et pour ajouter un peu plus à sa confusion, il découvrit avec horreur que son manteau sale venait de tâcher un des coussins de soie, dans son dos. Il essaya de frotter la tâche du poing, et ne parvint qu'à l'étaler un peu plus. Il se contenta d'écarter les autres coussins autour de lui. Clairement, il n'était pas à sa place. Et il n'était pas le seul à le penser.
La mère, trop occupée à lever les yeux vers la verrière, n'avait pas remarqué le malaise au sein de la cabine. Elle salua les Précerel d'un naïf :
— Merveilleux, c'est merveilleux, n'est-ce pas ?
Isi n'eut aucun mal à imaginer le regard inquisiteur des Précerel en retour. Elle s'assit à côté de lui, et posa délicatement une main sur l'épaule de son fils, l'autre caressant un traversin de soie.
— Entre nous, j'ai toujours su que de vous deux, ce serait... toi, plutôt que Boris. Que tu serais appelé à devenir quelqu'un.
Isi ne sut si elle était sincère. Elle avait cherché ses mots et ne l'avait pas regardé dans les yeux. À cet instant du moins, il avait envie d'y croire. La mère ne se montrait jamais tactile d'ordinaire. Pour la première fois depuis le séisme déclenché par sa victoire, Isi s'apaisa.
— Merci maman, chuchota-t-il.
— Et ne t'inquiète pas pour Boris. Lorette veillera sur lui, et lui sur elle.
À l'évocation de sa grand-mère, quelque chose se brisa dans le cœur d'Isi. C'était là, la chose la plus horrible de toutes. Nommé courtisan, il tirait un trait sur sa vie et sur tout ce qui comptait pour lui. Il pensa à ce front ridé comme un tract chiffonné. À ces cheveux gris. À ce dos en arc de cercle. À ces mains tremblotantes. À cette invariable salopette tombante dont elle oubliait d'attacher les bretelles une fois sur deux. Et à son sourire édenté si franc que jamais plus il ne reverrait. Ses yeux s’humidifièrent un peu.
Boris ne saurait certainement pas veiller sur grand-mère Lorette. Elle avait oublié Isi trois jours plus tôt. Un jour, elle finirait par s'oublier toute entière. Isi culpabilisa de n'avoir mis personne dans la confidence.
— Maman ? Il faut que je te dise...
— Pas maintenant. L'Oratrice va annoncer un nouveau résultat.
Les parois de la cabine se révélaient prodigieusement blindées pour que l'orgue du Mètre et les porte-voix parussent si diffus. Isi dressa l'oreille. La mairesse annonça le score de seize. Le candidat suivant avait échoué. En vérité, Isi n'avait pas le cœur à y être sensible, il n'avait que sa grand-mère à l'esprit.
— Ouf, quel soulagement ! soupira la mère. Je craignais que le Mètre n'ait eu des ratés lors de ton évaluation. Si ce gamin – plutôt laid d'ailleurs – avait réussi lui-aussi, c'aurait été plus qu'anormal... (Constatant la portée de ses mots, elle rectifia) Heu, ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire... Toi, tu es beau bien sûr. Et preuve est faite que le Mètre ne s'est pas trompé. Tu es beau. Et un candidat beau, c'est gagnant.
— Maman ? répéta Isi sans l'écouter, toujours déterminé à lui révéler les soucis de santé de Lorette.
— Puisque je te dis que ta victoire est méritée. Le Mètre est parfait, le parfait est maître. Laisse-moi savourer le reste du spectacle en paix.
La mère se pencha suffisamment de côté pour voir la scène par l'ouverture des portes de la cabine et pour découvrir la nouvelle candidate en train de prendre place dans l'armure du Mètre. Isi s'avachit sur la banquette. Et il essaya de se convaincre que Boris saurait composer avec la situation. De ne plus penser à grand-mère Lorette. De ne plus penser aux trous dans la salopette. En fait, de ne plus penser à rien du tout. Il noya son regard dans la partie du trompe-l'œil la plus proche de lui, jusqu'à en deviner le plus infime coup de pinceau.
***
Deux autres candidats et leurs géniteurs respectifs prirent place dans la cabine dorée, à quelques minutes d'intervalle.
Son ample chevelure blonde tombant au bas du dos, Pandora Rouillet fit une entrée remarquée. Chacun de ses pas était plus gracieux que le précédent. Elle semblait marcher sur un fil, et son bassin dansait délicatement. Féodor Junior, loin d'être insensible à ses charmes, la siffla, ce qui lui valut les remontrances de sa mère. Pandora s'en amusa et lui rendit un sourire. Elle était si svelte qu'on aurait pu l'imaginer fragile, à l'égal d'une brindille. Ses yeux d'un noir profond ne laissaient cependant aucun doute sur sa détermination. Elle avait l'air capable de tout. Une véritable machine de guerre. Ses parents s'étaient certainement appliqués à la guider jusqu'à ce jour et cette victoire. Dans son sillage, ils affichaient tous deux un sourire de fierté mal dissimulé aux coins de leurs lèvres pulpeuses et débordantes.
Peu après, Victorien Tarrieux l'emporta à son tour. En dépit de son allure athlétique, ses petites lunettes rondes logées sur son nez impeccablement droit ne parvenaient pas à masquer ses trop nombreux clignements d'yeux. Il était décontenancé. Lui n'était accompagné que par sa mère très émue elle-aussi, qu'il soutenait du bras. Isi pensa d'abord que cette dame pleurait de joie, il finit par comprendre en entendant son fils la consoler que le frère jumeau de Victorien n'avait pas été retenu – à un tuyau près – et que son père avait fait le choix ne pas les accompagner pour continuer à subvenir aux besoins du reste de la fratrie.
Il n'y eut pas d'autres vainqueurs.
— Dans la moyenne, commenta la mère d'Isi sans s'arrêter de frôler du bout des doigts le tracé des broderies de son traversin. Une fille et trois garçons, pas si mal. C'est toujours mieux que les Grand-messes précédentes où une seule candidate s'était qualifiée.
« Pas si mal ». Isi aurait payé cher pour que ces Grand-messes du Nombre d'Or se révèlent un mauvais cru. Ou pour simplement échanger sa place. La cérémonie touchait à sa fin. Et tandis que la foule entonnait à nouveau l'hymne de La Nappe, les courtisans remontaient à bord de la cabine dorée en rang trois par trois, à la manière dont plus tôt ils en étaient sortis. Leurs parfums empoisonnaient l'air. Chaque pli de capes, chaque coin de mitres, chaque centimètre de peaux semblait en avoir été surabondamment aspergé. La cabine se mit à empester à l'instar d'une salle de beauté. Pour autant, le plus incommodant demeurait leurs attitudes : ils se détournaient, ils se cachaient le visage dans la cape, ils sanglotaient parfois aussi.
Isi se tassa sur la banquette et colla son front au hublot.
— Et bien, ils en font tout une histoire pour un manteau sale et une cagoule, disconvint sa mère avec morgue. Tu sais, tu n'as plus à craindre de t'afficher sans elle.
— Je... je préfère vraiment la garder encore un peu. L'habitude.
— Comme tu préfères.
Ticling ticlang cling
De légers à-coups firent tanguer la cabine lorsqu'elle amorça la remontée du toboggan de pierres.
Bientôt, elle fut si haute qu'Isi compta plus de grains de pollen à danser au gré des courants descendants que d'oiseaux à voler. Il voyait le quadrillage de rues à la limite du théâtre se ramifier jusqu'aux portes de la cité. Une brume ocre s'y propageait émanant des carrières d'argile. Puis, à mesure que les exploitations et les bâtiments bigarrés s'espaçaient, les dunes de sel inhospitalières envahissaient le paysage jusqu'à la ligne d'horizon.
Le cœur d'Isi se fit gros. Il quittait la cité. Sa cité. Pour de bon.
La cabine traversa le voile de pollution et les rues au-dessous se réduisirent bientôt à de simples lignes nébuleuses. La mère leva la tête vers la coupole de verre crevant la nuée. Elle resta bouche bée, tandis que l’habitacle de la cabine se nimbait des rayons du soleil. Et elle se frotta les yeux pour être certaine de ne rien manquer. Une épaisse muraille encerclait la colline à la façon d'une tornade indomptable. À sa suite, la Bulle d'Or étala toute sa superbe. La perspective en contre-plongée offrait à ses longues tours des allures de flèches d'or décochées vers le firmament. Chacune d'elles se reliait aux autres au moyen de passerelles en arc, enjolivées de pignes d'ornement. Isi se sentit écrasé par l'édifice. Lui ne voyait dans ce spectacle qu'une immense toile d'araignée couverte de gouttes de rosée. Un piège à moucherons.
— À nous la belle vie ! se délecta la mère, époustouflée.
La laissant à sa contemplation, Isi se demanda si elle avait dit ça pour lui ou pour le palais des Bellissimes s'élargissant au-dessus d'eux. Toujours est-il qu'elle serra fort le traversin brodé, et que ses yeux se mirent à étinceler comme jamais ils n'avaient étincelé.
Trop content de revenir ici, j'aime beaucoup ton histoire ! Il me semble que tu l'as archivé ? J'ai l'impression qu'elle vient de réapparaître dans ma pal^^ Je me souviens très bien des enjeux de ce début de récit et ne me suis pas senti perdu malgré le temps écoulé depuis mon dernier passage. Même si on devine le résultat, ce chapitre cristallise beaucoup d'enjeux. On découvre les autres sélectionnés, qui auront probablement un rôle à jouer dans l'intrigue, une mystérieuse femme, qui en sait sûrement plus que nous sur ce résultat anormal, et on devine un peu les portes qui vont s'ouvrir à Isi. Un nouveau monde qui derrière ses apparences ne semble pas moins cruel.
La mère d'Isi est toujours aussi détestable mais tu l'écris avec une certaine nuance. Comme c'est sa mère, Isi ne peut s'empêcher de croire qu'elle tient à lui alors qu'elle semble ne le voir que comme une opportunité.. Je sens qu'elle va se créer pas mal d'ennuis au Sommet...
Mes remarques au fil de la lecture :
"Une main invisible remuaient ses bras en tous sens," -> remuait
"L'entendre baragouiner un semblant d'encouragement. Lunaire." le mot lunaire résume bien la scène...
"Restée assise à l'écart, une courtisane – chaperonnée par un colosse tout en muscles – couvait Isi du regard. Sous son teint mat et sa mitre bizarrement inclinée, elle affichait l'expression d'une véritable illuminée." hmm ce personnage m'intrigue...
"C'est la loi. Il a perdu. Tu as gagné. C'est toi que j'accompagne." ce personnage est vraiment horrible xD
"à l'égal d'une brindille." -> telle une brindille ? les deux se disent, je trouve juste personnellement que c'est plus joli avec tel^^
Un plaisir,
A bientôt !
Effectivement j’avais masqué l’histoire le temps d’un appel à texte qui s’est terminé la semaine passée. La revoici en ligne.
Tes suppositions sont justes. Il y a en effet beaucoup d’expositions dans ce chapitre. Et de nouveaux personnages secondaires apparaissent déjà en filigrane.
Concernant la mère, j’essaie de ne pas la rendre plus détestable qu’elle n’est, haha. Je la vois comme une mère de mini miss dont on ne sait pas trop si elle vit sa meilleure vie, par le biais de ses fils. Et à travers eux.
Elle symbolise à mes yeux le parent-type de La Nappe qui voit ses enfants comme l’occasion d’un reclassement social. Comme un moyen…
C’est cruel, mais tout le système est cruel en vérité.
Merci pour ta lecture et ton retour détaillé. :D
À bientôt !
Artichaut
C’est cruel, mais tout le système est cruel en vérité." c'est juste....
La cruauté de la mère (certes inexcusable) s'explique assez bien malheureusement.
Un peu de patience encore. ^^
Le chapitre de la cérémonie est attendu, un peu comme les présélections dans Hunger Games ou un tournoi dans un manga. On peut aussi penser à qui recevra les billets d'Or dans Charlie et la Chocolaterie. On se dit que forcément il va se passer un truc non usuel pour Isi et je me demandais s'il allait être sélectionné. Tu as réussi à injecter du suspense, on a envie de continuer. 👍
Coté style, ça se lit toujours bien. Ta plume est fluide. J'aime bien ce type de style où le lecteur est happé dans le livre. En plus, tu ajoutes un petit ton comique sans forcément que ce soit lourdingue. C'est le genre de style qui me plaît beaucoup. Il est utilisé en jeunesse et YA et je trouve qu'on devrait davantage l'utiliser dans des romans adultes, mais je m'égare.
Petit à petit, on en apprend plus sur ton monde.
Passons aux points négatifs (c'est très subjectif tout ce que je dis).
1- Les descriptions
- Je trouve que des descriptions pourraient davantage appuyer le physique des gens s'il est si important dans ton monde. Je reste sur l'idée que des physiques même perçus comme disgracieux pour nous pourraient être reconnus comme beaux par la machine ?
- Comment est la salle ? À défaut, je me l'imaginais comme un théâtre romain en plus petit, car tous arrivent à voir les visages en détail de leur siège. Ou alors est-ce qu'il y a des écrans géants ? C'est comment là-dedans ? Dans un style art nouveau ? Je décrirais un peu plus.
- À l'inverse, certaines descriptions sont trop longues. Petit bémol pour celle de la partie 1 avec la coline et le funiculaire, dans laquelle j'ai trouvé les descriptions longues et finalement confuses.
Je vois à quoi ressemble a peu près la coline, mais je me représente mal le funiculaire et pourquoi il met si longtemps à descendre alors que tout devrait être prêt pour la cérémonie ?
Et comment voient-ils la coline si la ville est plongée dans un smoke, comme tu le dis un chapitre plus tôt, avec les cheminées des fabriques de cosmétiques qui embrument la ville ?
Et qu'en est-il du sable ? On dirait que tu l'as oublié. Je m'attendais à une ville proche d'un désert où quelque chose ?
Autre point : la machine a des tuyaux, mais le fait de réaliser une élipse juste avant qu'Isi n'entre dedans t'empêche de la décrire correctement, c'est dommage. À quoi ressemble la machine ? Un amas de tuyaux ? Elle ressemble à une bestiole ? Laquelle ? Une fourmi ? Je la décrirais en détail. Aussi, ce serait marrant que lorsqu'un candidat gagne, on ait une belle musique, pas seulement 27 sons informes ?
2- Quelques paragraphes longuets
Je n'en dis pas plus, tu verras dans mes notes. Deux soucis à mes yeux ici : premier, tu as tendance à parfois faire des allers et retours narratifs. Je pense aux réflexions d'Isi dans le funiculaire, par exemple lorsqu'il est triste pour sa grand-mère. Il pense à sa grand-mère et est triste puis sa mère arrive, il y a une action au milieu, puis il repense à sa grand-mère. Au risque de créer des répétitions d'idées ou de perdre en clarté, je ferais A+A au lieu de A>B>A (si tu vois ce que je veux dire !).
Deuxième, on dit souvent de faire du show dont tell, montrer la scène/une émotion, la faire vivre au lecteur, plutôt que de la décrire. Mais là, tu fais parfois du show+tell. Du genre (je dis nimp) : "Isi sourit à pleine dents. Il était heureux" < dans cet exemple moisi créé par moi, pas besoin d'en rajouter en disant "il était heureux". Le lecteur a compris en lisant son émotion montrée par son sourire, pas besoin d'en rajouter une couche. C'est de la surexplication.
Voilà voilà, sinon quelques questions/réflexions 🙂:
Pourquoi les candidats restent dans les gradins ? Ils pourraient se placer proches de la machine, non ? (tu répètes souvent l'action de monter ou descendre des marches)
Je trouve que bousculade est une bonne idée, ça montre le stress de tout le monde, l'importance de la cérémonie, les espoirs aussi placés dans cette cérémonie. En revanche, pour que tout s'emboîte bien, tu pourrais la lier avec l'entrée d'Isi, vu qu'il a peur de se faire arrêter à cause du pot. Il peut réussir à passer tranquille grâce à la bousculade ?
Tu insistes avec cette bonne femme rondouillarde. Tu nous caches quelque chose 😄
Autre point : toute la société ne tourne donc pas autour de cette cérémonie. Je m'attendais à ce que la machine attribue des positions sociales du genre "toi tu es beau donc tu seras bourgeois", "toi tu es moche, tu auras une position subalterne comme le gardien d'eau etc. Pourquoi ce n'est pas le cas ? Pourquoi tout le monde est si stressé ? Ils n'ont rien à perdre, alors que si toute la société tournait autour de la beauté, un bourgeois pourrait y jouer sa fortune par exemple, le président pourrait être détroné par un jeunot, etc
Je reste sur l'idée que des coupes peuvent être effectuées au début pour courir vers la cérémonie et créer cet effet page turner (qui est presque là, il faut le dire 🙂)
C'est parti pour mes notes :
"Elle agrippait d'une main gantée de noir un cornet acoustique dont elle plaçait l'embouchure à ses lèvres pour y débiter son éloge."
> Tu as parfois des phrases longues qui pourraient être reformulées pour être plus fluides, par exemple : "Elle débitait son discours d'une voix stridente dans un long cornet acoustique plaqué contre ses lèvres."
> Certains détails comme le ton de sa voix me paraissent plus importants que la couleur de ses gants (comment Isi la voit ? Il semble avoir une vue de faucon)
> L'esthétique me rappelle la BD "La Nef des Fous"
"aux prochaines élections"
> Ça m'a surprise, je pensais que ton monde était une sorte de dictature autour de la beauté. En gros qui est jugé beau domine. Enfin, c'est ce que je me disais.
"C'était la première fois qu'il la voyait en chair et en os"
> Il ne vient pas tous les ans aux Messes ? Est-ce qu'elles sont retransmises à la télé ? Il y a la télé ? 🤔
"une centaine de courtisans en sortit. Des femmes. Des hommes."
> "De courtisans et courtisanes alors ? Ça t'évite le "des femmes des hommes"
"soulevées doucement par les rafales du vent"
> Les rafales de vent, c'est un pléonasme.
> Par ailleurs, il doit y avoir pas mal de sable qui vole non ?
" Majestueux ! », c'est le mot qui s'imposa à l'esprit d'Isi.
> Il pourrait se dire que ce n'est pas le genre de tissu qu'on trouvait chez lui. Enfin, une remarque plus personnalisée que ce "merveilleux" ?
"Tout en prenant place sur une estrade positionnée côté cour, les courtisans n'adressèrent ni une parole, ni un geste, et à vrai dire ni même un regard à la foule massée sur les gradins en face."
> J'éviterais les négatives pour être plus catchy
Par exemple : "Alors que les courtisans montaient sur l'estrade (coté cour ? Qu'est-ce que tu veux dire par là ?), leur regard était braqué vers le haut de la scène, comme imperméables aux ovations de la foule.
"Chacun de ces courtisans représentait un candidat victorieux des Grand-messes passées"
> Je remonterais cette info importante au moment où ils apparaissent. Elle est diluée placée ici.
"C'est trop peu pour prétendre à la Cour,"
> Je m'attendais à ce que ce soit comme le chapeau dans Harry Potter qui les assigne à diverses tâches et positions sociales en fonction de leur beauté. Ce n'est pas si terrible du coup. Un bourgeois ne risque pas d'être déclassé et un ouvrier a de grandes chances de rester où il est. Donc c'est pas si ouf. Je m'attendais vraiment à un grand chamboulement, quitte à ce que le roi/le président puisse être détroner lors d'une de ces cérémonies par un jeunot ou une jeunette plus beau ou belle.
"Ainsi, une mère perdit connaissance lorsque sa fille échoua à un tuyau près."
> C'est rigolo
"Au sein de la cité, les Précerel étaient une des familles de notables les plus en vue – car elle gérait la fabrique de cosmétiques – mais elle était avant tout et surtout une des plus craintes. Féodor Précerel était le Cerbère, chef des miliciens."
> Cette phrase m'a fait buter. Elle est peut-être un peu longue. J'essaie : "Au sein de la cité" peut être virer, on s'en doute. "Non seulement les Précerel possédaient la plus grande fabrique de cosmétiques, ce qui faisait d'eux la famille la plus riche de Nappe, mais en plus son héritier Féodor Précerel, à la tête de la milice, avait tous les gendarmes à sa botte. Ceux-ci faisaient peur à Isi quand ils patrouillaient dans le quartier ouvrier. Personne ne voulait avoir à faire au Cerbère, haut gardien du Nombre d'or."
"les talons des bottes"
> Les talons de leurs bottes
"Ce n'est qu'avec les années qu'il en avait saisi l'épouvantable véracité des faits."
> Enlever "en" ou "des faits"
"qui descendait les marches"
> Tu as beaucoup de gens qui montent ou descendent des marches.
> Tu peux simplifier ce paragraphe, c'est logique qu'il soit le fils du Cerbère. Isi pourrait se le dire de suite. Là tu as mille phrases, ça me paraît laborieux.
> Féodor Junior : bof pour ce nom à l'anglosaxonne. Pourquoi ils ne l'appeleraient pas d'un nom de cabot ridicule du genre Médor ?
J'essaie : "Le Féodor Précerel qui se dirigeait vers la machine d'un pas souple ôta sa cagoule avec désinvolture. Ses cheveux noirs de jais, ses traits fins et symétriques, sa large poitrine, tout chez lui criait au nombre d'or. C'était le petit-fils du Cerbère. Celui qu'on surnommait sous cape "Médor".
"cheveux noirs de jais soignés, figure angélique, grand, athlétique ; exactement comme elle le lui avait décrit"
> Comment sait-elle la tête de Junior s'il porte un cagoule en public ?
"Par conséquent, vous siégerez à la Cour à l'issue de cette cérémonie et pour le reste de votre vie. La Bulle d'Or vous ouvre ses portes. À vous, ainsi qu'à vos géniteurs – s'ils le souhaitent."
> Pas sûre qu'il faille le répéter
Le visage d'Isi :
Un peu longuet le premier paragraphe. Pareil qu'avant, tu peux synthétiser en quelques phrases. Là les infos se répètent, c'est pas la peine.
"Mètre venait de lui octroyer une victoire pleine et entière."
> Pas la peine de surexpliquer. Je virerais cette phrase
"Son physique était considéré esthétiquement parfait."
> Idem
Le paragraphe avec la grosse femme absente est un peu long. Tu te repètes dedans. Je simplifierais
"Était-ce le fait que, malgré sa noble allure, dès qu'il ouvrait la bouche une constellation de postillons se mettait à ruisseler dans sa barbe noire taillée en pointe, ou bien sa façon hautaine d'appuyer certaines syllabes plutôt que d'autres."
> Tu ne décris pas son visage défiguré. Quand on l'apprend plus tard, on tombe de haut. Je ne comprends pas qu'Isi ne l'ait pas remarqué a ce moment-là - voire même encore avant ? Si dans ton monde la beauté est au centre de tout, il faut le dire tout de suite ?
"Nommé courtisan, il tirait un trait sur sa vie passée et sur tout ce qui avait pu compter jusque là pour lui"
> "Ses yeux s’humidifièrent un peu." : je placerais cette phrase juste avant l'autre relevée plus haut et je dirais plutôt ça : "Ses yeux s’humidifièrent. Une fois courtisan, il tirerait un trait sur sa vie passée. Non pas qu'il la regretterait, ne plus subir les rebuffades de son frère était un soulagement, mais se dire que jamais plus il ne reverrait mémé Lorette créait dans son ventre une boule glacée."
> Il faut que tu regroupes les passages sur Lorette. Ils sont disséminés partout ce qui crée des allers-retours narratifs.
"Ainsi, il put voir."
> Tu peux enlever cette phrase, c'est implicite
"La conversation était close."
> Idem pour celle-là, c'est de la surexplication, du show + tell
"Du moins, autant qu'elle le pouvait, car elle avait été interceptée par le technicien du Mètre. Les poings serrés de l'homme lui maintenaient solidement les avant-bras le long du corps.
> Du moins, autant qu'elle le pouvait, maintenue comme elle l'était par le technicien du Mètre" ?
"Isi ne sut pas si elle était sincère"
> Isi douta de sa sincérité ?
"La suivant de peu, ils affichaient un sourire de fierté mal dissimulé aux coins de leurs lèvres pulpeuses et débordantes."
> Il manque quelque chose pour clore le paragraphe comme : "La suivant de peu, ils affichaient un sourire de fierté mal dissimulé aux coins de leurs lèvres pulpeuses et débordantes, alors qu'elle prenait place dans la cabine du funiculaire près d'Isi." ?
Et voilà. Encore une fois, toutes mes remarques sont subjectives. Tu prends celles qui t'intéressent pour bosser sur ton texte et tu jettes les autres.
Pour l'instant, l'histoire est sympa. Je m'attendais assez à ce qu'il soit selectionné (on s'y attend mais c'est pas grave. C'est comme dans Hunger Games, si elle ne participe pas aux jeux, à quoi bon) et je me demande quelles seront les conséquences de ce choix et ce qui va lui arriver maintenant. 🙂
Un grand merci pour ce retour construit. Tu arrives aux chapitres qui n'ont pas eu énormément de retours, et qui sont forcément moins retravaillés. Le fait que tu évoques les longueurs ne me surprend donc pas. Je n'ai pas encore effectué les "coupes" de montage (comparaison cinématographique obligée).
À te lire, j'y vois un aspect très positif. Tu as enchaîné les chapitres, signe que - malgré la prévisibilité de l'élément déclencheur - la curiosité l'emporte ^^
Et ça me fait plaisir.
L'idée que le livre finisse par tomber des mains est sans doute ma pire crainte.
Je vais répondre dans le détail à présent...
"Le chapitre de la cérémonie est attendu"
>
Tout à fait. C'est un chapitre que j'ai en tête depuis le premier jour. Et je me devais de le réussir car il est un peu le chapitre "catapulte" du récit.
Je pense que je m'en sors pas trop mal, même s'il reste perfectible sur pas mal d'aspects. À commencer par la longueur.
"Tu as réussi à injecter du suspense, on a envie de continuer."
>
Ça me fait plaisir. Je suis très attaché au suspense, c'est pour moi un moteur du récit.
À ce stade de l'histoire, le héros se retrouve "passif". Il attend que les choses se passent, de ne pas être sélectionné et de rejoindre sa grand-mère.
Le suspense (quand il est bien utilisé) est un des éléments qui maintient la tension et évite à la passivité de devenir ennuyeuse (mes cours de Scénario me servent beaucoup dans mon écriture). Un peu comme certains plans d'un Hitchcock. Je pense à la voiture qui met un temps fou à sombrer dans le marais dans Psychose par exemple. Dans les faits, ça ne fait pas avancer l'intrigue, mais ça maintient le spectateur dans un sentiment de tension constant.
Avec cette cérémonie, j'ai voulu jouer sur un sentiment d’oppression entre sectarisme et voyeurisme. Mais sans rien montrer. Isi ne fait qu'entendre, il imagine. C'est pire.
Est-ce que j'y suis arrivé ? J'espère... ^^
"En plus, tu ajoutes un petit ton comique sans forcément que ce soit lourdingue. C'est le genre de style qui me plaît beaucoup. Il est utilisé en jeunesse et YA et je trouve qu'on devrait davantage l'utiliser dans des romans adultes, mais je m'égare."
>
J'adore utiliser l'humour. Ça permet de dédramatiser. Ici la situation est obscène, presque choquante. L'humour me permet un peu de désamorcer ça et de rendre la scène "tout-public".
Je pense aussi que ce sont mes influences BD/cartoon qui ressurgissent. Haha.
"Je trouve que des descriptions pourraient davantage appuyer le physique des gens s'il est si important dans ton monde."
>
C'est le paradoxe de ce chapitre en effet. Isi ne regarde pas les évaluations des autres candidats. Donc il ne voit pas ceux qui passent avant lui - à part Féodor Junior et Boris.
Mais je pourrais insister sur le physique des accompagnateurs, c'est vrai.
"Je reste sur l'idée que des physiques même perçus comme disgracieux pour nous pourraient être reconnus comme beaux par la machine"
>
N'est-ce pas le cas d'une certaine façon avec la sélection d'Isi.
"Comment est la salle ? À défaut, je me l'imaginais comme un théâtre romain en plus petit, car tous arrivent à voir les visages en détail de leur siège. Ou alors est-ce qu'il y a des écrans géants ? C'est comment là-dedans ? Dans un style art nouveau ? Je décrirais un peu plus. À l'inverse, certaines descriptions sont trop longues. Petit bémol pour celle de la partie 1 avec la colline et le funiculaire"
> C'est effectivement un théâtre romain à ciel ouvert. Avec une scène. J'ai en tête le théâtre d'Orange, mais le mur de scène est ouvert sur la station du funiculaire - lui-même inspiré du magnifique funiculaire hydraulique de Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille. Une image :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e1/Funicular_%26_Notre_Dame_de_la_Garde%2C_Marseille%2C_France%2C_ca._1895.jpg
Pour ce qui est d'Isi, il n'a pas de jumelles. Donc il voit les gens de loin. Un peu à l'échelle d'une arena de concert (pas un stade non plus).
"mais je me représente mal le funiculaire et pourquoi il met si longtemps à descendre alors que tout devrait être prêt pour la cérémonie"
>
Le funiculaire de Marseille peut descendre les 84 mètres en deux minutes et se remplit d'eau en dix minutes. Je me suis adapté à ces données.
Ici, la colline mesure 200 à 300 mètres. Le temps de remplissage est le même, mais le temps de trajet est au moins triplé.
Pour ce qui est de la descente, j'y vois plus un rituel. L'arrivée des courtisans dicte le lancement. Je les vois mal attendre que les citadins s'installent. Ils valent mieux qu'eux.
Par ailleurs, j'insiste sur le funiculaire qui est le seul point d'accès à la ville. Il est important que le lecteur en saisisse le fonctionnement.
Peut-être que j'insiste trop, ceci dit.
"Et comment voient-ils la colline si la ville est plongée dans un smoke, comme tu le dis un chapitre plus tôt, avec les cheminées des fabriques de cosmétiques qui embrument la ville ?"
>
La fumée se dirige sur les quartiers est. Ce qui permet à Isi de s'orienter dans le chapitre 2. Toute la ville n'est pas totalement "noyée". Mais c'est peut-être une vision très dessinée que j'ai en tête et que je devrais embrumer un peu les contours de la colline.
En tout cas ici, ils sont au centre de la cité, relativement abrités par la colline. Donc épargnés par la fumée et les rafales de sable.
"Et qu'en est-il du sable ? On dirait que tu l'as oublié. Je m'attendais à une ville proche d'un désert où quelque chose ?"
>
La ville est entourée par un désert de sable et de sel. Je le mentionne quand le funiculaire entame l'ascension et qu'Isi regarde par le hublot.
Je pourrais insister dessus, en évoquant le fait que les gradins du théâtre sont partiellement ensablés mais que la colline abrite des rafales, effectivement.
"Autre point : la machine a des tuyaux, mais le fait de réaliser une ellipse juste avant qu'Isi n'entre dedans t'empêche de la décrire correctement, c'est dommage. À quoi ressemble la machine ? Un amas de tuyaux ? Elle ressemble à une bestiole ? Laquelle ? Une fourmi ? Je la décrirais en détail."
>
Elle est pourtant décrite en détails. Quand elle sort du funiculaire. Elle a d'ailleurs une forme d'araignée.
"Aussi, ce serait marrant que lorsqu'un candidat gagne, on ait une belle musique, pas seulement 27 sons informes ?"
>
J'aime l'idée, je prends.
"Tu as tendance à parfois faire des allers et retours narratifs. Je pense aux réflexions d'Isi dans le funiculaire, par exemple lorsqu'il est triste pour sa grand-mère. Il pense à sa grand-mère et est triste puis sa mère arrive, il y a une action au milieu, puis il repense à sa grand-mère. Au risque de créer des répétitions d'idées ou de perdre en clarté, je ferais A+A au lieu de A>B>A (si tu vois ce que je veux dire !)."
>
Intéressante remarque. Je note.
"Tu fais parfois du show+tell."
>
Tu m'as évoqué ce défaut. Je sais que je l'ai, mais parfois je ne le vois pas.
Il faut que j'essaye de canaliser ma tendance à faire des surcouches.
Je retravaillerais ça. ^^
"Pourquoi les candidats restent dans les gradins ? Ils pourraient se placer proches de la machine, non ?"
>
Je voulais montrer la discipline de fer.
Si leur curiosité prend le pas sur leur peur, je crains que ça ne fasse Foire de Paris.^^
"tu répètes souvent l'action de monter ou descendre des marches"
>
Je note.
"Je trouve que bousculade est une bonne idée, ça montre le stress de tout le monde, l'importance de la cérémonie, les espoirs aussi placés dans cette cérémonie. En revanche, pour que tout s'emboîte bien, tu pourrais la lier avec l'entrée d'Isi, vu qu'il a peur de se faire arrêter à cause du pot. Il peut réussir à passer tranquille grâce à la bousculade ?"
>
Impossible scénaristiquement.
La grosse dame s'assied à côté d'Isi, sciemment. Dans une bousculade, elle n'aurait pas cette possibilité.
La bousculade est d'ailleurs un prétexte pour la présenter "subtilement".
"Tu insistes avec cette bonne femme rondouillarde. Tu nous caches quelque chose"
>
Élémentaire mon cher Watson ;)
"Autre point : toute la société ne tourne donc pas autour de cette cérémonie. Je m'attendais à ce que la machine attribue des positions sociales du genre "toi tu es beau donc tu seras bourgeois", "toi tu es moche, tu auras une position subalterne comme le gardien d'eau etc. Pourquoi ce n'est pas le cas ?"
>
Bah oui pourquoi... Haha
Effectivement il y a dans cette société quelques paradoxes délibérés (je ne voulais pas en faire quelque chose de trop caricatural où le Mètre est tout-puissant, car pour moi c'est ce flou qui permet la manipulation de masse).
Disons pour résumer que la Cour c'est une retraite dorée. L'assurance d'un avenir serein, du luxe. Un paradis pour une majorité de gens.
La Nappe - elle - se construit sur un modèle de classes, mais la beauté y tient une place importante puisque les Grand-messes en sont le moteur. Aussi, dans le cadre d'une élection de maire, la beauté joue indéniablement. Derrière Isi, le parent à la jumelle dit qu'il votera pour un candidat plus jeune, car la mairesse actuelle se fait trop vieille.
Pareil avec les mariages arrangés que j'évoque à peine : les riches s'achètent des pauvres beaux dans l'espoir d'une plus belle progéniture.
D'ailleurs, je n'ai pas encore évoqué ce qu'on fait des "périmés" à La Nappe. On n'y vieillit pas sereinement, à l'inverse de la Bulle.
"Pourquoi tout le monde est si stressé ?"
>
Ils sont plus anxieux que stressés.
Ils espèrent tous faire partie des élus.
"Ils n'ont rien à perdre, alors que si toute la société tournait autour de la beauté, un bourgeois pourrait y jouer sa fortune par exemple, le président pourrait être détroné par un jeunot, etc"
>
Ils n'ont rien à perdre, mais ils ont l'espoir de gagner. Qu'ils soient riches ou pauvres.
Pour moi tu manipules plus un peuple par l’appât du "gain" que par la menace de la perte. Quand tu perds, tu finis toujours par te révolter contre le système.
Du coup, je pense que je devrais insister sur ce qu'il y a à gagner, ce qu'on dit de La Nappe. Son faste, son luxe. Sa vie de rêve.
"Je reste sur l'idée que des coupes peuvent être effectuées au début pour courir vers la cérémonie et créer cet effet page turner (qui est presque là, il faut le dire 🙂)"
>
Je note ;)
Je vais faire un second post pour les notes. ^^
"comment Isi la voit ? Il semble avoir une vue de faucon"
>
Il la voit en petit format. Haha
Ici je compare avec une situation en arena, où les détails vestimentaires me semblent visibles. Des gants noirs agrippant un cornet acoustique en laiton, ça crée (de mon point de vue du moins) un contraste identifiable même à distance.
Mais je peux sans doute insister sur le fait qu'il ne voit que le global et non les détails.
"L'esthétique me rappelle la BD La Nef des Fous"
>
La référence est top. ^^
"En gros qui est jugé beau domine. Enfin, c'est ce que je me disais."
>
Qui est jugé beau rejoint la Cour. C'est une forme de domination en soit. Une sorte de paradis sur terre. Du moins, c'est comme ça que les habitants de La Nappe le perçoivent.
"C'était la première fois qu'il la voyait en chair et en os
> Il ne vient pas tous les ans aux Messes ? Est-ce qu'elles sont retransmises à la télé ? Il y a la télé ?"
>
La mairesse laisse la gestion des pauvres à ses subalternes. Isi ne l'a jamais croisée en vrai (d'où le "chair et en os"). On peut imaginer qu'il la connaît d'affiches de campagne par exemple, donc indirectement.
Il n'y a pas la télé. Seuls les gens avec un laissez-passer assistent physiquement aux Grand-messes (d'où le fait que Lorette ne soit pas présente). Mais pour le reste de la population, la cérémonie se suit à l'oreille. Les commentaires amplifiés de la mairesse suffisent à se faire une idée du déroulé de la cérémonie.
Isi a donc pu l'entendre les années précédentes, sans rien en voir. Ce qui est très pratique d'un point de vue scénaristique car Isi visualise la cérémonie en même temps que le lecteur.
"soulevées doucement par les rafales du vent
Les rafales de vent, c'est un pléonasme.
Par ailleurs, il doit y avoir pas mal de sable qui vole non ?"
>
Il y a une erreur ici. Il ne devrait pas y avoir de rafales, puisque la colline abrite.
Ça c'est un ancien copier-coller de descriptions vestimentaires mal édité.
Pas attentif, l'artichaut ^^
" Majestueux ! », c'est le mot qui s'imposa à l'esprit d'Isi.
Il pourrait se dire que ce n'est pas le genre de tissu qu'on trouvait chez lui. Enfin, une remarque plus personnalisée que ce "merveilleux" ?"
>
Le "majestueux" porte sur leur allure au complet. Mais je note le commentaire.
"cheveux noirs de jais soignés, figure angélique, grand, athlétique ; exactement comme elle le lui avait décrit"
> Comment sait-elle la tête de Junior s'il porte un cagoule en public ?"
>
Alors personne ne sait à quoi ressemble Junior, à part le clan Précerel. Mais ce qu'Isi constate quand Junior se déshabille, c'est qu'il est le portrait de son grand-père au même âge - tel que raconté par la grand-mère.
Ce n'est sans doute pas clair du coup.
"Par conséquent, vous siégerez à la Cour à l'issue de cette cérémonie et pour le reste de votre vie. La Bulle d'Or vous ouvre ses portes. À vous, ainsi qu'à vos géniteurs – s'ils le souhaitent.
Pas sûre qu'il faille le répéter"
>
De quelle répétition parles-tu ?
"Tu ne décris pas son visage défiguré. Quand on l'apprend plus tard, on tombe de haut. Je ne comprends pas qu'Isi ne l'ait pas remarqué a ce moment-là - voire même encore avant ? Si dans ton monde la beauté est au centre de tout, il faut le dire tout de suite ?"
>
Là, il y a un gros quiproquo. Ce n'est pas Junior qui est défiguré. Mais Féodor - premier du nom - aka le grand-père Cerbère.
Junior et ses deux géniteurs sont "lisses" de peau, mais absolument pas marqué d'une quelconque façon.
Du coup, je m'interroge sur la phrase qui a pu générer une telle confusion.
"Et voilà. Encore une fois, toutes mes remarques sont subjectives. Tu prends celles qui t'intéressent pour bosser sur ton texte et tu jettes les autres."
>
Merci merci merci. Ça me donne à réfléchir et c'est ce qu'il faut.
Je file voir tes autres commentaires. ^^
>
Qui est jugé beau rejoint la Cour. C'est une forme de domination en soit. Une sorte de paradis sur terre. Du moins, c'est comme ça que les habitants de La Nappe le perçoivent.
> Je me demande si aller un cran plus haut ne donnerait pas plus d’enjeux à cette cérémonie. Ici, comme tu le présentes, c’est comme une sorte de jeu, genre jouer au loto. Si tu gagnes, c’est cool, tu es riche, à l’abri du besoin, mais si tu perds (ce qui est le cas de presque tous), ça ne change rien pour toi. Alors que si au lieu de donner une note, le Mètre donnait une affectation dans la société, comme lors de la remise de diplôme (où tu serais juger sur ta beauté), ce serait terrible et un grand espoir pour tous (et en gros, ça ne changerait pas grand-chose pour Isi qui pourrait au terme de la cérémonie être nommé courtisan et rejoindre la cour). Tu pourrais inventer des métiers farfelus autour de la beauté, de l’hygiène etc. À mes yeux, ça augmenterait considérablement les enjeux des Messes et je comprendrais de suite la peur/l’engouement autour de cette cérémonie qui chamboule l’ordre social sur un critère subjectif qu'est la beauté (et en plus déterminé par une machine, un peu comme Parcours Sup :-) )
>
Je comprends tout à fait ta remarque.
Je ne peux pas faire du Mètre un tel décisionnaire. Cela irait à l'encontre de tous mes arcs narratifs à venir. Il y a une ambiguïté calculée.
En revanche, je peux décider que les habitants estiment entre eux qu'une note (en fonction du nombre de tuyaux) a une valeur sur un CV.
À noter qu'il y a une caractéristique fondamentale dans cette société : les femmes (en large majorité) ne travaillent pas. Elles procréent. Car leur progéniture demeure le seul espoir pour les parents d'une place à la Cour, une fois les Grand-messes passées.
Lorette est une exception. Je l'ai mentionné dans le chapitre 4, et je ré-insiste dessus dans le prochain chapitre.
Je te laisse découvrir le descriptif du travail par toi-même : https://www.lindependant.fr/2018/10/14/connaissez-vous-la-couseuse-de-cul-de-rat,4731732.php
Celui qui a eu l'idée le premier était un sacré tordu.
Je te partage une revue qui pourra t'intéresser (en anglais) sur le lien entre la beauté et le statut social (d'où mon idée avec l'influence de la beauté et du jugement du Mètre sur le futur métier des gens et donc leur statut social) : https://www.researchgate.net/publication/260911923_Physical_Attractiveness_and_Social_Status
Ils discutent aussi des désavantages d'être beau desfois, d'où l'idée que le Mètre peut aussi sélectionner des moches pour certains bons métiers, d'où Isi ?
Après, je reste sur l'idée que le Mètre évalue, mais que les dérives sont toutes humaines (mon intrigue se base essentiellement sur ce postulat - notamment ce qui arrive aux vieux - si je change les fondamentaux, mes actes 4 et 5 se délitent).
Cependant, ce n'est pas incompatible avec l'attribution des métiers en fonction de la note. Ou le montant du salaire d'ailleurs car si on va par là, ça joue aussi. Un très beau est un atout commercial, ça se monnaye ; inversement un laid ne vaut rien, on négocie son salaire à la baisse.
Dans la toute première version de mon chapitre 1, je faisais la mention du fait que Lorette avait trouvé un travail de tricoteuse parce que son plus bel atout physique était ses longs doigts fins. Sa tremblotte avait mis un coup d'arrêt à cet atout et donc à sa carrière.
Je vais peut-être remettre ce détail.
J'ai déjà commencé à changer quelques phrases de ci, de là pour aller dans ce sens.
Par exemple, la mère prévient Isi dans le chapitre 5 : "J'ai parlé à mon patron, il s'est montré charitable. Isi, tu pourras prendre ma relève à la meunerie, tant que tu fais sonner plus de trois tuyaux à ton évaluation."
En tout cas, j'ai bien noté la remarque. ;)
> C'est une bonne idée je trouve
"Isi, tu pourras prendre ma relève à la meunerie, tant que tu fais sonner plus de trois tuyaux à ton évaluation"
> Du coup quelle partie de son corps doit être obligatoirement belle ? Tu peux faire des machines pour certains métiers afin de te focus sur des métiers qui relèvent de la beauté ? L'idée des belles mains de tricoteuses est bonne. Des beaux cheveux pour être perruquier ou coiffeur, des mains laides pour être tanneur (vu qu'ils plongent leurs mains dans des cuves toute la journée), de belles dents pour être dentiste ?
Dans la lumière, les beaux et les métiers liés à l’apparence. Vendeur de cosmétique, maquilleur, coiffeur, prothésiste, habilleur…
Dans la mi-ombre, ceux qui ont quelques atouts isolés, répartis en fonction desdits atouts.
Ici tu as Lorette qui est tricoteuse. Le tricot doit être de qualité pour bien habiller le beau. Ses doigts fins sont un atout.
Dans l’ombre, le reste. Généralement des métiers ouvriers plus rudes. Argilier, éboueur, égoutier, charretier, garde-eau, vendeur au marché noir. Ceux dont on part du principe qu’il n’y a pas de risque à ce que le corps s’use à la tâche.
Pour moi la mère part du principe qu’Isi est trop moche pour faire autre chose qu’un boulot de l’ombre. Et le chef de la meunerie ne veut pas non plus embaucher quelqu’un de trop difforme, il est charitable mais pas au point de se faire mauvaise presse.
Ce n’est peut être pas clair dans le dialogue. Mais je voulais pas trop surexpliquer (dur dur haha).
A noter qu’un riche notable ne peut pas être déclassé. Les moyens financiers permettent de « truquer » l’apparence et donc de gonfler la note. Un riche aura toujours plus de facilité à être plus beau qu’un pauvre.
Et quand (dans le pire des cas) un riche demeure un mouton noir, il est entretenu par sa famille.
Je vais d’ailleurs me servir du personnage de Féodor Junior pour bien expliquer tous les trucs et astuces que les riches emploient.
Ça y est j'ai pu finir ce chapitre. Alors pour cette deuxième partie, j'ai trouvé des choses très bien, et certaines qui m'ont un peu fait tiquer, je te détaille ça avec mes remarques ciblées :
- "quelque chose dans leur peau trop lisse leur ôtait une bonne part de leur expressivité." -> beaucoup de "leur" dans cette phrase.
- "Ce type de violences n'était pas rare à l'époque." -> très intéressant ça. Je m'étonnais que ce soit si bien accepté par tous, mais c'est intéressant de savoir que par le passé il y a eu des "révoltes" par rapport à ça... Et qu'elles ont donc cessé.
- "imposer le port de la cagoule à tous les enfants, au nom de leur protection." -> en revanche je ne m'attendais pas à une explication si simple pour la cagoule. Je pensais que ça irait chercher plus loin en tout cas, je suis peut-être un peu déçue.
- "Tu as laissé Boris tout seul ?" -> oh ça fait mal ça, je compatis pour Boris d'être abandonné dans un instant aussi dur pour lui.
- "Entre nous, j'ai toujours su que de vous deux, ce serait... toi." + "Isi ne sut pas si elle était sincère." -> c'est un peu gros quand même, non ? Ça confère une crédulité démesurée à ton personnage je trouve. Je comprends l'envie d'y croire, mais le doute sur sa sincérité, ou plutôt son hypocrisie dans ce cas, ne me semble pas permis.
- "que le frère jumeau de Victorien n'avait pas été retenu" -> intéressant, s'ils sont strictement identiques. J'espère que tu reviendras sur ce sujet pour qu'on comprenne ce qui fait que l'un a été sélectionné et pas l'autre.
Voilà voilà, un bon chapitre quand même, j'ai pris plaisir à le lire, mais du coup un peu déçue par le côté trop crédule d'Isi et cette explication de port de la cagoule. À bientôt pour la suite :)
Merci pour ton retour et ta lecture toujours fidèle.
Je note tes remarques sur la forme, je corrigerai.
Et je rebondis sur les trois points principaux. :)
Isi n'est pas crédule. Au fond de lui, il sait. Mais il veut y croire, il se force à y croire. Car il en a besoin à ce moment là. De se raccrocher à quelque chose. De se rassurer.
Visiblement le passage n'est pas très clair pour que tu tiques comme ça. ^^
Donc je reformulerai la tournure, à la relecture. J'en prends bonne note.
Pour la cagoule, et comme pour toutes les innovations vestimentaires en général, la conception et l'origine sont soit purement pratiques, soit dogmatiques (réglementation hiérarchique, militaire, religieuse, etc). Je trouve que cette simplicité de la cagoule confère de la crédibilité à la chose.
Ce n'est rien qu'un uniforme au fond, imposé par des circonstances dramatiques.
C'est parce que son explication est logique, banale, consensuelle qu'elle m'effraie, moi. Parce que je me dis, et si ça arrivait vraiment...
Généralement c'est une explication qui séduit assez. Peut-être que tu en attendais quelque chose d'incroyable ou de plus extravagant. Désolé si ça te frustre en tout cas, haha
Tout ne peut pas plaire, sinon ce serait trop facile. ^^
Je pense qu'il y aura quelques révélations pour te surprendre néanmoins plus loin dans le récit. Car je suis amateur des surprises et des rebondissements.
Pour ce qui est des jumeaux, même si ce sont de vrais jumeaux, la ressemblance n'est jamais à l'identique. Il y a toujours des petites variations. Il suffit que l'un soit un peu plus maigre que l'autre - même de très très peu - et ça suffit pour que le Mètre ne choisisse pas les deux.
Ceci dit, oui le personnage reviendra effectivement. La séparation des jumeaux est un angle narratif trop poignant pour ne pas l'exploiter plus. Ce serait gâché ^^
Encore merci.
Je ne suis pas sûr d'avoir autant le temps de lire cette semaine. Boulot oblige. Mais j'essaierai de me rattraper ce week-end.
À très bientôt.
Artichaut
Alors je vais nuancer pour la cagoule : ce qui me gène, ce n'est pas son existence en tant qu'uniforme, c'est que son existence (sa "naissance") se réduise à la conséquence du malheur d'une famille (et que ça ait pris le pas sur la totalité de la population). Je trouve donc la raison de l'existence de la cagoule un peu simple. Je n'attendais pas une réponse ésotérique, mais plutôt une réponse plus développée.
Je vais grossir le trait, mais voilà ce que j'en retiens :
Le fils d'un riche, beau, se fait défigurer.
L'État décide donc que tout le monde portera une cagoule.
OK. Tout le monde porte une cagoule.
Plus : "imposer le port de la cagoule à tous les enfants, au nom de leur protection. Le nombre d'actes anti-beaux avaient rapidement chuté, au point de se retrouver déclassés parmi les faits divers." -> je n'ai pas de notion de durée ici, ou bien au contraire une notion de rapidité. Du jour au lendemain, la chose a-t-elle était si facilement acceptée ? Par toutes les strates de la population ? Parce qu'au final, l'existence même des Grand-messes me paraît plus symbolique que le beau visage des enfants. Ce qu'on fait du grain plus que le grain lui-même.
C'est pour ça que je te disais dans mon commentaire précédent qu'en revanche, j'avais trouvé très intéressant ce côté révolte du peuple.
Pour le reste, ça marche :)
Déjà tu as l'histoire par le biais d'un récit que Lorette faisait à des enfants. Il est donc un peu édulcoré, à la façon d'un conte.
Est-ce qu'il y a plus derrière ? La question se pose.
Et la réponse est... *musique mystérieuse*
Sur les infos que je te donne.
La famille riche n'est pas n'importe laquelle : elle contrôle le monopole des produits cosmétiques. Ses moyens de pression sont énormes dans une cité où tout tourne autour de ça.
C'est donc leur pression sur la Bulle d'Or qui a forcé la décision du port de la cagoule. Mais les tricheries anti-beaux et les agressions étaient nombreuses avant celle-ci. Ce n'est qu'un accélérateur. Le port de la cagoule aurait été sans doute inéluctable.
Pour le reste :
"je n'ai pas de notion de durée ici, ou bien au contraire une notion de rapidité. Du jour au lendemain, la chose a-t-elle était si facilement acceptée ? Par toutes les strates de la population ?"
>
Comme je j'ai dit...
Est-ce qu'il y a plus derrière ? La question se pose.
Des indices ont été semés ici et là. Je dis ça, je dis rien.
Hihihi
À bientôt
Une suite tout aussi passionnante. La mère d'Isi est franchement insupportable. Evidemment, elle retrousse sa veste très vite pour accompagner ce fils qu'elle n'aime pas. J'ai un peu d'espoir que leur situation évolue et qu'elle apprenne à le connaître, mais bon elle semble plus attirée par l'argent et la gloire qu'autre chose !
Dans ce chapitre, mine de rien, tu nous livres (enfin :p) quelques informations sur le monde (l'origine de la cagoule, des blasons...). C'est bien, ni trop long, ni trop court et les explications étaient tops !
En tout cas, j'ai hâte de découvrir la suite et de savoir comment tu vas relancer l'histoire ! Quel va être l'enjeu d'Isi ? Va-t-il aimé être courtisant ? Et à quoi cela consiste-t-il d'être courtisant ? Est-ce qu'ils ont un rôle ou ils sont juste là pour faire joli ?
Hâte d'avoir mes réponses à mes questions !
Bonne scribouille :)
Je suis exténuée par ma semaine de boulot XD
Encore merci pour ta lecture, et ton retour, ET tes blagues nazes aussi haha.
La mère est un personnage que j'adore écrire. Mais je ne pas en dire grand-chose sans risquer de te spoiler. Motus, donc.
Je suis ravi que les petites explications sur le monde t'aient plu. Je me suis longtemps posé la question de savoir si elles ne faisaient pas trop placées là (surtout celle des cagoules). En tout cas, le monde s'étoffe progressivement. Mais ce n'est encore que la face visible de l'iceberg.
Comment l'histoire va se relancer? C'est une bonne question. Réponse très vite. Il faut juste que je donne un coup de collier à l'écriture. Je bute toujours sur mon chapitre 8, j'ai tellement de choses qui s'y passent et à développer, ce n'est pas facile de ne pas se retrouver noyer par elles.
J'en suis à la quatrième version. Et je pense encore la remanier. Mais j'espère en voir le bout d'ici la fin de la semaine prochaine.
À bientôt. Encore merci. Et aucun souci pour les petites coquilles. ^^
Artichaut