Il est un peu trop grand pour notre monde. Mais quand il traverse le Royaume, tout fait sens. Il n’est pas trop grand. Il est juste ce qu’il faut de grandeur pour recevoir celle des autres.
Il m’a prise par la main lors d’une nuit qui respire trop fort et il a réveillé quelque chose en moi d’un peu perdu. Comme un câlin silencieux qui ose se blottir au fond de l’âme.
Il est grand mais c’est pour te serrer grand.
Aussi grand que ton cœur,
avec tout ce qui déborde.
Il est un peu nonchalant. Avec ses longues jambes envahissantes qui ne s’excusent pas d’exister, mais ne te piétinent pas pour autant.
Tu les connais, ces jambes qui débordent ?
Celles qui font de la place, même sans t’inviter.
Elles s’étalent sous la table trop étroite pour lui.
Lorsqu’elles te frôlent, elles ne se retirent pas. Au contraire.
Son grand corps plonge en avant, il se voûte et s’abaisse.
Ses mains, plus douces que son ombre, disparaissent sous la table.
Il tire sur l’ourlet de ton jean usé pour qu’à ton tour tu puisses t’étaler.
Et même, si tu voulais,
tu pourrais,
poser tes chevilles croisées,
sur ses genoux écorchés.
Des jambes-refuges qui empiètent avec tendresse.
Comme pour amadouer sans l’avouer.
Comme un regard en coin qui se détourne aussi vite.
Trop longues pour être repliées,
trop vraies pour rester tranquilles.
Des jambes qui oublient d’être sages
qui s’étirent dans l’infini d’un après-midi d’enfance.
Ces grandes jambes ne demandent rien.
Elles débordent.
Elles débordent comme un rire qu’on n’attendait plus.
Un cadre intime où chaque geste est décrit avec délicatesse. Les mots, choisis avec un grand soin, semblent nous effleurer, nous caresser.
Et puis encore et toujours ce mystère : qui est ce "je " ? Et à qui parle-t-il ? À qui appartiennent ces grandes jambes ? Là réside toute la force du Royaume selon moi : le Royaume, nous le façonnons peut être par notre interprétation.