Les charognards

Par Sebours

Afin d’organiser la défense de l’empire de Batumia, l’organisation militaire elfe a affecté un territoire géographique à chaque corps de son armée. Des casernes à même d’accueillir les légions humaines ont été bâties dans chacune des quatre grandes villes du royaume Zulla, Baroma, Miul et Panamantra. Les quatre cités majeures disposent d’effectifs d’environ 850  000 soldats répartis ainsi.

  • 20 régiments équestres (14 080 cavaliers) répartis en 5 régiments de cavalerie, 5 régiments de dragons, 5 régiments de chasseurs à cheval, 5 régiments de hussards (3 520 cavaliers pour chaque corps).

  • Les compagnies d’archers elfes de chaque ville qui correspond à 10 % de la population de la cité. Cela représente 40 000 archers pour Zulla, 24 000 pour Miul et Baroma, 18 000 pour Panamantra et un peu plus de 2 000 pour Anulune.

  • Les peuples alliés doivent alimenter leurs régiments afin qu’un effectif constant de 200 000 soldats soit assigné à chacune des quatre capitales régionales.

  • A l’origine, cinq légions humaines stationnaient dans chaque ville. Suite à la croissance démographique des derniers nés de Nunn, dix légions (600 000 soldats).

    Une cinquième caserne plus modeste a été construite à Anulune, première colonie annexée de l’empire. Elle dispose d’un régiment de cavalerie (704 cavaliers), d’une compagnie de 2 000 archer elfes et de cinq régiments de peuples alliés (10 000 soldats). Aucune légion humaine n’a été assigné à cette cité.

Organisation de l’armée elfe

Traité sur les sociétés du bouclier-monde

du maître architecte Vinci

Même en mer, à bord des nouvelles frégates de combat, Epiphone n’avait jamais connu une sensation de vitesse si grisante que sur le dos de ce manticorne. Chaque jour, Dame Nature parvenait à la surprendre à nouveau. Les étranges fauves à tête de nains avaient ainsi galopé à brides abattues dans l’inframonde et en une demi-journée la Grande Timonière et ses mille shardanes, ainsi que son fils, le prince Hector et ses cinq mille fianna se retrouvaient aux portes de Zulla. La princesse d’Anulune la meurtrie restait fidèle à ses promesses. Un mélange d’angoisse et d’excitation chamboulait son cœur car pour la première fois de leur existence, les peuples de la mer et des forêts portaient un conflit armé hors de leurs terres avec leurs troupes d’élites.

Dans cette opération osée, les guerriers pasteurs et les guerriers chasseurs n’étaient cependant pas seuls. Nomrad, la matriarche du clan avait, semblait-il, préparé de longue date cette attaque de Zulla. Si l’ost innombrable des Marteaux d’Airain gardait le monolithe fendu de la passe des montagnes noires, Tordur attendait impatiemment leur arrivée pour s’engager dans la bataille avec une petite troupe. Un groupe de nains étranges, coiffés de crânes de tigres à dents de sabre se tenait à l’écart tandis que les autres piochaient déjà pour atteindre la surface.

Au premier trait de lumière qui déchira le plafond de terre, Tordur ordonna l’arrêt du percement. Un demi-ogre tout au plus passait par l’ouverture. Il était temps pour le prince Hector de mettre à profit les connexions qu’il avait développées au cours de son séjour dans la capitale elfe. Les faubourgs qui s’étendaient comme tache d’huile ne possédaient pas de murailles ni de portes de garde. Epiphone et son fils s’extirpèrent de la galerie et pénétrèrent dans la cité en toute discrétion. L’hybride conduisit sa mère à travers un dédale de ruelles plus grises et crasseuses les unes que les autres. Comment pouvait-on vivre dans une fange pareil sans voir la lumière du soleil et les couleurs chamarrées de la nature ? Puis ils traversèrent une grande place qui glaça le sang de la princesse meurtrie d’Anulune. Ce lieu n’était qu’effroi et horreur. Elle frémissait devant le macabre spectacle d’hommes et de femmes empalés sur des pieux ensanglantés. La grande timonière comprenait peu à peu pourquoi les derniers nés de Nunn ralliaient si facilement la bannière de la déesse.

Après une labyrinthique randonnée dans les bas-fonds de Zulla, la dryade et son fils pénétrèrent dan un discret bâtiment. Une foule cosmopolite et bruyante accueillit Hector comme un milord. Au bar, on tira davantage de bière pour fêter le retour de Cul de bouteille. De joyeux drilles sortirent violons et harmonicas pour célébrer son retour. Ces marques d’affections envers son enfant provoquèrent un pincement au cœur d’Epiphone. En haut de l’escalier, un vieux boiteux à la mine patibulaire s’appuya sur la rambarde. « Par les bourses de Batum-Khal ! Cul de Bouteille ! Monte donc ! Nous avons à parler ! » Le prince expliqua à sa mère, qu’ils allaient monter au Paradis, l’équivalent de la salle du trône pour la ligue des ombres. Ome lui avait révélé que Igor le boiteux, l’homme qui les invitait à monter en était devenu récemment le grand coësre. Le chef de l’organisation criminelle invita les visiteurs dans ses appartements pour discuter à l’abri des oreilles indiscrètes. La ligue des ombres était prête à participer au pillage de la ville haute. Par contre, ils ne participeraient à aucun combat. Il fallait donc ouvrir les portes des différentes enceintes concentriques de la cité. Fort de ce soutien, Hector emmena sa mère à quelques pas de là, à une grande porte gardée par deux centaures.

« Bonjour vigile ! Saurais-tu par hasard où se trouve votre chef, Délos ? J’ai une missive à lui transmettre. »

« L’est parti à la passe des montagnes noires avec toute l’armée ! »

« Et comment puis-je lui transmettre mon message ? »

« T’as qu’à voir son épouse, Thérée si t’as un message. Vas-y, passe ! Dépêche, sale dernier né ! Son écurie, c’est la troisième à gauche, juste avant la muraille. »

Hector et Epiphone se rendirent donc au lieu indiqué et rencontrèrent la compagne du chef des centaures. Elle se souvenait bien des visites du jeune hybride et des engagements mutuels que celui-ci avait pris avec son mari. Elle promit d’ordonner à ceux de son peuple de laisser passer les armées naines et élémentaires sans opposer de résistance. En échange, Epiphone garantit un bon accueil dans les plaines dryades et les forêts satyres à tout centaure avide de retour à la nature.

Le prince et la grande timonière progressèrent ainsi d’enceinte en enceinte, d’alliance secrète en alliance secrète jusqu’au cercle des licornes où seuls demeuraient les poulains et les juments enceintes. Tout était en place pour la mise à sac de la ville haute. La princesse d’Anulune jubilait à l’avance du coup de poignard qu’elle allait porter au cœur même du plus puissant empire du bouclier-monde. Toutes ses pensées la ramenaient à Iphigénie et Nicéphore. Elle se délectait du goût sirupeux et enivrant de la vengeance. La mère et le fils, tous deux enfants de la rage autant que de la déesse retournèrent promptement retrouver leurs troupes. Hector harangua les guerriers qui piaffaient d’impatience.

« Soldats ! Les armées de Zulla sont loin d’ici, dans la passe des montagnes noires ! Les portes nous sont ouvertes jusqu’à la ville haute ! Vous connaissez tous vos objectifs !Il est temps pour les elfes de payer ! »

Le tunnel donnait immédiatement sur les faubourgs de la capitale. Tous les guerriers sortirent de terre avec l’intention d’en découdre. Ils n’étaient pas nombreux, mais ils représentaient l’élite militaire des trois peuples. Pour cette attaque ciblée, leurs compétences valaient plus que leur masse. La grande timonière fut surprise par l’apparition d’anophtalmes jusqu’alors cachés au fond des galeries. Des nains chevauchaient ces demi-ogres sans yeux pour les guider. Quelle mission voulait donc leur assigner Nomrad ? Les colosses ouvraient la voie. Les shardanes d’Epiphone et les fianna de Hector leur emboîtèrent le pas. Derrières eux, les derniers nés de Nunn, sans doute membres de la ligue des ombres les accompagnèrent. La princesse guerrière remarqua l’absence de Nomrad et des étranges nains à crâne de tigre dent de sabre. C’était Tordur qui menait les rangs des Marteaux d’Airain. Sans doute la matriarche visait-elle une autre cible.

Les quelques centaures encore présents dans la capitale n’opposèrent aucune résistance à l’envahisseur, pas plus que les cynocéphales ou les licornes. Tous arrivèrent devant les remparts de la ville haute sans heurts. A la vue de cette incursion, les elfes fermèrent les portes. Les guerriers pasteurs s’alignèrent le long des murailles et commandèrent l’eau des douves protégées par les gorgones. Avec leur pouvoir hydrokinésique sur développé par les années d’entraînement, les shardanes soulevèrent l’immense masse liquide et la déversèrent dans le centre névralgique de la cité. Suite à cette inondation soudaine, des cris montèrent de derrière les remparts. Puis les troupes dryades d’élite rappelèrent les flots qui défoncèrent les huis. Le mouvement avait été prémédité de longue date. Cette tactique noyait les gardiens cachés derrières les protections et laissait l’accès libre de toute opposition.

Par précaution, les guerriers pasteurs constituèrent un tunnel de protection pour pénétrer en toute sécurité dans le saint des saints de l’empire elfe. Une fois dans les rues de Zulla, chaque soldat d’Epiphone forgea son propre marteau-pilon aquatique et commença à détruire toute construction à sa portée. Des elfes tentèrent de se rebeller, mais le temps de détourner le regard, ils furent pétrifiés par les gorgones.

Les derniers de Nunn, tel des charognards déferlèrent alors dans la ville haute pour la mettre à sac. Ils étaient innombrables. Une véritable marée humaine envahit le pavé lisse et propre des quartiers elfes. Pour la grande timonière, ils ne valaient guère plus que des bêtes sauvages. Ces rustres rentraient dans les maisons en poussant des cris de loup et ressortaient les mains ensanglantées et débordant de richesses. Ils éliminaient sans pitié les elfes tentant de s’opposer. Sans doute guidés par les membres de la ligue des ombres, les hommes pratiquaient un pillage méthodique. Les bras ne manquaient pas pour en rapatrier le fruit dans les quartiers pauvres. Les proscrits se vengeaient d’un siècle de ségrégation et d’assujettissement. Face à une telle manifestation de violence et avec l’impossibilité de faire face efficacement, les elfes fuirent, abandonnant Zulla à toujours plus d’outrages et de malversations.

Les nains guidèrent les anophtalmes sur les parois du mur d’enceinte. Méthodiquement, les étranges attelages décélèrent les pierres pivots de l’emblématique construction défensive jusqu’à son effondrement tronçon par tronçon.

Les shardanes forgèrent alors de gigantesques charrues avec l’eau des douves et commencèrent à labourer les rues aussi bien que les maisons en ruine. Les pavés sautaient comme des grains de sables face aux immenses constructions hyrdokynésiques. Les fianna, les guerriers chasseurs d’Hector entrèrent alors en scène. Besace en bandoulière, ils essaimèrent dans les sillons des graines traitées avec leurs pouvoirs druidiques. Avec leurs frondes, ils projetèrent partout leurs germes magiques tandis que deux bardes prononçaient les formules accompagnées de leurs tambourins.

L’étrange coalition mit deux jours à atteindre le palais et une demi-journée supplémentaire à détruire l’orgueilleux édifice. Avec le soleil au zénith, Epiphone se plaça au sommet des décombres pour contempler leur œuvre. Une larme coula sur sa joue. Partout où son regard portait, la nature reprenait ses droits. Des arbrisseaux poussaient de manière anachronique. Demain, Zulla ne serait plus qu’une futaie et dans une semaine, une forêt impénétrable. Çà et là des points d’eau et des marécages rendaient l’espace paradisiaque pour les équidés. Les licornes et les centaures colonisaient déjà ce nouvel Éden. Hector et Tordur la rejoignirent sur son promontoire et ensemble ils célébrèrent leur victoire. L’adrénaline de la fureur du combat s’estompa. Alors la grande timonière s’interrogea. Où se trouvait donc la matriarche Nomrad ?

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