Les arbres "D"

Un beau jour que Juliette faisait la sieste dans le creux d’un bel arbre C, elle fut réveillée par une mélodie bien cadencée.

 

      « Didoudadidou Didouda ! »

 

      Elle ouvrit péniblement les yeux qui baignaient dans un rayon de soleil que filtrait le feuillage de son arbre. Au début, elle crut ne pas avoir bien vu. Elle se redressa, cligna plusieurs fois des yeux et observa à nouveau.

 

      « Didoudadidou Didouda ! »

 

      Tranquillement, un petit écureuil passait en chantonnant et en remuant son derrière au rythme de la musique. Mais alors qu’il s’approchait de l’arbre de Juliette, il s’arrêta et perdit son attitude étrange pour reprendre celle d’un écureuil sauvage. Dès qu’il vit Juliette, il s’enfuit.

 

      « Marie !!! hurla Juliette, y a des écureuils qui chantent maintenant !!! »

 

      Marie, qui était dans la cabane de l’arbre A, lui cria en retour :

 

      « Mais qu’est-ce que tu racontes ??? »

 

      Elle descendit et courut en direction de l’endroit d’où provenait la voix de Juliette. Sur le chemin, alors qu’elle marchait en sifflotant, elle aperçut un loup. Un grand loup noir aux yeux brillants qui la fixaient. Elle en resta pétrifiée. Soudain, il se dressa sur ses pattes arrière et se mit à balancer ses hanches en chantant d’une voix grave :

 

      “Doo ah, doo ah, doo ah, doo ah !”

 

      « Il y a un loup qui chante Don’t mean a thing if you ain’t got that swing devant moi, ce n’est pas normal ! pensa Marie. »

 

      Elle continua prudemment en faisant un détour pour éviter de croiser ce loup chanteur de jazz. Elle retrouva finalement Juliette, perchée tout en haut de l’arbre C.

 

      « Juliette ! Je suis là, moi j’ai vu un loup qui chantait du Duke Ellington. Je crois qu’il faut qu’on mène l’enquête, lança Marie.

      - Je suis bien d’accord avec toi, je ne serais pas surprise qu’il y ait encore une magie là-dessous, rétorqua Juliette. »

 

      Les deux jeunes filles se dirigèrent vers l’endroit d’où venait l’écureuil. Au loin, elles aperçurent de drôles d’arbres qu’elles n’avaient encore jamais vus dans cette forêt. C’étaient des arbres D. Les plus petits ressemblaient à ça :

 

d

      Les plus grands plutôt à ça :

 

D

 

      Elles les voyaient osciller au loin au gré du vent, sur un rythme qui semblait être celui d’une danse endiablée.

 

      Soudain, Juliette et Marie se mirent à chanter en chœur tout en dansant comme des folles :

 

      « Diga diga doo. Diga doo.

      Diga diga doo. Diga doo. »

 

      Elles étaient incapables de s’arrêter. Elles se regardèrent avec un air désemparé.

 

      « Mais ils sont obsédés par Duke Ellington ces arbres D ! pensa Juliette. Comment va-t-on faire pour échapper à ce nouveau sortilège ? »

 

      Pourtant, les inquiétudes de Juliette étaient inutiles : la solution se présenta d’elle-même. Les arbres D ne savaient pas que Juliette avait aussi son propre répertoire en matière de refrains composés de mots en « d ». Et ce n’était pas vraiment le style musical dont ils avaient l’habitude, les arbres D n’aimaient que le jazz, pas le genre de chanson que Juliette pouvait connaître :

 

      « Dou, dou, dou, dou, dou, dou, dou, dou, dou dou… se mit à susurrer Juliette avec une petite voix mielleuse. »

 

      « Oh mon Dieu, pensa Marie, c’est du Dorothée ! »

 

      Chères petites lectrices, chers petits lecteurs, Dorothée était une chanteuse pour les enfants à l’époque de vos parents. Mais les arbres D n’aimaient pas du tout ses chansons.

      Ils s’étaient figés. Ils écoutèrent encore un instant puis l’enchantement prit fin, pour toujours. Les filles étaient tranquilles, les arbres D ne risquaient plus de les forcer à chanter : Dorothée, ils détestaient vraiment ça !

      Depuis ce jour, Juliette et Marie purent donc se promener près des arbres D sans se mettre à chanter et à danser ! Ouf !

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AlaindeVirton
Posté le 17/08/2024
Oh ! Je suis un peu déçu. Duke Ellington, c’était distingué. N’aurait-on pas pu dénicher un compromis ? Et puis, avoir détruit les pouvoirs de D en lui donnant cette punition, n’est-ce pas d’une dureté démesurée ?
AlaindeVirton
Posté le 17/08/2024
Oui, un détail. "Une" magie ? J'ai un doute.
Paul Genêt
Posté le 17/08/2024
Effectivement, c'est d'une rare violence cette punition. Pour "une magie", je pensais à "une sorte de magie". J'aime bien la sonorité un peu naïve de l'expression.
AlaindeVirton
Posté le 18/08/2024
Je suis d’accord. Il faut s’accorder certaines licences quand l’oreille y trouve son compte.
JeannieC.
Posté le 13/07/2024
Marrant ce petit écureuil qui remue le derrière en chantant.
Une section qui donne envie de pousser la chansonnette, et je t'imagine bien fredonner tous ces moments à ta fille =) Petit passage anglais sympathique au demeurant ! Il y aurait un très joli album à faire avec ce travail, avec quelque chose comme une double page pour chaque arbre-lettre et des illustrations figurant chacun d'eux
Paul Genêt
Posté le 13/07/2024
Eh bien voilà justement une histoire pour laquelle j'ai normalement des extraits musicaux à faire écouter pour chaque chanson ! Par ailleurs, la version pour ma fille est illustrée par ses soins. Tu peux en avoir un aperçu dans cette vidéo que j'ai fabriquée avec elle :

https://www.youtube.com/watch?v=X3BEi_qRfwo
JeannieC.
Posté le 14/07/2024
Oh tu as une chaîne YT ! Chouette ! Je suis allée écouter ça et tu vas voir passer une "Jeannie C. Moria" dans tes nouveaux abonnés =)
Super sympa, cette petite collab' entre ta voix et les dessins de ta fille.
Paul Genêt
Posté le 16/07/2024
Alors pour être honnête, elle ne m'a servi qu'à publier deux vidéos de Juliette et la forêt des lettres. L'objectif serait de tout faire avec ma fille mais... je manque de temps !
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