Au Royaume,
la propreté est un idéal
depuis longtemps balayé.
Et lorsque l’on marche pied nu,
ça croustille, ça picote, ça se colle.
Sous tes pieds,
ce que tu as foulé,
exploré
et gardé sans le savoir.
Des miettes qui dérangent
et font râler
quand on voulait
montrer patte blanche.
Des miettes communes
qui voyagent d’un pied à l’autre.
Des miettes-ponts.
Elles prennent la forme
de ta voûte plantaire
et s’y logent plus longtemps.
Elles chatouillent les orteils
comme un cri d’enfant.
Des fragments qui grattent
comme une parole avalée de travers,
un silence trop long dans une cuisine.
Et même des miettes de pied
qu’on finit par retrouver dans nos cheveux.
Au Royaume, on les trouve beaux
ces petits morceaux de rien.
Ce n’est pas de la saleté.
C’est de la poussière
qu’on honore.
L'image des miettes comme "souvenir" du passé qui reste en nous, accroché, que l'on peut sentir, qui nous dérange presque... C'est unique, marquant, exactement comme on aurait pu s'y attendre après avoir lu les poèmes précédents.
Ce thème fort mêlé à une image qui semble si naïve, si candide... C'est remarquable.