Les arbres "K"

Après cette aventure, Juliette était plus que jamais décidée à explorer tous les recoins de la forêt des lettres. Alors qu’elle empruntait un nouveau chemin, elle aperçut une drôle de bête qui sautillait au loin. Elle cligna des yeux pour être sûre qu’elle n’avait pas rêvé.

« Mais, je ne suis pas folle, c’est bien un kangourou ? » se dit-elle.

Effectivement, à mesure qu’elle s’approchait, elle distinguait de plus en plus nettement, non pas un, mais une dizaine de kangourous qui gambadaient autour de nouveaux arbres : les arbres « K ». Les plus petits ressemblaient à cela :

 

k

 

      Quand ils avaient atteint leur taille adulte, ils étaient plutôt comme ça :

 

 

K

 

      Dans leurs branches, Juliette aperçut très distinctement des petits koalas qui grimpaient doucement jusqu’aux feuilles juteuses qu’ils convoitaient. A côté des kangourous, quelques koudous se promenaient paisiblement en broutant les touffes d’herbes qu’ils trouvaient. Juliette avait déjà compris quelle était la particularité de ces arbres : ils accueillaient volontiers les animaux dont les noms commençaient par « K » : les kangourous, les koalas et les koudous.

      Mais Juliette n’avait pas tout de suite vu que chaque arbre « K » était entouré d’un cercle d’eau, un peu à la manière des douves d’un château. Quand elle fut à quelques mètres de l’un d’entre eux, un cri fantastique se fit entendre. On aurait dit le mugissement d’un taureau mêlé au glatissement d’un aigle. L’eau qui entourait l’arbre « K » duquel Juliette s’était approchée se mit à bouillonner puis, soudain, d’immenses tentacules émergèrent et s’agitèrent comme pour attraper quelque chose. Le cri se fit de plus en plus fort, de plus en plus strident, presque assourdissant et, enfin, le bec d’une énorme pieuvre sortit de l’eau en claquant de façon spasmodique.

      Un énorme tentacule allait saisir la cheville de Juliette quand Marie, qui arrivait par derrière, alertée par le bruit infernal du monstre, l’attrapa par les épaules et la fit reculer.

      « Eh bin, t’as eu chaud ma vieille branche ! Heureusement que j’étais là ! s’exclama Marie.

      - Oui, merci Marie, j’ai eu tellement peur que je ne pouvais plus bouger, répondit Juliette encore un peu choquée.

      - J’ai reconnu ce monstre Juliette, c’est un Kraken, une pieuvre géante. Je pense savoir ce qu’il veut. Ces bêtes-là aiment les bateaux, elles les emportent au fond de l’océan, expliqua Marie.

      - Où veux-tu qu’on trouve un bateau à lui donner pour le calmer ? répondit Juliette intriguée.

      - Mon père fait du modélisme, il a des tas de bateaux en modèle réduit. Je vais en prendre à la maison et les ramener ici, proposa Marie.

      - Excellente idée ! Mais ton père va être fou furieux ! s’inquiéta Juliette.

      - Peut-être au début mais ce qu’il préfère, c’est les construire. Une fois terminés, il ne s’y intéresse plus. Alors en un certain sens, je vais plutôt lui rendre service : il pourra refaire tous les modèles qu’on va donner au Kraken ! s’amusa Marie. »

      Sur ces mots, elle partit en courant et revint au bout d’une heure avec une brouette remplie de petits bateaux.

      « Allez, donne-lui une goélette Juliette ! s’écria Marie. »

      Juliette saisit la goélette que Marie lui tendait et la lança en direction du bec du Kraken qui continuait à remuer ses tentacules. Il ouvrit tout grand son ignoble clapet qui lui servait de bouche et l’avala d’un coup. Il poussa quelques grognements et émit d’horribles gargouillis. Juliette et Marie pensaient qu’il était satisfait. Mais au bout d’une minute, il recracha la goélette en mille petits morceaux !

      « Ah parce qu’il est difficile en plus ! Il ne lui faut pas n’importe quoi ! Qu’est-ce que tu veux grosse serpillère, une brigantine ? Tiens, avale ! » le provoqua Marie en lui lançant elle-même le modèle réduit de brigantine.

      Malheureusement, la brigantine connut le même sort que la goélette et finit en mille morceaux crachés par le Kraken. Et bien d’autres suivirent le même chemin : drakkar, felouque, galion... Tous retrouvèrent la forme qu’ils avaient à l’origine : des pièces détachées.

      « Marie, tu es sûre que c’est la bonne solution ? demanda Juliette.

      - Attends, j’ai une idée. Tu vois ce modèle ? C’est un ketch. Lance-lui, conseilla Marie. »

      Juliette comprit l’idée de Marie et s’exécuta. Le Kraken reçut le ketch dans son bec et, cette fois, fit entendre un long gémissement qui semblait un peu moins agressif que les précédents. Au lieu de recracher le bateau, ses tentacules s’enfoncèrent dans l’eau et, finalement, sa tête et son vilain bec disparurent. Il voulait un bateau dont le nom commençait par « K » !

      « Marie, tu as eu une idée géniale. Bravo ! hurla Juliette.

      - Oui, et maintenant, il ne nous reste plus qu’à ramasser tous les petits morceaux pour les rapporter à mon père... répondit Marie sur un ton désespéré.

      - Hmm, ça va bien coller avec la bave du Kraken ! rit Juliette. »

      Et les deux fillettes partirent d’un grand éclat de rire, presque aussi strident que le cri du Kraken.

 

 

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JeannieC.
Posté le 04/08/2024
Quelle faune par ici ! Les kangourous, les koalas, les koudous - et j'ai assez vite vu venir ensuite le kraken héhé. Toujours sympa ce duo entre la curieuse Juliette et la futée Marie qui trouve de bonnes idées.
Paul Genêt
Posté le 05/08/2024
Cette histoire-ci a beaucoup plu à ma fille pendant un temps. Mais elle a été supplantée par d'autres parmi les suivantes depuis.
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