Les arbres "J"

Comme Juliette avait fini par trouver un beau coin à cèpes, elle continuait ses investigations en espérant découvrir de nouveaux trésors parfumés. Ce fut en cherchant ainsi qu’elle repéra de nouveaux arbres qui formaient un fourré inextricable dans lequel il semblait impossible de pénétrer. Ces arbres avaient la même particularité que les arbres « I », les mêmes pelotes de feuilles formaient un point au-dessus de leur tronc. Ils ressemblaient à cela :

j

Quand ils grandissaient, eux aussi perdaient ce point et prenaient une forme plus majestueuse :

 

J

 

C’est surtout sous cette forme-ci que Juliette les avait dénichés, même si quelques arbustes se distinguaient çà et là. Elle s’approcha du fourré en prenant bien soin, cette fois, de ne pas toucher les globes lumineux des plus jeunes spécimens.

Elle essaya de passer sa main entre deux troncs mais, au moment où elle allait y parvenir, ils se dilatèrent au point que leur écorce semblait sur le point d’exploser et ils finirent même par se toucher. Il n’y avait plus aucun espace pour que Juliette puisse y insérer son bras. Elle tenta la même expérience à plusieurs endroits différents mais le résultat fut toujours le même. Impossible de faire rentrer ne serait-ce qu’un ongle dans ce satané fourré.

« Encore un pouvoir bizarre ! » se dit Juliette.

Marie passait justement par là, tenant le devant de sa robe à deux mains. Elle avait ramassé tellement de girolles et de morilles que c’était la seule solution qu’elle avait trouvée pour les transporter.

« Salut ma Juliette ! dit-elle en apercevant sa camarade.

A peine avait-elle prononcé ces mots que les troncs qui empêchaient Juliette de passer s’écartèrent comme par magie et qu’un chemin s’ouvrit dans le fourré des arbres « J ».

« Waouh ! s’écria Juliette, t’as vu ça ma p’tite Marie ? Ça c’est du passage secret ! Viens avec moi ! »

Et Juliette, sans attendre une seconde de plus, s’engouffra dans le passage en supposant que Marie allait la suivre. Ce qu’elle ne vit pas, c’est que les arbres qui s’étaient écartés pour elle se refermèrent aussitôt après et que Marie fut bloquée à son tour. Cette dernière, un peu paniquée, cria : « Juliette ! Où es-tu ? Je ne te vois plus ! »

Mais à l’intérieur du fourré, Juliette n’entendait rien. Elle s’était bien retournée pour voir si Marie la suivait mais elle n’avait vu qu’un mur d’arbres et quand elle avait voulu revenir sur ses pas, ils ne l’avaient pas laissé passer. Elle n’avait donc plus qu’une solution : suivre le chemin qu’ils avaient tracé pour elle.

Au bout de quelques mètres, elle constata que le sentier s’enfonçait dans la terre en suivant une pente douce en forme de spirale. Juliette fut surprise de constater que, sur les parois, des champignons luminescents assuraient l’éclairage. C’était splendide. Elle suivit la voie jusqu’à une sorte de porche qui débouchait sur une grande salle. Elle y pénétra lentement tout en la parcourant du regard. Le plafond formait une coupole de terre où les racines des arbres dessinaient de jolies arabesques. Tout autour s’ouvraient de nombreux autres passages. Elle s’amusa à les compter : il y en avait vingt-cinq.

Sur le sol, au centre de la salle, se trouvait un étrange cercle que formaient des champignons. Il y en avait précisément vingt-six – Juliette s’était également amusée à les compter – mais seuls dix d’entre eux étaient allumés tandis que les autres étaient encore éteints. De là où elle se trouvait, un étrange murmure se faisait entendre, un murmure qui intriguait Juliette. Elle approcha son oreille du milieu du cercle, d’où semblait provenir ce drôle de bourdonnement.

« C’est incroyable, pensa-t-elle, on dirait le bruit de la mer... Qu’est-ce que c’est que cette folie ? »

A cet instant, un bruit d’éboulement la fit sursauter. Elle releva la tête et s’aperçut que le porche par lequel elle était entrée s’était refermé.

« Quelle horreur ! se dit-elle, je vais me faire enterrer vivante si ça continue comme ça ! Vite, il faut que je sorte d’ici. »

Et comme ces pensées se bousculaient dans sa tête, elle se releva et se mit à courir vers le premier passage qu’elle trouva. Elle courut, courut sans se retourner, suivant les courbes sinueuses du couloir souterrain et finit par tomber sur une grande salle en tout point similaire à celle qu’elle avait déjà visitée. Elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle. Levant la tête pour observer ce nouvel endroit, elle compta à nouveau vingt-cinq passages et aperçut un autre porche, le même que celui par lequel elle était entrée dans la première grande salle. Elle s’y engouffra et remonta la même pente en forme de spirale qui déboucha sur l’extérieur.

« Ouf ! Me voilà sauvée ! » s’écria-t-elle. Elle parcourut les alentours du regard et constata qu’elle se trouvait dans la partie de la forêt où poussaient les arbres « A ». Et juste derrière elle, il y avait un fourré d’arbres « A » très dense et très épais. C’était de ce fourré qu’elle était sortie.

« Marie !!! » cria Juliette, « Marie !!! Viens par ici, je suis près de la cabane !!! »

Quelques minutes plus tard, Marie débarqua, transpirante et essoufflée.

« Pfff ! Je me demandais où tu avais disparu ! Où étais-tu donc passée ? demanda Marie.

- Sous la forêt, murmura Juliette d’un air mystérieux.

- Qu’est-ce que tu racontes ? Tu débloques complètement !

- Non, non, le fourré d’arbres « J » s’est ouvert quand tu as prononcé mon prénom ; je pense que c’est parce que mon prénom commence par « J » puisque je m’appelle Juliette. Ensuite, je suis descendue sous la terre en suivant un chemin en forme de spirale et j’ai découvert une grande salle souterraine d’où partaient vingt-cinq passages. Vingt-cinq plus la lettre « J », ça fait vingt-six, autant qu’il y a de lettres dans l’alphabet. Et justement, au milieu de cette salle, il y avait un cercle de vingt-six champignons et seulement dix d’entre eux étaient allumés. Or, si tu comptes bien, nous avons découvert dix arbres-lettres jusqu’à présent : les « A », les « B », les « C », les « D », les « E », les « F », les « G », les « H », les « I » et les « J ». Je pense que nous devons trouver tous les arbres-lettres de l’alphabet, allumer tous les champignons et nous découvrirons le secret de cette forêt. D’ailleurs, j’ai entendu le bruit de la mer au milieu du cercle des champignons, il y a quelque chose de magique là-dessous ! Après, le passage par lequel j’étais passée s’est refermé alors j’en ai pris un autre et je suis arrivé ici, près des arbres « A ». » termina Juliette, à bout de souffle à force de raconter ce qui lui était arrivé.

- Dis donc Juliette, tu ne les aurais pas mangés les champignons par hasard ? On dirait qu’ils t’ont fait faire un sacré rêve ! rétorqua Marie très sceptique.

- Mais pas du tout ! Je t’assure que je te dis la vérité ! Cette forêt nous cache quelque chose de plus profond que de simples petits enchantements. » conclut Juliette.

Et là-dessus, elles rentrèrent chez elles en discutant encore longuement de ce qui s’était passé.

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Ophelij
Posté le 12/08/2024
Re-coucou,

Ce chapitre nous permet d'entrer un peu plus dans le fabuleux avec cette lettre qui s'enfonce dans le sol et nous fait revenir un peu plus avant vers des arbres lettres déjà découverts. Une occasion de voir tout le chemin déjà parcouru tout en introduisant un nouveau mystère autour de cette forêt !

bravo ;)
Paul Genêt
Posté le 12/08/2024
Eh oui... Nouveau mystère car j'ai promis une suite mais chut !
JeannieC.
Posté le 04/08/2024
Salutations !
Me revoici sur ton chemin de l'alphabet. Avec une lettre tout particulièrement indiquée que ce J pour notre amie Juliette =) J'aime bien le petit moment de tension dans ce fragment, lorsqu'elle se croit enfermée et doit retrouver sa route dans les fourrées. Ainsi que les champignons qui s'allument pour révéler les secrets à la fin <3
Paul Genêt
Posté le 05/08/2024
Il fallait rompre un peu la petite musique de la succession des lettres et y ajouter quelque chose de neuf !
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