– C'est ça, Valentin, je te sais prêt à partir dans un monologue mêlant papillons et étoiles dans les yeux avec une dose de destinée... mais on n'a pas le temps, faut que j'aille en cours, tranche Émilie avec un brin de lassitude.
Faussement vexé, Valentin s'allume une Marlboro rouge avec son zippo, et se justifie en recrachant la fumée :
– Si on ne peut plus rêver ?! dit-il avec une mine boudeuse.
Puis ils se séparent. Émilie se dirige vers le bâtiment universitaire - une ancienne halle aux farines fraîchement rénovée dans le cru architectural du début du 21ème siècle, style parking - en faisant un signe de main à Valentin, resté à fumer sur le parvis. Emilie se met à courir quand elle voit Elise, et la rejoint juste au moment où Elise allait entrer sans elle.
– Désolée, je suis là.
Elise et Emilie passent devant deux jeunes hommes adossés à une structure métallique collée la porte du bâtiment en béton brut qui la toisent de haut en bas. L'un des deux, Alexis, est engoncé dans un sweat-shirt bleu turquoise avec le logo d'un groupe de rock des années 90, un jean trop grand et une vieille paire de baskets usée, la mine désabusée d'un adolescent attardé, avec un écouteur à l'oreille.
– Πφφφ, δεν είναι πραγματικά τρομερό ούτε αυτό...* dit l'autre, Costis, qui se tient droit dans une version cheap de smoking StreetWear, visiblement mal coupée pour sa morphologie.
*Du grec : Pfff, elle est vraiment pas terrible celle-ci non plus...
– Στην καλύτερη περίπτωση πρόκειται για έξι στα δέκα. Υπάρχουν μόνο άσχημα σήμερα!* ajoute-t-il, d'un geste de main, dédaigneux.
*Du grec : Au mieux, c'est une six sur dix... il n'y a que des moches aujourd'hui !!
Une jeune femme brune élancée avec des vêtements près du corps s'avance vers les deux jeunes Grecs, suivie de près par une copine à elle, plus ronde, avec un style plus enfantin, moins sexy. Le grec étriqué dans son costume se retourne sur la grande. Ses yeux noirs s'allument, il siffle en fourrant ses deux doigts dans la bouche, et s'exclame :
– Ουάου! Αυτό είναι ένα δέκα αυτό...*
*Du grec : Wouahou ! C'est une dix celle-là...
Puis, au moment où elles ont disparu dans l'amphithéâtre, et qu'on ne les voit plus que de dos, il fait en direction de son pote :
– Σχεδόν έντεκα στα δέκα, βλέπετε τον κώλο του?!*
*Du grec : C'est presque une onze sur dix, t'as vu son cul ?!
***
Dans l'amphithéâtre, les deux Grecs s'installent au dernier rang. Ils se lancent dans un empilement aléatoire d'objets, le but semble être d'en rajouter un sans faire écrouler la pile.
Guillaume Colza commence son cours.
– Aujourd'hui, j'ai décidé de vous parler de l'effet papillon. Je pense que vous connaissez tous le truc du battement d'ailes d'un papillon au Brésil pouvant déclencher une tornade au Texas, mais j'crois que peu d'entre vous savent vraiment ce que ça veut dire.
Il fait une bulle de chewing-gum tout en visualisant les déboires sentimentaux de Solène depuis son adolescence, pris d'un regret soudainement justifié de lui avoir promis de rester chez lui jusqu'à ce qu'elle trouve chaussure à son pied. Puis il continue son cours :
– Beaucoup croient que c'est qu'une petite chose peut avoir de grands effets, un peu comme si votre sœur vous demandait un petit service comme de l'héberger pendant quelques jours. Ce que bien sûr, vous acceptez, c'est le battement d'ailes du papillon, et que tout à coup vous vous rendiez compte que ça implique de l'avoir sur le dos pendant des années... la tornade au Texas.
Une étudiante, caricature d'intello à grosses lunettes rondes, avec deux tresses et un petit col de chemise propret, l'interrompt, la bouche pincée, avec une once d'impatience :
– Monsieur... excusez-moi, est-ce que vous pourriez nous donner EXACTEMENT la définition de l'effet papillon au lieu de digresser ?
– Hum, vous êtes prête à noter Mademoiselle ?
– Oui, répond la jeune femme avec les mains sur le clavier de son ordinateur et son plus grand sérieux.
– Alors go : L'effet papillon est une illustration de l'imprévisibilité des systèmes dynamiques déterministes et sensibles aux conditions initiales. C'est bon, vous pouvez rentrer chez vous le cours est fini, ironise Guillaume dans un large sourire, en provoquant l'hilarité générale, sauf de la jeune femme.
– déterministes et sensibles aux quoi ?? vous pourriez répéter la fin de la phrase s'il vous plaît ?
Nouvelle hilarité de l'amphithéâtre.
– BADABOUM !!
La tour d'objets hétéroclites des deux étudiants grecs s'effondre à grand bruit. Le jeune prof sourit en direction des fautifs en train de s'activer pour ramasser.
– L'un de vous deux, veut-il répondre à la demoiselle ?
– Répondre à quoi ? fait moins timoré des deux.
– Tu veux donner la définition de l'effet papillon à ta camarade ?
– Oh, moi non, mais mon pote va te la donner sans problème ta définition... continue-t-il tandis que l'amphi retient son souffle devant cette insolence.
– Je t'écoute, le pote...
– Euh... l'effet... euh.. papillon ? demande le timide avec les oreilles rosissantes.
– Ouais... celui-ci.
– C'est dans la théorie du chaos, quand les systèmes sont dynamiques, une infime variation des conditions initiales va générer une grande variation au bout d'un temps long. Le gars qui a parlé de l'effet papillon, c'était Lorenz, à une conférence en 75... euh non... en 72 ! Il avait appelé son truc « Predictability: Does the Flap of a Butterfly's Wings in Brazil Set off a Tornado in Texas? » il parle d'un flap of butterfly's wing, mais c'était son image littéraire. Je crois que c'était la forme de son graphique où il avait arrondi les conditions initiales, c'est une histoire jolie. C'est pour dire qu'on peut pas prédire le weather dans le temps long. Euh la météorologie comme vous dites en français.
– Ouep. T'as noté la grincheuse du premier rang ? conclut Guillaume juste après avoir éclaté une bulle de chewing-gum d'une façon sonore.
L'étudiante, studieuse, lève la tête en direction du professeur :
– J'ai tout écrit ! Je vous en prie, vous pouvez continuer votre cours Monsieur...
J'ai bien aimé ce chapitre ! Maintenant que les personnes sont bien identifiés, je profite du texte et de tes supers idées !
Juste un point de détail : je ne pense pas que ce soit nécessaire de mettre ce que l'intello écrit sur son cahier, ça répète un peu ce qui a déjà été dit.
J'ai beaucoup aimé les différents personnages, ils sont variés et donnent de la vie à la scène. Guillaume est un professeur amusant (en commençant par son nom de famille). J'aime bien le fait qu'il pense à sa soeur en donnant cours, ça fait du lien avec le premier chapitre tout en nous montrant son pdv sur la situation.
En plus le concept de l'effet papillon est passionnant donc cool d'en parler dans ton histoire (=
Je continue !
Le contenu de ce qui est noté sur l'écran d'ordinateur c'est effectivement redondant. J'ai surtout rédigé quelque chose pour ne pas que ça soit "vide" au premier plan de l'image, où on voit la fin de ce chapitre littéralement à travers ses lunettes, d'abord le cours sur l'ordinateur puis le professeur en plus petit, derrière. C'est pas vraiment pour donner + d'informations mais plutôt pour "imager" la rigidité de la jeune fille. Je peux le supprimer, oui.