Les buissons, ça pousse

Scorbut, c’était sans doute l’être le plus étrange qu’on pouvait trouver à des kilomètres à la ronde. Voire des centaines de kilomètres. Mo espérait même très fort qu’il soit le plus détraqué de la planète. Elle n’aurait pas voulu tomber sur pire que lui pendant leur petite quête.

— Et ça, disait-il, c’un buisson. Ça pousse et tout. Bon, d’fois, ça pousse pas. Et on en fait d’bois. Mais c’lui là, il pousse.

Mo commençait à avoir très mal au crâne. D’autant que les montagnes n’approchaient clairement pas assez vite.

— Et ça, ça ! Ça, c’un caillou. J’aime bien l’cailloux.

Finalement, il dut décider qu’il avait fait le tour des choses à voir sur leur planète. Il se tourna vers Mo avec un énorme sourire. Un peu terrifiant, le sourire.

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Les deux étrangers, là, ils écoutaient tout ce qu’il avait à dire. C’était vraiment trop bien. D’habitude, quand il voulait raconter des trucs aux gens, les gens, ils lui jetaient des machins. Bon, des fois, c’était des machins cools. Comme des cailloux.

Scorbut regarda l’étranger qui faisait le double de sa taille. Celui qui parlait pas et qui avait une barbe orange.

— Vous v’nez d’où ? demanda-t-il à l’autre, la plus petite.

Il aurait bien demandé pourquoi elle avait pas de cheveux. Mais il se souvenait vaguement de la Grande Ancienne qui avait dit un jour qu’on demandait pas des trucs comme ça. Elle lui avait ajouté rien qu’à lui que quand on avait une tignasse qui ressemblait à un nid d’oisillons, on la ramenait pas sur les coiffures des autres. Elle savait parler trop bien, la Grande Ancienne !

— De…

Elle tourna la tête vers le géant, haussa les épaules.

— D’un peu partout.

— C’est où, ça, partout ?

— Partout.

Scorbut réfléchit un moment à ce partout. Ça semblait trop cool.

— C’trop bien qu’vous soyez v’nus sur la boule.

Sa remarque rencontra un silence.

— Quelle boule ?

— La boule.

Il vit la voyageuse froncer les sourcils.

— Bah ici, quoi. La boule.

— C’est ton village qui s’appelle comme ça ?

Scorbut partit d’un éclat de rire. Et après, c’était les autres qui disaient qu’il était bête. Ceux-là, ils étaient encore plus crétins que lui !

— C’est tout ça, là, la boule.

— Les montagnes ?

— Non. Tout ça.

— La planète ?

Il sourit de toutes ses quarante-deux dents. Ils étaient quand même un peu lents.

— Parce qu’elle a l’forme d’une boule, quoi.

— Logique.

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Mo commençait à avoir chaud. Cette planète avait un climat beaucoup trop désertique pour elle.

— Et vous v’appelez comment ? demanda Scorbut.

Mo avait très envie depuis une bonne heure de lui dire qu’ils arriveraient très bien tout seuls aux montagnes. Dommage qu’on l’ait trop bien éduquée.

— Mo, dit-elle. Et ça, c’est Pupuce.

Scorbut balada son regard d’elle à son compagnon de voyage et de lui à elle. Elle soupira, elle savait très bien ce qu’il allait dire. Elle avait l’habitude avec Pupuce.

— C’est bizarre comme nom, ça. Mo.

Elle en resta sans voix. C’était bien la première fois qu’on lui faisait ce genre de réponse. Elle leva la tête vers Pupuce, perçut un léger pli dans sa barbe. Il était en train de se gausser.

— C’est assez répandu, dit-elle.

— Pas ici, affirma Scorbut.

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Pupuce admirait le paysage. Jamais encore, il n’en avait vu un aussi sableux. C’était sympa, le sable. Mais il n’était pas sûr que ses bégonias auraient bien poussé dedans. Peut-être qu’il pourrait en ramener. Pour essayer.

Cela dit, il y avait plein de buissons. Il aimait bien les buissons. Sauf qu’ils semblaient un peu morts. Il n’aimait pas trop les buissons morts.

Il se gratta la barbe.

Il ne savait pas trop où ils allaient, pourquoi ils y allaient ni qui était le maigrichon, là, avec un nid à piafs sur la tête. Mais Mo semblait savoir.

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— Les v’là ! Les v’là !

— Oui, je vois ça.

Scorbut était littéralement en train de bondir sur place. C’était très étrange comme spectacle. Mo s’éloigna un peu, par précaution.

— Enfin, elles sont encore très loin.

— Oh non ! Tout à côté à côté ! On y s’ra ce soir !

Elle leva la tête vers le soleil qui cognait de plus en plus fort. Et qui était surtout encore très haut dans le ciel. La journée n’en était même pas à sa moitié.

— Peut-être qu’on peut le trouver ailleurs, ce gaz, marmonna-t-elle.

Elle se tourna vers Pupuce. Ça aurait été bien qu’il lui serve une solution toute prête qui ne l’obligerait pas à se cramer encore une demi-journée au soleil. Mais il était surtout très intéressé par un buisson. Elle le regarda cueillir une feuille, la renifler, la mâchonner. Elle espérait très fort que cette fois, il ne tomberait pas malade.

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Scorbut regardait les montagnes. Elles étaient quand même vachement trop hautes. Depuis leur village, elles semblaient toutes-toutes petites.

Du coup, personne ne venait jamais ici. Parce que c’était trop loin. Et parce qu’elles étaient trop hautes.

Enfin, personne à part les prêtres, là, le jour de l’offrande. Il aurait pas voulu être une offrande ! Un jour, il avait entendu que l’offrande, elle se faisait manger toute crue ! Il trouva cette image très cool et décida de la raconter aux voyageurs.

Ils réagirent assez bizarrement.

Enfin, la plus petite réagit bizarrement. Le plus grand resta à mâchouiller la feuille du buisson.

— Manger toute crue par qui ?

— Bah…

Scorbut hésita un peu. C’était une histoire trop cool et elle, elle donnait l’impression que ça ne l’était pas.

— Le Grand Ver des Sables.

Il se tourna vers la montagne.

— Il vit là-bas. C’est vraiment trop bien !