L'enlevement

Bang, bang!!

Les jumeaux se font réveillés par des coups de feu. Paniqués, ils se recroquevillent sur eux même, se cachent dans leur abris. Ils se tiennent l’un contre l’autre. Ils n’osent pas sortir de leur cachette. En plein jour, il est plus difficile de faire profil bas.

— Il faut sortir d’ici, c’est trop dangereux !!!

Les deux adolescents refont leur sac avec hâte. Théo ose se tordre le cou pour vérifier qu’il n’y a aucun danger à l’extérieur. Personne.

— C’est bon Sam, on peut sortir.

Les deux frères s’aventurent le long de la berge. La lumière du jour est toujours autant éblouissante. Sam n’arrive pas à expliquer ce phénomène étant donné qu’ils se trouvent au fond d’un canyon étroit et qu’au dessus d’eux le ciel apparaît comme une longue bande bleue. Il doit être tôt le matin, le soleil n’est pas encore à son zénith, seul moment où il doit être possible de l’apercevoir.

Alors qu’ils sont en train de contempler leur nouvel environnement, deux hommes à bout de souffle passent à côté d’eux en les bousculant. Les jumeaux surpris houspillent les malotrus.

— Oh mais ça ne va pas !! leur hurle Théo qui ramasse sa gourde tombée par terre durant la bousculade.

— Théo, vite,il faut courir , regarde derrière des hommes armés arrivent vers nous !!!

Des hommes habillés avec une combinaison de plongée noire et à l’air patibulaire s’approchent dangereusement d'eux. Ils ressemblent à des hommes-grenouilles. Néanmoins, leur agilité et leur vivacité sont loin d’appartenir aux compétences du batracien mais bien à celles d’un félin. Les jumeaux courent comme des dératés sans comprendre ce qu'ils fuient. Pour une fois, Sam boosté par l’adrénaline dépasse son frère, haut la main, à la course. Théo manque de tomber ce qui le ralentit. Il se fait happer par l’un des hommes qui vient de le rattraper. Sam trop occupé à s’enfuir le plus loin et vite possible ne se rend pas compte que Théo est en train de se faire enlevé par ces hommes. Un point de côté foudroyant stoppe net Sam. Il est obligé de s’arrêter. Quand il se retourne essoufflé, il constate que Théo se débat au milieu des hommes grenouilles, en vain. Théo se fait neutraliser en deux trois mouvements par ces grenouilles ninjas qui excellent en arts martiaux. Sam, au lieu d’aider son frère, se cache, il sait qu’il n’a aucune chance face à eux. Il pleure, il ne sait pas quoi faire. Son frère se faire emmener et traîner comme un malpropre jusqu’à un drôle de véhicule en forme de gélule, arrondi aux deux extrémités. Cela lui brise le cœur de le voir ainsi traité. Sam prend enfin son courage à deux mains et décide de sortir de sa cachette pour tenter de sauver son frère. Hélas trop tard. Le jeune homme qui songe à intercepter le véhicule est surpris de le voir s'envoler à la vitesse de l'éclair. Il ne peut plus rien faire. Abattu comme un chien, il s’adosse à un mur et se laisse glisser au sol. Replié sur lui même, il sanglote et frissonne. Il relève sa tête dans l’espoir qu’un miracle se soit réalisé et que son frère réapparaisse devant lui. La réalité le rattrape, Théo a bel et bien disparu. Une chose noire gisant au sol à l’endroit de l’enlèvement fait sortir Sam de sa torpeur. En s'approchant de l'objet, il constate qu'il s'agit du sac à dos de son jumeau. Alors qu'il est sur le point de le ramasser, un bruit de métal raclant au sol résonne dans le hangar désaffecté qui lui fait face. Sam hésite puis se relève et cherche à savoir d’où vient ce bruit. Un homme semble t-il blessé tente maladroitement de se faire un garrot avec sa propre ceinture. Sa blessure qui immobilise son bras gauche lui empêche de réussir sa mission. Sam croit reconnaître l’un des fuyards qui viennent de les bousculer. Il se méfie de lui, il s’agit peut-être d’un bandit en cavale. Et puis merde, se dit-il, je dois retrouver Théo, c’est peut-être ma seule piste. Un peu de courage mon gars se souhaite t-il. A pas timide, il progresse vers le blessé.

— Vous allez bien Monsieur ?

L’homme surpris manque de se blesser à nouveau. De long cheveux blond sans volume ruissellent le long de son crane. Des mèches imbibées de sueur se collent à son visage. Sam discerne mal les traits de son visage.

— Ventredieu !!! Mais qui es tu petit, d’où viens tu ? L’homme le scrute de bas en haut, visiblement étonné de rencontrer un garçon habillé en rouge dans ce monde en noir et gris.

— Désolé, je ne voulais pas vous faire peur. Je peux vous aider à faire un garrot si vous voulez ?

— Non pas la peine, merzi, répond-il d’un ton sévère.

Sam n’insiste pas, cet homme bourru ne le rassure pas.

— Dézolé petit, ze suis un peu zur les nerfs là.

Sam est stupéfait qu'un homme si sombre soit doté de ce drôle de zozotement. Cela le rend plus sympathique aux yeux de Sam.

— Je comprends. Le jeune homme se racle le gorge et poursuit, je vous ai vu vous faire pourchasser par des hommes habillés en noir. Ils ont capturé mon frère. Est-ce que vous savez qui ils sont et où ils vont ?

L’homme blessé regarde Sam d’un œil étrange comme s'il était un extra-terrestre. L’homme souffre, son visage se tord, passe d'une grimace à une autre chaque fois qu’il essaye d’enrouler sa ceinture autour du bras.

— Tu zors d’où gamin ? Tu ne connais pas la milice anti-résistance. Elle a pour vocation de faire régner la paix et éviter que quiconque lui en empèze.

— Faire régner la paix, s'insurge Sam, mais elle a failli vous tuer et elle a embarqué mon frère sans raison !!

— Elle a tous les droits tant que za mizion est accomplie.

Sam est pris de panique, il s’imagine le pire. Et s’il ne revoit plus jamais son frère ? Il chasse d'un coup de main cette idée de son esprit.

— Mais mon frère est innocent, où l’ont ils emmené ?

— Zûrement au cube avec tous les autres, ils les entazent tous là bas comme des zardines. Ca doit puer la pozcaille là-bas ‘dans !! L'homme en voulant ricaner manque de s'étouffer et tousse en balançant des crachats raclés au fond de sa gorge.

L’homme se redresse, il vient de réussir son garrot. L’air satisfait il reprend son explication.

— Ton frère est une erreur du zyztème comme tant d’autres. Ils préfèrent garder des innocents en prison que de reconnaître leurs erreurs. Et puis z’ils les relâzent, ils rizquent de s’en prendre au gouvernement et de devenir des potentiels résiztants. Maudit zyztème !!

—Je dois libérer mon frère, où est cette prison?

— Z’est trop danzereux petit, et zeul tu n’y arriveras zamais.

— Aidez moi alors !! s’il vous plaît !!

Avec sa tête de chien battu, il le supplie avec les yeux. Le fuyard n'y prette meme pas attention.

— Petit ze ne zais pas d’où tu viens et je m’en contrefous mais tu cours un grand danzer zi tu zerche à libérer ton frère. Ze ne peux pas t’aider par le zimple fait que ce cube rezte introuvable à qui veut z’y rendre. Malheureusement pour toi, ton frère est foutu. Ze dois te laizer maintenant.

— Attendez comment vous appelez vous ?

— Ricky le zeveu. Allez à la renvoyure petit et bonne zance !!

Ricky en s’éloignant de Sam totalement dépité prend pitié de lui. Il lui donne un dernier conseil :

— Trouve de l’argent et cherche l’évadé Bobby, le zeul qui a réuzi à z’enfuir de la prison !!

Sam veut lui répondre pour lui demander où trouver cet homme. Ricky ne lui en laisse pas le temps puisqu'il s’est évaporé derrière un bâtiment. Sam tente de le suivre ce qui le ramène à l’agitation de la veille. Des hommes et des femmes qui se croisent sans se regarder, des bruits en continu. Le jeune homme se sent perdu. De combien d’argent a t-il besoin ? Il n’a que 100 euros sur lui. Et où trouver ce Bobby ?

Son ventre se met à gargouiller. Il a honte de ressentir de la faim alors que son frère doit être mort de peur enfermé dans son cachot. Il n'a pas le choix il faut qu'il mange s’il doit entreprendre des recherches. Il va avoir besoin de reprendre des forces. Depuis le snickers de la veille, il n’a rien avaler d'autre. En navigant dans les rues bondées et malodorantes de cette cité dominée par des buildings, il tombe sur un restaurant qui se démarque étrangement du reste de la ville. Il est tout rikiki, la porte d’entrée fait l’effet d’une chatière dans lequel on peut se dérober. Ça tombe bien, c’est ce qu’il souhaite. L’endroit est miteux mais il a l’avantage d’être caché. Il s’assit à une table retirée au fond de la salle pour être seul. La serveuse aux cheveux gras n'arbore aucun sourire. Derrière ses lunettes en cul bouteille, ses yeux sont penchées sur son carnet, elle attend sa commande. Sam sans soffusqué de l'attitude de la serveuse demande un sandwich et une bière car il en a bien besoin et c'est tout ce qui compte à cet instant.
 

*

Théo se trouve dans un engin métallique qui ne ressemble en rien de ce qu’il connaît déjà. L’intérieur est poisseux, le sol colle aux chaussures et il y fait sombre. Le bruit du moteur assourdissant l’empêche d’entendre les voix émanant du cockpit. Dans l'obscurité, il ne distingue pas très bien les autres personnes assises à ses côtés. Bien qu'il n'y ait pas de fenetre, la lumière extérieure arrive à pénétrer par intermittence à traves les parois de l'engin qui semble un brin vieillot. Des flashs lumineux agissent alors comme un stroboscope sur l'ensemble des passagers. Théo aperçoit des bribes de visages exclusivement masculines du moins de ce qu'il peut entrevoir.

— Que va t-il nous arrivait maintenant, gémit un des passager, je ne veux pas mourir!

— Ta gueule Charly !! Ce n’est pas le moment de pleurnicher !! On va tous au Cube, comme les autres !!! Et pas moyen de s’en tirer. Tu va apprendre à récurer les chiottes car tu vas la faire jusqu’à la fin de ta vie mec !! répond un autre homme sur un ton impétueux.

— Un seul homme a réussi à s’enfuir, et pas s’en peine paraît-il, dit un un troisième homme avec une voix caverneuse et blasée.

Théo ne veut pas aller en prison, c’est la première fois depuis son arrivée qu’il regrette d’avoir traversé le psyché. Il s’enfonce dans un monde dont il ignore tout, l’angoisse le guette. Il doit intervenir :

— Excusez moi, mais je crois qu’on m’a arrêté par erreur, je n’ai rien fait de mal. Vous pensez qu’ils vont me libérer, demande t-il avec insouciance.

L’habitacle est pris d’assaut par une horde d’éclat de rire qui fuse en tout sens. Théo ne comprend pas ce qui provoque tant d’hilarité. Son grand sens de l’humour atteint ses limites à l’heure actuelle, il commence à se vexer :

—Pourquoi vous riez, vous vous moquez de moi ?

Un homme lui répond entre deux reniflements :

— Tu ne sais pas (snif) que lorsqu’ils embarquent un gars même innocent ils le gardent. C’est comme ça, il y a ni logique ni justice. Tu es une erreur parmi tant d’autres , voilà tout. Désolé mon gars.

— Mais il n’y a aucun moyen de se défendre ?

— D’où tu viens toi ? Y a pas de tribunal ici, c’est Lui qui décide de tout.

— Lui ? C’est qui ?

— Petit qui es tu ? s’étonne l’homme.

— Je m’appelle Théo et j’arrive d’un autre monde que le votre, déclare t-il avec aplomb.

Il provoque alors un autre déferlement de rire aussi tonitruant que la première fois. Théo a les joueS en feu, il est sur le point d’exploser. Il déteste qu’on se moque de lui.

— Assez je vous dis, c’est la vérité !!

Le fameux Charly reprend la conversation tout content :

— Je crois qu’on a trouvé plus fou que moi !!! Haha !!

— Mais je ne suis pas fou bordel !! Laissez tomber vous ne pouvez pas comprendre bandes d’imbéciles !!

— Et ho calme toi mon p’tit gars, on aime bien les gens farfelus nous autre tu sais!!

Théo accepte de se taire, il garde sa colère dans son poing logé au fond de sa poche.

Une secousse les arrête net. Elle semble annoncer la fin du voyage. Les hommes grenouilles ouvrent en grands les portes à l’arrière de l’engin et bondissent à l’intérieur pour attraper un à un l’ensemble des individus. Les détenus forment une guirlande humaine, attachés comme des esclaves qui se suivent à la queue leu leu. Ils sont tirés de force vers l’extérieur. Les hommes grenouilles les observent, un pistolet à la taille. A la lumière du jour, toujours éblouissante, Théo voit enfin le visage des hommes qui lui ont tenu compagnie durant le trajet. Leur air est grave. Bien qu’ils se soient montrés désinvoltes avec lui, ils n’en mènent pas large. Chacun sait où il se dirige et ce qui va advenir pour lui. La peur les habite. Théo ne fait pas le malin, il avance vers l’inconnu, vers le Cube.


 


 


 


 


 


 

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Elly
Posté le 25/07/2023
Salut !

Je suis tellement frustrée qu'ils aient été séparés ! Enfin, je me doutais que ça allait arriver à un moment ou un autre, mais quand même ! J'avais envie de me battre contre la police pour libérer Théo. Mais bon, je suis sur que son frère trouvera un moyen de le sortir de là et leur relation s'arrangera ! (J'espère). En tout cas, l'endroit où Théo a atterrit semble vraiment hostile, je lui souhaite bien du courage !

A bientôt !
minoucheKa
Posté le 04/08/2023
salut
désolé de t avoir frustrée mais oui les deux freres sont séparés . Chacun va devoir faire face seul à ce monde hostile....
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