Les arbres "I"

      Un beau matin, Juliette se promenait dans la forêt des lettres à la recherche de champignons. Elle avançait le nez baissé, à l’affût de ces étranges fleurs couleur d’automne. Alors que ses yeux fatiguaient à force de scruter un sol aux mille nuances d’ocre, elle abaissa puis souleva ses paupières, comme un linge humide sur un globe de verre.

      En rouvrant les yeux, elle découvrit un parterre de points de couleur sans véritables contours.

      Elle releva les yeux et contempla le sous-bois qui s’était métamorphosé en une myriade de points colorés.

      Que s’était-il donc passé ? Juliette poursuivit son chemin en admirant ces paysages qu’elle semblait regarder à travers un kaléidoscope. Elle découvrit alors un bosquet d’arbres très étonnants. Les plus petits, surtout, avaient un aspect vraiment déconcertant. En effet, leur tronc trapu ne dépassait pas un mètre mais c’était seulement légèrement au-dessus, flottant en l’air comme une petite planète végétale, que se tenait leur feuillage. Ils ressemblaient à cela :

i

      Plus grands, ils perdaient ce feuillage en lévitation et prenaient une allure plus solennelle :

I

      C’est ainsi que Juliette découvrit les arbres « I ». Les pelotes de feuilles qui formaient ces fantastiques boules volantes étaient les points des arbustes « i ». Elle s’approcha de l’un d’entre eux, qui se trouvait à côté d'une petite rivière.

      Fascinée par la sphère de feuilles qui tournoyaient, lumineuse, au-dessus du tronc, elle approcha ses mains comme pour la saisir. A peine avait-elle effleuré la courbe insaisissable de cette orbe verdoyante que les feuilles qui la constituaient tombaient au sol, précocement ternes et jaunies. Elle releva alors la tête et découvrit la rivière sous un nouvel aspect pour elle.

      Ça alors ! Le monde avait retrouvé ses contours et perdu la lumière qui semblait habiter chaque chose auprès de ces arbustes de féérie. Juliette comprit alors que les points sur les « i » exerçaient une magie dans ces lieux et qu’ils pointillaient le monde comme un peintre son tableau. Il fallait maintenant attendre que ces points se reforment car il en est de la magie comme de l’art : elle prend du temps. Espérons que cette initiation serve de leçon à Juliette !