L’Écorché

Notes de l’auteur : Dans ce chapitre nous allons rencontrer un personnage terrible !
Il est le bras armé de la mort elle-même.
Lieutenant des forces du mal, il est sans pitié et ne laisse que le sang, les flammes et la mort derrière lui.
Attention, certaines scènes ou descriptions peuvent heurter les plus sensibles !

 

Les marais de Grunhelm étaient des terres oubliées, vastes étendues de vase noire, d’eau stagnante et de roseaux fanés. Nul ne s’aventurait là sans craindre de ne jamais revenir. On racontait qu’un village s’était effacé sous la boue, qu’une tour s’était écroulée dans l’oubli. Et pourtant, une présence hantait ces lieux.

Quand la cloche de Bréchevallon sonna trois fois dans la nuit moite, le marais s’éveilla. Les cadavres pendus aux arbres frémirent, leurs orbites vides se tournèrent vers l’ouest. Une silhouette s’extirpa du monticule de vase, son armure rongée par la rouille, sa peau décharnée tirée sur une ossature brisée.

C’était lui. L’Écorché.
Un tueur né de la pourriture.
Sans nom, sans âme.

Il marchait sans fatigue, sans douleur. Ni la boue, ni les épines, ni les hurlements des bêtes ne pouvaient le détourner de sa traque.
Il n’avait aucune pitié. Il ne connaissait ni peur ni regret.
Il servait Rauk, parce qu'il l'avait appelé, aucune allégeance, aucune servitude ne guidait les pas de l'Ecorché. Derrière son masque de métal rouillé, il cachait des desseins obscurs, inavoués, une volonté froide et insondable.

Dans les profondeurs de son esprit brisé, des souvenirs lointains s’éveillaient, ténus comme des cendres au vent.

Il avait été un homme. Un chevalier, autrefois.
Un jeune seigneur d’une petite baronnie des terres humides, ambitieux, fier, courageux. Son nom s'était perdu, effacé par les âges, mais il se souvenait de sa soif de pouvoir, de ses serments de sang, de ses batailles sanglantes.

Puis vinrent les guerres incessantes, les combats qui déchiraient les terres et les âmes. Jour après jour, il tua, vit mourir ses frères d’armes, survécut aux pires horreurs.
La guerre le changea.
Elle dévora sa compassion, sa mémoire, son humanité.
Il ne sut bientôt plus faire que tuer.

Chaque souffle de vie lui était devenu insupportable, chaque battement de cœur, un supplice. Il ne vivait plus que pour la mort — la sienne et celle des autres. La mort était la seule force qui le tenait debout dans un monde rongé par le sang et la haine.

Capturé dans un guet-apens, livré aux flammes d’une sorcellerie noire, il fut démembré, brisé, et enchaîné à une armure maudite par un rituel blasphématoire. Sa chair brûlée fut remplacée par la pourriture et l’acier. Son esprit se mua en un instrument de mort dénué de pitié.

Il était devenu l’Écorché, la désolation et la destruction.
Condamné à servir un maître — le comte Rauk — mais rongé par une haine plus profonde que la sienne : une haine de la vie.

Car au plus profond de lui, ce qu’il détestait le plus, ce n’était pas ses chaînes, ni ses blessures, ni même Rauk lui-même, mais la lumière, la Vie.

Myra était tout ça à la fois, il en était le contraire, la négation absolue. Il fallait que cela cesse.

Elle, qui incarnait la vie originelle, la source même de ce fluide vital que Rauk convoite, et que l’Écorché ne pouvait tolérer.

Elle était la lumière insoutenable pour son âme brisée, la menace vivante qui lui rappelait ce qu’il avait perdu — ce qu’il haïssait.

Trois jours durant, il traversa les bois et les marécages, avançant dans l’obscurité comme une ombre de mort. Où qu’il passa, le silence s’abatti.
Les oiseaux se turent. Les chiens hurlairent à la lune.
Rien ne pu l’arrêter.

À l’aube du quatrième jour, il arriva devant les portes délabrées de Bréchevallon. Sans frapper, il passa, l’armure grinçant comme un râle d’agonie. Rauk l’attendait, pâle et courbé, le grimoire d’Elyas ouvert sur le pupitre.

Sans un mot, le comte tendit à l’Écorché un fragment de tissu taché de sang et de pollen — une mèche de cheveux, un souvenir de Myra.

— Elle est la clef, murmura Rauk.
— Ramène-la, vivante de préférence. Brisée si tu dois. Morte, seulement si elle résiste.

L’Écorché inclina la tête, silencieux. Son regard vide trahissait une résolution d’acier, et quelque chose de plus : une soif qui n’appartenait qu’à lui.

Il se redressa, ses pas résonnant dans le château comme un glas. Il était parti. Sa traque venait de commencer.

Dans la forêt, Myra frissonna. Une présence froide glissait dans l’ombre, se rapprochait. Elle sentit un frisson d’angoisse courir dans son dos.

Quelque chose venait pour elle.
Quelque chose qui ne pardonne pas.

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Talharr
Posté le 27/07/2025
Re,
Les deux passages entre Rauk et son "serviteur" l'écorché fonctionnent vraiment bien.
Rapide, on voit les enjeux et on en apprend aussi sur lui. Le paysage est bien fait aussi :)

RAS.

A la suite :)
Brutus Valnuit
Posté le 27/07/2025
Merci beaucoup. J'ai beaucoup travaillé les deux méchants de mon histoire. Ils me suivent depuis de nombreuses années et je voulais réussir leur passage à l'écrit.
Je suis content que ça te plaise.
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